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Le Projet de recensement des vêtements traditionnels fut appliqué dans toutes les provinces iraniennes, à l’initiative du Centre des études anthropologiques de l’Organisation iranienne du patrimoine culturel, du tourisme et de l’artisanat. Ce projet fut réalisé dans la province d’Ilâm en 1995 par l’anthropologue Amangaldi Zamir. Ce dernier enrichit son travail par des études de terrain et des recherches en bibliothèque. Son livre présente ainsi des informations complètes sur les vêtements traditionnels de la province d’Ilâm, en faisant référence aux données anthropologiques, sociologiques, géographiques et artistiques. L’anthropologue voyagea pendant un mois dans cinq départements de la province (Ilâm, Darreh-Shahr, Dehlorân, Mehrân, Shirvân va Tchardâval) pour ses échantillonnages fondés sur les diversités de la vie des habitants de la province : environnement, climat, types d’activités, modes de vie (sédentarisme, nomadisme), diversités culturelles… Ainsi, il développa ses études dans dix-huit agglomérations urbaines et rurales de la province d’Ilâm. Son œuvre est la référence des vêtements traditionnels des habitants d’Ilâm, répartie en trois chapitres de vêtements de femmes, d’hommes et d’enfants.
Les vêtements ne se résumant pas seulement à couvrir le corps, le choix des couleurs, des motifs et des ornements peuvent aussi déterminer la personnalité, la situation sociale, économique et culturelle des individus qui les portent. Autrement dit, le vêtement traditionnel a des liens directs avec la structure socioculturelle et la situation économique des groupes et/ou des individus. Les vêtements de femmes sont de loin beaucoup plus variés et ornés que les habits d’hommes. L’âge et l’appartenance sociale déterminent aussi l’usage de certains vêtements par les femmes.
Les femmes élamites se coiffent généralement du sarwan. L’usage de cette coiffe est certes obligatoire pour des raisons religieuses, mais elle constitue également un facteur de distinction socioéconomique et un élément esthétique. Dans presque toutes les différentes parties de la province, les femmes se servent du même type de coiffe, étant donné la cohésion ethnique importante qui caractérise la province d’Ilâm.
Toutefois, de nos jours, le développement des échanges culturels avec les autres régions iraniennes, et surtout l’influence des années de la guerre irako-iranienne (proximité immédiate de la province avec les zones de guerre) ont provoqué d’importants changements vestimentaires pour les habitants, qui se traduisent dans les habits par la suppression de la variété des couleurs au profit de l’usage de plus en plus fréquent du tchador noir. Aujourd’hui, dans la plupart des parties de la province, les femmes portent le maghnâ et le tchador noir, résultat des changements culturels de ces trois dernières décennies.
Treize types de coiffes féminines dominent dans la province : l’araghtchin, le kelaw, le gol-o-ney, le kat, le serwan, le haber, le kassâri, le tchâdor-siye, le moghnâ, le ghatreh, le bansarwan, le sheleh et finalement, l’ossâbeh, ces deux dernières étant particulièrement portées par les femmes arabes kurdes de Moussiyan.
Dans tous les départements de la province d’Ilâm, les vêtements et les éléments d’ornement étaient traditionnellement achetés dans les marchés des villes voisines : Kermânshâh, Gahsr-e Shirin, Pol Dokhtar, Sar-e Pol-e Zahâb ou Bagdad. Douze types d’habits féminins traditionnels ont été répertoriés selon leur usage en fonction des saisons et de la situation socioéconomique des familles : le jirkerâs, le kerâs, le sokhmeh, le yal, le khaftân, le kolandjeh, le sardâri, le soub, le deshdâsheh, le shevâl, le tonekeh et le ghivan.
Ces vêtements ont des coutures, des matières et des ornements différents et très variés. Dans les zones tribales d’Ilâm, les vêtements de femme ont des ornements spécifiques. Les habits traditionnels des femmes arabes de Moussiyan sont visiblement moins ornés que les habits des femmes des autres parties de la province.
Les ornements n’ont pas seulement une fonction esthétique, ils indiquent aussi la situation socioéconomique des familles et des clans. Par exemple, les boucles de nez dites litvâneh sont uniquement portées par les femmes de la tribu Malekshâhi. Ou, sur l’ensemble de la province, seules les femmes mariées portent les molletières dites pâhelâleh. Cet usage s’est d’ailleurs également répandu parmi la population arabe de Moussiyan. Pourtant, ce signe distinctif n’est plus utilisé dans la plupart des parties de la province. Le port des coiffes parées de sautoirs en argent était, jusqu’à il y a peu, un signe d’aisance et de supériorité sociale. L’usage des pantalons dont le bas portait des ornements dits pâvineh est un signe de la chasteté de la jeune femme mariée. Dans les milieux tribaux, le vêtement féminin n’est pas très varié au niveau des ornements. Seule la qualité des tissus permet de distinguer les plus riches des femmes des foyers modestes.
En signe de deuil, les femmes portent du noir. Après la mort du conjoint, la veuve ne porte plus les parures distinctives de la femme mariée. Durant les noces, on voile le visage de la jeune mariée avec un tissu blanc de 1.5 × 1.5 m. que les Arabes appellent tchefiyeh. Cette coutume est également répandue parmi les Lors et les Kurdes de la province d’Ilâm.
Les chaussures traditionnelles des femmes sont techniquement les mêmes que celles des hommes, avec plus d’ornements, surtout des sautoirs qui manquent souvent aux chaussures d’hommes. Cela dit, les chaussures traditionnelles des femmes d’Ilâm ne sont plus particulièrement variées, puisque les chaussures de confection ont presque complètement supplanté les babouches anciennes.
Le tatouage était et est toujours, bien que moins qu’autrefois, répandu parmi les femmes d’Ilâm. Il a tantôt une fonction esthétique, tantôt un rôle curatif. Les femmes utilisent les racines d’un arbuste épineux des régions arides appelé kelkâm et de la suie comme matière première de ces tatouages. Il faut d’abord dessiner sur la peau les motifs, assez simples (étoile, croissant de lune, triangle…). On couvre ensuite le dessin par de l’encre de tatouage, avant de percer la peau. Le tatouage était autrefois pratiqué par des guérisseurs ou des Tziganes nomades. Les femmes stériles se faisaient tatouer le ventre en souhaitant la fécondité. Les jeunes mariées se faisaient tatouer sur le corps des astres et des croissants de lune en espérant le bonheur conjugal.
Les vêtements traditionnels des hommes correspondent aux mêmes critères culturels et socioéconomiques que les habits de femme, mais ils sont moins variés et moins ornementés. Jusqu’à il y a quelques décennies, les tissus étaient souvent produits localement. La plupart des hommes étant éleveurs, ils portaient des vêtements plus chauds en hiver, surtout des manteaux de feutre. De nos jours, les hommes portent moins que les femmes les habits traditionnels, optant volontiers pour des vêtements modernes. Pourtant, les habits traditionnels sont encore portés dans les fêtes et les cérémonies anciennes. Dans les milieux tribaux, la tendance est plus forte notamment pendant les périodes de transhumance du bétail.
N’étant pas marquées par une variée importante, les coiffes masculines se résument souvent en plusieurs types de chapeaux de feutre fabriqués par des artisans locaux. De forme simple, ces chapeaux sont dépourvus de toute parure. Les plus importants types de ces coiffes d’homme sont : l’araghtchin, le kelâw, le latchak et le mizar.
Les vêtements traditionnels masculins, généralement très simples, sont souvent faits en laine de mouton. Autrefois, munis de pistolets, de poignards ou de jumelles pendant la chasse, les hommes portaient toujours un shâl, ceinture de laine épaisse nouée autour de la taille, qui leur permettait d’y garder des objets, tels que leurs armes. En hiver, les éleveurs portent des manteaux de feutre et des pantalons amples.
Etant donné la géographie rude et montagneuse d’Ilâm, la qualité des chaussures a une importance particulière pour les habitants. Les chaussures à semelles de cuir sont traditionnellement plus appréciées, étant donné que les chaussures en tissu s’usent vite et sont inconfortables en montagne. Cinq types de babouches traditionnelles étaient et sont toujours, bien que plus rarement, portés par les hommes d’Ilâm : le djorâv, le guiveh, le klavsh, l’ajieh et le kâlâ.
La qualité et la variété des habits d’enfants sont directement liées à la situation socioéconomique de chaque famille. Comme dans les autres régions iraniennes, il est de coutume que la famille de la mère offre la layette, la literie et le berceau du premier né. Pour les enfants suivants, tout est à la charge des parents eux-mêmes. Autrefois, quarante jours après la naissance de l’enfant, une petite réjouissance était organisée et on habillait l’enfant de neuf. Pendant la première année, l’enfant était souvent emmailloté.