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Dans le droit musulman, le Waqf (ou Habis) est une donation faite à perpétuité par un particulier à une œuvre pieuse, de charité ou d’utilité publique.
La famille Malek est originaire de Tabriz. Fin du XVIIIe siècle et début du XIXe siècle, la famille compte plusieurs célèbres oulémas. La famille porte le nom « Malek » à partir du grand-père de Hossein Malek : à l’époque des derniers conflits majeurs entre l’Empire russe et l’Iran (1826-1828), son grand-père, Mohammad-Mahdi Tabrizi, décide de ne pas porter comme le faisait son père, l’habit traditionnel des oulémas, mais l’uniforme militaire. Il participe à la guerre, et avance dans sa carrière militaire jusqu’au grade de colonel.
Après la guerre, il excelle dans le commerce. C’est à cette époque qu’il fait connaissance avec Taghi Khân Amir Nezâm (1807-1852), qui est à l’époque officier à la cour princière de Nâssereddin Mirzâ, prince héritier, à Tabriz.
Quand Nâssereddin Mirzâ veut se rendre à Téhéran pour monter sur le trône à la place du roi décédé, Mohammad Shâh, Mohammad-Mahdi Tabrizi est déjà l’un des plus grands commerçants de Tabriz. A la demande de son ami, Taghi Khân Amir Nezâm, il prête un million de Rials, une grande fortune à l’époque, au jeune prince, pour qu’il puisse organiser au plus vite son départ pour Téhéran.
Arrivé à la capitale, Nâssereddin Mirzâ devient roi. Il nomme Taghi Khân Amir-Nezâm grand chancelier et lui donne le titre d’Amir Kabir. Amir Kabir fait venir Mohammad-Mahdi Tabrizi à Téhéran, et pour le remercier, il obtient pour son ami le titre courtisan de « Malek-ot-Tojjâr » qui signifie littéralement « prince des commerçants », d’où le nom de la famille Malek. Amir Karim est chancelier pendant les trois premières années du règne de Nâssereddin Shâh, et Mohammad-Mahdi Malek se fait une bonne situation au grand bazar de Téhéran…
A sa mort, son fils Mohammad-Kâzem hérite du titre courtisan de son père. Comme son père, il excelle lui aussi dans le commerce. Il s’intéresse aussi à la politique et se fait des amis influents dans la capitale.
Hossein Malek naît en 1871 à Téhéran. Mohammad-Kâzem Malek, père de Hossein, a un esprit beaucoup plus traditionnel que son père. Il se méfie, par exemple, des écoles modernes qui se développent à
l’époque à Téhéran et dans quelques grandes villes du pays. Il décide donc que Hossein, ses deux frères et ses trois sœurs reçoivent une formation traditionnelle dans les écoles anciennes. Hossein étudie les sciences traditionnelles dans les écoles Dar al-Shafâ et Sadr à Téhéran.
« Mon père était très autoritaire en ce qui concernait l’éducation de ses enfants. Quand nous étions petits, nous avions peur de lui. En sa présence, nous devions rester debout, bras croisés sur la poitrine, sans rien dire ni bouger. Nous devions attendre qu’il nous regarde et qu’il nous fasse signe de nous asseoir. Nous devions nous asseoir donc en respectant une distance avec lui, pour l’écouter et répondre tout de suite, s’il nous posait des questions. »
Plus tard, quand Hossein veut apprendre la langue française, il doit cacher son intention à son père, qui croit alors, comme beaucoup de gens de son milieu traditionnel, que l’apprentissage du persan et de l’arabe littéraire sont suffisants. Il s’inscrit discrètement aux cours de l’Alliance française à Téhéran. Là, il fait la connaissance du jeune Mohammad Ali Foroughi, qui deviendra plus tard Premier ministre.
C’est à partir de cette même période que le jeune Hossein Malek prend goût à la lecture et commence à se constituer une bibliothèque chez lui. Ce goût se transforme peu à peu en une passion qu’il gardera jusqu’à la fin de sa vie.
Alors que Hossein est encore jeune, son père, Mohammad-Kâzem Malek, achète de très vastes terrains dans la province du Khorâssân. Ces propriétés et les activités très rentables du commerce deviennent la source d’une très grande richesse pour la famille Malek. A cette époque-là, Hossein se charge souvent de la gestion des terres agricoles que son père a achetées dans le Khorâssân. Ces voyages réguliers dans cette région le conduisent souvent à Mashhad, où il effectue toujours un pèlerinage au mausolée de l’Imâm Rezâ. Un ami de son père lui fait visiter un jour le lieu où sont entreposés les trésors d’objets précieux appartenant au mausolée du huitième Imâm des chiites. Cette visite a apparemment un grand effet sur l’esprit du jeune Hossein Malek. Un peu plus tard, alors qu’il a 28 ans, il découvre un manuscrit très précieux du recueil d’un célèbre poète du XIVe siècle, Ibn Yamin. Il confiera plus tard que c’est cette découverte qui lui donna l’idée de créer sa bibliothèque de manuscrits anciens.
En 1899, Hossein Malek fonde sa bibliothèque de manuscrits anciens à Mashhad. Puis il transfère ses collections dans l’ancienne maison de son grand-père à Téhéran. Trente-huit ans plus tard, la bibliothèque de Hossein Malek est déjà un grand trésor de manuscrits, dont certains sont exceptionnels. En 1937, Hossein Malek décide de donner en Waqf cette bibliothèque.
Il ne lègue pas seulement les manuscrits et les collections de sa grande bibliothèque et de ses meubles, mais aussi la maison familiale qui se trouve à « Beyn ol-Haramein », dans le grand quartier du bazar de Téhéran. Hossein Malek donne en Waqf cette maison et sa bibliothèque à l’Astan Qods Razavi, grande organisation qui gère le mausolée de l’Imâm Rezâ à Mashhad et tous les Waqfs et les avoirs qu’il possède dans le Khorâssân et partout en Iran.
Selon les documents des Waqfs, la bibliothèque Malek devient alors une filiale indépendante de la grande bibliothèque de l’Astan Qods Razavi. Le document stipule aussi que les portes de la bibliothèque doivent rester ouvertes à tous les Iraniens et aux étrangers. Parmi les biens donnés en Waqf, se trouvent des précieuses collections de milliers de manuscrits anciens, mais aussi des meubles de maison, des œuvres de calligraphies, et des toiles (dont plusieurs tableaux du célèbre peintre de l’époque de la dynastie des Qâdjârs, Kamâl-ol-Molk), des collections de timbres postaux, de pièces de monnaie, ainsi que de nombreuses autres œuvres d’art. Ces collections sont d’abord exposées à la Bibliothèque Malek. Plus tard, le Musée Malek est fondé spécialement pour conserver et exposer ces œuvres d’art.
D’après le document de ce Waqf, Hossein Malek gère en personne la bibliothèque jusqu’à la fin de sa vie, puis la gestion doit être transférée à l’Astan Qods Razavi. Le document nomme deux filles de Hossein Malek, ainsi que le procureur de la province du Khorâssân pour superviser l’application de ce Waqf. Selon le document de ce Waqf, les descendants de la famille Malek conservent à jamais le droit de cette supervision.
Toujours d’après le document, les portes de la bibliothèque doivent rester ouvertes tous les jours à l’exception des jours fériés. Une seule interdiction est indiquée dans ce document : il est interdit de sortir les livres de la bibliothèque. La lecture doit se faire à l’intérieur des salles de lecture selon les règles en vigueur.
Hossein Malek décide ensuite de faire plusieurs autres donations en Waqf afin d’assurer la bonne gestion de sa bibliothèque à l’avenir, surtout après sa mort. En 1994, il donne en Waqf un grand terrain dans le quartier Bâgh Melli de Téhéran pour que le nouveau bâtiment de sa bibliothèque et de son musée y soit construit.
En 1946 et en 1951, Malek donne en Waqf de nombreux biens immobiliers et autres terres à l’Astan Qods Razavi. Les documents de ces Waqfs indiquent qu’une partie des revenus de ces biens doivent être consacrés à la gestion et au développement de la Bibliothèque de Malek. Les Waqfs de 1951 comprennent 20 grands terrains agricoles dans la province du Khorâssân et un grand nombre de boutiques du bazar de Téhéran.
Mais l’histoire des Waqfs de Hossein Malek ne s’arrête pas là et ne concerne pas uniquement sa bibliothèque et son musée. En 1959, Hossein Malek, qui a alors 88 ans, fait une autre série de Waqfs, indépendamment des projets de Waqfs de la bibliothèque et du musée. Cette fois-ci, il accorde des Waqfs à l’Astan Qods Razavi pour des œuvres d’utilité publique : l’école Zarrin Malek à Téhéran, un dispensaire dans le quartier de « Bâgh Sajjâdiyeh » à Torbat Heidariyeh (Khorâssân), et à plusieurs autres œuvres à Téhéran et dans le Khorâssân. Ses donations font de Hossein Malek le plus grand donateur en Waqf de l’histoire contemporaine de l’Iran.
Les donations de Hossein Malek sont si nombreuses que l’Astan Qods Razavi décide de créer une direction indépendante pour les gérer. Rappelons aussi que ces Waqfs comprennent aussi la donation d’un vaste terrain de 2 millions de m² dédiés à la construction de logements pour le personnel de l’éducation nationale, et d’un terrain de 10 000 m² dans le quartier Vakilabad de Mashhad pour la construction d’un jardin public éponyme. Hossein Malek s’éteint en 1972 à l’âge de 101 ans. Il est inhumé, à côté de la tombe de son père, au mausolée de l’Imâm Rezâ à Mashhad.