N° 142, septembre 2017

La littérature afghane contemporaine
Aperçu historique et esthétique


Outhman Boutisane


Aujourd’hui, la littérature afghane se distingue non seulement par les multiples formes de la création littéraire, mais aussi par sa richesse et sa diversité. Si en Afghanistan les écrits autobiographiques constituent tout un champ depuis plus de trois décennies, c’est que le sentiment existentiel et identitaire prend de l’importance et devient l’essence même de l’écriture. La littérature afghane est née de la nécessité de partager la douleur dans toutes ses formes, et de remettre en question la condition de tout un peuple. La richesse de ce champ littéraire se retrouve dans la poétique de ses textes qui s’ouvrent sur une grande variété de genres littéraires.

La littérature afghane contemporaine a un désir fort de lier l’écriture à l’état psychologique de soi à travers l’acte du dévoilement et du miroitement. La plupart des textes s’inscrivent dans un contexte réel très proche des événements vécus par les auteurs. Il y a souvent une tentative de voiler le réel par quelques passages imaginaires, ou par une poétique langagière très retravaillée. L’objectif est peut-être d’éviter l’exagération en décrivant le malheur afghan, l’image d’une société ensanglantée. L’écrivain afghan a cependant conscience d’une exigence : prendre du recul par rapport à sa crise identitaire, qui passe inévitablement par la libération de soi. Entre exil et recherche permanente de soi, entre crise identitaire et nostalgie, la littérature afghane se révèle comme une tentative incertaine de se définir dans l’étrangeté. Une littérature de contradiction qui s’interroge sur la position de l’écrivain face à une société enfermée, obscurcie par la guerre et une lecture tribale et dépassée de la religion.

Littérature très créative, innovante, mais peu lue dans le monde. L’image de l’Afghanistan est certes liée à la question des Talibans et du terrorisme dans l’esprit de ceux qui ignorent les particularités de ce pays. La littérature ne peut échapper à cette image obscure parce qu’elle est le produit de cette société. Au-delà de cette image, l’une des caractéristiques de la littérature afghane est l’importance qu’elle donne à la question du "soi". Le "Je" comme reflet de soi accepte toutes les définitions, et parfois n’en accepte aucune. Il est à la fois l’être et le monde, l’individu et la société, le présent et le passé. Toutes les valeurs sont confondues dans une forme de dialogue intertextuel.

Khaled Hosseini

La littérature afghane fait du passé son souffle inspirateur et du présent sa valeur essentielle. Il y a une sorte de liaison très intime entre le passé et le présent, loin de la question de la complémentarité et de la continuité. L’écrivain afghan est conscient du fait qu’il est nécessaire de réinterroger les valeurs sociales de son temps. Aujourd’hui, l’Afghanistan est un pays qui se trouve dans une situation de crise obligeant la plupart des écrivains à quitter le territoire pour vivre ailleurs, en Europe, en Amérique ou en Iran. Donc, le présent est le point fort de cette littérature qui ne cesse de produire des grands textes, particulièrement dans le domaine du roman, de la poésie et du théâtre.

 

Le roman

 

Le roman est le genre qui répond peut-être le plus aux attentes des auteurs afghans contemporains. Peut-être parce qu’ils trouvent plus de liberté en écrivant le roman, ou parce que c’est un genre qui fait partie de l’actualité littéraire. Aujourd’hui, dans le même contexte actuel où se développe une culture du roman, les écrivains afghans pratiquent de plus en plus ce genre. Pierre-Louis Rey définit le roman comme une sorte de conscience :

« Le roman suppose qu’entre le monde et l’écrivain s’interpose pareillement une conscience, même s’il s’agit alors d’une conscience fictive, répartie le cas échéant entre plusieurs personnages. »

 

Le roman afghan se présente comme une réaction consciente à un état de crise. Ecrire est dans ce sens une réponse à une sorte d’appel intérieur, à un cri profond qui surgit soudainement. Il est plus qu’un cri, il est ancré dans la douleur, dans l’absence, et ne peut échapper aux ombres de la mort. L’écrivain afghan contemporain n’en finit pas de méditer, de revivre ses souvenirs, de toucher ses blessures pour exprimer la souffrance qu’il a vécue pendant un certain temps et la souffrance qu’il vit actuellement en exil. Donc, le recours à l’écriture du roman n’est pas un choix esthétique et littéraire, mais plutôt un choix raisonné.

Aujourd’hui, des grands écrivains afghans excellent dans l’écriture du roman. Des écrivains installés en France, en Suisse, au Canada, aux Etats-Unis, en Iran, en Pakistan, en Australie…etc. Khaled Hosseini, né à Kaboul en 1965, est l’un des grands représentants de la littérature afghane contemporaine, auteur notamment de Les Cerfs-volants de Kaboul (2005), Mille soleils splendides (2007), et Ainsi résonne l’écho infini des montagnes (2013). Les romans de Khaled Hosseini sont inspirés de son vécu et reflètent la misère, la souffrance, l’absence et les drames de l’Afghanistan. Ils prennent la forme d’un récit de quête de souvenirs où le présent se dévoile dans le passé, et la souffrance se découvre comme une blessure encore fraîche et ancrée dans la mémoire.

Spôjmaï Zariâb est née à Kaboul en 1949 et exilée en France depuis 1991. Elle est aujourd’hui l’une des figures qui illustrent l’émergence de la littérature afghane moderne en France. Auteure de Ces murs qui nous écoutent (2000), Dessine-moi un coq (2003), La plaine de Caïn (2003), ou encore Les demeures sans nom (2010), son œuvre s’interroge sur la situation de l’Afghanistan en présentant des personnages victimes d’une tradition obscurantiste, une mise à nu de la tyrannie. La douleur et la beauté se mêlent dans ses textes dans un style qui déconcerte en même temps qu’il séduit. Ses romans racontent des histoires bouleversantes incarnant l’image d’un Afghanistan noyé dans la douleur. Zariâb consacre sa littérature pour dénoncer l’oppression des femmes, démasquer les vices de sa société en péril.

Mohammad Hossein Mohammadi est né en 1975 à Mazâr-e Charif, dans le Nord de l’Afghanistan. Journaliste et éditeur, il consacre l’activité de sa maison d’édition à la promotion de jeunes écrivains afghans. Ses romans publiés en persan sont centrés sur la guerre, la mort et l’amour en temps de turbulences. Ils mettent en lumière les terribles ravages perpétrés par la guerre. L’Afghanistan devient le symbole du sang versé et de la tragédie humaine. Son recueil de nouvelles Les figues rouges de Mazâr, traduit en français, est un témoignage vivant de la réalité afghane, de la souffrance continue, de la mort qui frappe à toutes les portes.

Chabname Zariab, née à Kaboul en 1982, est une jeune écrivaine afghane installée en France depuis 1991. Fille de Spôjmaï Zariâb, influencée par l’héritage littéraire de sa mère, Chabname est l’auteure des amours nostalgiques, de la réalité et de la fiction, de l’angoisse et de la peur. Son roman Le pianiste afghan (2011) est le livre qui parle de la terreur dans un style sensible et pudique, et constitue un bouleversant texte sur le déracinement et l’exil. Au-delà de la beauté, l’auteure associe les mots à une révélation personnelle de l’Afghanistan.

Atiq Rahimi, né en 1962 à Kaboul, vit aujourd’hui en France. Prix Goncourt de littérature en 2008 pour son roman Syngué Sabour, un premier roman écrit en français, il est considéré comme la figure centrale de la littérature afghane moderne et contemporaine. Romancier, poète, scénariste et calligraphe, Rahimi est l’homme des multiples talents, de l’affirmation et de la revendication. Animé d’une vision créatrice, ses œuvres donnent un sens à chaque chose, à chaque instant et à chaque image. Son réalisme peint l’Afghanistan avec autant de précision que de profondeur. Il véhicule des vérités, des témoignages et des valeurs d’une portée considérable. Sa poésie émerveille.

Spôjmaï Zariâb

Dans chaque livre qu’il écrit, il s’engage et prend des risques. Dans chaque texte, il se présente comme un écrivain d’idées creusant au fond de sa pensée avec singularité et originalité. La Ballade du calame est une des œuvres révolutionnaires de la création littéraire afghane et universelle. Un portait intime poétiquement écrit, où le calame devient à la fois l’instrument spirituel de travaux calligraphiques et une façon de se libérer du monde à l’aide des mots. Atiq Rahimi se raconte et se cherche en même temps dans ses écrits. Le romancier franco-afghan réfléchit aux relations entre son exil et son travail artistique. Ce livre dévoile en quelque sorte le travail de l’écrivain et sa façon intime de voir le monde à travers les lettres. La conception poétique du monde se révèle symboliquement dans l’écriture et sa relation avec le monde sacré que l’écrivain nous propose dans son texte.

Terre et Cendres (Khâkestar-o-Khâk) est son premier roman écrit en persan (Afghanistan) et traduit en français en 2002 par Sabrina Nouri. Court (une centaine de pages), il est raconté à la deuxième personne du singulier (tu) par un narrateur externe omniscient et omniprésent dans l’histoire d’un grand-père et de son petit-fils. Un roman cathartique qui dévoile dès son titre le drame d’une terre qui, à cause de la guerre, est devenue cendres.

Le Retour imaginaire, livre écrit et publié en 2005 à la mémoire de son frère tué en Afghanistan, est aussi un ouvrage à la mémoire du grand poète Afghan B. Majrouh. Un mélange entre prose poétique et photographie qui incarne la réalité nocturne d’un Afghanistan noyé dans des bains de sang. L’écrivain est un voyageur blessé, il essaye de se retrouver dans la nuit, dans les ruines de sa ville, dans l’ombre de ses images prises dans la noirceur des temps.

Syngué sabour, Pierre de patience, est l’histoire d’une Afghane qui vient de perdre son mari à la guerre. A travers des mots brûlants de rage et de désir, elle se confesse librement et sans aucun tabou. Elle fait de son corps un langage mystérieux pour nous dévoiler sa souffrance, la souffrance de tout un peuple. La souffrance de la femme afghane plus précisément. C’est avant tout le récit d’une libération ; un conte empreint de violence autant que de paix, où le corps reprend ses droits avec dignité, dans une société qui l’a trop souvent bafoué - même si, Atiq Rahimi le note en incipit, ce pourrait être, « en Afghanistan, ou ailleurs. »

Les mille maisons du rêve et de la terreur est un roman sous forme de labyrinthe avec une écriture onirique et surréaliste. L’œuvre raconte l’histoire de cinq personnages pris dans une nasse qui essaient d’échapper à la terreur par l’ivresse ou la folie, par la mort, par le rêve. Au temps des dictatures, le protagoniste principal raconte l’histoire de sa vie, ses souvenirs, ses délires à travers la dualité du rêve et du cauchemar. Tous les événements du roman sont racontés sous l’ombre de cette dualité. Le personnage/l’auteur se perd entre la vie et la réalité d’une part, et de l’autre, dans la mort et le rêve.

Maudit soit Dostoïevski, roman inspiré de Crime et châtiment de Dostoïevski. Dans ce texte, Atiq Rahimi soulève la question de la morale et du crime en Afghanistan. Roman absurde, centré sur l’amour, sur la vénalité, sur le courage ou la couardise, sur la résignation ou la révolte, sur la condition des femmes dans le monde musulman. Il dénonce l’obscurantisme de la réalité afghane : la religion, la famille, l’obéissance. Il interroge les valeurs sociales, l’impossibilité d’une justice, le destin d’une société en péril. Ce roman se veut le cri de désespoir d’un pays englué dans le désarroi, le chaos et la misère.

 

La société afghane et ses tourments occupent ainsi une place primordiale dans l’univers romanesque. L’éclatement de la réalité à la fiction laisse apparaître une dimension spirituelle, un rapport problématique entre l’écrivain et sa terre. L’écrivain afghan connaît bien les cultures voisines et maîtrise l’histoire de son pays, ce qui donne au roman plusieurs niveaux de lecture et d’interprétation. D’autres écrivains comme Chékéba Hachemi, Asef Soltanzadeh, Mohammad Daud Miraki, Mohammad Zaman Khan...etc, sont profondément attachés à l’Afghanistan. On peut voir cela clairement dans leurs textes qui ne cessent de remettre en question l’identité afghane, dans une littérature qui se dit moderne, singulière et originelle.

 

La poésie

 

Contrairement au roman afghan qui ne fait qu’émerger en Europe et en Amérique, la poésie afghane contemporaine est aujourd’hui le genre le plus pratiqué en Iran et au Pakistan, non seulement parce que la plupart des poètes afghans sont réfugiés dans ces pays, mais aussi du fait de l’influence continuelle de la poésie persane sur le poème afghan. La création poétique en Afghanistan est très associée à l’évolution de la poésie persane en Iran. L’héritage linguistique, historique et civilisationnel est l’un des facteurs participant à l’évolution de la poésie afghane.

 

Le lecteur comprendra l’intimité de la relation entre ces deux champs poétiques voisins, car la poésie afghane est avant tout le reflet de la poésie persane. Une poésie de la crise, de la résistance, du désespoir, du corps nu, du silence et des rêves ensanglantés par une blessure existentielle. Tout l’Afghanistan est présent en images, en petits poèmes qui sortent de l’ordinaire pour traduire à la fois une douleur et un émerveillement. Le sens profond de la langue utilisée est la confirmation d’une identité en crise perpétuelle. Le poète afghan se révèle à la fois comme un révolté et un être profondément blessé. La poésie afghane doit être perçue comme une poésie de l’existence, de l’appartenance sociale et religieuse. Une poésie de la nudité et de la libération.

 

Telle est donc la force de la poésie afghane, un travail acharné de la langue pour dire en peu de mots la souffrance dans tous ses sens. La poésie part de la tradition pachtoune pour affirmer la réalité de l’Afghanistan, et n’a de valeur que si elle véhicule le sentiment du déracinement et de l’étrangeté ressenti par des femmes et des hommes loin de leurs racines. Le corps devient poème, et tout poème est un acte de rébellion. La poésie des femmes (poésie pachtoune) est un souffle de révolte contre l’obéissance et la soumission, contre l’oppression et l’injustice, contre une croyance religieuse intolérante et une tradition aveugle. La poésie des Pachtounes n’est rien d’autre que le cri d’un amour et d’une passion refoulés. Face à l’injustice aveuglante, le poète, départi de toute pudeur, crie la souffrance de son peuple. En ce sens, la poésie afghane est née de la douleur, du fatalisme et de la désolation.

Sayd Bahodine Majrouh, le grand poète assassiné qui a marqué sa génération et qui influence encore les jeunes écrivains afghans, a fait de sa poésie une révolte contre la tradition afghane qui condamne la femme au silence. Il a donné sa voix à celles qui n’en ont pas, dévoilant leurs amours et leurs intimités au travers de ses poèmes :

Mohammad Hossein Mohammadi

 

« Reviens percé des balles d’un ténébreux fusil, je coudrai tes blessures et te donnerai ma bouche… En secret je brûle, en secret je pleure, je suis la femme pashtoune qui ne peut dévoiler son amour. »

 

Majrouh a recueilli plusieurs textes de forme (landay) écrits par des femmes pashtounes. Le Landay est l’une des formes de la poésie afghane populaire écrit par des femmes, et qui se caractérise par sa brièveté. Des textes anonymes et courts improvisés par des femmes comme l’expression de leur refus, de leur amour impossible, de leur corps enchaîné. Une écriture de l’instant, de l’ici et maintenant. Le landay est une poésie de l’amour, de l’honneur et de la révolte. En Afghanistan, l’amour de la femme est un tabou, alors le landay est une poésie qui se révolte contre ce tabou. Les femmes pashtounes s’adressent dans leurs poèmes aux amants absents, aux maris en guerre. Le landay est perçu comme une échappatoire pour ses femmes souffrantes.

Atiq Rahimi, Nadia Anjuman, Partaw Naderi, Suhrab Sirat, Mohammad Hossein Mohammadi, Choukria Irfani, ou encore Sayed Abo-Taleb Modaffari sont considérés comme des principaux poètes contemporains afghans. Leur poésie est un chant authentique, un engagement à la recherche d’une identité face à la tradition et à l’impossibilité de vivre dans un pays enfermé. La poésie afghane contemporaine revendique des valeurs universelles et se présente comme une ouverture sur d’autres identités culturelles.

 

Les poètes afghans sont hantés par l’image d’une société en ruine. Ce sont des témoins dont l’expression poétique est le fruit d’un vécu marqué par le sang et l’amertume. Ils s’attachent à donner à leurs expériences un sens, ils veulent dire la souffrance dans ses images les plus réalistes. La parole poétique inspirée de la réalité devient en ce sens une parole révoltée. Souvent écrite sous forme de confessions, la poésie afghane contemporaine est une poésie directe, sensuelle, accessible à tous, tant par sa forme que par ses thématiques.

 Tout est blessure, tout est cri. Le poète afghan a un penchant pour la souffrance et l’absence indésirable. Il se sent vidé de ses sentiments, de ses passions et de ses rêves. La poésie est autrement, l’évocation d’un Moi à la recherche de lui-même. C’est un miroir qui nous fascine par ses reflets, qui révèle des réalités incroyables pour dire en une langue simple le malheur de l’Afghanistan.

 

Le théâtre

 

Le théâtre semble le genre le plus proche de l’imaginaire afghan. Il est lui aussi né de la souffrance et du manque de la liberté d’expression. Les artistes qui improvisent se consacrent presque exclusivement au dévoilement du malheur qui menace leur pays. Ainsi, les pièces de théâtre présentées aujourd’hui donnent lieu à des débats inédits. C’est un théâtre ancré dans l’histoire et l’actualité afghanes, illustrant la misère et la guerre et qui aspire à dénoncer ce mal.

 

Cependant, tandis que le roman connaît un essor marqué à partir de 2000, le théâtre est resté relativement peu pratiqué jusqu’à ces dernières années. Cela s’explique notamment par le fait que les artistes afghans n’avaient pas la liberté de jouer dans un pays qui tend à considérer le théâtre comme tabou. Dès lors, la plupart des pièces de théâtre sont présentées hors de l’Afghanistan par des artistes afghans réfugiés en Europe ou en Amérique. Les représentations du théâtre moderne se font par une troupe appelée Théâtre Aftaab, (Théâtre du Soleil) qui joue principalement en France et en Allemagne. C’est grâce à elle que le théâtre afghan a peu à peu pris véritablement sa place parmi les genres littéraires afghans pratiqués couramment en Europe.

 

L’activité théâtrale en Afghanistan est sans doute une activité très importante qui, sous plusieurs formes, remet en question la réalité afghane. Aujourd’hui, les artistes afghans, surtout ceux qui font partie de la jeune génération, portent le théâtre contemporain avec ardeur et créativité. L’actualité afghane marquée par les horreurs, l’injustice sociale, et les conséquences de la guerre sont des éléments d’inspiration et des thèmes abordés dans des pièces de théâtre, qui viennent aussi dévoiler les différentes facettes de la société afghane. Les artistes afghans pensent le théâtre comme une sorte de reconstruction et de questionnement. Le théâtre afghan contemporain a pour objectif de poser des questions et d’aborder des tabous avec audace et sincérité.

Ces artistes engagés abordent des sujets inédits et interdits en Afghanistan. Ils risquent leur vie pour dévoiler la réalité amère de leur pays par le théâtre. L’activité théâtrale est plus qu’un art pour les Afghans, c’est une sorte de rébellion, de libération et de paix. Le théâtre permet de voir l’Afghanistan sous un angle différent de la poésie et du roman, en offrant une vision très particulière et globale du pays. C’est une peinture en geste de l’existence humaine, un miroir concret qui permet au public de comprendre le sentiment existentiel d’un peuple en souffrance perpétuelle. Il sert à corriger certaines idées déjà reçues en proposant des pièces de théâtre inspirées de l’actualité afghane ; il est en ce sens acteur d’une reconstruction intellectuelle capable de changer certaines idées reçues.

Atiq Rahimi

Ariane Mnouchkine et Ahmad Pouy sont les principaux représentants du théâtre afghan contemporain et moderne. Ils présentent des pièces de théâtre en France et en Allemagne dont le but est de dénoncer la guerre, les attentats et le fanatisme religieux en Afghanistan. Le théâtre est mal vu en Afghanistan, ce qui oblige les artistes afghans à quitter le territoire pour l’Europe où ils trouvent leur liberté d’expression. Dans une interview accordée au journal La Croix, l’artiste Shuhra Sabagny affirme que "Le théâtre est mal vu là-bas (en Afghanistan)". Haroon Amani ajoute que le fait de dire qu’il est actif dans le domaine du théâtre pose problème en Afghanistan :

 

« Les dernières fois où je m’y suis rendu, j’ai soigneusement évité d’aborder la question. Je n’ai avoué mon métier à personne. Je disais que je travaillais dans un atelier de couture, au Pakistan ! Mon quartier, à Kaboul, est trop peu sûr. Le jour, il paraît calme, occupé par des artisans ; la nuit, les talibans, descendus des montagnes, prennent leur place. »

 

L’activité théâtrale afghane ne cesse de se développer malgré les problèmes de réception en Afghanistan. Il propose une réflexion sur des sujets inabordables ; la dramaturgie afghane s’inscrivant ainsi dans le courant de l’art engagé et militant. Quoique méconnu du public international, le théâtre afghan s’avère ainsi être un genre dynamique et créatif s’adressant plus directement au monde que le roman et la poésie.

 

La littérature afghane se définit donc, dans ses principes, comme une ouverture sur le monde et une forme de résistance contre la déshumanisation et le fanatisme religieux. Elle exprime la crise identitaire et existentielle des femmes et des hommes à la recherche d’eux-mêmes. Une littérature du témoignage, de confession, de dénonciation et de libération. Atiq Rahimi, écrivain de la singularité et de l’inspiration perpétuelle, est un écrivain d’un talent insaisissable. S’inspirant des grands textes sacrés de l’Inde, le Mahâbhârata, la Bhagavad Gîtâ, les cinq livres de la sagesse de Pancatantra, le Panchatantra, la pensée de philosophes indiens comme Tagore, Rahimi donne ainsi à l’écriture une force intense qui seule permet la création.


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