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Dans le sud de la capitale iranienne, entre l’avenue Imâm Khomeyni et la place Hassan Abâd, dans l’un des quartiers les plus animés, la maison et le musée Moghaddam constituent un monde à part. En franchissant sa porte, on laisse soudain de côté le vacarme de la ville pour entrer dans une demeure qui conserve une mémoire d’une époque passée.
Cette demeure ancienne appartenait à Mohsen Moghaddam, le cadet des fils de Ehtesâb al-Molk, maire de la ville à l’époque qâdjâre et du règne de Nâssereddin Shâh. Elle fait partie des plus belles maisons anciennes d’Iran, et contient de nombreux objets historiques de valeur. Dès son enfance, Mohsen eut une passion pour le dessin et la peinture, et apprit cet art auprès de Kamâl-ol-Molk – on le voit d’ailleurs assis dans l’un des célèbres tableaux peints de sa classe par le maître lui-même. Par la suite, Mohsen Moghaddam se rendit en Suisse avec son frère Hassan et rentra en Iran durant la Seconde Guerre mondiale. Il retourna en Europe pour étudier l’archéologie et l’histoire, avant de rentrer de nouveau au pays où il dirigea des fouilles à Deylam et à Suse. Il est ainsi considéré comme l’un des premiers archéologues iraniens ayant travaillé aux côtés d’occidentaux. Il est également le fondateur de la faculté des Beaux-arts et a enseigné à l’Université de Téhéran. Avec son épouse francophone, ils accordaient une attention particulière à la conservation des objets historiques précieux menacés de disparition.
La maison, qui est désormais connue sous le nom de musée Moghaddam, est une bâtisse qâdjâre décorée selon le style de l’époque, ayant un andarouni (partie "privée" réservée à la famille) et birouni (partie réservée aux invités). On peut y observer quelques tuiles émaillées précieuses dont certaines sont uniques au monde. L’intérieur contient également une collection de tissus anciens dont la richesse est exceptionnelle. Néanmoins et pour des questions de conservation, elle n’est généralement pas exposée au public, hormis un tissu sous un cadre en verre.
L’ensemble des murs de la maison sont en tuiles émaillées. Il est également possible d’admirer la petite pièce qui constitue l’entrée du sous-sol ornée de pierres anciennes, coquillages et coraux.
Dans son journal, Moghaddam explique comment il s’est procuré la majorité des objets présents dans cette maison : auprès d’antiquaires, de vendeurs divers du bazar, de propriétaires sur le point de détruire leurs demeures historiques, et dont il a racheté l’ensemble des décorations extérieures et intérieures, ainsi que les tuiles émaillées… d’autres objets étaient sur le point d’être sortis du territoire ou d’être achetés par des étrangers, et furent rachetés par Moghaddam. Certaines de ses acquisitions d’objets iraniens ont même été réalisées à l’étranger. D’autres sont des présents offerts à Moghaddam et à sa famille par des ambassadeurs, émissaires culturels, etc. Parmi ces objets, certains sont plus anciens et remarquables que d’autres, comme cette poterie rouge de Tcheshmeh ’Ali datant de 5000 ans av. J.-C. Le bureau général des musées de l’Université de Téhéran qui gère ce musée est toujours en train de procéder à l’expertise de l’ensemble de ces objets. En 1972, Moghaddam a légué la maison ainsi que l’ensemble de ses objets à l’Université de Téhéran. Il est décédé quelques années après, en 1977. Elle fut peu à peu transformée en musée et ouverte au public à partir de 2009.