N° 91, juin 2013

Les armes en bronze fabriquées en Ilâm (Elâm)*


Manouchehr Moshtagh Khorasani


1. Introduction

L’Ilâm est une région antique située dans le sud-ouest de l’Iran dont la longue histoire s’étend sur presque trois millénaires, d’environ 3200 av. J.-C. à 500 av. J.-C. Sa civilisation historique et importante était la voisine directe de la Mésopotamie. La relation entre l’Ilâm et la Mésopotamie a été marquée par des périodes de coexistence pacifique, mais aussi de conflits violents et de guerres. Les anciens textes attestent que les Etats élamites appartenaient aux principales forces politiques de l’ancien Moyen-Orient. [1] La majorité des sources antiques sur l’Ilâm sont des textes portant sur la Mésopotamie. Malheureusement, ils accentuent fortement les conflits entre la Mésopotamie et l’Ilâm. [2] Les anciens textes et reliefs montrent non seulement la présence élamite dans le Khouzestân au sud jusqu’à Boushehr, à l’est jusqu’à Marv Dasht, mais aussi la pénétration militaire élamite au nord-ouest jusqu’à la vallée fluviale de Diyala et plusieurs épisodes de la conquête militaire dans le sud, le centre et le nord de la Mésopotamie. [3] Les habitants de l’Ilâm étaient nommés les Elamites et parlaient une langue élamite, reconnue grâce aux textes en cunéiforme et considérée comme étant un isolat linguistique de l’Ilâm comportant des éléments de la langue akkadienne de Mésopotamie. Durant son histoire, la région de l’Ilâm fut dominée par plusieurs royaumes. Certains royaumes de l’Ilâm ont réussi à établir une hégémonie sur toute la région élamite, alors que d’autres périodes ont été marquées par une fragmentation politique. C’est pourquoi on ne peut pas parler d’un royaume élamite continu. Le pouvoir à Ilâm était basé sur une structure gouvernementale fédérale.

Stolper (1984:4) fait la distinction entre les régions de plaines, en particulier le Khouzestân, qui étaient en contact permanent avec les Etats de la Mésopotamie jouant un rôle important dans le développement politique de cette région, et les zones montagneuses aux vastes vallées, qui formaient le cœur de l’Ilâm. Une des capitales élamites, Suse, était très importante. De nombreux textes faisant référence à l’histoire de l’Ilâm font en fait référence à Suse et ses environs [4]. Dans leur sens le plus large, les termes « Elâm » (en persan, Ilâm) et « élamite » sont utilisés pour décrire les régions de l’ouest et du sud de l’Iran. Cependant en termes géographiques modernes, l’Ilâm ancien correspond au Khouzestân, au Fârs et à une partie des provinces de Kermân, Lorestân et du Kurdistân [5].

2. La chronologie historique élamite

Il est difficile de reconstituer l’histoire élamite car il existe peu de sources provenant des régions Élamites. La majorité des sources élamites ont été pour la plupart retrouvées sur le site archéologique de Suse. Même si Suse était l’une des anciennes capitales élamites, elle se trouvait dans une région en contact direct avec la Mésopotamie. De ce fait, l’influence de la Mésopotamie y a joué un grand rôle. On distingue de nos jours trois phases de durées différentes dans l’histoire de l’Ilâm :

La période proto-élamite, d’environ 3200 à — ? av. J.-C.

 [6]

La période proto-élamite est attestée par plusieurs sites archéologiques iraniens, à commencer par les niveaux 16 à 10 de Suse (Période Suse III), Banesh moyen à Tell-e Malyan (Anshan), IV à Teppeh Sialk et IV C à Teppeh Yahyâ. On utilisait déjà le cuivre provenant de l’ouest de l’Iran 7000 ans av. J.-C. [7] Au niveau Sialk II de 4500-4000 av. J.C., on trouve certains objets en cuivre de meilleure qualité et des vestiges de traitement du cuivre. La forme de la tête de lance s’est améliorée considérablement. La première preuve du cuivre moulé est une caractéristique essentielle du substrat 4 du niveau Sialk III à la fin de 5000 av. J.-C. ou au début de 4000 av. J.-C. Au niveau Sialk III, la phase 5, le répertoire des objets trouvés a augmenté considérablement, incluant les burins, les haches plates martelées et coulées dans des moules, ainsi que les lames fines de dagues avec une soie longue. [8] Durant cette période, on peut trouver dans les textes anciens des preuves de l’existence des armes produites en Ilâm. Le texte du roi sumérien prétend qu’En-Mebaragesi de Kish (d’environ 2600 av. J.-C.) « emmena comme récompense les armes du pays de l’Ilâm. » [9] Un autre document de cette période où l’on peut lire quelque chose sur les activités militaires de l’Ilâm est une lettre de Shusharra, près de la Rania actuelle, dans laquelle le souverain local rend compte à son suzerain Shamshi Adad I d’Assyrie (1813-1781 av. J.-C.) des activités de Shuruhtuh, le roi de l’Ilâm (les textes de Suse transcrivent son nom en Shiruktuh). Le correspondant de Shamshi-Adad raconte que le roi de l’Ilâm prépara une armée de 12 000 soldats et se tourna vers le souverain de Gutium. [10] Le texte décrit la conquête sur plus de soixante-dix lieux. [11] Moorey (1971:39-41, fig. 3, 1) montre une hache du milieu du troisième millénaire ou plus tard av. J.-C. en bronze arsenical. Ce type de hache devait avoir atteint le Lorestân en passant par Ilâm et Sumer. Cet alliage est généralement utilisé durant cette période. Mahboubiân (1977:166, d) montre une hache similaire d’Ilâm attribuée au début du deuxième millénaire av. J.-C. Une autre hache en bronze de type similaire provenant de l’ouest de l’Iran est attribuée à 2600-2400 av. J.-C. [12] Pour une hache similaire de ce type dans le Musée de Bonyâd, voir les photos 1 et 2.

Photos 1 : Une hache en bronze de l’Ilâm (Musée de Bonyâd)
Photos 2 : Une hache en bronze de l’Ilâm (Musée de Bonyâd)
Photos 3 : Une herminette en bronze de l’Ilâm (Musée de Bonyâd)
Photos 4 : Une dague en cuivre de l’Ilâm (Musée de Bonyâd)

Moorey (1971 : 46, fig. 3, 1) montre un autre type de hache en bronze de l’Ilâm portant une décoration zoomorphe du milieu du deuxième millénaire. On peut trouver également des herminettes fabriquées dans l’Ilâm à la fin du troisième siècle. [13] Pour un exemple similaire du Musée de Bonyâd, voir les photos 5 et 6.

Photos 5 : Une dague en bronze de l’Ilâm (Musée de Bonyâd)
Photos 6 : Une dague en cuivre de l’Ilâm (Musée National de Téhéran)

La période moyen [médio]-élamite, environ 1450 à 1100 av. J.-C

 [14]

Durant la période suivante, Sukkalmah (le grand Régent) [15], la zone d’occupation de Suse diminua. Le site de Haft Tepe situé 20 kilomètres vers le sud s’étendait sur 30 ha. [16] Durant le règne du roi Untash-Napirisha (1275 à 1240 av. J.-C.), on apporta à Suse la statue incomplète de la déité Immeriya comme trophée, laquelle statue portait une inscription akkadienne commémorative prouvant que les armées élamites exerçaient des pressions sur les régions des montagnes au dessus de Der. [17] Certaines guerres du roi Shilhak Inshushinak (1150 à 1120 av. J.-C.) visant à pousser les frontières élamites vers l’intérieur de l’Iran et à y bâtir de nombreux temples. [18] Mais durant cette période, on ne peut pas considérer les guerres élamites contre la Mésopotamie comme une expansion impériale réelle afin de repousser la frontière à l’ouest. De plus, les attaques élamites étaient des raids punitifs ou de pillage. [19]9 Amiet (1976:29) montre une hache inscrite au nom de Shilhak-Inshushinak (1150 à 1120 av. J.-C.), roi d’Ilâm (de la collection Foroughi).

Photos 7 : Une dague en bronze de l’Ilâm (Musée National de Téhéran)

La période néo-élamite, environ 743 à 500 av. J.-C.

 [20]

En 814 av. J.-C., un contingent de l’armée élamite aida le roi babylonien Marduk-Balassu-Iqbi dans une bataille contre le roi assyrien Shamshi-Adad V (823-811 av. J.-C.) à Dur-Papsukkal aux environs de Der. Cette manœuvre s’est ensuite répétée durant les VIIIe et VIIe siècles av. J.-C. L’Ilâm fournissait souvent de l’aide militaire et un refuge politique aux opposants babyloniens de l’Assyrie, tandis que les armées assyriennes essayaient de contrôler Babylone et les montagnes de Zagros au nord du Khouzestân. [21] L’Ilâm resta pendant presque un siècle un ennemi acharné de l’Assyrie tandis que l’Assyrie elle-même survécut à peine trente ans à son triomphe sur l’Ilâm au Khouzestân. [22]

Photos 8 : Une hache en bronze du Lorestân (Musée de Bonyâd)

3. Le rôle du Lorestân dans la fabrication des armes durant la période Élamite

Le Lorestân a joué un rôle important dans la production des armes dans le monde antique de l’Iran. En effet, les deux civilisations de l’Ilâm et de la Mésopotamie utilisaient les armes produites dans le Lorestân. On peut caractériser l’art du Lorestân comme un art de bergers et de cavaliers nomades. [23] On y produisait des armes au cours de la période allant de 2500 à 650 av. J.-C. Les hommes étaient enterrés avec des dagues, des épées et autres armes. Il n’est pas certain que l’ensemble de l’art du Lorestân ait eu uniquement une signature de nomades, comme l’hypothèse en a été proposée par de nombreux chercheurs. Il existe à ce propos des documents anciens relatant des conflits entre les nomades et les fermiers. Il est probable que les artisans et les forgerons vivaient dans les villes où les nomades venaient chercher leurs provisions. Les tribus du Lorestân étaient analphabètes. Il est donc nécessaire de reconstruire leur histoire d’après la documentation de leurs puissants voisins du sud, qui étaient les ةlamites du Khouzestân avec leur capitale Suse et les Babyloniens dans le sud de l’Irak. [24] Ces civilisations urbaines puissantes étaient constamment en conflit l’une avec l’autre, et recrutaient parfois des mercenaires du Lorestân venant des montagnes du Zagros. Les hommes des tribus montagnardes du Lorestân servaient non seulement de mercenaires, mais pillaient aussi les villes basses quand celles-ci étaient affaiblies et vulnérables. Les documents élamites et babyloniens mentionnent peu ces hommes des tribus de Zagros, ce qui laisse à penser que les contacts n’étaient pas si nombreux entre ces peuples. Mais en même temps, les rapports sur ces tribus sont flous et assez négatifs. Durant certains moments particuliers de l’Histoire, il semble que les Babyloniens et les Elamites partageaient des liens étroits avec ces tribus de Zagros. La preuve de ces liens est la découverte de certaines armes en bronze du Lorestân sur lesquelles sont inscrits les deux noms des rois élamites et babyloniens. Les liens économiques étroits impliquent que les forgerons locaux du Lorestân aient joué un rôle dans la production des armes pour les clients étrangers entre 2500 à 1200 av. J.-C. [25] Durant cette période, il est difficile de distinguer les armes produites dans le Lorestân de leurs semblables produites dans l’Ilâm et la Mésopotamie. Après le deuxième millénaire [26], une tendance générale de décoration zoomorphe a commencé à apparaître sur les armes en bronze produites dans le Lorestân. Cette caractéristique devint la caractéristique distinctive du style local du Lorestân. Les armes en bronze du Lorestân étaient de haute qualité. Les motifs d’animaux sur les lames et les poignées sont typiques de ces armes en bronze. On peut probablement trouver l’origine de la décoration zoomorphe en Ilâm. [27]

Photos 9 : Une hache en bronze du Lorestân (Musée de Bonyâd)

Les premières armes en bronze, en particulier les dagues, les haches et les herminettes, partagent des similitudes avec les armes de la Mésopotamie et de l’Ilâm de 3000 av. J.-C. [28] Souvent, les armes du Lorestân avaient un collet avec plusieurs pointes décorées parfois de figurines animales. Malheureusement, la plupart des artefacts existants de la civilisation élamite sont de petites pièces réparties en différents lieux, et seulement quelques unes sont en bon état. Les forgerons élamites utilisaient aussi les décorations zoomorphes sur leurs armes. Le territoire du Lorestân fut sous le contrôle des forces armées élamites durant une majeure partie du deuxième millénaire et cette situation continua jusqu’à environ 1200 av. J.-C., lorsque l’armée babylonienne infligea une défaite d’une telle ampleur aux Élamites, qu’Ilâm fut incapable de s’en remettre durant 300 ans. [29] L’effet de cette défaite sur la culture matérielle du Lorestân fut extrêmement important. Les forgerons du Lorestân purent prendre de la distance par rapport aux techniques anciennes en l’absence de la proximité oppressive des occupants élamites. Par conséquent, une culture d’innovation et d’expérimentation fleurit et le répertoire des forgerons du Lorestân s’élargit pendant la période allant de 1150 à 1050 J.-C. (l’âge du fer I). A partir de cette époque, quand le fer commença à être utilisé pour la première fois au Moyen-Orient, les forgerons du Lorestân progressèrent remarquablement dans leur capacité à le travailler. Le Lorestân bénéficia de la défaite décisive de l’Ilâm et fut relativement indépendant pendant le XIe et début du Xe siècle av. J.-C. A aucun moment durant les trois derniers millénaires av. J.-C., le Lorestân ne fut une entité ethnique ou politique. Cependant, ses habitants avaient des relations avec les civilisations voisines élamites, babyloniennes, sumériennes et assyriennes du fait des guerres et du commerce durant la période de 3000 à 2000 av. J.-C. [30]

4. Les caractéristiques du bronze

Le bronze est un alliage métallique constitué de cuivre et de petites quantités d’autres métaux, généralement du zinc, de l’étain ou de l’arsenic. Quand ces impuretés sont ajoutées au cuivre, celui-ci devient moins malléable et donc adapté à la fabrication d’objets durs et tranchants comme les armes et les outils. [31] En Iran, l’artefact le plus connu et le plus ancien est une perle en cuivre découverte sur le site de Ali Kosh, sur le plateau de Deh Lorân. Cet artefact date d’environ 6750 à 6000 av. J.-C. [32] Normalement, le bronze se compose de cuivre et d’étain dans une proportion respective de neuf à un. En comparaison avec le cuivre, le bronze présente de nombreux avantages :

a) L’étain ou autre alliage métallique sert à augmenter considérablement la dureté du matériau obtenu ;

b) Un autre avantage de l’étain comme métal d’alliage est qu’il permet une température de fonte plus basse et on peut donc conserver le combustible précieux pour le four.

c) Quand le bronze est liquéfié, il est plus facile de le couler dans un moule que le cuivre. [33]

Les plus anciens artefacts en bronze avec de l’étain comme métal d’alliage découverts à Suse (Ilâm) datent de la fin de 4000 av. J.-C. jusqu’au début de 3000 av. J.-C. [34] Un grand nombre de ces artefacts en bronze sont des armes trouvées dans des tombes de guerriers au Lorestân. On fabriquait aussi un grand nombre d’outils, qui par contre étaient utilisés jusqu’à ce qu’ils soient usés ou détériorés. Une fois hors d’usage, ils étaient fondus et le bronze réutilisé. [35] La majorité des collections d’artefacts en bronze de l’ouest et du sud-ouest de l’Iran sont des armes et des outils. Les tout premiers objets datés de 3000 av. J.-C. étaient des armes et des outils avec un collet ou talon. Il faut noter que le collet (talon) était un moyen plus sûr qu’une soie pour attacher une arme en bronze, comme une tête de lance, à un manche en bois (hampe). On développa une multitude de différentes formes de têtes de lance du deuxième millénaire à 800 av. J.-C. Ces armes comprenaient des haches, des pioches, des dagues, des lances, des épées, des casques et des boucliers. [36] Les armes et armures étaient produites différemment. Tandis qu’en général on coulait les armes, les différentes parties des armures étaient, elles, fabriquées grâce à un processus de martelage. On fabriquait également les boucliers avec le métal martelé. [37] Dans le Lorestân, on utilisait des méthodes sophistiquées pour fabriquer les armes en bronze. On y utilisait un grand nombre de finitions de surface : le repoussé et la gravure. Les montagnes du Lorestân sont particulièrement riches en cuivre et en étain, et c’est pour cette raison que les armes pouvaient être fabriquées en cuivre et en bronze. On faisait des expériences avec la combinaison d’arsenic et de cuivre pour mettre au point des types d’alliage de bronze plus ou moins résistant selon l’objet à fabriquer. D’un type d’artéfact à l’autre, les alliages de cuivre et d’étain variaient considérablement. Par exemple, il existait un pourcentage pour les proportions d’étain dans les épées et les dagues en bronze qui devaient être puissantes et solides. Les autres artefacts qui ne devaient pas être si résistants, comme par exemple les broches, contenaient une proportion plus importante d’étain. [38] La composition typique de l’alliage du bronze est [39] :

Cuivre 90%

Étain 8%

Plomb, fer, nickel et arsenic 2%

La source du métal utilisé pour fabriquer les armes est encore incertaine. Le cuivre provenait peut-être de la région d’Anârak (dans la province centrale d’Ispahan). Dans les zones où le cuivre était extrait, il était également possible de trouver du fer. [40] Durant le 3e millénaire av. J.-C., le transport de l’étain d’est en ouest s’effectuait à travers l’Irak et la Syrie. Cependant, la source originelle en Iran de l’étain transporté demeure très incertaine. Il est possible qu’il s’agisse de la région du Khorâssân qui se trouve très à l’est du Lorestân. [41]

Photos 10 : Une hache en bronze du Lorestân (Musée de Bonyâd)

5. Les méthodes de fabrication des armes en bronze

On utilisait deux méthodes pour fabriquer les armes en bronze : a) couler (rikhtegari) et b) marteler (tchakoshkâri). [42] Contrairement aux armes ferreuses, les armes en bronze n’étaient pas forgées mais devaient être coulées. [43] Tout d’abord, il fallait fabriquer un moule en grès ou en argile représentant la forme de l’arme future. Ensuite, on versait l’alliage métallique fondu dans le moule et quand le métal avait suffisamment refroidi et s’était durci, on cassait le moule et sortait l’arme coulée à l’état brut. Puis on limait, diminuait et polissait le métal jusqu’à ce que l’arme obtienne sa forme définitive. [44]

On utilisait trois méthodes pour couler le bronze : a) le moule ouvert (qâleb-e bâz), b) le moule fermé (qâleb-e basteh ou qâleb-e dokafeh), c) la technique à la cire perdue (qâlebgiri bâ moum gomshodeh) [45] et d) la méthode de martelage pour durcir les tranches.

a) Le moule ouvert : il était fait d’une seule pièce (modèle) en argile ou en pierre où l’on coulait le bronze en fusion. Cette technique est l’une des plus simples et des plus anciennes et permettait la fabrication d’armes et d’outils simples, composés d’un seul tenant comme le couteau, le poignard, etc. Une pierre plate était posée sur le moule pour éviter l’oxydation et garder la surface plane de la forme. Ensuite, on martelait et recuisait l’arme pour rendre le métal doux et malléable.

Photos 11 : Une dague en bronze du Lorestân fabriquée avec la méthode « cast-on » (Musée de Bonyâd)

b) Le moule fermé : celui-ci était composé de deux éléments reliés ensemble. Les moules utilisés pour cette méthode étaient munis à l’intérieur d’un ou plusieurs canaux pour pouvoir verser le métal liquide. Le bronze en fusion était versé à l’intérieur du moule par une ouverture sur le côté. Avec cette méthode, on pouvait fabriquer des armes plus complexes telles que les haches, les lames ajourées, les têtes de lance et leurs soies, les herminettes, les armes à collet, etc. Les trous pour les manches étaient faits en plaçant un noyau. Le bronze en fusion coulé dans le moule se solidifiait autour de ce noyau. Grâce à ce processus, un espace était laissé libre pour pouvoir insérer ultérieurement le manche. [46]

c) La technique de la cire perdue : cette technique impliquait de sculpter dans un premier temps un objet en cire d’abeille (positif). Parfois, un noyau de sable ou d’argile était placé à l’intérieur du moule pour créer un espace pour le manche dans l’objet terminé. Ensuite, on recouvrait le moule en cire de deux coquilles d’argile (négatif) qui avaient un trou pour pouvoir couler le bronze en fusion, qui durcissait lors de la cuisson au four à 600 °C. La cire d’abeille s’échappait par les trous dans la chape du moule, par lesquels on coulait ensuite le bronze en fusion. Le bronze empruntait la forme laissée par la cire dans l’espace se situant entre les coquilles et le noyau. Après la solidification du bronze, le moule était cassé pour pouvoir enlever l’arme. Il est probable que l’on utilisait la technique de la cire perdue seulement pour fabriquer les parties les plus complexes de la poignée et non pas pour l’arme complète. Les forgerons utilisaient certainement une autre méthode par laquelle la poignée était fondue sur la soie de la lame (la méthode de « Cast-on »). Cette technique se composait de deux phases : a) la lame était d’abord fabriquée dans un moule, b) puis la poignée était faite dans un autre moule qui était fondu directement sur la soie de la lame. On fabriquait en premier la lame en bronze ou parfois en fer, puis on utilisait la méthode de « Cast-on » pour attacher la poignée sur la soie. [47] Normalement, on utilisait un autre moule pour la poignée qui était fabriquée parfois avec la technique de la cire perdue. Les forgerons du Lorestân étaient très habiles et particulièrement experts dans la technique de la cire perdue. Ils étaient aussi capables de graver des détails complexes sur le moule en cire avant le processus de fonte. [48] La méthode de cire perdue avait l’avantage de permettre de nombreux détails morphologiques et décoratifs dans le moulage final.

d) Martèlement (tchakoshkâri) : dans cette méthode, on martelait les tranches des lames pour les durcir. [49]

* Les mots « Elam » et « Ilâm » ne se différencient que par la prononciation et réfèrent à la même région, Ilâm étant la prononciation persane officielle, ainsi que le nom officiel de cette province aujourd’hui. De même pour « élamite » ou « ilâmi ».

Références :
- Amiet, Pierre, Les Antiquités du Luristan, collection David-Weill. Paris, diffusion par Boccard, 1976.
- Ayazi, Souri, Disc-Headed Bronze Pins from Lorestân : A Symbol of Ancient Iran’s Past, Tübingen, Legat Verlag, 2008.
- Carter, Elizabeth, "Archaeology" in : Elam : Surveys of Political History and Archeaology, Near Eastern Studies, vol. 25, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, 1984, pp. 103-189.
- Grotkamp-Schepers, B. et P. Joerissen, Deutsches Klingenmuseum Solingen : Führer durch die Ausstellungen, Kِln, Rheinland Verlag, 1997.
- Mahboubiân, Houshang, Art of Ancient Iran : Copper and Bronze, London, Philip Wilson, 1997.

Matt W. Stolper, "Political History" in : Elam : Surveys of Political History and Archeaology, Near Eastern - Studies, vol. 25, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, 1984, pp. 3-58.
- Moorey, P.R.S., Ancient Persian Bronzes in the Adam Collection, London, Faber and Faber, 1974a.
- Moorey, P.R.S., Ancient Persian Bronzes from Luristan, London, British Museum Publications, 1974b.
- Moorey, P.R.S., Catalogue of the Ancient Persian Bronzes in the Ashmolean Museum, Oxford, Oxford University Press, 1971.
- Moshtagh Khorasani, Manouchehr, Bronze and Iron Weapons from Luristan, Antiguo Oriente : Cuadernos del Centro de Estudios de Historia del Antiguo Oriente, vol. 7, 2009, pp. 185-217.
- Moshtagh Khorasani, Manouchehr, Arms and Armor from Iran : The Bronze Age to the End of the Qajar Period, Tübingen, Legat Verlag, 2006.
- Sadegh-Behnam, M. et A. Koh, Mefraq-hâye Lorestân va Sanâyeh-ye Feleziyeh Eslâmi (Lorestân Bronzes and Islamic Metalwork). Khorramâbâd, Mouzeh-ye Khorramâbâd, (date non précisée).
- Stutzinger, Dagmar, Mit Hieb und Stich : Bronzewaffen aus dem alten Iran, Die Sammlung von Grawert, Archنologische Reihe 18, Frankfurt am Main, Museum für Vor- und Frühgeschichte – Archنologisches Museum, 2001.

Notes

[1Voir Stolper (1984:3).

[2Ibid.

[3Ibid. (1984:4).

[4Ibid.

[5Voir Carter (1984:103).

[6Voir Stolper (1984:5).

[7Voir Moorey (1971:282).

[8Ibid. (1971:282-283).

[9Voir Stolper (1984:10).

[10Ibid. (1984:28).

[11Ibid. (1984:29).

[12Voir Stutzinger (2001:50).

[13Voir Moorey (1971:60, 29). Pour d’autres exemples voir Mahboubiân (1997:166, a).

[14Voir Stolper (1984:32).

[15C’était un titre utilisé par les rois élâmites environ 2000 à 1500 av. J.-C.

[16Voir Stolper (1984:33).

[17Ibid. (1984:38).

[18Ibid. (1984:41).

[19Ibid. (1984:42).

[20Ibid. (1984:44).

[21Ibid.

[22Ibid. (1984:45).

[23Moshtagh Khorasani (2009:189).

[24Ibid.

[25Moshtagh Khorasani (2009:190).

[26Moorey (1974b:24).

[27Ibid. (1971:45).

[28Sadegh-Behnam et Koh (date non précisée:7, 13).

[29Moorey (1974b:25).

[30Moshtagh Khorasani (2009:190-191).

[31Ibid. (2006:49).

[32Ayazi (2008:15).

[33Moshtagh Khorasani (2006:49).

[34Ayazi (2008:17).

[35Moorey (1974a:33).

[36Ayazi (2008:15).

[37Ibid.

[38Moorey (1974a:32).

[39Grotkamp-Schepers et Joerißen (1997:16).

[40Moorey (1974a:32).

[41Ibid.

[42Ayazi (2008:19-20).

[43Grotkamp-Schepers et Joeriكen (1997:15).

[44Ayazi (2008:19-20).

[45Grotkamp-Schepers et Joerißen (1997:15).

[46Moorey (1974a:31).

[47Ibid.

[48Ibid.

[49Ibid.


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