N° 67, juin 2011

Pensée iranienne contemporaine - études religieuses et philosophiques (III)

L’origine de la connaissance et ses différents aspects selon le Coran
d’après le commentaire Al-Mizân de ’Allâmeh Tabâtabâ’i*


Amélie Neuve-Eglise

Voir en ligne : La notion de tawhid dans le Coran d’après le commentaire Al-Mizân de ’Allâmeh Tabâtabâ’i (I)


La sourate Al-Mâ’ida (La table servie) évoque l’histoire des deux fils d’Adam, Caïn (Qâbil) et Abel (Hâbil), et la jalousie qui conduisit Caïn à tuer son frère. Dans les versets qui suivent, nous pouvons lire : "Puis Dieu envoya un corbeau qui se mit à gratter la terre pour lui montrer comment ensevelir le cadavre de son frère. Il [Caïn] dit : “Malheur à moi ! Suis-je incapable d’être, comme ce corbeau, à même d’ensevelir le cadavre de mon frère ?” Il devint alors du nombre de ceux que ronge le remords." (5:31)

’Allâmeh Tabâtabâ’i

Selon ’Allâmeh Tabâtabâ’i, ce verset est d’une importance capitale dans l’épistémologie, c’est-à-dire la théorie de la connaissance telle qu’elle est exprimée dans le Coran, en ce qu’il souligne le rôle des sens dans l’acquisition du savoir. L’exemple de la vision du corbeau qui permet à Caïn d’apprendre comment ensevelir son frère vise à montrer comment, de façon plus générale, l’homme utilise ses perceptions sensorielles pour atteindre divers objectifs intellectuels ou pratiques.

Le Coran considère qu’à sa naissance, l’homme est dénué de toute représentation conceptuelle, les sens constituant le point de départ de ses connaissances [1] : "Et Dieu vous a fait sortir des ventres de vos mères, dénués de tout savoir, et vous a donné l’ouïe, les yeux et les cœurs, afin que vous soyez reconnaissants." (16:78). Concernant l’origine de la connaissance, le Coran rejette donc la théorie innéiste (selon laquelle l’homme a de façon innée certaines idées présentes en lui, théorie notamment adoptée par Descartes) ainsi que celle de la réminiscence défendue par Platon [2], consistant à dire que la connaissance humaine n’est qu’un processus consistant à se souvenir des Idées auparavant contemplées par l’âme avant sa venue au monde terrestre dans un corps. En outre, cette théorie est incompatible avec l’anthropologie coranique qui rejette l’idée de la préexistence individuelle des âmes.

Dans le verset précédemment cité, il est fait référence à plusieurs instruments de connaissance : les sens (avec notamment l’ouïe et la vue), mais aussi les "cœurs" (af’ida), qui signifient ici l’intelligence ou encore la pensée. Il est également évoqué que ces instruments sont des "dons" de Dieu. Comme nous allons le voir, le Coran souligne ainsi que les instruments mais aussi l’acquisition même des différentes sortes de connaissances trouvent leur origine en Dieu, qui enseigne et guide l’homme dans l’ensemble des domaines de sa vie matérielle et spirituelle.

Le rôle de Dieu dans l’acquisition de la connaissance

Etant donné que les hommes naissent "dénués de tout savoir" (16:78), Dieu est présenté par le Coran comme étant à la source de toute connaissance : "Ton seigneur a enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas." (96:5). Cette réalité est évoquée dans plusieurs versets concernant différents domaines du savoir, notamment l’apprentissage de l’écriture : "un scribe n’a pas à refuser d’écrire selon ce que Dieu lui a enseigné" (2:282). Ainsi, bien que le scribe a sans aucun doute appris l’écriture d’un autre homme, ce verset lie ce savoir à Dieu, tout comme la construction des bateaux : " Celui qui […] a fait pour vous, des vaisseaux"(43:12). [3] L’idée de Dieu comme source de tout savoir est également clairement évoquée par le verset cité au début de l’article : "Puis Dieu envoya un corbeau qui se mit à gratter la terre pour lui montrer" (5:31). Il faut souligner ici qu’il n’est pas dit "un corbeau arriva par hasard et se mit à gratter la terre", mais bien "Dieu envoya". L’envoi du corbeau est donc directement attribué à Dieu selon un but défini. Le corbeau, et par extension l’ensemble des créatures de la terre, sont autant de moyens d’enseignement créés par Dieu et permettant à l’homme d’élargir l’étendue et l’application de ses connaissances : selon une même logique, l’avion s’inspire des oiseaux, le radar de la chauve-souris, les sondes marines des dauphins…

Cette guidance divine ne se limite pas seulement aux hommes, mais embrasse l’ensemble des créatures : "Notre Seigneur […] est celui qui a donné à chaque chose sa propre nature puis l’a dirigée" (20:50). [4] A titre d’exemple, selon le Coran, même les abeilles font l’objet de révélation, Dieu leur inspirant comment construire leurs ruches et faire du miel : "[Et voilà] ce que ton Seigneur révéla aux abeilles : “Prenez des demeures dans les montagnes, les arbres, et les treillages que [les hommes] font. Puis mangez de toute espèce de fruits, et suivez les sentiers de votre Seigneur, rendus faciles pour vous. De leur ventre, sort une liqueur, aux couleurs variées, dans laquelle il y a une guérison pour les gens. Il y a vraiment là une preuve pour des gens qui réfléchissent." (16:68-69). Nous pouvons ainsi dire que l’ensemble des sciences et savoirs, humains ou non, est donc le fruit de la guidance divine.

Le prophète Mohammad et Gabriel au mont Hirat, miniature turque, XVIIIe siècle

Les différents types de connaissances

Le concept de connaissance dans le Coran recouvre plusieurs réalités distinctes : tout d’abord la connaissance issue du monde extérieur et acquise à travers les sens, à laquelle nous avons fait allusion au début de l’article, servant de base à l’intellect. Cependant, le Coran évoque l’existence d’un autre type de connaissance inspirée directement à l’âme : "Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée ; et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété." (91:7-8). Le fait de pouvoir distinguer le bien du mal est ainsi considéré comme une "inspiration" divine. Il correspond à un autre type de savoir présent dans l’âme qui concerne la vie morale et spirituelle de l’homme. Cette réalité est étroitement liée à la notion coranique de fitra parfois traduite par "nature divine primordiale", selon laquelle tout homme aurait certaines dispositions naturelles le conduisant à se tourner vers la religion comme voie d’accès à la perfection : "Dirige tout ton être vers la religion exclusivement [pour Dieu], telle est la nature que Dieu a originellement donnée aux hommes" (30:30). C’est cette même nature qui est à l’origine des inclinations profondes de la nature humaine telle que la recherche de la perfection, l’amour de la beauté… [5] Selon cette logique, même la personne qui pense qu’elle est athée et ne croit en rien, a en réalité transféré son amour religieux et sa dévotion sur autre chose que la religion formelle, mais cette recherche de la perfection et de la beauté demeure en elle même si elle n’est pas consciente de son origine transcendante. [6]

Le Coran établit donc une distinction entre deux types de connaissances : une connaissance extérieure et spéculative (’ilm nazari), où l’objet connu est séparé du sujet connaissant et peut avoir des applications pratiques facilitant la vie matérielle, comme la construction de bateaux évoquée précédemment, et une connaissance intérieure et présentielle (hudûri), où l’objet de la connaissance se confond avec le sujet connaissant, et qui correspond à une guidance divine intérieure concernant la dimension spirituelle de l’existence. Les versets du Coran font ainsi référence à ces différents types de connaissances : connaissance issue des sens : "N’as-tu pas vu ?" (3:23), de l’intellect : "Ne réfléchissez-vous donc pas ?" (6:50), ou encore de la nature divine originelle de l’homme : "N’est-ce point par l’évocation de Dieu que se tranquillisent les cœurs ?" (13:28)."

Connaissance et unicité divine

Ce que nous venons d’évoquer concernant les origines de la connaissance humaine est en étroit rapport avec la notion d’unicité divine (tawhid). [7] Le sens du tawhid ne se limite pas à reconnaître que Dieu est unique, mais l’un de ses aspects appelé "unicité des actes" (tawhid-e af’âli) consiste également à reconnaître Dieu comme l’origine de chaque acte. Cela ne signifie pas nier l’existence d’intermédiaire, comme le maître scribe qui apprend à l’homme à écrire (cf. 2:282), mais à les lier tous à Dieu sans qui rien n’existerait et à le considérer comme la Cause des causes. Comme nous l’avons évoqué à travers l’exemple de Caïn, l’envoi du corbeau est directement attribué à Dieu, soulignant qu’Il guide la pensée de l’homme à chaque instant, soit par des causes extérieures, soit par une inspiration intérieure : "Si Dieu prenait votre ouïe et votre vue, et scellait vos cœurs, quelle divinité autre que Dieu vous les rendrait ?" (6:46)

L’idée que tout savoir doit être rattaché à Dieu est aussi clairement exprimée dans le Coran au travers de l’histoire de Kâroun (Coré), riche homme appartenant au peuple de Moïse, qui pensait que l’ensemble de ses richesses venait de sa propre science : "En vérité, Kâroun [Coré] était du peuple de Moïse mais il était empli de violence envers eux. Nous lui avions donné des trésors dont les clefs pesaient lourd à toute une bande de gens forts. Son peuple lui dit : […]“Sois bienfaisant comme Dieu a été bienfaisant envers toi. Et ne recherche pas la corruption sur terre. Car Dieu n’aime point les corrupteurs”. Il dit : “C’est par une science que je possède que ceci m’est venu”. […]Nous fîmes donc que la terre l’engloutît, lui et sa maison. Aucun clan en dehors de Dieu ne fut là pour le secourir, et il ne pût se secourir lui-même." (28:76-81). [8]

Se trouve donc ici confirmée l’existence d’une guidance permanente de Dieu accompagnant l’homme dans tous les aspects de son existence : "N’est-ce pas Lui qui vous guide dans les ténèbres de la terre et de la mer, et qui envoie les vents, comme une bonne annonce précédant Sa grâce." (27:63). Cette conception de la connaissance intérieure et extérieure manifeste un autre aspect de la relation intime liant l’homme à Son Créateur, et de Son amour infini guidant l’homme à chaque instant afin de le conduire vers sa félicité. L’idée d’un Créateur distant et séparé de sa création, que l’on attribue parfois faussement à l’islam, est donc ici clairement invalidée.

Au-delà de la connaissance spéculative à propos du monde extérieur, plusieurs versets du Coran évoquent que certaines pensées intimes et sentiments des hommes sont causés directement par Dieu : "Rappelez-vous le bienfait de Dieu sur vous : lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui réconcilia vos cœurs. Puis, par Son bienfait, vous êtes devenus frères." (3:103) ; "Il a uni leurs cœurs (par la foi). Aurais-tu dépensé tout ce qui est sur terre, tu n’aurais pu unir leurs cœurs ; mais c’est Dieu qui les a unis, car Il est Puissant et Sage." (8:63) ou encore : "Il a jeté l’effroi dans leurs cœurs" (33:26) ; "Dieu en fit un sujet de regret dans leurs cœurs." (3:156)

Il faut ici préciser que cette omniprésence divine ne remet pas en cause la liberté humaine, l’homme devant être auparavant croyant ou incroyant pour qu’ensuite Dieu oriente ses sentiments et inclinations : "C’est Lui qui a fait descendre la quiétude dans les cœurs des croyants afin qu’ils ajoutent une foi à leur foi." (48:4), et à l’inverse : "Parce qu’ils n’ont pas cru la première fois, nous détournerons leurs cœurs et leurs yeux ; nous les laisserons marcher aveuglement dans leur rébellion." (6:110). Cette réalité est aussi évoquée dans ces versets : "Mais, lorsqu’Il leur donna de Sa grâce, ils s’en montrèrent avares et tournèrent le dos en faisant volte-face. Il a donc suscité l’hypocrisie dans leurs cœurs, et cela jusqu’au jour où ils Le rencontreront, pour avoir violé ce qu’ils avaient promis à Dieu et pour avoir menti." (9:76-77) Nous allons jeter l’effroi dans les cœurs des mécréants." (3:151). [9] Cette idée est également présente dans le verset suivant à propos du destin des peuples : "C’est qu’en effet Dieu ne modifie pas un bienfait dont Il a gratifié un peuple avant que celui-ci change ce qui est en lui-même" (8:53).

Mohammad avec l’ange Gabriel, Empire ottoman, 1595 ; Musée Topkapi, Istanbul

Connaissance et foi

Le but suprême de la connaissance dans le Coran est de voir chaque chose, chaque événement comme le reflet de l’unicité divine, et de réaliser en soi cette unicité. Dans ce sens, l’obtention d’une connaissance au sens vrai signifie percevoir la présence de Dieu dans chaque chose, réalité elle-même conditionnée par la foi et un sentiment d’humilité indispensable à l’acquisition de la connaissance : "Nous leur avions assigné une ouïe, des yeux et des cœurs, mais ni leur ouïe, ni leurs yeux, ni leurs cœurs ne leur ont profité en quoi que ce soit, parce qu’ils niaient les signes de Dieu." (46:26). Le fait de nier les signes de Dieu, indissociable d’un sentiment d’orgueil et de suffisance, prive donc de la guidance extérieure et intérieure et de la connaissance au sens vrai qui consiste à voir la présence de Dieu dans chaque phénomène. Cette relation intime entre foi et connaissance est également exprimée par ce verset : "Il en est ainsi, parce qu’ils ont aimé la vie présente plus que l’au-delà. Et Dieu, vraiment, ne guide pas les gens mécréants. Voilà ceux dont Dieu a scellé les cœurs, l’ouïe, et les yeux. Ce sont eux les insouciants." (16:107-108).

Le Coran établit donc un lien étroit entre connaissance et foi, et de manière plus générale entre l’acquisition du savoir et l’état existentiel dans lequel se trouve la personne à un moment donné : "ش vous qui croyez ! Si vous craignez Dieu, Il vous accordera la faculté de discerner (entre le bien et le mal) (furqân), vous effacera vos méfaits et vous pardonnera." (8:29) ; "Craignez Dieu, alors Dieu vous enseignera" (2:282) ; "Seul se rappelle celui qui revient [à Dieu]." (40:13), alors qu’à l’inverse : "Ceux dont les cœurs sont endurcis contre le rappel de Dieu. Ceux-là sont dans un égarement évident." (39:22). Le Coran décrit ainsi les gens dépourvus de foi : "Ils ont des cœurs, mais ne comprennent pas. Ils ont des yeux, mais ne voient pas. Ils ont des oreilles, mais n’entendent pas." (7:179). [10] La source de cette cécité se trouve dans le cœur, qui ferme l’ensemble de l’être à la perception de certaines vérités : "Ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais, ce sont les cœurs dans les poitrines qui s’aveuglent." (22:46).

Toute connaissance acquise dans un état de soumission à des passions telles que l’ambition, la jalousie, l’égoïsme, la colère… est donc source d’égarement : "Vois-tu celui qui prend sa passion pour sa propre divinité ? Et Dieu l’égare par sa science et scelle son ouïe et son cœur et étend un voile sur sa vue. Qui donc peut le guider après Dieu ?" (45:23). Par conséquent, la foi est importante dans l’acquisition de la connaissance en ce qu’elle permet de se rendre réceptif à l’inspiration intérieure évoquée précédemment, tandis que l’humilité profonde née de la foi aide à se rendre compte de sa propre ignorance et à rester ouvert à la perception de nouvelles vérités.

La notion de remerciement dans la connaissance

Dans un verset cité plus haut évoquant que les sens sont un don divin, il est également dit que le but de ce don est l’expression d’une "reconnaissance" : "Et Dieu vous a fait sortir des ventres de vos mères, dénués de tout savoir, et vous a donné l’ouïe, les yeux et les cœurs, afin que vous soyez reconnaissants." (16:78). Ici, la notion de reconnaissance ne se limite pas au simple fait de remercier Dieu par la parole, mais consiste surtout à reconnaître la valeur de chacun des bienfaits de Dieu et à les utiliser pour ce dont ils ont été créés. Par exemple, être véritablement reconnaissant à Dieu de nous avoir donné l’ouïe signifie l’utiliser pour entendre et essayer de comprendre la vérité, et non des choses futiles. C’est pour cette raison que les sens et le cœur sont considérés comme des organes dotés d’une perception indépendante et témoigneront en faveur ou au détriment de l’homme lors de la Résurrection : "L’ouïe, la vue et le cœur : sur tout cela, en vérité, on sera interrogé." (17:36) ; "Alors, quand ils y seront, leur ouïe, leurs yeux et leurs peaux témoigneront contre eux de ce qu’ils œuvraient." (41:20). [11]

Scène d’enseignement, Supplément turc 1055, fol. 42v

Conclusion

Dieu a donc comblé l’homme de moyens de connaissance pour chacun des différents aspects de sa vie : des sens pour lui permettre de connaître les objets sensibles du monde extérieur, un intellect pour les utiliser selon ses besoins et élargir le champ de ses connaissances au non-matériel, et une inspiration intérieure pour le guider vers la Vérité – guidance renforcée et complétée par l’envoi de différents prophètes au cours de l’histoire. Ces trois types de connaissances sont étroitement liés et s’enrichissent mutuellement. Ainsi, l’intellect est plus à même de percevoir les vérités si l’homme ne s’est pas coupé de son inspiration intérieure qui est source de foi et d’humilité tandis que réciproquement, la foi et l’humilité elles-mêmes limitent l’apparition de "voiles" tels que l’ambition, la fierté… qui empêchent de percevoir la réalité profonde des choses. L’approfondissement des connaissances sur le monde et sur soi-même permet d’arriver à Dieu, à la fois source et fin de toute connaissance : "Nous leur montrerons Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident qu’Il [Dieu] est la Vérité." (41:53-54).

Il faut également souligner que Dieu n’a pas seulement enseigné à l’homme tout ce qu’il sait, mais Il a également facilité l’application pratique de son savoir en lui assujettissant le monde créé afin qu’il puisse l’utiliser selon les buts qu’il s’est fixé : "Et Il vous a assujetti tout ce qui est dans les cieux et sur la terre, le tout venant de Lui." (45:13) La grâce de Dieu ne se limite donc pas uniquement au domaine de la connaissance, mais aussi à l’ensemble de la création, où toutes les conditions, tant matérielles que spirituelles [12], permettant l’épanouissement de l’homme ont été rassemblées par Dieu : « C’est Lui qui a créé pour vous tout ce qui est sur la terre. » (2:29). Ainsi, la question de l’origine de la connaissance permet de souligner à quel point l’homme est l’objet d’une miséricorde et de grâces constantes de la part de son Créateur, et de mieux cerner le sens profond de ce verset : "Si vous comptiez les bienfaits de Dieu, vous ne sauriez les dénombrer." (14:34).

* Cette question est abordée dans le volume 5 de Al-Mizân, pp. 502-513 de la traduction persane. Cet article n’est cependant pas une reproduction fidèle du texte de ’Allâmeh Tabâtabâ’i, mais ne fait que s’en inspirer tout en y rajoutant certains points et problématiques jugées pertinentes et liées au sujet de base traité.

Sources :
- Seyyed Mohammad-Hossein Tabâtabâ’i, Tafsir al-Mizân, Vol. 5, traduction persane de Seyyed Mohammad Bâqer Moussavi Hamedâni, Daftar-e enteshârât-e eslâmi, Qom, pp. 502-513.

Notes

[1Selon le Coran, les premières représentations (sovvar-e ’elmieh) des hommes sont donc issues des sens et sont ensuite combinées dans des propositions de plus en plus complexes pour constituer l’ensemble du savoir humain.

[2Le Coran rejette la théorie innéiste dans le domaine du savoir spéculatif et conceptuel, cependant, comme nous le verrons par la suite avec le concept de fitra, chaque personne naît avec des penchants naturels en elle qui ne sont pas le fruit d’une influence ou d’une connaissance extérieure, tels que la recherche de la beauté et de la perfection. Nous sommes cependant ici face à un autre type de savoir dit "présentiel" (hudûri), c’est-à-dire directement présent à l’âme de la personne sans besoin de l’intermédiaire d’une représentation conceptuelle. Le sentiment de faim appartient à cette catégorie : il n’est pas nécessaire de se représenter la faim par l’intermédiaire d’un concept pour comprendre que l’on a envie de manger, au contraire, nous ressentons directement ce sentiment en nous sur le mode d’une perception directe et présentielle.

[3Il en va de même pour ce verset : "Vous sont permises les bonnes nourritures, ainsi que ce que capturent les carnassiers que vous avez dressés, en leur apprenant ce que Dieu vous a appris." (5:4) : il est ainsi dit que ce que l’homme apprend aux chiens de chasse ce qui lui a auparavant été enseigné par Dieu.

[4Ce verset exprime la même réalité : "Celui Qui a créé et agencé harmonieusement, qui a décrété et guidé" (87 : 2-3).

[5Il faut néanmoins souligner que cette nature originelle ne peut en aucun cas saisir par elle-même les différentes obligations d’une religion telle que la fréquence de la prière, quand jeûner… qui doivent être l’objet d’une révélation indépendante. Ainsi, Dieu a inspiré à l’âme sa piété dans un sens général, mais les différentes façons de l’actualiser par des actes particuliers ne relève que de la révélation, et non des sens ni de l’expérience.

[6En d’autres termes, même la personne qui se définit comme "athée" recherche elle aussi Dieu selon sa nature originelle, mais se trompe de réalité : elle recherche la perfection de façon naturelle parfois dans l’argent, dans le pouvoir… rien ne la satisfaisant cependant car étant dénué de perfection. Toute recherche de perfection s’ancre donc dans la fitra, et cette recherche et soif ne pourront être étanchées qu’en Dieu, seule perfection absolue et au sens vrai : "N’est-ce point par l’évocation de Dieu que se tranquillisent les cœurs ?" (13:28). Ainsi, cette nature divine est présente en chaque homme, la différence étant qu’elle est utilisée de différentes façons et que l’homme peut se tromper d’objet dans sa quête naturelle de perfection.

[7Voir Amélie Neuve-Eglise, "La notion de tawhid dans le Coran d’après le commentaire Al-Mizân de ’Allâmeh Tabâtabâ’i", La Revue de Téhéran, No. 64, pp. 62-67.

[8La même idée est exprimée dans ce verset : "Quand un malheur touche l’homme, il Nous invoque. Quand ensuite Nous lui accordons une faveur de Notre part, il dit : “Je ne la dois qu’à [ma] science”. C’est une épreuve, plutôt ; mais la plupart d’entre eux ne savent pas." (39:49)

[9De nombreux autres versets évoquent cette réalité : "Nous allons jeter l’effroi dans les cœurs des mécréants." (3:151) ; "C’est ainsi que Nous faisons pénétrer (la mécréance) dans les cœurs des coupables." (15:12).

[10La même idée est exprimée par ce verset : "Qui donc aura en aversion la religion d’Abraham, sinon celui qui sème son âme dans la sottise ?" (2:130)

[11D’autres versets évoquant le Jour de la Résurrection abordent ce sujet, notamment : "Vous ne pouvez vous cacher au point que ni votre ouïe, ni vos yeux et ni vos peaux ne puissent témoigner contre vous. Mais vous pensiez que Dieu ne savait pas beaucoup de ce que vous faisiez." (41:22).

[12Ces conditions spirituelles sont cette guidance intérieure dont nous avons parlé, mais aussi l’envoi de prophètes pour guider l’homme et l’inviter à la vérité et à suivre la voie de Dieu.


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