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Le complexe du palais de Niâvarân,
témoignage historique et architectural de deux dynasties
Situé au nord-est de Téhéran, le complexe de Niâvarân se compose principalement du palais de Niâvarân (Kâkh-e Niâvarân), du pavillon Ahmad-Shâhi (Koushk-e Ahmad-Shâhi), et du palais Sâhebgharânieh (Kâkh-e Sâhebgharânieh). Situé dans un grand jardin d’une superficie de 9000 m², le domaine actuel de Niâvarân fut choisi au XIXe siècle comme lieu de résidence estivale par les rois qâdjârs, pour devenir par la suite le lieu abritant la résidence principale du dernier Shâh d’Iran, ainsi que de sa famille et ce jusqu’à la Révolution islamique. A l’époque qâdjâre, Niâvarân était encore un village situé à l’extérieur de Téhéran, avant de faire progressivement partie des quartiers nord de la ville avec l’expansion urbaine effrénée qu’à connue la capitale iranienne tout au long du XXe siècle. Lors de la Révolution, le palais fut réquisitionné et trois ans après, la gestion en fut confiée au Ministère de la culture et de la guidance islamique. L’ensemble des palais et le pavillon fut ensuite progressivement transformé en musée sous la République islamique.
Edifié en 1968 par l’architecte iranien Mohsen Foroughi sur deux étages et demi, ce palais, au départ construit pour héberger les hôtes étrangers de la famille royale, fut la résidence principale de Mohammad Rezâ Pahlavi et de sa famille jusqu’en 1979. L’architecture de ce palais de forme rectangulaire s’inspire des apports européens et modernes, mais on y retrouve aussi plusieurs éléments de l’architecture iranienne traditionnelle. On peut ainsi y admirer l’art de maîtres iraniens traditionnels tels que Ostâd Ali Asghar pour les miroirs, ou encore Ostâd Ibrâhim Kâzempour pour les céramiques à l’extérieur. La majorité de la décoration intérieure a néanmoins été conçue par des décorateurs français.
Ce palais nous montre le lieu d’habitation des membres de la famille pahlavi tel qu’ils semblent l’avoir laissé lors de la Révolution islamique : la grande majorité des objets est en effet en place et donne cette impression que le palais était encore habité récemment. Au rez-de-chaussée, dont le sol est fait de pierre noire, se trouvent un grand hall, un salon, une salle à manger, un cinéma privé, une pièce réservée à la réception des invités… Ce qui frappe essentiellement le visiteur est que, à l’exception des tapis, l’ensemble des meubles et décorations est essentiellement européen, de la porcelaine de Limoges aux meubles qui semblent tout droit venir d’un intérieur parisien. Cette même impression demeure tout au long de la visite : à mi-étage où se trouvent notamment le bureau du Shâh et de son épouse et la salle de conférence, jusqu’au premier étage où l’on peut voir les chambres des enfants et de leurs gouvernantes. Les meubles et les jeux sont encore en place ; jeux qui auraient pu être ceux de n’importe quel enfant européen des années 1970 : des maquettes des derniers modèles d’avion de l’époque, des poupées, des peluches, jusqu’aux autocollants apposés ça et là représentant les figures les plus connues des dessins animés américains de l’époque. Les tableaux de style futuriste ornant les couloirs viennent compléter l’ensemble. Cette visite permet ainsi de saisir l’ensemble du fossé qui pouvait exister entre le mode de vie de la famille royale et les classes traditionnelles iraniennes de l’époque, et de comprendre l’une des raisons ayant conduit à la Révolution. Ce qui frappe également est que le palais et l’ensemble de ses objets soient restés aussi préservés, et n’aient pas fait l’objet de pillages importants durant la Révolution. Il constitue ainsi un témoignage indéniable d’une époque, ainsi que de la culture et du style de vie des dirigeants iraniens d’avant la Révolution pour la nouvelle génération née après 1979.
Construit à l’époque qâdjâre, ce pavillon ovale disposant d’un vaste balcon servait au départ de lieu de retraite privé au roi qâdjâr Ahmad Shâh, puis de lieu d’exposition aux présents offerts par les dirigeants mondiaux aux rois qâdjârs. Il fut ensuite reconverti en résidence et bureau du fils aîné du Shâh. Construit sur deux étages, les façades de ce pavillon sont en brique et comportent de nombreuses ornementations. L’intérieur a été complètement rénové sous les pahlavis et la décoration changée.
La même impression ressentie dans le Palais de Niâvarân perdure ici : à part quelques tapis et objets décoratifs ça et là, le style est essentiellement occidental, des livres d’adolescent en anglais ou en français encore présents dans la bibliothèque, aux meubles, maquettes, piano électronique et décorations présents dans l’ensemble de l’édifice. Des collections d’objets faits en argent, bronze ou ivoire provenant de différents pays, quelques peintures, des médailles, une collections de pierres, de fossiles, des photos de famille… y sont également présents. Nous avons l’impression de nous trouver ici dans la résidence de n’importe quel jeune homme occidental huppé des années 1970. A l’étage se trouve la salle de musique et un large balcon donnant sur le sud du jardin.
Construit à l’époque du roi qâdjâr Nâssereddin Shâh à la fin du XIXe siècle, ce palais fut d’abord appelé "Palais de Niâvarân" pour être ensuite rebaptisé le "Palais Sâhebgharânieh". A l’époque qâdjâre, il était entouré de plusieurs bâtiments qui furent tous détruits par la suite à l’exception du pavillon Ahmad Shâhi. Le nom du palais est issu de l’un des titres que Nâssereddin Shâh s’était donné, c’est-à-dire sâhebgherân, qui faisait référence au fait qu’il avait régné durant près d’un demi-siècle. Son successeur Mozaffareddin Shâh réalisa quelques changements dans le palais. L’endroit fut en partie rénové sous les Pahlavis, notamment à l’occasion du mariage du Shâh avec Fawzia ; cependant, la cérémonie ne put finalement s’y dérouler pour cause de grand froid. Le rez-de-chaussée fut ensuite parfois utilisé comme salle de réception par les Pahlavis.
Le palais Sâhebgharânieh se compose de deux étages incluant notamment un grand espace de réception, un salon d’hiver (korsi-khâneh), une salle à manger (sofreh khâneh), un salon de thé, une salle de jeu, ainsi que, après les réaménagements réalisés sous les Pahlavis, une salle d’attente réservée aux missions étrangères, un cabinet de dentiste, et un bureau aménagé pour le Shâh. L’ensemble des portes et des fenêtres du bâtiments sont décorées de verres multicolores. Le palais a connu d’importantes rénovations en 1995 et 1998, avant de rouvrir ses portes au public en tant que musée.
Le complexe de Niâvarân comprend également le Musée Jahân Namâ, une bibliothèque privée, un café, une boutique… Le musée Jahân Namâ est l’une des sections ouest du Palais Sahebgherânieh qui était auparavant réservée à divers souvenirs et objets achetés par Farah, et se compose de plusieurs pièces. Le plafond de la pièce principale du musée est orné de peintures sur bois avec des motifs de fleurs et d’oiseaux comme on peut en trouver dans la ville de Shirâz. Les œuvres exposées dans ce musée peuvent être divisées en deux parties principales : l’art préhistorique et l’art contemporain, comportant des œuvres d’artistes à la fois iraniens et étrangers. Le visiteur pourra ainsi y admirer des œuvres précolombiennes, des objets en métal du Lorestan, ou des objets anciens réalisés par les indiens d’Amérique, aux côtés d’œuvres d’artistes iraniens tels que Parviz Tanâvoli, Sohrâb Sepehri, Nâser Oveysi, et non iraniens comme Georges Braque, Gauguin, Paul Klee, Renoir, Chagall…
Située à l’est du complexe, la bibliothèque privée couvrant 700 m² fut construite en 1976 sur trois niveaux par Aziz Farmânfarmâyân et Charles Serigny selon un style architectural moderne en vogue dans les années 1970. La partie principale de cette bibliothèque est une vaste salle de lecture, les ouvrages étant stockés au sous-sol et au rez-de-chaussée. La bibliothèque dispose de près de 23 000 ouvrages essentiellement en persan et en français consacrés à la littérature et à l’histoire de l’art. L’ouvrage le plus ancien est un livre français imprimé à Paris en 1609. L’endroit abrite également une collection d’œuvres d’art, essentiellement picturales, dont le sujet principal est l’art iranien des années 1950-1960.
Les visiteurs du complexe peuvent également bénéficier du grand parc, du café, et d’une boutique située à l’entrée principale proposant des livres sur l’Iran, des objets d’artisanat et des vêtements de style traditionnel.