N° 163, juin 2019

Les différents types de sources chaudes exploitables pour le thermalisme


Babak Ershadi


Six provinces de l’Iran concentrent près de la moitié des sources chaudes exploitables pour le thermalisme.

Avec des centaines de sources d’eau chaude d’assez bonne qualité pour le thermalisme, l’Iran peut devenir un pôle important du tourisme de santé et du tourisme médical dans la région et dans le monde. [1] L’Organisation nationale des études géologiques a recensé quelque 369 sources d’eaux minérales et sources chaudes à travers le pays qui peuvent être économiquement exploitées. Les analyses physiques et chimiques de toutes ces sources ont été réalisées et des organismes spécialisés assurent les évaluations périodiques de la qualité de ces eaux minérales ou thermales. Parmi ces sources identifiées à travers le pays, certaines sont aujourd’hui de grandes stations thermales connues et appréciées au niveau national, et beaucoup d’autres ne sont exploitées qu’à un niveau local. Compte tenu du grand potentiel de la plupart des régions où se situent des sources chaudes, le thermalisme pourra jouer un rôle important dans le développement du tourisme de santé, du tourisme médical et de l’écotourisme.

De nombreuses sources chaudes sont encore inexploitées.

Des études scientifiques modernes sur la composition et les vertus curatives des sources d’eau chaude iraniennes ont commencé pendant la seconde moitié du XIXe siècle, surtout menées par des voyageurs européens. L’essentiel de ces recherches ne fut pas réalisé dans de bonnes conditions scientifiques, car ces voyageurs non spécialistes devaient soit s’en remettre aux connaissances empiriques des habitants, soit ramener des échantillons qu’ils prélevaient sur place pour les faire examiner dans les laboratoires de leur pays origine, ce dans des conditions peu optimales, avec un temps de transfert long et des risques d’altération des échantillons.

Les premières études nationales sur les sources chaudes ont été réalisées en 1927 sur une source chaude située au nord-est de la capitale iranienne. En 1949, les sources d’eau de Sar’eyn (province d’Ardebil) et de Mahallât (province de Markazi) ont fait l’objet d’un vaste projet d’études parrainé par le gouvernement iranien. Avant la Seconde Guerre mondiale, deux stations de recherche ont été installées près des sources chaudes de Râmsar et de Larijân (province de Mâzandarân).

Les deux villages d’آb-Garm et de Lâridjân, dans la région montagneuse de la province du Mâzandarân.

De 1961 à 1969, le département d’hydrologie de la Faculté de Pharmacie de l’Université de Téhéran a mené une longue étude sur de nombreuses sources d’eau chaude iraniennes. Ces recherches se concentrèrent sur les propriétés physiques, chimiques et microbiennes des sources chaudes qui faisaient l’objet de ce projet scientifique. Des sources thermales existent dans la quasi-totalité des provinces iraniennes. Le plus grand nombre des sources identifiées sont localisées dans six provinces : Azerbaïdjan de l’Ouest (49), Ardebil (42), Mâzandarân (42), Kermân (31), Sistân et Baloutchestân (29), et Azerbaïdjân de l’Est (28). ہ la fin de la liste se trouve la province de Kohkilouyeh-et-Boyer Ahmad, où une source chaude unique a été recensée.

Un hammam construit à Lâridjân à l’époque du roi safavide Shâh Abbâs Ier (1588-1629).

Près de la moitié des sources chaudes connues de l’Iran se situent dans ces six provinces du nord-ouest, du nord et du sud-est. Cette répartition géographique est significative du point de vue géologique, étant donné que les champs volcaniques les plus importants du pays se trouvent dans ces provinces : Damâvand (Mâzandarân), Taftân, Bazmân et Shahsavârân (Sistân et Baloutchistan), Sabalân (Ardebil), Sahand (Azerbaïdjan de l’Est) et Qal’eh Hassan Ali (Kermân).

La classification chimique de l’eau des sources d’eau chaude repose sur la présence majeure de sels minéraux. En outre, selon les normes, l’eau d’une source est considérée comme favorable au thermalisme à condition qu’elle surgisse du sol à une température supérieure à 20 °C. Les propriétés thérapeutiques ou médicales dépendent directement de la composition spécifique de l’eau (sels minéraux et oligo-éléments [2]).

Une piscine de la station thermale de Mahallât (province Markazi).

L’hydrothérapie thermale peut être externe, basée sur l’usage des bains ou des douches, mais aussi interne, avec l’absorption de certaines eaux minérales, soit par inhalation ou gargarisme, soit par voie orale. En parallèle au traitement par les eaux des sources chaudes, des boues et gaz font partie intégrante des soins en cure thermale. Ces derniers ont aussi des propriétés spécifiques en fonction du sol dont ils sont extraits.

D’un point de vue chimique, les sources chaudes se divisent en six groupes principaux.

La piscine en extérieur de la source chaude Gamish Gِlü. La piscine est ouverte jusqu’à tard dans la nuit pendant la haute saison.

1- Les eaux sulfureuses

Les eaux sulfureuses ou sulfurées ont un taux élevé de soufre et d’acide sulfhydrique. Elles sont bonnes pour le traitement des infections chroniques des muqueuses et les infections et maladies des voies respiratoires (rhinites, otites, asthme ou bronchites). Dans le cadre des tests hygiéniques, les eaux sulfurées sont buvables pour leurs vertus thérapeutiques, mais peuvent être aussi utilisées par inhalation ou gargarisme.

Lâridjân : Les sources d’eau chaude de Lâridjân comptent parmi les sources sulfureuses les plus célèbres de l’Iran. Le district de Lâridjân se situe dans le département d’Amol (province du Mâzandarân) au pied du mont volcanique Damâvand qui, avec ses 5610 mètres, est le sommet volcanique le plus élevé du continent asiatique et compte parmi les « Sept sommets volcaniques » [3]. La popularité de ses sources chaudes est due, en partie, à la proximité de la région avec Téhéran.

Avec un débit de 140 litres par seconde, Gamish Gِlü est la plus grande source chaude de l’Iran.

Les sources principales (آbgarm Bâlâ et آbgarm Païn) se situent à 127 kilomètres au nord-est de Téhéran, la source chaude d’Ab-Ask à 110 kilomètres et la source chaude d’Esterâbâkou à 130 kilomètres de la capitale.

La température des eaux varie de 62° à 70 °C à la sortie du sol. Les sources principales de Lâridjân (آb-garm Bâlâ et آb-Garm Païn), et les sources chaudes d’Estrâbâkou et d’آb-Ask sont des sources sulfureuses de grande qualité. Ces eaux ont également des composantes sulfatées et bicarbonatées. La présence du sulfure d’hydrogène confère à ces eaux une odeur caractéristique d’œufs pourris.

Comme la plupart des sources chaudes sulfureuses, les sources de Lâridjân sont très populaires en raison des effets bénéfiques qu’on leur attribue dans le traitement des maladies dermatologiques et pulmonaires. Les eaux de ces sources entrent en réaction avec la pierre des hammams et en modifient les couleurs. Les eaux sulfureuses de Lâridjân et leurs propriétés curatives sont connues depuis l’époque classique. Un hammam a été construit sous le règne de Shâh Abbâs Ier le Safavide (1588-1629) autour de la plus importante source thermale de la région. Ce hammam existe toujours et porte le nom du Safavide. Le bâtiment actuel du Hammam historique est vieux de 150 ans et a été construit sous les Qâdjârs, au XIXe siècle.

Les piscines d’une station thermale à Sar’eyn. Avec ses douze sources chaudes les unes se trouvant tout près des autres, cette petite ville de la province d’Ardebil est un véritable pôle du thermalisme en Iran.

2-Les eaux sulfatées

Les eaux sulfatées sont caractérisées par une forte présence de soufre. Elles conviennent dans le traitement des maladies rénales et certaines maladies métaboliques, dans le cas des eaux sulfatées calciques. Elles sont également conseillées pour le traitement des eczémas, des séquelles et des cicatrices de brûlure, en particulier dans le cas des eaux sulfatées mixtes qui contiennent en même temps du calcium et du magnésium. Quant aux eaux chlorosulfatées, elles sont réputées avoir des propriétés apaisantes, anti-irritantes et anti-inflammatoires.

Mahallât : Le petit village d’آbgarm se trouve à 15 kilomètres au nord-est de la ville de Mahallât (province de Markazi). Les eaux des six sources chaudes de ce village ont une composition sulfatée calcique et comptent parmi les rares sources sulfatées calciques limpides et inodores du monde, comme les eaux de Bagnères-de-Bigorre en France. La température de l’eau est d’environ 48 °C à la sortie du sol.

A Guéno (province de Hormozgân), les eaux de la source chaude sortent des piscines de la station thermale et forment de belles cascades avant d’être dirigées vers les jardins de dattiers. Guéno est sans doute la plus célèbre source chaude des provinces du Sud iranien.

Les propriétés thérapeutiques des sources chaudes de Mahallât sont connues depuis l’antiquité. ہ une dizaine de kilomètres au nord des sources se trouvent les vestiges du temple de Khorheh, datant de la période séleucide (IIIe siècle av. J.-C.). Pendant la période islamique, plusieurs documents d’auteurs locaux reviennent sur les vertus curatives des sources de Mahallât. Hassan ibn Mohammad Qomi, auteur de l’Histoire de Qom (988), soulignait que la baignade dans les eaux de ces sources pouvait guérir les « maladies froides », un concept de la médecine ancienne.

Les sources de Mahallât sont réputées depuis l’antiquité pour leurs propriétés curatives et apaisantes dans le traitement de la goutte. On attribue également aux six sources chaudes de Mahallât la vertu de traiter les maladies cutanées, mais aussi les rhumatismes et les maladies hépatiques et rénales. Les eaux des sources de Mahallât sont riches en éléments minéraux, en particulier le calcium, le magnésium, le sodium, l’iode, le fer, l’arsenic et le fluor. [4]

L’Hôtel Râmsar a été construit en 1932 dans la ville de Râmsar (province du Mâzandarân). Juste derrière le bâtiment se trouve la source chaude dite de « la Reine mère ».

3-Les eaux chlorurées

Les eaux chlorurées sont riches en chlorure de sodium provenant souvent de gisements de sel gemme. Elles ont un effet stimulant sur la croissance et sont conseillées pour le traitement des troubles du développement et de l’énurésie nocturne. Leur usage peut être externe, basée sur l’usage des bains ou des douches, mais aussi interne, soit en buvant certaines eaux minérales, soit par inhalation ou gargarisme. Elles sont bonnes pour traiter les maladies respiratoires ou gastro-intestinales.

Gamish Gِlü :

Gamish Gِlü est l’une des douze sources chaudes de Sar’eyn (province d’Ardebil). Avec un débit de 140 litres par seconde, Gamish Gِlü est la plus grande source chaude de tout le pays. L’eau un peu verdâtre de cette source jaillit à la surface à une température de 46 °C.

Le Hammam de la source chaude de Varton (province d’Ispahan) se trouve à une quinzaine de kilomètres d’un village du même nom. Le hammam a été construit à l’époque safavide.

Les eaux de cette source sont riches en chlorure et ses éléments sulfurés, surtout le sulfure d’hydrogène, confèrent à ces eaux une légère odeur d’œuf pourri. Gamish Gِlü est aussi riche en bicarbonate sodique et calcique. Les sédiments jaunâtres témoignent de la présence d’oxyde de fer. On attribue à cette source des vertus variées dans le traitement des maladies rhumatologiques.

Sar’eyn est la station thermale la plus fréquentée d’Iran. En moyenne, plus de cinq millions de touristes visitent chaque année cette petite ville qui se situe à 28 kilomètres à l’ouest d’Ardebil. Située au pied du mont volcanique Sabalan, Sar’eyn a plusieurs autres atouts touristiques, comme les grottes historiques de Kanzaq, un petit village à trois kilomètres de Sar’eyn, appartenant à l’époque des Arsacides (Parthes) datant de deux mille ans ou la station de ski d’Alvars à une vingtaine de kilomètres de Sar’eyn, dont la piste est la plus grande piste de ski de l’Iran. La station de ski d’Alvars est exploitable 6 à 8 mois chaque année.

4-Les eaux bicarbonatées

Les eaux bicarbonatées présentent une concentration importante en bicarbonates. Les eaux bicarbonatées sodiques facilitent le traitement de certaines affections gastro-intestinales et hépatobiliaires. Elles régularisent la motricité du tube digestif, atténuent les spasmes digestifs et ont également une action cicatrisante sur la muqueuse intestinale. Les eaux bicarbonatées calciques ont un effet anti-inflammatoire, apaisent et cicatrisent les problèmes dermatologiques, et sont notamment efficaces dans le traitement de l’acné et des brûlures.

5-Les eaux oligométalliques

Les eaux oligométalliques, lorsqu’elles sont faiblement minéralisées, peuvent avoir des vertus curatives. Quand elles sont riches en cuivre, elles peuvent être utiles en dermatologie. Riches en fer, elles sont bonnes pour le traitement de l’anémie. L’eau des sources chaudes riches en arsenic peut être utilisée pour le traitement des allergies. Les sources chaudes d’آb-Ali (province de Téhéran) et de Lâridjân (province du Mâzandarân) sont particulièrement riches en fer.

Affiche de la deuxième conférence de l’ECO sur le tourisme de la santé à Ardebil (18-20 juin 2019).

6-Les eaux radioactives

Les eaux radioactives (contenant du radon [5]) peuvent avoir, sous certaines conditions, des propriétés curatives. En réalité, toutes les eaux sont radioactives, mais il s’agit là des bienfaits d’une radioactivité plus importante qui entraîne des propriétés thérapeutiques. On attribue aux eaux radioactives des propriétés apaisantes, anti-irritantes et anti-inflammatoires. Elles peuvent également servir dans le traitement des maladies gynécologiques. La plupart des sources chaudes de Sar’eyn (province d’Ardebil) et la source chaude آb-Siyâh de Râmsar (province de Mâzandarân) contiennent un faible taux de radon.

* * *

La deuxième conférence sur le tourisme de santé de l’Organisation de la Coopération économique (ECO) [6] aura lieu du 18 au 20 juin 2019 à Ardebil, grand pôle du tourisme des sources chaudes. L’événement est organisé par l’Association iranienne des services internationaux de la santé. Le ministère iranien des Affaires étrangères a invité les ministres de la Santé et du Tourisme de tous les ةtats membres de l’ECO à participer à cette conférence. Cette dernière sera consacrée à plusieurs thèmes dont le tourisme médical, le marketing, le rôle d’Internet dans le développement du tourisme médical, et les thèmes de la coopération culturelle des pays membres de l’ECO.

La station thermale de Qâynârdjeh près de la ville de Meshkin Shahr (province d’Ardebil). La source Qâynârdjeh est peut-être l’une des plus chaudes de la planète avec ses 80 °C à la sortie de la terre.

Parallèlement à cette conférence, une exposition sera également organisée à Ardebil pour présenter les hôpitaux et les centres médicaux qui offrent des services dans le cadre du tourisme de santé et du tourisme médical. L’événement est parrainé par l’Organisation iranienne du Patrimoine culturel, du Tourisme et de l’Artisanat, le ministère iranien de la Santé, et l’Association iranienne des services internationaux de la Santé.

La province d’Ardebil n’exploite pas ses sources chaudes seulement pour le développement du thermalisme. En effet, l’unique centrale géothermique de l’Iran se situe près de la ville de Meshkin Shahr, dans la province d’Ardebil (nord-ouest). La capacité nominale de la centrale géothermique de Meshkin Shahr étant de 55 mégawatts, elle est un précieux outil de recherche scientifique au niveau national. [7]

Notes

[1HEDJAZI, Arefeh : Le tourisme médical et le tourisme de santé en Iran, in : La Revue de Téhéran, n° 94, septembre 2013, pp. 17-21. Accessible à : http://www.teheran.ir/spip.php?article1794#gsc.tab=0

[2Les oligoéléments sont des sels minéraux nécessaires à la vie d’un organisme, mais en quantité très faible. Les oligoéléments les plus importants pour l’être humain sont les suivants : iode, fer, cuivre, zinc, sélénium, chrome, molybdène, bore, manganèse, silicium, vanadium, nickel, étain, arsenic. Certains oligoéléments sont toxiques à hautes doses.

[3« Les Sept sommets volcaniques » sont les volcans les plus élevés de chacun des sept continents. Atteindre ces sept sommets est considéré comme un défi de l’alpinisme relevé pour la première fois comme tel en 1999. 1) Nevada Ojos del Salado (6893 m, Argentine/Chili), 2) Kilimandjaro (5895 m, Tanzanie), 3) Elbourz (5642 m, Caucase russe), 4) Pic d’Orizaba (5636 m, Mexique), 5) Mont Damavand (5610 m, Iran), 6) Mont Giluwe (4368 m, Papouasie/Nouvelle-Guinée), 7) Mont Sidley (4285 m, Antarctique).

[4SADOUGH, Hoda : La ville de Mahallât : capitale florale et oasis thermal, in : La Revue de Téhéran, n° 65, avril 2011, pp. 50-53. Accessible à : http://www.teheran.ir/spip.php?article1368#gsc.tab=0

[5Gaz rare radioactif (numéro atomique 86), produit de la désintégration des isotopes du radium.

[6Economic Cooperation Organization (ECO) est une organisation intergouvernementale réunissant dix pays de l’Asie du Sud-Ouest, du Sud et de l’Asie centrale. L’objectif commun des pays membres de l’ECO est d’établir un marché unique pour les biens et services. L’ECO a été fondée en 1985. Le secrétariat de l’organisation ainsi que son département culturel sont situés à Téhéran. Les dix pays membres de l’ECO représentent une population totale de plus de 420 millions d’âmes sur une superficie totale de 8 620 697 km² : Afghanistan, République d’Azerbaïdjan, République islamique d’Iran, Kazakhstan, Kirghizistan, Pakistan, Tadjikistan, Turquie, Turkménistan, Ouzbékistan.

[7KHALILI, Arash : La centrale géothermique de Meshkin Shahr : un excellent outil de recherche, in : La Revue de Téhéran, n° 144, novembre 2017, pp. 26-29. Accessible à : http://www.teheran.ir/spip.php?article2473#gsc.tab=0


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