N° 95, octobre 2013

Le dictionnaire encyclopédique persan de Mohammad Moïn


Zahrâ Moussâkhâni


Mohammad Moïn naquit en 1914 à Rasht en Iran. A l’âge de six ans, il perdit son père et sa mère et fut élevé chez ses grands-parents. Il effectua ses études primaires à l’école islamique traditionnelle, pour suivre ensuite ses études secondaires au lycée Shâhpour à Rasht.

Mohammad Moïn dans sa jeunesse

Le ministère de l’ةducation du Guilân choisissait chaque année un certain nombre d’étudiants en leur donnant une bourse de 100 rials pour étudier à l’Institut Dâr-al-Fonoun à Téhéran, qui était l’équivalent de l’école polytechnique. De par ses talents, il obtint cette bourse et y continua ses études secondaires. [1]

Après avoir obtenu son baccalauréat, Mohammad Moïn étudia la philosophie et la littérature à l’Institut Supérieur des Sciences (Université de Tarbiat Moallem). Il y apprit également la langue française et écrivit un mémoire en français intitulé Leconte de Lisle et l’école du Parnasse. Il fit même un discours pour des invités français présents à l’époque qui suscita l’admiration de tout le monde. En 1934, il obtint sa licence avec mention très bien. Convoqué pour faire son service militaire en 1935, il passa six mois à la Faculté des Sciences militaires et de formation des officiers. Il fut nommé professeur au lycée de Shâhpour la même année, et devint le directeur de l’Institut Supérieur des Sciences à Ahvâz. A cette époque, il lui vint l’idée de réunir des expressions imagées et des proverbes de la langue persane. Par ailleurs, il écrivit les traités Kandjineh-ye Shoush (Le trésor de Suse) et Dâstân-e Hârout va Marout (L’histoire de Hârout et Mârout [2]).

Il se rendit ensuite en Belgique où il obtint un diplôme en psychologie appliquée, anthropologie et sciences cognitives. De retour en Iran, Mohammad Moïn fit ses études de doctorat en littérature et linguistique persanes à l’Université de Téhéran et rédigea une thèse intitulée Mazdayasna [3] et son influence sur la littérature persane sous la direction de Malek-ol-Sho’arâ Bahâr [4]. Il devint ainsi le premier docteur ès lettres persanes de l’Université de Téhéran. Il fut ensuite nommé professeur titulaire d’une chaire à la faculté des lettres de l’Université de Téhéran. Il se consacra notamment à des recherches sur les textes littéraires. En 1945, l’Assemblée nationale approuva la collaboration de Mohammad Moïn avec Dehkhodâ [5] pour la rédaction du dictionnaire persan Loghat-nâmeh-ye Dehkhodâ. Après le décès de Dehkhodâ, il assuma la responsabilité de l’organisation du dictionnaire et déploya de nombreux efforts en vue d’en achever la publication. Tout en dirigeant l’Institut de Dehkhodâ, et avant qu’il n’ait un accident vasculaire cérébral en 1966 qui le plongea dans le coma pendant les cinq dernières années de sa vie, Moïn avait entrepris un vaste projet lexicographique impliquant la production de plusieurs dictionnaires persans de différentes tailles dont certains étaient thématiques et rassemblaient les termes techniques de différentes disciplines telles que l’art, la médecine et la biologie. [6]

Dictionnaire encyclopédique Moïn (Farhang-e Moïn)

Mohammad Moïn connaissait l’avestique, le vieux persan, le pahlavi, l’arabe, le français, l’anglais, l’allemand, le latin et le sanskrit. Pendant un certain temps, il fut engagé pour étudier et rédiger des notes dans les musées de différents pays (Etats-Unis, Angleterre, France, Suisse, Allemagne, Pays-Bas, Italie, Suède, Finlande, Russie…). Après avoir fait des recherches sur le vocabulaire persan pendant plus de la moitié de sa vie, il commença à rédiger le Dictionnaire encyclopédique Moïn ou Farhang-e Moïn. Le Dictionnaire Moïn est le premier dictionnaire persan ayant été rédigé avec une nouvelle méthode comprenant la transcription phonétique précise, la classe grammaticale des mots, l’étymologie des mots ainsi que leur terminologie technique ou régionale. Ce dictionnaire encyclopédique persan a été publié en six volumes à Téhéran de 1963 à 1973. Les trois premiers volumes ont été publiés sous sa propre direction de 1963 à 1966. Ils couvrent la définition de mots des lettres A à M. Le cinquième volume, qui traite des noms propres et fut publié début l967, a également été édité par Moïn. Pour les volumes quatre et six, c’est Seyed Jafar Shahidi [7] qui entreprit la réalisation du projet et utilisa des informations rassemblées par Moïn ainsi que ses notes. [8]

Buste de Mohammad Moïn tenant un volume de son dictionnaire

Dans l’introduction du Dictionnaire, Moïn explique comment il se rendit au sein de plusieurs institutions européennes spécialisées dans la publication de dictionnaires comme Brockaus à Wiesbaden et Larousse à Paris. Il qualifie sa méthode d’éclectique, en s’appuyant sur des dictionnaires existants en arabe, en persan et en langues européennes, et déclare sa préférence pour le Petit Larousse illustré (Paris, l961).

Moïn est aussi l’auteur d’une grammaire du persan contemporain en trois volumes (1953). Il a également rédigé un dictionnaire encyclopédique du persan en quatre volumes (Borhân-e Qâte’, 1951-1957). Il a aussi consacré des œuvres aux différents poètes et compositeurs, à la philosophie, aux langues et à la littérature des périodes antiques et classiques. Différents prix et distinctions lui ont été décernés tout au long de son activité : les Médailles de l’ordre de la Science de 3ème classe (1937), de l’ordre de la Science de 2ème classe (1941), l’ordre de la Gloire de 2ème classe (1948), le prix Tambour de l’Académie des institutions (1943), l’Ordre des Arts et des Lettres de France (1961). Mohammad Moïn a quitté ce monde en 1971 à Téhéran. Il est enterré à Astâneh Ashrafieh dans le Guilân. [9]

Notes

[1Selon l’Agence de presse iranienne du patrimoine culturel. http://www.chn.ir

[2Hârout et Mârout sont deux anges mentionnés dans la deuxième sourate du Coran.

[3Le zoroastrisme, également appelé mazdéisme, est une ancienne religion iranienne.

[4Mohammad-Taqi Bahâr, largement connu sous le surnom de Malek-ol-Sho’arâ (le roi des poètes) et Malek-ol-Sho’arâ Bahâr est un poète iranien renommé qui était aussi homme politique, journaliste, historien et professeur de littérature.

[5Allâmeh Ali Akbar Dehkhodâ était un linguiste iranien éminent ainsi que l’auteur du dictionnaire de langue persane le plus complet jamais publié, le Dictionnaire Dehkhodâ.

[6M. Hosseini, "Ravesh-e Doctor Moïn dr tashih motoun-e fârsi" (La méthode de correction des textes persans de Moïn), dans Zaban va Adab, vol. 13, 2000.

[7Seyed Jafar Shahidi était un spécialiste de la langue et de la littérature persanes, ainsi qu’un historien de l’islam renommé.

[8J. Afkâri, Farhang-e fârsi-e Doctor Mohammad Moïn, 1954.

[9Selon l’Agence de presse iranienne de Khabar. http://www.irinn.ir/news


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