N° 75, février 2012

La signification des motifs à fleurs sur les armes et armures iraniennes


Arun Singh, Manouchehr Moshtagh Khorasani


Introduction

La prolifération des motifs à fleurs sur les armes et armures iraniennes trouve ses racines dans la période antique, et nous observons cette prolifération jusqu’à la période qâdjâre. Est-il possible d’identifier les motifs à fleurs récurrents sur les armes iraniennes et armures ? En outre, est-il important de comprendre leurs significations et les informations qu’ils transmettent ? En premier lieu, il faut souligner que la représentation de fleurs sur les armes et armures iraniennes est symbolique, on y retrouve des références cérémonielles, religieuses et décoratives, très répandues parmi les populations de l’ancien Moyen-Orient et déjà présentes avant la création de l’Empire perse établi par Cyrus le Grand. Cet intérêt pour les motifs à fleurs des peuples antiques a continué à se développer chez les Perses anciens pour finalement s’intensifier lors de la période moderne.

Origine

Les revêtements muraux de Ninive à l’époque d’Assurnazirpal (IXe siècle av. J.-C.) montrent que les motifs à fleurs stylisés jouaient un rôle important dans la signification des thèmes cosmologiques, ainsi qu’une signification cérémonielle et décorative.

Ceci est un motif utilisé par les artisans assyriens, commandé par leurs rois, associant d’autres motifs lourdement chargés avec une signification symbolique. Dans ce contexte, les motifs floraux ont été utilisés en association avec le prétendu "Arbre de Vie". Il s’agit d’un diagramme qui illustre les trois niveaux du monde dans la croyance des Anciens : tout d’abord le paradis, puis l’humanité et enfin le monde souterrain [1]. En effet, il représente l’axe du monde comme un arbre, entouré d’un type particulier de fleur. D’après Giovino, l’arbre sacré de Ninive pourrait être la représentation d’un chèvrefeuille [2] ; dans ce sens, il est intéressant de noter que le chèvrefeuille est un motif qui se répète dans l’art et les tapis persans jusqu’aux temps modernes. La fleur qui entoure l’ « Arbre de vie » sur ces revêtements muraux est, quand elle est stylisée avec des lignes dures, une représentation de l’étoile de Vénus, la déesse Ishtar assyrienne.

Revêtement mural montrant l’arbre de vie

« L’Arbre de Vie » est considéré comme représentant la force vitale. Le tronc est symbole du père, les branches celui des enfants [3]. Selon Spieckermann, la déesse Ishtar a été assimilée dans l’histoire religieuse d’Israël sous le nom de « Astarté » ; selon lui, c’est ce qui expliquerait le nom de « Astarté » dans les textes sacrés juifs [4]. Nous pouvons donc penser que l’utilisation des motifs floraux dans l’art persan peut exprimer des questions d’intérêts religieux et cérémoniels. D’un autre côté, dans le domaine de l’art, tout est question d’interprétation et pas nécessairement indicatif. De même, tout symbole peut avoir plusieurs conséquences différentes aussi bien directes qu’indirects [5]. Néanmoins, il reste possible d’identifier des thèmes clairs et redondants dans les motifs floraux ayant conservé la même signification malgré les changements historiques. Par exemple, pendant la période timouride en Iran, les tapis fabriqués portant des motifs floraux étaient une référence directe à l’idée du paradis des nomades mongols [6]. Il est évident que cette représentation rappelle fortement la conception d’Arbre Monde des Anciens. De même, il est important de souligner que les tapis timourides avaient des dessins géométriques. Ils ont été fortement stylisés pour ne pas avoir une ressemblance évidente aux fleurs, rappelant la culture persane, supprimée à cette époque [7].

Les motifs floraux se sont répandus à travers l’Empire perse jusqu’à la fin de la période sassanide. Les artisans de l’Empire sassanide utilisaient à la fois des motifs décoratifs et figuratifs, y compris les boucles florales, dans leur art. Ces boucles florales sont réapparues plus tard pendant la période safavide [8]. Toutefois, les stucs à plantes sont considérés comme caractéristiques de l’art sassanide [9]. La période safavide est considérée comme particulièrement importante. C’est pendant cette période que l’art iranien a connu une transformation. En effet, les motifs à feuilles ont été remplacés par une renaissance des motifs floraux. On retrouve en particulier cette évolution à Tabriz, où la dynastie safavide a été fondée au Xe siècle de l’Hégire (XVIe siècle). Initialement, les motifs floraux de l’époque safavide étaient dominés par des représentations de fleurs en pleine floraison. C’est pourquoi ce type de représentation florale est, en général, associé avec le nord-ouest de la Perse, plus précisément Tabriz et ses environs [10]. Les scènes de jardins en fleurs dépeintes pendant la période safavide sont en général associées avec l’idée du paradis [11]. Sous le règne des Timourides, les artisans de Herat créèrent le style de Herat, caractérisé par ses volutes et spirales en forme de fleurs [12].

On trouve de nombreux motifs floraux caractéristiques de certaines régions de l’Iran et de certaines périodes de l’histoire iranienne. Pour étudier la signification des motifs floraux sur les armes et armures de l’Iran, il faut noter l’utilisation de ces motifs sur d’autres objets, en particulier les tapis. Ceux-ci révèlent beaucoup d’informations sur le système utilisé par les artisans dans le choix de ces motifs. Mumford explique que la forme florale sur les tapis est typiquement persane, malgré l’influence manifeste d’autres régions et pays [13]. Ainsi il est possible de faire certaines déductions utiles à l’interprétation des motifs floraux sur les armes et armures iraniennes. Par exemple, les représentations florales qâdjâres sont en général identifiées par des petits enchevêtrements de motifs recouvrant complètement l’objet, avec des treillis de rosaces ou des fleurs. Il existe une représentation appelée gol-o-bolbol (la rose et le rossignol) associée à Fath ’Ali Shâh [14], où des fleurs et trois feuilles s’étirent vers le bas. On trouve les fleurs alignées dans la représentation kolâh [15]. Le style serâpi, originaire de la ville de Sarâb en Iran, est caractérisé par des vignes et des motifs floraux complexes. Il est presque similaire au style des peintres impressionnistes [16]. De cette façon, il est possible de rassembler beaucoup d’informations quant à la provenance des armes et armures iraniennes.

En continuant sur l’importance générale des motifs floraux, nous pouvons identifier un thème récurrent : celui de la création, de la mort et du passage entre le monde des vivants et des morts, qui persiste depuis les temps anciens. Partout dans le monde occidental, il est d’usage de jeter des fleurs sur les tombes. En Iran et dans les pays qui l’entourent, la pratique est de jeter des tapis à motifs floraux, appelés turbehlik. Les motifs floraux sur ces tapis signifient le souhait d’avoir une expérience béatifique dans l’autre monde [17].

Stèle de Shamsi-Adad V en train de prier

Il existe différents types d’inscriptions florales sur les armes et armures de l’Iran, appelées tarh. Le tarh de Fath ’Ali Shâh a déjà été analysé. D’autre part, le tarh de Shâh ’Abbâs est extrêmement important car on le retrouve très fréquemment. Ce tarh est unique car les vignes représentées, qui relient les fleurs, sont très fines, tandis que les fleurs elles-mêmes sont grandes et précises [18]. Un autre tarh essentiel est le tarh minâ khâni. Minâ Khâni était un souverain dans l’ouest de la Perse. Dans cette représentation, les fleurs sont reliées par des vignes en forme de losange, prenant alors la forme d’un diamant [19]. Nous pouvons également citer le tarh de Sardâr Aziz Khân, qui fut un administrateur de l’Azerbaïdjan (une province de l’Iran). Ce tarh est typique pour ses feuilles longues et allongées, pourvues de vignes ponctuées par des formes florales. Cette représentation rappelle le tarh de Shâh ’Abbâs, mais les feuilles y sont beaucoup plus grandes et remplacent les vignes fines [20]. Enfin, le tarh gol-e hannâi se caractérise par un motif floral avec de nombreuses petites fleurs peintes au henné, alignées pour former un diamant [21].

Le buteh est une variation importante des motifs floraux. Le mot buteh se traduit par « arbuste » ou « palmettes ». Ce motif est commun à l’art persan [22]. Il est parfois représenté géométriquement d’une manière stylisée, et parfois d’une manière réaliste en utilisant des lignes courbes. Dans les deux cas, il existe de nombreuses façons différentes de représenter le buteh. Dans certains cas, les représentations peuvent indiquer la région d’origine d’un objet. Un autre nom désignant le motif buteh est mir-e buteh, ce terme ne faisant cependant pas référence à Mir Serâband (un type de tapis). Buteh désigne un large ensemble, alors que l’on parle de mir-e buteh pour une représentation asymétrique. Celle-ci est très ancienne, elle apparaît déjà dans les illustrations d’un ballon en cuir du Ve siècle [23]. Cette provenance ancienne du motif pourrait suggérer une continuation de la palmette assyrienne. Une autre hypothèse serait que le buteh s’est développé à partir de la forme d’une herbe indienne [24]. On a supposé que le buteh portait une signification symbolique, comme des yeux supposés protéger contre le Mal [25]. Mais il n’existe aucune preuve permettant de confirmer cette hypothèse. D’après Cammann, le buteh est une représentation de « l’oiseau-soleil », une créature allégorique qui garde l’entrée du paradis islamique et préislamique dans le Moyen-Orient [26]. Dans leur forme définitive et typique, les motifs de type buteh n’apparaissent que jusque après le XVIIIe siècle [27]. Cependant le buteh avait déjà existé avant cette date sous des formes moins reconnues. La plupart du temps, le buteh n’apparaît pas sur les armes et armures dans la même forme réaliste qu’il prend généralement sur les tapis après le XVIIIe siècle. Les motifs de type buteh sont plus fréquemment représentés sous des formes géométriques et stylisées plutôt que réalistes. Ce sont ces mêmes formes réalistes que l’on retrouve souvent dans les environs du Khorâssân. Ces formes portant des fleurs bien visibles avec des lignes courbes pourraient être un reflet d’une influence indienne.

Les formes spirales qui se trouvent parfois sur des épées sassanides sont les précurseurs des motifs floraux. Elles constituent des symboles primordiaux et universels, qui représentent le mouvement circulaire du soleil dans le ciel [28].

Poignée d’une épée sassanide
Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 6).

Plus tard, elles ont évolué pour devenir des formes de feuilles appelées eslimi, comme parties des motifs floraux. Cependant, leur symbolisme est resté le même. Parfois, sur certaines armes ou armures, les formes en spirale ont été utilisées avec d’autres représentations, par exemple un chien courant [29]. Il faut cependant bien noter que la représentation des tiges dans ce cas n’est pas un motif floral habituel.

Poignée d’un shamshir de la période safavide, avec le motif d’un chien courant
Motif d’un chien courant

On peut observer différentes formes de motifs à nœud arabesque (band-e eslimi) sur les armes et armures persanes ressemblant aux mêmes motifs que ceux figurant sur les manuscrits persans [30].

Motifs de nœud arabesque (band-e eslimi) sur la base de lame de pishqabz de la période safavide
Voir Moshtagh Khorasani, 2010, cat. 33.

Dans tous les cas, il est possible d’identifier plusieurs motifs persans qui avaient une grande importance symbolique. Par exemple, le poisson représente le bonheur d’une famille, la tortue stylisée la longévité [31], le faucon stylisé est symbole de fertilité, le sablier représente le passage du temps et la mort, le ruban de nuages est symbole de la bonne chance [32]. Quant aux espèces de plantes, le saule pleureur et le cyprès représentent le chagrin et la mort. La rose assyrienne symbolise à la fois un désir insatisfait mais aussi le numéro sept (parce qu’elle fleurit sept ans). Le jasmin est considéré comme une fleur du Paradis car les nymphes au paradis islamique ont un parfum de jasmin. La tulipe symbolise l’hypocrisie, car fermée, elle est perpendiculaire, droite et noble, mais lorsqu’elle s’ouvre, c’est pour montrer un cœur noir. La fleur d’amande est la fleur de la jeunesse, de l’amour et du désir [33].

Motifs de nœud arabesque (band-e eslimi)
Partie située au-dessous de la garniture du fourreau d’un shamshir de la période safavide36 avec les tulipes
Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 11).

Comme nous l’avons évoqué, buteh est un nom générique désignant un arbuste, comportant parfois des fleurs. A titre d’exemple, l’illustration suivante montre un shamshir de la période qâdjâre ou zand, avec un motif floral sur le boltchâq.

Croisière d’un shamshir de la période zand
Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 19).

Un examen attentif révèle que ce motif est une représentation d’un buteh spécifique. Ce buteh est appelé mâhi, ou poisson. Le mâhi représente le bonheur de la famille [34]. La région d’origine de cette représentation est le Herat. La méthode d’arrangement de ce buteh du Herat est simplement une fleur entourée par un arrangement de tiges, prenant la forme d’un diamant. En outre, le buteh du Herat doit, comme dans cette illustration, avoir une grande feuille parallèle à chaque côté de ce diamant floral [35]. En outre, il faut noter que la forme de buteh ici représentée porte des lignes courbes, d’une manière réaliste. Pour des raisons déjà évoquées, cette représentation réaliste est en accord avec la région du Khorâssân.

Buteh de mâhi
Motifs floraux sur la base de lame d’un kârd

Motifs floraux sur les armes et armures

Le plus souvent, les poignards persans, appelés khanjar, sont décorés de motifs floraux mais également d’oiseaux aux couleurs vives [36]. Certains de ces poignards de type khanjar présentent des motifs floraux sur la base de leurs lames [37]. On retrouve également sur les couteaux persans, appelées kârd, très fréquemment des motifs floraux sur la base des lames, mais aussi sur le dos des couteaux et sur leurs manches, qui sont alors gravés ou ciselés [38].

Pour finir, les motifs floraux sont représentées sur tous les autres types d’armes et armures persanes, par exemple sur les armures de type tchâhrâyne, les casques appelés kolâhkhud [39] et les épées de type shamshir. L’épée shamshir suivante montre plusieurs représentations florales gravées et inscrites.

Croisière et garniture du fourreau d’un shamshir de la période safavide
Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 11).

Elles constituent un exemple du style "petites fleurs", qui allie des fleurs en pleine floraison à des bourgeons. Dans ce style, les fleurs sont souvent des roses, des tulipes et des œillets, mais on trouve aussi parfois des noisettes. Ce style a continué à exister jusqu’au XVIIIe siècle [40]. Il faut préciser que les représentations d’oiseaux ne sont pas ici un exemple du style gol-o-bolbol, qui était un motif associé à Fath ’Ali Shâh durant la période qâdjâre.

Dans l’art persan, la représentation de la fleur de lotus, appelée niloufar, a une tradition très ancienne et très fréquente. Le roi achéménide Dârius tient un lotus dans sa main gauche, symbolisant la royauté et l’éternité. Ici, la fleur de lotus a douze pétales égaux, équivalents aux douze mois de l’année. Dans sa main droite, Dârius tient le sceptre royal. Nous pouvons observer une autre variation de la fleur de lotus à Persépolis représentant un lotus ouvert vu de haut. Dans cette représentation, la fleur a également douze pétales.

Le roi achéménide Dârius tient un lotus dans sa main gauche à Persépolis

Les peintres des périodes zand et qâdjâre peignaient la fleur de lotus accompagnée d’autres types de fleur, telle que la rose, en une composition complexe.

Représentation de la fleur de lotus ouverte à Persépolis

Parfois, on représentait la fleur de lotus ouverte sur les armes et armures persanes, tout comme on l’utilisait sur les mosaïques persanes [41]. On la retrouve en l’occurrence sur la base de la lame d’un shamshir de la période zand [42] et sur la poignée d’un khanjar de la période qâdjâre [43]. Cette représentation de la fleur rappelle un lotus achéménide ouvert.

Représentation stylisée de la fleur de lotus sur la base de la lame d’un pishqabz de la période zand
Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 35).
Représentation de la fleur de lotus ouverte sur la base de la lame d’un shamshir de la période zand
Représentation de la fleur de lotus ouverte sur la poignée d’un khanjar de la période qâdjâre

Dans l’art persan, la représentation de la fleur d’iris, appelée zanbaq ou susan en persan, est également très fréquente [44]. Les peintres des périodes zand et qâdjâre peignaient la fleur d’iris avec d’autres types de fleur, comme la rose, selon une composition complexe. Avec ses trois pétales orientés vers le ciel et les trois autres tournés vers la terre, la fleur d’iris symbolise la trinité chez les Achéménides (Ahurâ Mazdâ, Mitrâ et Ânâhitâ) [45]. On la retrouve notamment en représentation stylisée sur la croisière et les garnitures du fourreau d’un shamshir de la période safavide [46].

Représentation de la fleur de lotus ouverte sur les mosaïques persanes

Il existe plusieurs formes de palmettes sur les armes et armures persanes rappelant fortement celles des palmettes dans les mosaïques persanes [47].

Représentation stylisée de la fleur d’iris sur la croisière d’un shamshir
Garniture du fourreau d’un shamshir de la période safavide portant les palmettes
Motif médaillon sur la croisière d’un shamshir attribué à Fath ’Ali Shâh Qâdjâr

Différents motifs sur les armes et armures persanes

Un motif très commun sur les armes et armures persanes est le motif médaillon (toranj). Ce motif consiste en une combinaison du motif à fleurs et du motif arabesque [48]. Parfois, ce motif est associé à deux motifs symétriques plus petits (sar-e toranj) [49].

Les palmettes utilisées dans les mosaïques persanes
Voir Pickett (1997:93).

Un autre motif très commun sur les armes et armures persanes est le motif d’inscription. Ce motif, que l’on appelle katibeh, est une représentation décorative de plusieurs motifs. On utilisait ce motif en haut des premières pages des manuscrits persans, notamment pour les épopées et les poèmes [50]. On observe ces mêmes motifs sur les armes et armures persanes que l’on peut classifier en deux catégories distinctes :

1) Le motif d’inscription dépourvu de texte, tel que le motif d’inscription sur la base de la lame d’une lance fourchue de la période qâdjâre [51].

Motif médaillon sur la page d’un manuscrit
Motif d’inscription sur la page d’un manuscrit
Motif du pendentif sur la page d’un manuscrit
Motif de ronde sur la page d’un manuscrit

2) Le motif d’inscription portant du texte, comme par exemple la signature du forgeron Amal-e Assadollâh Esfahâni [Travail de Assadollâh Esfahâni] sur la lame d’un shamshir attribué à Shâh ’Abbâs Safavide [52], ou bien la signature du forgeron Amal-e Salmân Qolâm [Travail de Salmân Qolâm] sur la lame d’un shamshir attribué à Shâh Safi Safavide [53]. On retrouve également ce genre de motif d’inscription sur les garnitures du fourreau avec la prière Nâde ’Ali et la signature du forgeron Amal-e Assadollâh Esfahâni 1092 [Travail de Assadollâh Esfahâni 1092] sur la lame d’un shamshir attribué à Shâh Soleymân [54]. Le forgeron Mohammad Taqi Sakkâk 1106 a gravé et incrusté d’or son nom sur la lame d’un shamshir attribué à Shâh Soltân Hosseyn [55] (Amal-e Mohammad Taqi Sakkâk 1106, signifiant Travail de Mohammad Taqi Sakkâk 1106). Et enfin l’inscription Bande-ye Shâh-e Velâyat Hosseyn [Esclave/ représentant du roi du pays Hosseyn] sur la lame d’un shamshir attribué à la période safavide [56].

Motif d’inscription sur Amal-e Assadollâh Esfahâni [Travail de Assadollâh Esfahâni] sur la lame d’un shamshir de la période safavide
Motif du pendentif sur la base de la lame d’un pishqabz

Un autre motif sur les armes et armures persanes est le motif du pendentif (il représente des triangles sphériques concaves), appelé latchak en persan. Sur les manuscrits enluminés persans, ce type de motif représente un carré divisé en deux parties opposées diamétriquement. On les peignait sur les pages d’inscriptions calligraphiques [57]. On retrouve partiellement le motif du pendentif sur les armes et armures persanes sur la base de la lame de kârd (couteau) [58] et de pishqabz, dague avec une lame en forme de S [59].

Un autre motif floral sur les manuscrits persans est le motif de ronde (shamse), qui rassemble parfois quatre médaillons (latchak-toranj) [60]. On trouve différentes variations du motif de ronde, cependant un genre commun aux armes et armures persanes [61] contient des inscriptions telles que le motif ciselé de ronde sur la croisière d’un shamshir attribué à Amir Timur du Military Museum du Téhéran [62]. Sur un côté, on trouve le motif de ronde avec les inscriptions du Coran Bismellah al-Rahman al-Rahim [Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux] et de l’autre côté Nasron Min Allahi Wa Fathon Qareeb [Un secours d’Allah et une victoire prochaine]. On retrouve le même motif de ronde sur la croisière et les garnitures du fourreau d’un shamshir attribué à Shâh ’Abbâs Safavide [63]. Pour d’autres exemples avec le motif de ronde sur la croisière et les garnitures du fourreau. [64]

Le vâgireh est un autre motif floral formé par un motif se reproduisant en plusieurs exemplaires pour former à la fin lui-même un motif spécifique [65] . On utilisait ce motif pour décorer les manuscrits et les livres [66]. On peut observer ce même motif sur la croisière du shamshir [67].

Motif de ronde sur les garnitures du fourreau d’un shamshir attribué à Shâh ’Abbâs Safavide

En résumé, il existe de nombreux motifs floraux sur les armes et armures iraniennes. L’importance de ces motifs est en partie due à la signification spécifique de chaque fleur et la forme arabesque. Dans cet article plusieurs motifs floraux ont été présentés mais la recherche future montrera d’autres résultats intéressants.

Motif de vâgireh sur la page d’un manuscrit
Motif de vâgireh sur la croisière d’un shamshir

Bibliographie :
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- Honarvar, Mohammad Rezâ (2005). Golden Twist : Rotation of Arabestique and Khataei in the Carpet Designing and Illumination. Iranian Garden (10). Tehran : Yassavoli Publications.
- Jacob, Alain (1985). Les Armes Blanches du Monde Islamique : Armes de Poing : ةpées, Sabres, Poignards, Couteaux. Paris : Jacques Grancher.
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- Spieckermann, H. (1982). Juda unter Assur in der Sargonidenzeit. Gِttingen : Vandenhoeck & Ruprecht.
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- Zeller, Rudolf and Ernst F. Rohrer (1955). Orientalische Sammlung Henri Moser-Charlottenfels : Beschreibender Katalog der Waffensammlung. Bern : Kommissionsverlag von K.J. Wyβ Erben AG.

Notes

[1Ford (1981:106).

[2Giovino, M., The Assyrian Sacred Tree : A History, p. 21.

[3Fokker, Persian and other Oriental Carpets for Today, p. 26.

[4Spieckermann (1982:212-221).

[5Ford (1981:106).

[6Ford (1981:144).

[7Ford (1981:270).

[8Ferrier (1989 ;72).

[9Ibid.

[10Ferrier (1989:119).

[11Ferrier (1989:122).

[12Lefevre (1977:15).

[13Mumford (1901:242).

[14Ferrier (1989:168).

[15Mumford (1901:149).

[16Mumford (1901:179).

[17Mumford (1901:96).

[18Mumford (1901:74).

[19Mumford (1901:75).

[20Ibid.

[21Ibid.

[22Ford (1981:52).

[23Ford (1981:54).

[24Ferrier (1989:134).

[25Ford (1981:54).

[26Cammann (1973).

[27Ford (1981:54).

[28Sutton (2007:14).

[29Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 14) pour une épée de type shamshir avec cette combinaison.

[30Pour les motifs de nœud arabesques dans les manuscrits persans, voir Nikbin (2004:28-29).

[31Fokker (1973:26).

[32Fokker (1973:27).

[33Fokker (1973:30).

[34Fokker (1973:25). Voir aussi Moshtagh Khorasani (2010:484) pour la poignée d’une épée sassanide gravée avec des écailles de poisson.

[35Ford (1981:84).

[36Jacob (1985:166).

[37Par exemple, voir Zeller et Rohrer (1955:153, fig. 89).

[38Moshtagh Khorasani (2010, cat. 29).

[39Pour plusieurs exemples, voir Moshtagh Khorasani (2006).

[40Ferrier (1989:245).

[41Voir Pickett (1997:94).

[42Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 18).

[43Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 37).

[44Voir Shahdâdi (2006:145).

[45Voir Shahdâdi (2006:163).

[46Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 15).

[47Pour les motifs de la palmette sur les carreaux persans, voir Pickett (1997:93).

[48Voir Honarvar (2005:4).

[49Voir Moshtagh Khorasani (2006, cat. 156).

[50Honarvar (2005:7).

[51Voir Moshtagh Khorasani (2006, cat. 312).

[52Voir Moshtagh Khorasani (2006, cat. 75).

[53Voir Moshtagh Khorasani (2006, cat. 81).

[54Voir Moshtagh Khorasani (2006, cat. 83).

[55Voir Moshtagh Khorasani (2006, cat. 84).

[56Voir Moshtagh Khorasani (2006, cat. 87).

[57Voir Honarvar ( 2005:12).

[58Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 28, cat. 29, cat. 30).

[59Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 33, cat. 34, cat. 35, cat. 36).

[60Voir Honarvar (2005:31).

[61Pour ce type, voir Honarvar (2005:33).

[62Voir Moshtagh Khorasani (2006, cat. 70).

[63Voir Moshtagh Khorasani (2006, cat. 73).

[64Voir Moshtagh Khorasani (2006:78).

[65Voir Honarvar (2005:85).

[66Voir Honarvar (2005:112).

[67Voir Moshtagh Khorasani (2010, cat. 18, cat. 19).


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1 Message

  • La signification des motifs à fleurs sur les armes et armures iraniennes 18 avril 2016 19:00, par martine naffréchoux

    J’ai une boite à amulettes ou à poudre d’or en forme de bourse qui peut se suspendre par des anneaux latéraux. Elle est décorée sur l’arrière d’une fleur stylisée (tulipe ou bouton de lotus ?) entre deux grosses et longues feuilles nervurées de part et d’autre (tulipe donc).

    Sur l’avant sont gravés chandelier à 5 branches et quatre colombes.

    Je cherche d’ou peut venir ce petit objet (d’environ 4cm x 5 cm) en bronze (procédé cire perdue)

    la facture m’évoque l’afrique de l’ouest (boite à poudre d’or akan) d’autant plus que sur ebay est en vente une copie grossière de ce modèle dit touareg (lieu d’achat ?)

    le décor indique diaspora juive (commerçants tombouctou ou autre halte sur routes commerciales)

    Ou a été trouvé ce modèle de tulipe (Iran ? Egypte ?)

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