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« Qui veut venir avec moi voir à Ispahan la saison des roses, consente au danger des chevauchées par les sentiers mauvais où les bêtes tombent, […] Qui veut venir avec moi voir apparaître, dans sa triste oasis, au milieu de ses champs de pavots blancs et de ses jardins de roses, la vieille ville de ruines et de mystère, avec tous ses dômes bleus, tous ses minarets bleus d’un inaltérable émail […] »
(Pierre Loti, Vers Ispahan)
Située au centre du pays, la province d’Ispahan est la cinquième plus grande province d’Iran. Elle abrite une trentaine de villes dont les plus importantes sont Ispahan, Kâshân, Najafâbâd et Golpayegân. Choisie comme capitale par le souverain safavide Shâh Abbâs Ier, Ispahan reste la plus connue. Son surnom, « nesf-e jahân », expression signifiant « la moitié du monde », a vocation à souligner la beauté exceptionnelle de cette ville. En son cœur se trouve la place Naqsh-e Jahân (« image du monde »), avec ses palais et mosquées à l’architecture exceptionnelle. Moins connue, la ville de Khomeiny Shahr n’en recèle pas moins des sites historiques d’une grande beauté.
Appelée Homâyounshahr sous le règne du roi Rezâ Shâh Pahlavi, la ville a été rebaptisée Sedeh avant la Révolution islamique de 1979. Située à 12 kilomètres au nord-ouest d’Ispahan, elle est entourée des montagnes de Mahmoudâbâd, Saleh (ou Sala) et Seyed Mohammad. L’ancien nom de la ville provient de Seh-Dej, qui signifie « trois forteresses » en persan car la ville était une place forte sous la dynastie des Sassanides (224-651). Elle comporte aussi un temple zoroastrien au sommet d’une montagne portant le même nom.
Parmi les cinq districts qui constituent la ville, on peut en discerner trois principaux, d’où le nom de Sedeh : Khouzân (ou Khizoun), Foroushan (ou Parishan) et Varnosfaderan (ou Venesfohoun). Khouzân est dérivé du mot « Khouz » qui désigne une ethnie dont le territoire s’étendait dans une région montagnarde de la Mésopotamie jusqu’au plateau iranien. Parishan est peut être l’abréviation de Parivashan, car il aurait été fondé à l’époque sassanide par une femme nommée Parivash. Varnosfaderan pourrait être à l’origine une combinaison de « Varnous » et « Azaran ». Varnous est le nom d’une ethnie dont les hommes comptaient parmi les guerriers les plus braves de Malek Shâh appartenant à la dynastie des Seldjoukides. Azaran évoque « Azar », le feu qui avait une place centrale dans les croyances de l’époque préislamique. Soulignons qu’à Khouzân se trouve un quartier appelé Kohan Dej (« vieille forteresse » en persan). Selon certains documents et sources historiques, lors de la conquête d’Ispahan par les Afghans (1725), un long tunnel souterrain reliait Kohan Dej à Atashgah. Il était traversé par les soldats pour arriver au sommet de la montagne. Ainsi, les Afghans ne purent conquérir les trois forteresses de Khouzân, Parishan et Varnosfaderan, principalement en raison de la résistance des habitants de cette région.
Histoire
La plupart des événements historiques qui se sont déroulés à Khomeiny Shahr se sont produits sous l’influence de ceux qui ont affecté Ispahan. Pourtant, le fondement de cette ville remonte à l’époque des Sassanides, et Kohan Dej était probablement une capitale régionale de cette dynastie. Les habitants de Khomeiny Shahr parlent un dialecte qui s’appelle Velayati (ou Velati), et qui est très proche du moyen perse parlé sous les Sassanides. Bien que ce dialecte soit encore parlé par une partie de la population, surtout à Varnosfaderan, il est en train de disparaître malgré les efforts de la municipalité pour organiser des forums, des formations et des réunions pour encourager les habitants à continuer à le pratiquer. Cette région a maintenu son importance suite à l’arrivée de l’islam ; la Grande mosquée de Khouzân en étant sans doute le meilleur témoin. L’existence de cette Grande mosquée (masjed jâme’) est la preuve que cette région était une zone urbaine, car les villages en étaient ordinairement dépourvus.
Bénéficiant de l’un des climats les plus tempérés de la province d’Ispahan et disposant d’une terre fertile, Khomeiny Shahr est connue pour la qualité et la diversité de ses produits agricoles, notamment ses poires et ses cerises. Les jardins sont irrigués par la rivière Zayand-e Roud et les ruisseaux qui en sont issus.
Les monuments historiques
Comme partout dans la province d’Ispahan, Khomeiny Shahr compte de nombreuses mosquées comme Ladéré, Gârdar, Abolbarakât, Aghâ Ali Akbar, ainsi que des bains célèbres comme celui de Darb Seyed. Il faut également citer la montagne Atashgah, le grand édifice historique des Zehtab à Kouzan, la maison du Colonel Sedehi, la maison historique des Khalili ainsi que celle des Norouzi.
Rôle scientifique et universitaire
Khomeiny Shahr est également un pôle universitaire et académique important de la province. L’université Azâd, l’université de Technologie d’Ispahan, l’université Payâm-e Nour d’Ispahan, la Cité des sciences et des recherches, ainsi que le premier parc du développement scientifique et technique de l’UNESCO au Moyen-Orient, ainsi que les universités Raqeb, Feyzol Eslam, ou encore Jahad Daneshgahi y sont présentes.
Situation industrielle et professionnelle
Parmi les industries les plus importantes de cette ville, il faut citer l’industrie du découpage de la pierre, la mosaïque, la menuiserie, la céramique, l’émaillage. Ces activités ont valu à Khomeiny Shahr le surnom de « capitale de la pierre d’Ispahan ». La plupart des usines de découpage de la pierre se situent dans la cité industrielle de Mahmoud-Âbâd et de Do-Shakh.
Les personnalités nées à Khomeiny Shahr
Khomeiny Shahr compte plusieurs poètes qui ont écrit des poèmes en Velati, le dialecte local. Parmi eux, citons Asghar Haj-Heidari, Saïd Biabanaki, et Khalil Baqban. Le Dr Abolbarakat (1930-1986) est issu d’une famille cultivée de Khomeiny Shahr. Très doué, il décida de partir à Ispahan pour apprendre les sciences religieuses. Il étudia ensuite la philosophie et le mysticisme auprès des maîtres comme le Sheikh Mofid et Haj Rahim Arbâb. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Histoire et la littérature d’Iran, un mémoire sur le divorce, un mémoire sur le commerce, un article sur les musulmans espagnols, ou encore un commentaire des deux premières sourates du Coran.
Le Dr Seyed Reyhan Zahir Mirdâmâdi est une autre personnalité renommée de la ville. Né dans une famille religieuse, il a fait ses études primaires et secondaires à Khomeiny Shahr, puis à Ispahan. Il a ensuite suivi des études de médecine à l’université de Téhéran. Spécialiste dans le domaine de la fertilité, il a commencé sa carrière de professeur au sein de cette même université. Il a également fondé un Centre de recherches médicales dans sa ville natale, Khomeiny Shahr. En tant que membre de l’Organisation mondiale des médecins, il enseigne actuellement à l’université de Sydney en Australie.
Le célèbre réalisateur, scénariste et producteur de cinéma Asghar Farhâdi est également né le 7 mai 1972 à Khomeiny Shahr. Après avoir obtenu un diplôme en arts dramatiques à l’université de Téhéran et une maîtrise de mise en scène théâtrale à l’université Tarbiat Modarres, il a commencé sa carrière au théâtre et au cinéma en tournant des courts métrage à la Société du cinéma de jeunesse d’Ispahan, avant d’écrire des scénarios pour des séries télévisées. Danse dans la poussière est son premier long métrage. En 2006, La Fête du feu obtient le Hugo d’or du Festival international du film de Chicago. Parmi ses principales œuvres, on peut citer À propos d’Elly, lauréat de l’Ours d’argent du meilleur réalisateur en 2009, Une Séparation, qui a reçu l’Ours d’or et les prix d’interprétation féminine et masculine, ainsi que le Golden Globe, le César et l’Oscar du meilleur film étranger, et Le Passé, qui fut son premier film en sélection officielle au Festival de Cannes. Ce dernier film a aussi été nommé dans plusieurs catégories des Césars et au Prix Louis Delluc. Le Client a aussi remporté l’Oscar du meilleur film étranger.