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Né à Chiraz, au sud de l’Iran, vers 1184, Cheikh Mosleh-o-Din Saadi al-Chirazi est considéré comme " Le maître de Ghazal " parmi les grands poètes classiques iraniens. On le connaît quand-même de nos jours davantage pour son fameux recueil de contes, le Golestân (le Jardin des roses) où le poète se montre un moraliste éminent et sage qui propose en prose et en vers, en persan et en arabe, un art de vivre. Composé de huit chapitres, ou Bâb, touchant chacun un aspect essentiel de la vie privée ou de la société, le Jardin des roses est à chaque page un livre de plaisir et de surprises, celui d’un conteur épris du théâtre de la vie et de la saveur de chaque instant.
Le conte ci-dessous est tiré du premier chapitre du Golestân, La conduite des rois :
Un roi voyageait sur un vaisseau accompagné d’un jeune esclave étranger. Jusqu’à ce jour, le jeune homme n’avait pas vu la mer ni connu la navigation. Il fut très vite saisi d’une grande peur, et ses cris de panique indisposèrent les passagers du navire. On eut beau le flatter et tout essayer pour le calmer, ce fut en vain et, à cause de lui, le plaisir du roi fut gâché. Un médecin se trouvant à bord, dit au roi : “O roi, si vous me l’ordonnez, je le fais vite taire !” Le roi ayant répondu qu’on ne pouvait lui rendre plus grand service, le médecin ordonna aussitôt qu’on jeta l’esclave à la mer, accroché à une corde.
On le plongea ainsi plusieurs fois dans l’eau, puis on le tira par les cheveux pour le hisser à bord. Il se suspendit de ses deux mains au timon et courut aussitôt se tapir dans un coin. Tout le monde fut surpris par son silence. Etonné, le roi demanda :
“Par quel mystère l’as-tu transformé ?”
- Il n’y a pas de secret, répondit le médecin. Ce jeune manquait d’expérience et ne connaissait pas l’angoisse de la noyade, pas plus que la valeur du calme dont on jouit sur un vaisseau. Depuis qu’il a failli mourir, il connaît le bonheur d’avoir été sauvé. Il faut avoir expérimenté la crainte pour pouvoir goûter, comme il se doit, au plaisir du repos.
Es-tu rassasié, tu dédaigneras le pain d’orge.
Ce qui ne fait plus ton plaisirs fera le mien.
Pour les “houris” du paradis, le purgatoire est un enfer.
Mais interroge les damnés
Ils répondront : “Le purgatoire est paradis.”
Quelle différence entre l’homme qui est auprès de son amour
Et l’homme qui l’attend, les yeux rivés sur la porte.