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« Quand tu soustrais le alef du lam,
tu obtiens quatre-vingt-dix-neuf, mon chiffre exact »
Nezâmi
Tu es grâce
Tu es jouissance
Tu es l’Essence
Je suis Majnûn
Je suis Ibn’Zeidoûn
Je suis Wallâda
La terre grandit sur le corps
La terre meurt sous le vent
Chant de pêcheurs nocturnes
Chant de poisson aveugle
Feu de fraîcheur des seins
Dans l’herbe
Le grain d’amour nous abrite
La goutte de soleil
Au fond de la mer déchaînée
Mon désir ressemble à une plainte
Qui remplit le matin
J’ai passé le plus clair de ma vie
Dans ce désert
Le cœur noué par les larmes des choses
Les tympans brisés par le chant
De coqs pestiférés
Pressentant la froideur des serpents
Dans les mains d’hommes sans honneur
Le sadisme inné
Ouvrant des entailles
Dans la chair
Ce pain du malheur
Plus triste qu’une main ouverte
Je dessinais
Le gisement secret du miel
Là où l’amour est morsure
Comme une poutre dans l’œil
De la cuisse
Je caressais l’enthousiasme vertical
Du bourgeon des révoltes
La totalité de ton haleine
Est ce chiffre très précis
De l’or liquide
J’implorais ton oreiller
Comme un pauvre chien
Flaire l’ombre du museau
J’ai été la plaine du temps
La pierre et la croix
La blessure de l’aile
Dans l’envol de la poussière
Dans le sel des chemins usés
Sur tous les ponts
Je n’ignore pas les dangers infinis
Des solstices du sang
Et des échelles conduisant au métal des étoiles
Tu es Majnûn
Je suis Layla
Tu m’as offert des bras de sable
Je me souviens de toi
Comme se souvient la vague
Du visage du noyé
Le précipice de la neige
Le lierre grimpant le long du mur
Pour toucher l’image du vent
Ton nom je le prononce avec mes paupières
Quand je ferme les yeux
Quand on a entendu ton rire
On a bu toutes les cascades
Ton genou est une orange
Aussi belle que le soleil
Que le chien vigilant de la haine
Va déchirer
Je vais enterrer ton nom
Et ma jalousie analphabète
Ma jalousie qui cache le poème de ton nom
Pour le brûler
Dans les caravanes de la mort
Je suis là devant toi
Je te souris
Et souffre de te voir partir
La mort est ce visage insaisissable
L’œil fixé à la porte
Tout retour m’est impossible
Tant que l’air est à toi
Tant que le soleil entre
Sur un signe de toi
Pour guérir l’abeille
En miel simple et pur
Mon cœur peut s’arrêter de battre
Nul ne connait la mer
Tu es à moi dit l’Ange
Mais je suis le maître de ta morsure
Quand je dis le nom du nadîr
La grâce de ton sang gémit
La chair est un cri
Inexpugnable
À la surface de l’ombre
Mon plus haut désir
S’est effondré sous
La nudité du somnambule
À la frontière du mourir
Il suffit d’un crépuscule
Pour que les nobles seigneurs
De l’ombre verticale
Souffrent de la plaine claire
Qu’ils chevauchent en secret
La clarté charnelle des coraux
Me vient à la bouche
Je creuse toujours pénétrant
La Sakîna toujours vierge
La neige est seule sur la glace
La source se dissout dans l’impensable
Ce qui est charbon finira flamme
Dans l’urne des reins solitaires
La cire froide d’une langue
S’arrête à la nuit
Je suis l’exact zénith
D’une main qui jamais ne caressa
Une étoile filante