Le Musée des Arts Contemporains accueille ces jours-ci une exposition qui vaut, pour le moins, le détour. Deuxième du genre depuis la révolution Islamique en 1979. Celle-ci s’intitule "mouvement de l’art moderne iranien". La manifestation initiale, qui s’est déroulée il y a à peine cinq mois, avait également trait à l’art moderne. Cette précédente exposition aura permis aux visiteurs d’admirer des classiques de l’âge d’or de la période dite "moderne" de l’art occidental. La seconde, actuellement en cours, présente un magnifique florilège d’œuvres d’artistes iraniens contemporains. Il va sans dire que la qualité esthétique et la valeur historique des créations ainsi rassemblées font de cette seconde exposition relative à la modernité, un événement culturel à n’en pas douter incontournable.

Rouine PAKBAZ, Mouvement
Photos : M. GHARDASHPOUR

Après l’exposition au musée des arts contemporains "Le mouvement de l’art moderne", événement unique en son genre depuis la révolution islamique, voilà la seconde manifestation de ce type qui, d’une qualité égale à la première, se déroule sur le site du musée. Cette institution a eu la bonne idée, sous la direction de M. Sami’ Azar d’exposer il y a quatre mois, sa collection d’art moderne occidentale, la plus importante en dehors de l’Europe de l’ouest et de l’Amérique du nord. Aujourd’hui, le nouveau directeur du musée, M. hosseini Râd, crée la surprise en proposant sous le nom de "Mouvement de l’art moderne iranien", les œuvres d’artistes iraniens précieusement conservées dans le bâtiment. Cette nouvelle exposition comporte deux cent soixante œuvres, dont deux cent quarante- huit tableaux, et vingt sculptures produits par 163 artistes différents. Cette collection, contrairement à la première, qui cessa au moment de la Révolution, de récolter des œuvres, continue à grossir sa collection depuis 1356. Ainsi le visiteur découvre des œuvres récentes aux côtés de tableaux anciens, "des œuvres comme Le dévoilement de Hadji zadeh, ou les tableaux de Alkhass (peinture révolutionnaire) qui jusqu’alors, n’avaient pas été exposées", précise Nadalian, un des participants, " et c’est un des points positifs de cette exposition", ajoute-t-il. Ce qui ne l’empêche pas pour autant de reprocher ses choix au jury de l’exposition ; choix qu’il considère beaucoup moins progressiste en comparaison à la manifestation précédente. " On y voyait à titre d’exemple, l’œuvre de Dan Flavin, constituée de deux lampes de néon, tandis que les miennes, des photographies de mes propres dessins posés sur les pierres d’une rivière, ont été refusées sous le prétexte qu’elles étaient trop modernes !"

Morteza MOMAYAZ, Le solei brisé

Peut-on vraiment qualifier de modernes l’ensemble de ces œuvres ? C’est en tout cas l’avis des organisateurs. Le musée a d’ailleurs récemment présenté des œuvres modernes occidentales, qui couvraient pratiquement tout le vingtième siècle (jusqu’aux années 60) ; des œuvres qu’on pourrait classer dans des catégories esthétiques telles que : l’impressionnisme, l’expressionnisme, le surréalisme, etc.…. le visiteur qui s’est préalablement familiarisé avec l’œuvre moderne et sa définition, parviendra difficilement à intégrer les productions qu’il a sous les yeux à l’intérieur desdites catégories. En effet, ce visiteur est en droit de s’interroger sur la nature des œuvres mises en valeur.

Abolghâsem SAدDI, Branches, 1971

Précisons que la présentation des œuvres suit un ordre chronologique. Celles-ci sont classées en fonction de leur date de réalisation. On peut ainsi prendre la mesure de l’évolution

Mohsen VAZIRI MOGHADAM, Forme du mouvement,1973

de la peinture dite moderne à l’intérieur de nos frontières. On peut ainsi voir tout d’abords les toiles de Ziapour, de Hamidi, et de Zendeh roudi, viennent ensuite les réalisations de Palangi et de Nadalian, lesquels, sont dors et déjà impliquées au-delà du modernisme, dans des expériences de type postmodernes.

Mohammad Ali TARAGHIJAH, Harmonie, 2000

Il est d’ailleurs impossible de comparer l’apparition et le développement de l’art moderne iranien avec les conceptions occidentales du même art. L’art moderne iranien a, au bas mot, soixante-dix bonnes années de retard par rapport à son aîné. Sans vouloir minimiser les acquis endogènes de la modernité iranienne, il faut rappeler que celle-ci a vu le jour surtout grâce au retour d’Europe des peintres iraniens. Ces derniers ont entrepris de mettre sur pied des facultés d’art à partir du modèle européen. On y enseignait pratiquement les mêmes matières. Les mêmes modes et mouvements artistiques ne tardèrent pas à être adoptés par nos artistes : ceux-ci s’intéressaient, voire s’identifiaient à l’un ou à plusieurs figures phares de l’art occidental, par l’intermédiaire desquelles, ils laissaient s’exprimer leur propres créativités. Ainsi, nous pouvons percevoir dans ce "mouvement de l’art moderne iranien", un amalgame de tendances occidentales disparates ; à titre d’exemple, Iran Darroudi s’inspire du surréalisme, qui devient le véhicule de son art, tandis qu’un Mahasess préfère de son côté jeter son dévolu sur le langage expressionniste. Cette influence est manifeste dans toutes les œuvres de l’exposition. Et cependant, aucune d’entre elles n’est attribuable à un mouvement précis. La modernité iranienne se définit alors en partie par l’impact que la création occidentale exerce sur nos artistes. Kambiz Sabri, l’un des participants, refuse de poser la question de l’art iranien en fonction du critère de modernité. Selon lui, le modernisme est l’enfant des conditions socio- politiques de l’occident : "le modernisme en Occident est la conséquence de facteurs telles que la machinisation, la Révolution industrielle, les guerres… Pouvons-nous censément interpréter l’évolution de la société iranienne à partir de ces mêmes facteurs ? Ce n’est que très récemment que l’arrivée du métropolitain à Téhéran a permis à nos concitoyens d’éprouver le sentiment de la pressurisation et du confinement à l’intérieur des compartiments. L’homme fait de nos jours l’expérience du chômage et de la solitude, en quelque sorte des "maladies" modernes, dont une des conséquences fut la naissance de l’art moderne." Sabri complète ses propos en apportant des précisions au sujet du "moderne" iranien :" on peut aborder la modernité en empruntant deux voies distinctes : d’un côté, les conditions sociales de l’apparition du moderne, et de l’autre côté, les conséquences qu’a pu avoir cette modernité sur des sociétés telle que la nôtre." Il en conclut que le modernisme en Iran a tout au plus vingt ans : " je ne veux pas dire que l’on ne trouve aucune œuvre moderne antérieure à ces vingt dernières années, mais je veux en revanche insister sur le fait que nos œuvres modernes sont les résultats de conflits vécus par l’Iranien actuel, celui de ces dernières années." Cela étant dit, la plupart des œuvres, entre autres celles de l’école de Sagha khaneh, outrepassent ces strictes limites, et sont qualifiées de postmodernes. Mais dans ce cas présent, on risque l’anachronisme, en appliquant un concept actuel à une période révolue.

Hanibal ALKHAS, Transition de la tradition, 1993

Dans le catalogue de l’exposition, Iradj Scandari, l’organisateur et l’un des principaux exposants, propose quelques axes de réflexion sous forme de questions aux visiteurs :

Comment définir la relation qu’entretient la peinture contemporaine iranienne avec la tradition ? Quelles sont les racines culturelles et intellectuelles du mouvement de la peinture moderne iranienne ? Pourquoi il devient urgent de faire coïncider l’évolution de la peinture iranienne avec l’évolution et les acquis de l’art mondial ? Comment évalue-t-on l’influence du traditionalisme dans la peinture contemporaine iranienne ?

Gholam Hossein NAMI

Les multiples réponses à ces questions ouvriront, à n’en pas douter, des voies nouvelles pour la compréhension de la physionomie actuelle et la richesse de la peinture persane.

Sans titre, 1975

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