N° 153, août 2018

La littérature persane engagée à l’époque de la Révolution constitutionnelle


Neda Sharifi


Introduction

 

La Révolution constitutionnelle [1] est considérée comme un tournant important dans l’histoire contemporaine de l’Iran. Certains éléments ont préparé le terrain à cet événement historique. Les premiers pas dans la modernisation du pays ont notamment été effectués par Abbâs Mirzâ, prince héritier et fils de Fath-Ali Shâh, via la traduction d’ouvrages européens, ainsi que par l’envoi d’étudiants iraniens en Europe et notamment en France. La nécessité de connaître la civilisation occidentale et ses progrès dans les domaines industriels et techniques s’est fait ressentir sous le règne de Fath-Ali Shâh, suite aux défaites répétées de l’armée iranienne face à la Russie. Cette tendance s’est poursuivie durant les règnes de Nâssereddin Shâh et de Mozaffareddin Shâh via la traduction d’ouvrages français et des voyages d’étudiants iraniens et des rois qâdjârs en Europe. À cela il faut ajouter l’arrivée de l’imprimerie en Iran, l’apparition de la presse et la fondation de l’école Dâr-ol-Fonoun, la Polytechnique iranienne.

Mirzâ Malkom Khân

 

La perception d’un retard de l’Iran par rapport aux pays occidentaux, le mécontentement d’une partie du peuple vis-à-vis du despotisme et de la tyrannie, ainsi que la découverte de l’Occident moderne contribuent à former la conscience des intellectuels dans les domaines politiques, sociaux et culturels. Ces éléments alimentent aussi l’idée d’un changement du système politique. Dans cette perspective, les ouvrages critiques des intellectuels informent l’opinion publique en préparant le terrain à la révolution, également facilitée par l’émergence d’une classe bourgeoise. Comme le souligne Mahmoud Ebâdiân : « La formation progressive de la classe moyenne et le modernisme à l’époque qâdjâre aboutit à la demande de l’installation d’un État basé sur la Constitution et la loi [2]. »

La Révolution aboutit à des changements fondamentaux dans la société iranienne, et a entraîné bien des évolutions sociales, politiques, culturelles et aussi littéraires, comme le souligne Yaghoub Ajand :

 

« Le contact économique et culturel avec l’Occident, qui s’est fortement renforcé depuis la deuxième moitié du XIXe siècle est l’un des facteurs principaux du passage de la vie traditionnelle à une nouvelle vie dans les pays orientaux y compris en Iran. La littérature a aussi été influencée par ce phénomène. » [3]

Mirzâ Fathali Akhoundzâdeh

Ainsi, les années qui succèdent immédiatement à la Révolution Constitutionnelle (1906) sont considérées comme une époque de grande évolution littéraire en Iran. L’étude de la littérature constitutionnelle - qui concerne les années 1906-1911 ainsi que quelques années avant et après - est un sujet très vaste. Nous ne le traiterons donc ici que de façon partielle en soulignant les points essentiels. De la seconde moitié du XIXe siècle jusqu’aux années 1920, sous l’influence de la littérature occidentale, notamment française, nous constatons des évolutions littéraires dans la prose, le théâtre et la poésie. Mahmoud Ebâdiân appelle cette évolution une « résurrection littéraire [4] » qui se manifeste dans tous les aspects : la forme, le fond, la langue et le public. Cette littérature moderne diffère de la littérature classique persane par ses valeurs politiques et sociales, sa nouveauté formelle et thématique. Comme Mohammad-Ali Sepânlou le souligne, la période entre l’éveil des Iraniens aux idées du modernisme (depuis la fin du XIXe siècle) et la Révolution constitutionnelle jusqu’en 1921 est considérée comme l’époque de « la protestation » au théâtre et dans les genres romanesque et poétique [5]. La littérature est considérée comme un moyen et une arme pour lutter contre le despotisme, l’oppression, l’injustice sociale de l’État et contre la superstition et l’ignorance du peuple.

 

Mirzâ Aghâ Khân Kermâni

    L’époque prérévolutionnaire : la prose comme moyen de révolte

 

Les intellectuels révolutionnaires dont Mirzâ Malkom Khâ [6], Mirzâ Aghâ Khân Tabrizi [7], Mirzâ Fathali Akhoundzâdeh [8], Mirzâ Aghâ Khân Kermâni [9], Mostashâroldoleh [10], Mirzâ Habib Isfahâni [11], Zeinolâbedin Marâghei [12] et Abdolrahim Tâlebof [13] ont eu un impact remarquable sur le mouvement intellectuel et politique de leur époque, en protestant contre le système politique d’alors. En effet, comme Mir Abedini le note, le contact avec l’Occident est la source d’inspiration des intellectuels iraniens qui aboutit aux évolutions politique et littéraire :

Mirzâ Habib Isfahâni

 

« Le contact des intellectuels iraniens de cette époque avec l’Europe est la question culturelle la plus importante de l’époque constitutionnelle. Le contact de la société traditionnelle avec la civilisation européenne a abouti à l’éveil des intellectuels et à un nouveau regard porté sur la politique et la culture. [14] »

Zeinolâbedin Marâghei

 

Les premiers écrivains et dramaturges iraniens étaient des intellectuels et des commerçants immigrants, comme Akhoundzâdeh, Marâghei et Tâlebof, ou des exilés politiques comme Mirzâ Habib Isfahâni et Mirzâ Aghâ Khân Kermâni. Ayant des contacts avec la culture et la littérature occidentales - notamment russe et française -, ces intellectuels étaient à la recherche de nouveautés dans la littérature. Ils critiquaient sévèrement la littérature classique persane pour sa distance vis-à-vis des problèmes sociaux. Akhoundzâdeh a mis en question les poètes qui ne s’occupaient que de la forme, et Marâghei a ironisé sur les poètes qui ne faisaient que l’éloge du roi afin d’assurer leur propre subsistance sans aucune attention particulière aux problèmes sociaux [15]. En résumé, sous l’influence de la culture occidentale, la littérature de cette époque joue un rôle différent de la littérature aristocrate en abordant et critiquant les problèmes politiques et sociaux, dont la tyrannie et le despotisme. Il convient d’ajouter l’impact des philosophes du Siècle des lumières comme Voltaire, Montesquieu et Rousseau sur les intellectuels iraniens et l’avènement de la révolution constitutionnelle. Leurs ouvrages ont alors été traduits par des Iraniens et ont inspiré les intellectuels révolutionnaires.

Abdolrahim Tâlebof

 

L’une des caractéristiques de la littérature moderne persane, qui a émergé vers le milieu du XIXe siècle, est le nouveau regard des intellectuels sur la littérature et sa fonction sociale. En effet, les précurseurs de la littérature moderne persane sont les premiers à s’être interrogés sur le rôle de la littérature dans la société. Akhoundzâdeh, Mirzâ Aghâ khân Tabrizi et Zeinolâbedin Marâghei croyaient au rôle révolutionnaire et révélateur de la littérature en la considérant comme un agent de changement. Selon eux, elle pouvait sauver la société de cette décadence si les thèmes lyriques et sentimentaux étaient remplacés par des questions sociopolitiques et patriotiques [16]. Pour eux, la littérature était comme une arme de lutte et pour cela, elle devait être accessible et compréhensible par tous. Ces intellectuels étaient pour la démocratisation de la connaissance et de la culture. Ainsi, en prenant leurs distances vis-à-vis de la prose persane classique du fait de sa complexité, ils étaient à la recherche d’une simplicité de langue pour qu’elle soit compréhensible par chacun.

 

Nous pouvons considérer les intellectuels évoqués ci-dessus comme les fondateurs de la prose moderne persane, qui comportait de forts accents politiques. Comme Mahmoud Ebâdiân l’indique :

« Ce qui était sans précédent dans cette prose littéraire était son approche directe des réalités sociales et politiques de la société iranienne de cette époque-là. Ainsi, il faut considérer cette prose comme le début d’une littérature militante, critique et dénonciatrice [17]. »

Mohammad Taghi Bahâr

    L’époque constitutionnelle : la poésie sociopolitique

 

Ces efforts des intellectuels iraniens aboutissent finalement à la Révolution constitutionnelle en 1906. Cette Révolution n’est pas seulement importante pour son aspect politique, mais aussi pour son impact remarquable sur le contexte sociopolitique, culturel et littéraire du pays. Les années 1906-1911 sont marquées par une politisation de la littérature sans précédent dans l’histoire de la littérature persane – elle est alors appelée « la littérature constitutionnelle ». Elle se caractérise par son aspect critique et satirique, et connaît d’importantes évolutions de ses thématiques, de son style et de son public.

 

La majorité des œuvres écrites à cette époque le sont sous forme de poésie car cela avait, comme le note Yaghoub Ajand, « une dimension didactique et politique qui était au service de son époque et des questions de son temps [18]. » Etant donné que l’Iran a une longue tradition de la poésie, la tendance des intellectuels à s’orienter vers ce genre littéraire n’est pas étonnante. Ainsi, la poésie devient à l’époque le vecteur d’une pensée critique et dénonciatrice qui interroge les problèmes sociopolitiques. Elle se convertit en arme pour lutter contre le despotisme, le retard du pays, l’hypocrisie des hommes politiques, l’ignorance et la superstition de la société. Ajoutons que l’engagement littéraire, selon les critères d’aujourd’hui, n’existait pas dans la littérature classique persane.

Mirzâdeh Eshghi

Les poètes comme Ferdowsi, Sa’di, Nâsser Khosrow, Nezâmi et Khâjou Kermâni défendaient des valeurs patriotiques, humaines, religieuses ou éthiques, alors que la poésie constitutionnelle était basée sur la critique et la protestation en faveur d’une cause politique, sociale ou idéologique. Parmi les poètes constitutionnalistes et révolutionnaires de l’époque, certains ont eu un impact sur les poètes de la période postrévolutionnaire. Parmi eux, citons Mohammad Taghi Bahâr [19], Mirzâdeh Eshghi [20], Aref Ghazvini [21], Farrokhi Yazdi [22], Iraj Mirzâ [23], Abolghâssem Lâhouti [24], Ashrafeddin Guilâni (Nasim-e shomâl) et Ali-Akbar Dehkhodâ.

 

Farrokhi Yazdi
Iraj Mirzâ

Rappelons que la poésie constitutionnelle se différencie de la poésie classique des époques précédentes par les nouvelles thématiques qu’elle apporte. Au lieu de parler de mysticisme, de philosophie et d’amour, les poètes constitutionnels abordaient des sujets qui étaient en rapport avec la vie sociale. Selon Mohammad Hoghoughi, le but principal des poèmes de l’époque de la Révolution constitutionnelle est de susciter une prise de conscience du peuple iranien en présentant et définissant les concepts de despotisme, de culture et de liberté [25]. Les sujets principaux de cette époque portent sur la liberté, le patriotisme, le socialisme, la modernité, les droits des femmes, en critiquant et en remettant en question l’ignorance, la superstition, la religion, l’impérialisme et la colonisation. Notons que les notions comme celles de liberté et de patriotisme dominent la thématique de la majorité des poèmes de l’époque constitutionnelle. Malgré ce changement de fond, nous ne constatons guère d’évolution formelle dans la poésie politique de cette période. Les poètes constitutionnels abordaient de nouvelles thématiques en respectant la forme de la poésie classique persane. Ajoutons que c’est dans la période postrévolutionnaire (en 1921) que la poésie moderne persane est née avec Nimâ Youshij, sous l’influence des poètes romantiques français.

 

Abolghâssem Lâhouti

Un autre élément qui distingue la poésie constitutionnelle de celle des années précédentes est lié à sa popularité auprès du peuple. Si la poésie du passé - dans la majorité des cas - était au service de la cour et était soutenue par le roi et les courtisans, la littérature constitutionnelle était au service du peuple et pour le peuple. De fait, un nouveau public élargi à l’ensemble de la société iranienne remplace les élites et les aristocrates. En outre, si auparavant, les poètes étaient soutenus financièrement par les aristocrates, les poètes de cette époque ont gagné leur vie par des publications dans des journaux et des revues politiques et littéraires. Pour que la poésie et le message qu’elle véhicule soient compréhensibles pour tous, il est nécessaire d’utiliser un langage populaire. Aussi, la simplification de la langue est-elle l’autre caractéristique de la littérature politique de cette époque. Le meilleur exemple de ces poètes qui ont utilisé la langue populaire est Iraj Mirzâ. Il faut aussi évoquer le rôle éminent des journaux et des revues dans la simplification de la langue persane.

 

Les poètes et les hommes de lettres de l’époque, comme Seyyed Ashrafeddin Guilâni (Nassim-e Shomâl), Ali-Akbar Dehkhodâ et Mohammad Taghi Bahâr, étaient également journalistes et rédacteurs en chef de journaux et de revues littéraires - ce qui atteste de la qualité littéraire des périodiques de cette époque. La majorité des poèmes politiques de cette époque a été publiée dans les journaux et revues littéraires. Il convient d’ajouter que l’un des phénomènes culturels de cette période est l’augmentation du nombre des périodiques ainsi que l’apparition de revues littéraires. Parmi elles, citons Sour-e Esrâfil [26], Now bahâr [27] et Dânesh. Ces périodiques étaient un lieu propice à la publication de poèmes critiques et politiques. Selon Yaghoub Ajand, environ quatre-vingt-dix périodiques variés seraient apparus pendant cette époque [28].

Ali-Akbar Dehkhodâ

L’autre particularité de la littérature constitutionnelle consiste en son attention aux droits des femmes. Comme Shafi’i Kadkani l’indique, à l’époque de la Révolution, l’un des sujets traités par les intellectuels et les poètes était la situation des femmes iraniennes et la nécessité de leur éducation. Selon lui, peu de poètes à cette époque n’ont pas écrit de poèmes sur les femmes et leurs droits. Des poètes comme Mohammad-Taghi Bahâr, Iraj Mirzâ, Seyyed Ashrafeddin Guilâni, Aref Ghazvini, Mirzâdeh Eshghi et Lâhouti ont ainsi écrit sur ce sujet [29]. Etaient aussi publiées des revues destinées aux femmes, dont certaines ont été rédactrices en chef. La première revue consacrée aux femmes, intitulée Dânesh, a été publiée en 1910. Après la Première Guerre mondiale, le nombre de revues féminines augmente.

Ashrafeddin Guilâni (Nasim-e shomâl)

La satire (tanz) est un moyen efficace pour les poètes d’effectuer des dénonciations politiques, et on peut la considérer comme l’un des éléments constitutifs de la poésie de cette époque. Comme le note Yahyâ Ariânpour : « Avec la genèse de la Révolution constitutionnelle, une vraie littérature satirique qui critiquait les problèmes sociaux plus que les individus est née [30]. » Ariânpour considère le réalisme et la satire comme les fruits de la Révolution, qui se sont développés sous forme de poésie lyrique et classique [31]. La plupart des poètes constitutionnalistes, dont Mohammad-Taghi Bahâr, Iraj Mirzâ, Ashrafeddin Guilâni, Adibol-mamâlek, Aref Ghazvini, Eshghi et Dehkhodâ sont les auteurs de poèmes ironiques ou satiriques. Cet aspect satirique est remarquable chez des poètes comme Ashrafeddin Guilâni et Iraj Mirzâ, ainsi que dans le domaine de la prose avec Ali-Akbar Dehkhodâ. Deux périodiques importants de l’époque, dont l’hebdomadaire Sur-e Esrâfil et le journal Nassim-e shomâl [32], publiaient poèmes, textes et articles satiriques et rédigés dans un langage courant.

 

Page de la revue littéraire de Now bahâr

Les journalistes de Sur-e Esrâfil avaient pour but d’éveiller le peuple iranien en critiquant l’ignorance et la superstition. La réputation de ce périodique s’est faite en particulier grâce aux articles sociopolitiques d’Ali-Akbar Dehkhodâ qui ont initié une nouvelle forme prosaïque pour critiquer les problèmes sociaux. Ces textes étaient publiés dans une colonne intitulée Charand o parand (Balivernes) et ont rencontré un important succès public. Comme Christophe Balaÿ le note, Dehkhodâ aborde les grands problèmes sociaux, économiques et culturels dont le féodalisme, les droits des femmes, l’ignorance, le taux de natalité, la corruption du parlement, le retard de l’Iran dans l’industrie, la décadence de la dynastie qâdjâre, etc. [33]

 

Nassim-e Shomâl, hebdomadaire social, politique et satirique, porte le pseudonyme de son rédacteur en chef, Seyyed Ashrafeddin Guilâni, poète révolutionnaire et engagé de cette époque. Cette revue a été inspirée et influencée par la revue satirique Mollâ Nasreddin, fondée en 1906 par Mirzâ Ali-Akbar Sâber, poète révolutionnaire d’Azerbaïdjan. Ce journal avait été publié en turc à Tiflis, puis à Tabriz et à Bakou. Comme Bozorg Alavi l’indique, Nassim-e Shomâl y aborde non seulement les problèmes politiques en Iran, mais aussi les événements internationaux, comme la Première Guerre mondiale en Europe. Dans sa poésie, en sus des problèmes quotidiens, il critique le féodalisme et le rapport entre les féodaux et les paysans  [34]. En résumé, nous pouvons dire que le recours à la satire fut l’un des fruits de la Révolution constitutionnelle, avec des critiques directes et sévères sans précédent dans l’histoire de la poésie persane, sauf dans les poèmes d’Obeid Zâkâni, poète et satiriste persan du XIVe siècle. Ajoutons que les œuvres satiriques de Zâkâni étaient d’ailleurs une source d’inspiration pour les poètes révolutionnaires, notamment Dehkhodâ.

 

Une page de l’hebdomadaire Sur-e Esrâfil

Comme Shafi’i Kadkani le note, en plus de la réflexion sur la liberté et la patrie, qui étaient deux thèmes principaux et fondamentaux de la poésie de cette époque, nous constatons un penchant pour le socialisme et la thématique de la justice sociale chez certains poètes comme Lâhouti, Farrokhi Yazdi, Aref Ghazvini et Mirzâdeh Eshghi, et même dans certains poèmes de Parvin E’tessâmi [35]- poétesse des années vingt et trente – et de Mohammad Taghi Bahâr. [36] Cependant, il faut considérer Lâhouti et Farrokhi Yazdi comme seuls véritables poètes socialistes, d’une part pour leur connaissance de l’idéologie marxiste et socialiste et d’autre part, pour leur appartenance à cette idéologie en mettant leurs œuvres à son service [37]. Il convient d’ajouter que le réalisme socialiste a été entrepris en Iran par Lâhouti, qui est considéré comme le premier poète prolétarien iranien. En effet, Lâhouti et Farrokhi Yazdi sont considérés comme les précurseurs du réalisme socialiste dans la littérature persane. Ce qui est notable, c’est que les premiers exemples de ce courant littéraire se trouvent dans le genre poétique, et c’est seulement quelques années plus tard qu’apparaissent des œuvres du réalisme socialiste dans le genre romanesque.

Conclusion

 

Colonne intitulée Charand o parand (Balivernes)

L’étude de la littérature contemporaine à partir du milieu du XIXe siècle et notamment pendant la période constitutionnelle révèle l’existence d’un rapport étroit entre le champ politique et littéraire. Pour la première fois, la littérature persane reflète les maux de la société iranienne, ses problèmes et ses exigences. En effet, la littérature engagée de l’époque constitutionnelle correspond bien aux critères d’aujourd’hui et se démarque nettement de la poésie classique persane. La politisation de la littérature persane à cette période est un phénomène sans précédent qui joue un rôle important dans la définition et la redéfinition du rôle social de la littérature dans le milieu littéraire iranien. Les intellectuels révolutionnaires étaient considérés comme le modèle de l’engagement politique et littéraire pour les écrivains et poètes iraniens à venir. Dans ce sens, on peut comparer leur rôle avec celui des philosophes du Siècle des Lumières dans l’avènement de la Révolution française.

Une couverture de la revue satirique Mollâ Nasreddin

L’une des conséquences de la Révolution constitutionnelle fut le passage de la société iranienne de la tradition à la modernité. Ce modernisme affecte également le domaine littéraire ; cette évolution littéraire commence par le fond et aboutit à une évolution formelle dans les années post-révolutionnaires avec la genèse des genres romanesques comme le roman et la nouvelle, ainsi que la naissance de la poésie moderne persane. Il faut insister sur le rôle de la traduction de la littérature européenne, notamment française, sur ce changement du système littéraire iranien.

Cependant, cette période d’engagement littéraire ne dure pas longtemps et voit sa fin avec la chute de la Révolution constitutionnelle et le retour du despotisme.

Il a fallu attendre les années quarante pour voir le retour de la littérature engagée persane passionnément occupée des questions idéologiques, politiques et sociales de son temps.

    Bibliographie
    -Ajand, Yaghoub, Adabiât-e novin-e Irân, az enqelâb-e mashrouteh tâ enqelâb-e eslâmi (La littérature moderne de l’Iran de la Révolution constitutionnelle à la Révolution islamique), Téhéran, Amirkabir, 1984.


    - Alavi, Bozorg, Târikh o tahavvol-e adabiât-e jadid-e Irân (Histoire et évolution de la nouvelle littérature d’Iran), trad. de l’allemand en persan par Amir Hossein Shalchi, Téhéran, Negâh, 2007.
    -Amini, Ali-Akbar, Goftemân-e adabiât-e siâsi-e Irân, dar âstâneh-ye do enqelâb (Le discours de la littérature politique iranienne, à l’aube des deux révolutions), Téhéran, Sirang.
    -Ariânpour, Yahyâ, Az Sabâ tâ Nimâ, târikh-e panjâh sâleh-ye adab-e fârsi, âzâdi va tajaddod (De Sabâ à Nimâ, l’histoire de cent cinquante ans de la littérature persane, liberté et modernité), Téhéran, Zavvâr, 2008, Vol.2.


    - Balaÿ, Christophe, Aux sources de la nouvelle persane, Paris, Éditions Recherche sur les civilisations, 1983.
    -Ebâdiân, Mahmoud, Darâmadi bar adabiât-e mo’âsser-e Irân (Une introduction à la littérature contemporaine persane), Téhéran, Morvarid, 2008.
    -Hoghoughi, Mohammad, Morouri bar târikh-e adab va adabiât- emrouz-e Irân (Un survol de l’histoire de la littérature iranienne d’aujourd’hui), Téhéran, Qatreh, 2009.


    - Mir Abedini, Hassan, Sad sâl dânstân nevisi dar Irân (1253-1342) (Cent ans de fiction en Iran, 1874-1963), Téhéran, Nashr-e cheshmeh, 2008, Vol. 1 et 2.
    -Sepanlou, Mohammad-Alli, Nevisandegân-e pishro-ye Irân (Les écrivains précurseurs en Iran), Téhéran, Negâh, 2008.
    -Shafi’i Kadkani, Mohammad-Rezâ, Bâ cherâq va âyeneh, dar jostojou-ye risheh-hâye tahavvol-e sher-e moâsser-e Irân, Avec la lumière et le miroir (A la recherche des origines de l’évolution de la poésie contemporaine d’Iran), Téhéran, Sokhan, 2011.

    Notes

    [1La Révolution constitutionnelle (appelée enqelâb-e mashrouteh en persan) a lieu en 1906 et dure jusqu’en 1911. L’expression désigne l’ensemble des tentatives qui ont transformé le système politique en Iran de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle. Elle aboutit à la fondation d’un parlement et à l’adoption de la première Constitution d’Iran.

    [2Mahmoud Ebâdiân, Darâmadi bar adabiât-e mo’âsser-e Irân (Introduction à la littérature contemporaine persane), Téhéran, Morvârid, 2008, p.17.

    [3Yaghoub Ajand, Adabiât-e novin-e Iran, az enqelâb-e mashrouteh tâ enqelâb-e eslâmi (La littérature moderne de l’Iran de la Révolution constitutionnelle à la Révolution islamique), Téhéran, Amirkabir, 1984, p.26.

    [4Mahmoud Ebâdiân, Op.cit., p.33.

    [5Mohammad-Alli Sepânlou, Nevisandegân-e pishro-ye Irân (Les écrivains précurseurs en Iran), Téhéran, Negâh, 2008, p.203.

    [6Mirzâ Malkom Khân (1833-1908), d’origine arménienne puis converti au chiisme, est né à Jolfâ à Ispahan. C’est un homme politique, diplomate, traducteur et journaliste iranien. Il a fondé la première loge maçonnique (Farâmoush khâneh) d’Iran en 1858 avec l’autorisation de Nâssereddin Shâh, qui a joué un rôle important dans la diffusion des idées libérales et révolutionnaires. Ayant fait ses études en France, il a occupé le poste du traducteur de Nâsserddin Shâh. Fondateur de l’hebdomadaire Qânoun (La loi) publié en 1890 à Londres, il a joué un rôle remarquable dans la simplification de la langue persane ainsi que dans le mouvement constitutionnel. Ainsi, Mirzâ Malkom Khân est considéré comme l’un des pionniers de la Révolution constitutionnelle mais aussi de la prose persane moderne.

    [7Mirzâ Aghâ Khân Tabrizi fut le premier secrétaire de l’ambassade de France à Téhéran. Il connaissait les langues française et russe. Il était sous l’influence des dramaturges russes et français dont Gogol et Molière. Il a publié trois pièces de théâtre qui sont faussement attribuées à Mirzâ Malkom Khân.

    [8Mirzâ Fath-Ali Akhound-Zâdeh (1812-1878) était un intellectuel, écrivain, dramaturge, philosophe et critique littéraire. D’origine iranienne, il est considéré comme le fondateur du théâtre d’Azerbaïdjan. Il est perçu comme l’un des précurseurs de la Révolution constitutionnelle. Il correspondait avec les intellectuels révolutionnaires de son temps comme Mirzâ Malkom Khân, Mostashârolddoleh et Mirzâ Aghâ Khân Kermâni. Influencé par les critiques littéraires russes du XIXe siècle, dont Chernichovski et Belinski, il est également présenté comme le fondateur de la critique littéraire moderne en Iran. Ses idées politiques et philosophiques ont eu un grand impact sur l’avènement de la Révolution constitutionnelle.

    Mostashâroldoleh

    Ce fut l’un des pionniers du gouvernement constitutionnel, du nationalisme iranien, de la séparation de la religion et de la politique, et du changement de l’écriture persane de l’arabe en latin.

    [9Mirzâ Aghâ Khân Kermâni (1854-1896) était un critique littéraire, écrivain, journaliste, historien et traducteur iranien. Il a traduit Les Aventures de Télémaque de Fénelon et Gils Blas d’Alain-René Lesage. Ce fut l’un des intellectuels pionniers de la Révolution constitutionnelle. Il a été exécuté sous l’ordre du prince héritier Mohammad-Ali Shâh en 1896, avec son collègue Sheikh Ahmad Rouhi, après l’assassinat de Nâssereddin Shâh.

    [10Mirzâ Yousef khân Tabrizi (Mostashârolddoleh) (1823-1895) était l’un des intellectuels précurseurs et libéraux de la Révolution constitutionnelle, ayant des contacts avec Akhoundzâdeh et Mirzâ Malkom khân. Il collaborait pour le journal Akhtar. Il a été emprisonné pour ses articles critiques et satiriques contre la dynastie qâdjâre. Employé de l’ambassade de Perse à Paris, il a ainsi découvert de la société française. Il a rédigé Resâleh-ye yek kalameh (L’essai d’un mot) en s’inspirant de la Révolution et de la Constitution française. Dans cet ouvrage, il cherche les raisons du retard et du despotisme en Iran et trouve la solution, qui tient en un mot : la loi. Il indique la nécessité de l’instauration d’une constitution iranienne. La rédaction de cet essai lui a coûté cher, car il a été torturé en prison sous le règne de Nâssereddin Shâh.

    [11Mirzâ Habib Isfahâni était un intellectuel révolutionnaire, l’un des pionniers de la prose persane moderne et le père de la grammaire persane. Ce fut également l’un des grands traducteurs du XIXe siècle. Il a notamment traduit Le Misanthrope de Molière et Gils Blas d’Alain-René Lesage. Sa célébrité vient de la traduction du roman Haji bâbâ Isfahpâni de l’écrivain britannique James Moirer.

    [12Zeinolâbedin Marâghei (1839-1910), issu d’une famille commerçante, est né à Marâgheh en Iran. Quand il était jeune, il a immigré en Russie, comme certains commerçants iraniens de l’époque, et a vécu dans de nombreuses villes, comme Tiflis, Kerime, et Yalta, pour finir sa vie à Istanbul. Il maîtrisait les langues persane et russe, ce qui lui a permis de découvrir la littérature de ces pays. C’était un des intellectuels patriotes et libéraux de l’époque qui a notamment collaboré avec l’hebdomadaire Akhtar publié à Istanbul en 1875.

    [13Mirzâ Abdol-Rahim Tâlebof (1834-1911) est né à Tabriz en Iran et a immigré à Tiflis dans sa jeunesse pour faire du commerce comme beaucoup d’Iraniens de son époque. Là-bas, il a étudié la langue et la littérature russes. Ayant une bonne maîtrise de la langue russe, il a traduit quelques ouvrages russes en persan. C’était un homme patriote et révolutionnaire, qui a joué un rôle important dans l’avènement de la Révolution constitutionnelle, avec les autres intellectuels iraniens qui vivaient hors de l’Iran. Il a tenté de faire connaître à ses compatriotes les concepts de démocratie et de loi.

    [14Hassan Mir Abedini, Sad sâl dânstân nevisi dar Iran (1253-1342) (Cent ans de fiction en Iran, 1874-1963), Téhéran, Nashr-e cheshmeh, 2008, Vol.1 et 2, p.17.

    [15Voir Ali-Akbar Amini, Goftemân-e adabiât-e siâsi-e Irân, dar âstâneh-ye do enqelâb (Le Discours de la littérature politique iranienne, à l’aube des deux révolutions), Téhéran, Sirang, pp.93-95.

    [16Hassan Mir Abedini, op.cit., p.19.

    [17Mahmoud Ebâdiân, op.cit., p.28.

    [18Yaghoub Ajand, Op.cit., p.27.

    [19Mohammad Taghi Bahâr (1884-1951), surnommé Malek ol-sho’arâ (le roi des poètes), était un poète, journaliste, professeur d’université, essayiste, chercheur, traducteur et homme politique iranien. Il a fondé le journal Now bahâr et la revue littéraire Dâneshkadeh. Il est considéré comme l’un des plus grands poètes iraniens du XXe siècle. Ses poèmes sont en rapport avec les événements de son temps. Il est l’un des poètes brillants de l’époque constitutionnelle et a écrit des poèmes patriotiques sur la liberté et la loi.

    [20Mirzâdeh Eshghi (1893-1924) était un poète patriote et passionné ainsi qu’un constitutionnaliste iranien. Il était également journaliste, écrivain politique et dramaturge. Ses poèmes sont chargés de critique et de révolte contre l’injustice sociale et contre les riches. Dans le poème Kafan-e siâh (Le linceul noir), il aborde la question de la liberté des femmes iraniennes. Ce sujet avait été déjà abordé par certains poètes constitutionnalistes, mais Eshghi le traite d’une manière nouvelle. Il a publié le journal Qarn-e Bistom (Vingtième siècle) dans lequel il attaque le régime politique iranien et critique les conditions socio-culturelles d’alors. Il a été assassiné par deux inconnus en juillet 1924.

    [21Aref Ghazvini (1882-1934) était un poète révolutionnaire, compositeur et musicien iranien. En tant que poète constitutionnaliste, il a mis son art au service de la Révolution. Il est surnommé « le poète national » non seulement pour la teneur patriotique de ses poèmes, mais aussi pour la musique qu’il a composée pour accompagner ses poèmes, qui est l’une des raisons de sa popularité. Dans ses poèmes, il critique les féodaux et le clergé en défendant les paysans et la couche sociale pauvre. Il était également l’un des défenseurs des droits des femmes.

    [22Mirzâ Mohammad Farrokhi Yazdi (1877-1939) était un poète, politicien et journaliste socialiste iranien et l’un des intellectuels actifs de la Révolution constitutionnelle de l’Iran. Il était également le rédacteur en chef du journal Toufân (La tempête).

    Aref Ghazvini

    Il a critiqué le régime despotique de Rezâ Shâh et a lutté pour la liberté à travers ses poèmes et ses articles. Il est emprisonné en 1919 et en 1939 pour ses activités politiques et journalistiques, et finalement exécuté en 1939.

    [23Iraj Mirzâ (1874-1926) était un poète constitutionnaliste et patriotique iranien, issu d’une famille aristocrate. Il était descendant de Fath Ali Shâh Qâdjâr, le deuxième roi de la dynastie qâdjâre. Sa réputation découle de son rôle dans la simplification du langage et de la teneur satirique de ses écrits. Il est considéré comme le premier maître de la poésie du langage familier. D’un point de vue politique, ses poèmes ne sont pas au même niveau que les poèmes révolutionnaires et critiques des autres poètes constitutionnalistes comme Aref Ghazvini, Mirzâdeh Eshghi et Mirza Mohammad Farrokhi Yazdi. Mais d’un point de vue social, ses poèmes sont très importants et abordent des sujets comme les problèmes de la société, l’hypocrisie du clergé, la pauvreté et l’ignorance du peuple, la superstition et le fanatisme religieux. Ce fut l’un des précurseurs et défenseurs des droits des femmes et des enfants. Dans son ouvrage poétique Âref nâmeh, il critique sévèrement son ami Aref Ghazvini, l’un des poètes constitutionnalistes. Cependant, l’importance de cet ouvrage réside dans sa thématique qui porte sur les problèmes de la société iranienne comme les conditions des femmes iraniennes, l’oppression des féodaux, la pauvreté des paysans, etc.

    [24Abolghâssem Lâhouti (1885-1957) était un poète, journaliste révolutionnaire et socialiste qui a mis sa plume au service de la Révolution constitutionnelle, ainsi qu’au service de la Révolution d’Octobre. Il était membre du parti communiste d’Iran, qui a été fondé en 1920 à Bandar Anzali. Il a écrit des poèmes sur l’injustice socialiste et en faveur du prolétariat. Nous pouvons considérer La révolution rouge comme l’un de ses poèmes les plus connus. On peut diviser sa vie littéraire en deux temps : de 1909 à 1922 et de 1922 à 1957. Les poèmes de la première période portent sur la Révolution constitutionnelle et la société iranienne, tandis que ses travaux des années 1921-1957, où il a vécu au Tadjikistan, l’un des pays de l’Union soviétique à l’époque, sont consacrés à la culture et la littérature tadjiks après la révolution soviétique.

    [25Mohammad Hoghoughi, Morouri bar târikh-e adab va adabiât- emrouz-e Iran (Un survol de l’histoire de la littérature iranienne d’aujourd’hui), Téhéran, Qatreh, 2009, p. 430.

    [26L’hebdomadaire Sour-e Esrâfil, fondé par Mirzâ Jahângir Shirâzi en 1907, est connu pour la publication des proses satiriques d’Ali-Akbar Dehkhodâ dans la colonne intitulée « Charand o parand ».

    [27La revue littéraire Now bahâr a été publiée à Mashhad, sous la direction de Mohamad-Taghi Bahâr (l’un des grands poètes constitutionnels de l’époque), en 1910.

    [28Yaghoub Ajand, Op.cit., p.29.

    [29Mohammad-Reza Shafi’i Kadkani, Bâ cherâq va âyeneh, dar jostojou-ye risheh-hâye tahavvol-e sher-e moâsser-e Iran, Avec la lumière et le miroir (A la recherche des origines de l’évolution de la poésie contemporaine d’Iran), Téhéran, Sokhan, 2011, p.86.

    [30Yahyâ Ariânpour, Az Sabâ tâ Nimâ, tarikh-e panjâh sâleh-ye adab-e fârsi, âzâdi va tajaddod (De Saba à Nima, l’histoire de cent cinquante ans de la littérature persane, liberté et modernité), Téhéran, Zavvâr, 2008, Vol.2, p.39.

    [31Ibid., p.39.

    [32La revue hebdomadaire Nassim-e shomâl était un périodique social, politique et satirique, qui a été publié à Rasht en 1907, puis à Téhéran.

    [33Christophe Balaÿ, Aux sources de la nouvelle persane, Paris, Éditions Recherche sur les civilisations, 1983, p.71.

    [34Bozorg Alavi, Târikh o tahavvol-e adabiât-e jadid-e Iran (Histoire et évolution de la nouvelle littérature d’Iran), trad. de l’allemand en persan par Amir Hossein Shalchi, Téhéran, Negâh, 2007, pp.100-101.

    [35Parvin E’tessâmi (1907-1941) était une grande poétesse contemporaine iranienne de la poésie classique et l’une des grandes figures de la poésie persane du XXe siècle. Elle était la fille de Youssef E’tessâmi, traducteur et rédacteur en chef de la revue littéraire Bahâr (Printemps).

    [36Mohammad-Reza Shafi’i Kadkani, op.cit., p.57.

    [37Ibid., p.58.


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