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Traditionnellement, le mot « tourisme » évoque, dans l’esprit des Iraniens, le fait de se rendre dans les villes verdoyantes du nord du pays ou de visiter les monuments historiques de Shirâz ou d’Ispahan. Mais depuis quelques années, de nouvelles tendances émergent dans les habitudes touristiques des jeunes Iraniens. Des passe-temps plus modernes, des activités d’aventure, de nouvelles formes d’écotourisme, de nouveaux itinéraires, des voyages à thème pour différents âges, des tours écoresponsables dans les réserves de biosphère, un tourisme d’auto-stop féminin, le partage d’informations touristiques sur les réseaux sociaux et les divers sports aquatiques sont à la mode chez les jeunes générations qui considèrent désormais le tourisme comme un phénomène social et un plaisir éducatif, et non pas comme un simple divertissement familial ou un loisir. Parmi ces nouvelles tendances, le White Water Rafting, ou le Radelage en eau vive, a attiré un grand nombre de jeunes désireux de découvrir les beautés naturelles et les paysages intacts des provinces moins connues d’Iran. Malgré sa réputation mondiale de pays sec, l’Iran possède des fleuves présentant toutes les caractéristiques nécessaires à ce sport, ainsi que d’autres sports aquatiques. Tenant compte de la situation géographique et climatique des pays de l’Asie de l’Ouest, ces attractions écotouristiques d’Iran offrent d’excellentes opportunités régionales où investir et pourraient devenir, même à court terme, des sources de revenus importants pour l’industrie touristique iranienne.
Les efforts personnels de professionnels passionnés ont joué un rôle de premier plan dans le développement de ce secteur en Iran. Ces actifs de l’écotourisme se sont donnés pour mission d’identifier et de présenter les nouvelles destinations du rafting et des sentiers nautiques méconnus dans différentes provinces iraniennes. Ils ont pu, ces dernières années, former des amateurs qui ont, à leur tour, fait connaître ce domaine à d’autres passionnés. Les succès des sportifs iraniens du rafting et du canoë slalom dans les championnats internationaux des différents continents ont joué un rôle important dans la présentation du rafting iranien dans les milieux internationaux. La structure officielle chargée de la promotion de ce sport en Iran est la Fédération iranienne de nautisme, d’aviron et de canoë, qui est membre de la Fédération mondiale de rafting (World Rafting Federation). Notons néanmoins que les structures privées d’Iran sont dans l’ensemble beaucoup plus motivées et dynamiques que les organisations gouvernementales, ralenties par d’interminables processus bureaucratiques.
De nos jours, les rivières et les fleuves qui sont exploités par les clubs de rafting iraniens sont le Sefidroud dans le Guilân, le Karaj dans la province d’Alborz, le Harâz et le Châlous dans la province de Mâzandarân, le Khersân dans le Kohkilouyeh-va-Boyer Ahmad, l’Armand dans le Bakhtiâri et le Zâyanderoud (à son amont) dans la province de Tchahârmahâl va-Bakhtiâri, le Zab dans la province d’Azerbaïdjân de l’Ouest, et le Sirvân dans la province du Kurdistan. Les quatre premières rivières citées se trouvent dans la chaîne Alborz, au nord de l’Iran, les autres dans la grande chaîne montagneuse du Zagros, qui traverse du nord au sud tout l’ouest du pays. La province du Lorestân, située dans la même zone géographique, est parcourue par d’importantes rivières qui se forment dans les hautes montagnes du Zagros et s’écoulent au milieu des hautes vallées escarpées de la région, parcourant de longues distances en vue d’alimenter, dans leur embouchure, les grands fleuves de la province du Khouzestân, comme le Dez ou le Kâroun.
Les rivières du Lorestân répondent aux normes internationales exigées pour les compétitions professionnelles des sports aquatiques, notamment le rafting et le canoë slalom en eau vive. Aujourd’hui, seuls quelques-uns de ces cours d’eau lors voient l’organisation d’activités de rafting. Cependant, elles ne sont pas les seules à posséder les caractéristiques techniques nécessaires au rafting, d’après la classification mondialement reconnue de l’Association américaine de Rafting. La rivière César et la rivière Kashkan sont les deux rivières les plus fréquentées par les équipes de rafting. Depuis quelque temps, la rivière Kashkan a malheureusement perdu son débit initial à la suite de projets hydriques mal-calculés du gouvernement iranien, et ne peut pour le moment plus être exploitée pour ce sport. Mais la rivière César continue à accueillir les passionnés de rafting. Les amateurs et professionnels iraniens n’y sont pas les seuls, car l’endroit accueille également des équipes internationales. En 2015, par exemple, une équipe germano-suisse s’est rendue dans le Lorestân afin de réaliser une escapade de rafting dans les rivières de cette province. Les cinq membres de cette équipe ont admiré, sur leur trajet, les beautés des cascades merveilleuses de Bisheh et Palang Darreh (Vallée des panthères), ainsi que des ponts historiques de la voie ferrée du Lorestân. Cette équipe a aussi profité de l’occasion pour effectuer des promenades plus « terrestres », dans les forêts endémiques de la région.
La rivière César a des rapides de classes II à IV. Ce classement, défini initialement par l’Association américaine de rafting (USRA) et adopté par la Fédération internationale de Canoë (ICF), partage les rivières du monde en 6 catégories relatives à la difficulté de la navigation, les courants spiraux, les rapides, les vagues et les chutes, les passages étroits, les obstacles et les roches auxquels se heurte le radeau pneumatique. Les rapides de classes II à IV de la César du Lorestân permettent donc aux amateurs de rafting de niveaux différents de choisir la difficulté du parcours. Le kayak et le canoë slalom se pratiquent également sur cette rivière. La meilleure saison pour réaliser un tour de rafting dans le Lorestân est la période allant de mai à novembre.
Les tours de rafting dans le Lorestân ont également des conséquences positives sur la culture et l’économie de cette province plutôt défavorisée. La création d’emplois dans différents secteurs (transport, hébergement, restauration, guides locaux, etc.), la mise en valeur des éco-lodges dans des villages reculés, ou encore la vente de produits alimentaires et artisanaux des tribus nomades constituent une source de revenus pour les habitants de cette province. Ce tourisme sportif a également des conséquences culturelles. Il permet notamment de faire connaître la culture locale des habitants – tant celle des sédentaires que des nomades de la région. Les touristes peuvent ainsi directement découvrir le mode de vie et les expressions artistiques des Lors. Entre Iraniens, cela peut avoir des effets positifs dans la correction de certains préjugés et le renforcement de la cohésion nationale, ainsi que l’amitié interculturelle entre les différentes ethnies iraniennes.
Le développement de l’écotourisme a cependant ses revers. Aujourd’hui, les organisateurs iraniens de rafting, tout en encouragent leurs jeunes élèves, ne cessent de les avertir au sujet des excursions non-standardisées de rafting organisées par des non-professionnels, qui ne respectent pas les normes de sécurité. Ces dernières années, ces programmes non-professionnels ont malheureusement coûté la vie à plusieurs touristes iraniens ayant sous-estimé les dangers de ce sport. En 2016 par exemple, sont décédés Payâm Banihâshemi, un des moniteurs et champions reconnus de ce sport en Iran, ainsi qu’un secouriste de l’organisation iranienne du Croissant Rouge, alors qu’ils s’étaient jetés à l’eau pour secourir des écotouristes amateurs dans la rivière Harâz, au nord du pays.
Au-delà du respect des mesures de sécurité, il s’agit de respecter les valeurs essentielles de l’écotourisme. L’écotourisme se veut animé par une orientation responsable dans le tourisme durable et avant tout critère financier ou économique, il privilégie le respect des croyances, des dialectes et des coutumes des habitants locaux. Il s’engage aussi à strictement protéger l’écosystème et la nature de la région hôte aussi bien que son patrimoine culturel.