N° 162, mai 2019

Sur l’étoffe brodée de la nature…
Notes sur l’artisanat de la province du Mâzandarân


Zeinab Golestâni


Tchanteh Lofour

Les découvertes archéologiques réalisées au sein de sites préhistoriques situés dans la province du Mâzandarân, notamment les deux grottes Kamarband et Huto au sud-ouest de la ville de Behshahr, témoignent d’une longue histoire de la production artisanale (objets en pierre, en bronze, en terre cuite) et du textile dans cette région. Ces objets, fabriqués aussi bien dans le passé qu’aujourd’hui par les artisans du Mâzandarân sont les preuves de l’existence d’une imagination fertile et en parfaite harmonie avec la nature verte des montagnes d’Alborz. De nos jours, la production artisanale de cette province comprend essentiellement les ouvrages tissés à la main - textile, natte, tapis, kilim, jâjim [1], chamad [2], tchoghâ [3], souzan-douzi (travail d’aiguille) -, et les objets en bois. Les habitants de cette région se consacrent aussi à d’autres métiers en rapport avec l’artisanat comme l’impression textile, la poterie, l’illustration des livres, la reliure, la teinture, et la fabrication du cuir.

Tissage du kilim

Les ouvrages tissés à la main

Le tissage traditionnel à la main. Ayant une existence très ancienne, le tissage constitue un symbole fort de la province du Mâzandarân où existent de nombreux ateliers traditionnels, surtout dans les villages. Travaillant à l’aide des métiers à tisser les plus simples, les tisserands de cette province confectionnent différents types de tissus (laine, coton, soie) qui servent à répondre à leurs besoins de la vie quotidienne.

Tissage du jâjim

Dans le passé, on tissait un tissu en soie à rayures appelé alijeh qui était destiné à faire des vestes de femmes. Les tissus en laine appelés tchoghâ et bâchlogh servaient à confectionner des manteaux et des couvertures légères appelées chamad. Aujourd’hui, les fabricants de textile travaillent soit sur des métiers traditionnels, soit sur des métiers Jacquard. Les textiles fabriqués dans les ateliers urbains ou ruraux s’emploient pour faire des plaids, jâjims, couvertures, draps, nappes, foulards, ainsi que des vêtements traditionnels.

Tapis de Kelârdasht

Le tissage du jâjim. Confectionné dans les régions rurales – surtout dans le village de Metkâzin situé dans le comté de Behshahr, le district de Dodângeh à Sâri, la bourgade d’Alasht à Savâdkouh, ainsi que les régions de Kojur, Noshahr et Kelârdasht à Tchâloos - le jâjim s’utilise en tant que plaid, tapis de prière, literie, et décoration de coussins d’assise. ہ Metkâzan, ce sont les femmes qui s’occupent de tisser les jâjims alors que les hommes tondent la laine des moutons. Pour faire le jâjim, après avoir noué les bordures, les tisserandes tissent des motifs appelés "fleur" (gol) dans la langue locale. Ceux-ci comprennent les plans à pavage (kheshti), quadripartie (tchahâe gol), de tournesol, etc.

Sculpture sur bois

La fabrication de Tchanteh Lofour. Sac à main produit dans le village de Lofour dans le comté de Savâdkouh, le tchanteh lofour est confectionné grâce à des métiers appelés korktchâl dans la langue locale. Ce sac est tissé de la même manière que le jâjim, mais il est orné par des broderies, des perles et des paillettes.

Le tissage du mauj. Tissu en laine épais et rayé ressemblant au jâjim, le mauj est un produit bon marché, lavable, résistant, doux et léger qui était dans le passé fabriqué à grande échelle dans la province du Mâzandarân.

Tissage du mauj

Le tissage du lâvan (coprilenzuola). Afin de faire le lâvan qui est un tissu carré en couleur, les artisans utilisent des nuances très variées de rouge. Ce textile est fabriqué par des métiers en bois appelés patchâl, qui sont eux-mêmes faits par des charpentiers locaux.

La tapisserie. Spécialité régionale du Mâzandarân, le tapis de Kelârdasht est un objet d’art important et exporté. Tapissé de velours en laine épaisse et douce, ce tapis est appelé « tapis ours » par les locaux. Il est essentiellement produit dans le village de Makârud situé aux environs de la ville de Kelârdasht, et les motifs qui le désignent sont inspirés de la belle nature montagneuse de cette région. On peut ainsi y admirer des motifs floraux, végétaux, bestiaires (cerf, moineau, chèvre), et géométriques. Sur un ancien tapis de Kelârdasht apparaissent certains motifs propres aux kilims de la région de Harsin à Kermânshâh.

Chaussettes d’homme

Le tissage du kilim. Tissés par un grand nombre d’habitants du Mâzandarân, les kilims mettent en scène une représentation abstraite de la nature au travers de motifs géométriques. Ils sont aussi dotés de couleurs vives et gaies comme le rouge, l’orange, le beige, le vert et le bleu foncé.

Le tricotage des chaussettes. Arrivant à la cheville ou à mi-mollet, les chaussettes sont faites avec de la laine de mouton aux couleurs naturelles. Par le passé, ces tricots étaient simples et dénués de motifs particuliers mais aujourd’hui, ils sont ornés de très beaux motifs de différentes couleurs. Les chaussettes sont produites dans le village de Sâlehân à Noshahr, et les villages du comté de Sâri.

Vannerie

La fabrication de la feutrine. La production de la laine feutrée dépend en grande partie de la densité régulière des étoffes de laine qui permettent à l’artisan de faire une série de boucles sans avoir besoin de couper les fils. Pour créer les couleurs blanche, brune et noire, on emploie des laines naturelles alors que pour certains motifs, on donne une teinture à la laine en employant des couleurs chimiques. D’habitude, plusieurs artisans passent une journée entière à produire une seule pièce de feutrine. Cet objet artisanal est fabriqué dans la plupart des régions de la province du Mâzandarân, notamment dans le village de Kojur à Noshahr et dans les villages du comté de Râmsar.

Tissage du lâvan (coprilenzuola)

L’artisanat du bois

Le lâktarâchi. Art de la fabrication des objets en bois pour répondre aux besoins du quotidien, le lâktarâshi est pratiqué dans la plupart des villages forestiers. La grande diversité de bois de ces régions (orme de montagne, hêtre, érable, aulne, charme, buis, tilleul, parrotie de Perse), permet aux fabricants de lâk de produire de la vaisselle en bois, notamment des sucriers, cuillères, louches, écumoires, etc. En s’appuyant sur une parfaite connaissance des caractéristiques des arbres, les artisans en utilisent les racines, les branches et les troncs pour fabriquer ces objets. Ceux qui sont produits des racines résistent plus longtemps aux changements de température. Selon les artisans, si la vaisselle en racines des arbres est conservée comme il se doit, elle peut durer plusieurs siècles. Citons parmi cette vaisselle :

Fabrication de la feutrine

Le tchouleh : ressemblant à la carafe, et orné de motifs spiraux ou chaînés, le tchouleh avec un col étroit et une bouche ouverte est destiné à conserver le lait et les produits laitiers. Le tchouleh le plus grand s’appelle le tchouleh mandar et pèse 18 kg. Un autre type de tchouleh appelé tchouleh koun est fabriqué à partir de la racine d’érable.

Le ghand tchouleh : il s’agit d’un ustensile destiné à casser le sucre.

Le tanbâkou tchouleh : il est utilisé comme tabatière.

Le kelz : cet ustensile de cuisine est utilisé à la place de la louche et sert à refroidir le lait. Il est appelé différemment dans différentes parties du Mâzandarân ; on le nomme guiyâl à Râmsar, kelz ou kilz dans les parties centrales de la province.

Le kileh kal : il s’agit d’une mesure de volume contenant 6 kilogrammes d’orge et 7,5 kilogrammes de blé.

Le dâneh pâsh : plateau servant à tamiser le riz.

Le sirkoub (presse-ail) : de différentes tailles, cet ustensile était employé dans le passé à la place du mortier et du pilon pour presser l’ail.

Les cuillères, louches, et écumoires:fabriqués à partir de branches et de racines de buis, ces ustensiles sont appelés par les habitants du Mâzandran gatcheh, polguir, et katérâ.

Lâvan

La sculpture sur bois. Comme la gravure, cet art, né grâce à la présence de forêts denses, remonte, dans la province de Mâzandarân, à une époque très ancienne. Selon des documents historiques, des ouvrages en bois furent créés du XIe au XIIIe siècle selon un procédé appelé guereh tchini, expression qui décrit l’art de disposer l’un à côté de l’autre des motifs géométriques sculptés dans un cadre carré. C’est au XIIe siècle qu’arrivant à son apogée, cet art donna naissance aux très beaux motifs géométriques, végétaux et floraux qui apparaissent sur des grillages ornementaux recouvrant les tombes des descendants du Prophète et des grandes figures religieuses, des minbars, des porte-livres pliables, ainsi que les portes et fenêtres. Ces fenêtres en guillotine appelées orosi, dont les vitraux colorés créent des jeux de lumière multicolores, décorent les portiques des bâtiments. Par le passé, les espaces vides des portes et fenêtres sculptées étaient remplis de tuiles en bois (guereh) appelées ghâem.

Aujourd’hui, cet artisanat est toujours pratiqué pour orner des objets traditionnels comme les coffres, les tchouleh, les cuillères à café, le backgammon, les échecs, les sucriers et la sculpture des animaux. Ayant besoin d’une surface plate pour leur travail, les artisans emploient du bois de noyer, de grenadier aux fruits rouges et aux fruits jaunes, d’érable et de hêtre. Le poirier est destiné aux travaux les plus fins.

La vannerie. Répandus surtout dans la région ouest du Mâzandarân, les ouvrages de vannerie se fabriquent le plus souvent avec du vâsh et du gâleh, herbes sauvages qui poussent dans les étangs et les marécages de la région. C’est en tressant ces herbes que les artisans font des nattes appelées kub dans la langue locale, et des paniers. On utilise aussi parfois des branches d’arbres, des roseaux, et des plantes sauvages pour faire ce type d’ouvrage.

Poterie

La poterie

S’étant développé dans le Mâzandarân grâce à la présence d’une terre argile sédimentaire, malléable et imperméable, cet artisanat se pratique actuellement à Kalâgar Mahalleh dans le comté de Juybâr, dans les villes de Qâem Shahr, Tonekâbon, et Châloos, ainsi que dans certains villages des comtés de Bâbol et آmol. Le maître incontestable de la poterie dans cette province s’appelle Gholâm ’Ali Tchinisâz.

Notes

[1Tapis en laine à bandes verticales, parallèles à la chaîne.

[2Couverture légère pour l’été.

[3Manteau traditionnel pour homme.


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