N° 52, mars 2010

Regard sur l’artisanat et les traditions kurdes


Monireh Sadat Borhani


Le kouleh bâl porté par un homme dans la région d’Ourâmân

De par ses nombreux attraits et richesses culturels, historiques et naturels, le Kurdistan est l’une des provinces les plus exceptionnelles de l’Iran. Le mot Kurdistan (en persan : Kurdistan) est une combinaison de « kurde » (kord) et du suffixe -stân signifiant "lieu", c’est-à-dire le lieu ou le pays des Kurdes. Le mot « Kurdistan » a été pour la première fois utilisé à l’époque seldjoukide. Les Kurdes sont l’une des branches de la race aryenne, émigrés au nord-ouest et au nord-est du lac d’Oroumieh environ 2000 av. J.-C. Leur langue est le kurde, l’une des plus anciennes langues iraniennes qui dérive de la langue mède. Le Kurdistan a également été le lieu de naissance de célèbres personnalités comme Salâh-eddin Ayoubi [1](Saladin), Mastoureh Ardalân [2], Hajâr [3], Heyman [4], Mohammad Ghâzi [5], Abd-ol-Karim Modarres [6], etc.

Les vêtements kurdes

Vêtements kurdes portés par des hommes

Les vêtements kurdes se caractérisent par leur variété et leur forme ample qui recouvre l’ensemble du corps. Les modèles diffèrent parfois selon les régions mais ont en majorité une base commune.

Vêtements kurdes portés par des femmes

Les vêtements des hommes et des femmes kurdes sont quasi identiques et se composent essentiellement d’une tunique (tan poush), d’une sorte de turban que les femmes portent par dessus leur foulard, et de chaussures. La majorité des habitants de la ville de Saghez [7] portent ces vêtements, ce qui a contribué à l’attrait touristique et à la popularité de cette ville. Parmi les vêtements kurdes les plus connus, nous pouvons citer :

- Les pantoul sont des pantalons larges également appelés rânek.

- Le malaki, est une tunique sans col, ouverte de haut en bas.

- Le tchowkheh, vêtement pour homme en coton ou en laine appelé kawâ dans les villes de Saghez, Marivân et Bâneh.

- Le lefkeh sorâni est un tissu large et long de forme triangulaire, que l’on enroule autour du poignet ou du bras.

- Le shâl également appelé également pesht-wen ou encore pesht-ineh est un beau tissu de 3 à 10 mètres de long porté autour de la taille.

- Le dastâr ou kalâghâh, également appelé deshlameh, mandali, rashti et sarwin, est utilisé comme chapeau par les hommes.

- Le farandji ou faradji est un vêtement d’homme en feutre porté dans la région d’Ourâmân.

- Le kouleh bâl est un type de veste sans manches porté par les bergers dans les montagnes, notamment lorsqu’ils font paître leur troupeau.

- Le jâfi, qui ressemble aux pantalons des hommes, est porté par les femmes kurdes et plus particulièrement par les villageoises durant leur travail. En outre, les femmes portent parfois des pantalons de soie amples.

- Le kowlanjeh est une tunique portée sur une grande robe appelée sowkhmeh à Ourâmân. Le kowlanjeh est fait de velours ou de soie brochée.

- Le kolâw ou kolâh est un chapeau de forme cylindrique est décoré de paillettes colorées.

- Le kalâkeh ou dastâr est un foulard utilisé à la place du chapeau par les femmes. Les kalâkeh, tissus de filigrane, ont de longs fils en soie noirs et blancs.

Les guiveh ou kalâsh

Certains villages du Kurdistan comme Ourâmân, situé près de la montagne de Shâhou [8], ou encore les villages de Hadjidj, Nawdesheh, Nawsoud ainsi que la ville de Pâveh [9] sont les principaux lieux de fabrication des guiveh [10] ou des kalâsh.

Le kolâw ou kolâh, un chapeau décoré de paillettes colorées

L’art et l’artisanat kurdes

Les principaux produits artisanaux du Kurdistan comprennent différents types de tapis, le guélim [11], le sadjâdeh [12], des feutres, des broderies et des bijoux. Les tapis et les trictracs sont les souvenirs les plus couramment fabriqués localement par les artisans.

La ville de Sanandadj est également le lieu de tissage de tapis d’un style unique en Iran reconnu dans tout le pays pour sa qualité et sa finesse. Cet art est né il y a près de trois siècles, lorsque Sanandadj devint la capitale de la province du Kurdistan de l’époque.

Le guélim est une sorte de tapis en laine

D’autres villes de la province fabriquent également des tapis dans un style qui leur est propre comme les tapis de la ville de Bidjâr [13], connu pour leur résistance.

Les tapis tissés dans les villages sont également appelés khersak (qui vient du mot khers signifiant "ours" en persan) en raison de l’épaisseur de leurs trames.

Le modj, sorte de dessus de lit, est utilisé principalement dans les zones rurales et dans une certaine mesure dans les zones urbaines. La laine est le matériau principal de modj-bâfi. De forme rectangulaire, il mesure 2,25 mètres de long et 9,5 mètres de large.

Habitant d’Ourâmân en train de fabriquer des guiveh ou kalâsh

Le feutrage a un lien important avec l’histoire antique des Kurdes. Le feutre a beaucoup d’avantages : il peut être utilisé comme un isolant contre l’humidité, la chaleur et le froid. En raison de son épaisseur considérable, il est particulièrement utile pour vivre dans les zones montagneuses et froides du Kurdistan.

Les fêtes

Hommes kurdes en train d’accompagner la mariée jusqu’à la maison de son futur époux lors d’une cérémonie de mariage

Le Mir-e norouzi et la coutume de kousse-guardi sont des jeux et des pièces théâtrales jouées dans le Kurdistan lors des fêtes de nouvel an, à Nowrouz. Ces traditions ont cependant tendance à se perdre depuis une décennie. Des courses de chevaux sont aussi régulièrement organisées dans les villages et les plaines du Kurdistan à l’occasion des fêtes nationales et surtout lors des cérémonies de mariage. A cette occasion, des cavaliers accompagnent la mariée jusqu’à la maison de son futur époux.

La cérémonie de Pir-e Shahryâr (Pir-e Shâliyâr)

D’autres fêtes traditionnelles existent dans la culture kurde, qui trouvent souvent leurs racines dans des croyances légendaires ou dans la religion. Le souvenir de la cérémonie du mariage de Pir-e Shahryâr (Pir-e Shâliyâr) est l’une d’entre elles. La célébration de ce mariage est une vieille coutume. Selon les sources historiques écrites, le personnage de Pir-e Shahryâr était un saint zoroastrien très respecté par les habitants d’Ourâmân. Cette fête se tient au mois de Bahman [14], l’anniversaire du mariage de Pir-e Shahryâr. Cette célébration appelée Tchele-ye Koutchak a lieu chaque mois de Bahman et se déroule en trois étapes sur une période de trois semaines.

Pierre proche de la tombe de Pir-e Shahryâr dont on emporte des morceaux lors de la cérémonie de komsây

Durant la première semaine de Bahman, des noix sont ramassées dans le jardin de Pir-e Shahryâr et sont envoyées au gens afin de les informer de la tenue de la cérémonie. Lors de la deuxième étape, qui commence dans la nuit du mercredi, avant l’aube, les enfants du village vont sur les toits, chantent et reçoivent des cadeaux des habitants de chaque maison. Les gens font également des offrandes. Le troisième vendredi de Bahman, les hommes apportent des pains faits de bleuets et d’amandes et parfumés avec du basilic ainsi que des graines de nigelle, sur la tombe de Pir-e Shahryâr. Après s’être recueillis sur sa tombe, ils coupent le pain et le distribue aux personnes présentes. Chaque année dans la seconde semaine du mois d’Ordibehesht [15], les habitants des villages voisins d’Ourâmân prennent un morceau de pierre proche de la tombe de Pir-e Shahryâr et l’emportent en tant que relique destinée à aider à la guérison des malades à la suite d’une cérémonie appelée komsây.

Le Mir-e norouzi, fête du nouvel an, (Nowrouz) dans le Kurdistan

Sources :
- Mardoukh-e Kurdistani, Sheikh Mohammad, Târikh-e Kord va Kurdistan (Histoire des Kurdes et de Kurdistan), tome I, 1973.
- http://tourism.ostan-kd.ir

Notes

[1Saladin était l’émissaire du calife abbasside et gouverneur d’Egypte et de Syrie. A l’apogée de sa puissance, il régna sur l’Egypte, la Syrie, la Mésopotamie, le Hedjâz et le Yémen. Il a mené les musulmans contre les croisés et finalement repris la Palestine du Royaume de Jérusalem après sa victoire lors de la bataille de Hatin (نبرد حطین). Il pratiquait strictement l’islam sunnite. Son comportement chevaleresque a été rapporté par les chroniqueurs chrétiens. Il a gagné le respect de beaucoup d’entre eux, dont Richard Cœur de Lion, mais plutôt que de devenir une figure détestée en Europe, il est devenu un exemple célèbre des principes de la chevalerie.

[2Mastoureh Ardalân (1805 -1848) était une poétesse et écrivaine kurde iranienne originaire de Sanandadj.

[3Poète kurde auteur d’une encyclopédie et d’un dictionnaire kurde. Il a traduit les Robâ’iyât d’Omar Khayyâm (رباعیات عمر خیام) - poète, mathématicien et astronome iranien -. Le mot "Robâiyât" signifie "quatrains".

[4Mohammad Amin Sheikh-ol-Eslâmi Mokri, également nommé Heyman était un poète kurde, journaliste, traducteur et critique littéraire. Il est né dans le village de Shilân Abâd, près de Mahâbâd.

[5Né à Mahâbâd en 1913, Mohammad Ghâzi était un écrivain et traducteur iranien, qui a principalement traduit des ouvrages du français au persan. Il a étudié la littérature à l’école Dar-ol-fonoun. Son œuvre comprend près de soixante-dix ouvrages.

[6Grand connaisseur des littératures kurde, arabe et persane, ses domaines principaux d’études était l’islamologie et le Kurdistan.

[7Ville du nord-ouest du Kurdistan, situé à 198 km de Sanandadj.

[8Le Shâhou est une montagne située dans la région kurde d’Ourâmân. Cette zone contient des villages célèbres tels que Hadjidj et Pirshâliâr.

[9Pâveh est une ville dans la province de Kermânshâh.

[10Sorte d’espadrilles tissées à la main et fabriquées dans de nombreuses régions d’Iran, en particulier dans les zones rurales et montagneuses de la province de Markazi, Kermânshâh et Kurdistan. Les centres de production de guiveh du Kermânshâh sont Pâveh et Harsin.

[11Le guélim(گلیم) ou gelim est une sorte de tapis en laine, fabriqué dans diverses villes de l’Iran surtout dans la ville de Sanandadj.

[12Tapis de prière.

[13Bidjâr est une ville du Kurdistan dont les tapis noués à la main sont connus pour leur qualité.

[14Onzième mois du calendrier persan, équivalent à janvier-février.

[15Deuxième mois du calendrier persan, équivalent à avril-juin.


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