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Aperçu sur la poésie
d’Ali Moussavi Garmâroudi
Mohammad-Kâzem Kâzemi
Traduction et adaptation :
Ali Moussavi Garmâroudi est né en 1941 à Qom. Son père, figure religieuse importante de Qazvin, assure son éducation primaire. Puis il se rend à l’école nationale de Bâgherieh où il suit des études religieuses. En tant que poète, traducteur du Coran, et professeur de littérature persane, il a exercé une influence particulière dans le domaine de la poésie rituelle contemporaine (she’r-e âyini). Il est également considéré comme l’un des précurseurs de la poésie de la Révolution en Iran. Même avant la victoire de la Révolution islamique, il aborde dans sa poésie des thèmes religieux et révolutionnaires. Etant à la fois un poète moderniste et traditionaliste, sa poésie embrasse une grande étendue de thèmes et de formes. C’est un poète minutieux et un érudit qui a publié un grand nombre de livres consacrés à la littérature et à la poésie. Le nombre de ses recueils poétiques dépasse la vingtaine. Le vers libre (she’r-e sepid) et le ghassideh (sorte de poème lyrique) sont les formes poétiques préférées de ce poète ; la plus grande partie de ses poèmes étant rédigée en vers libres.
Du point de vue thématique, ses vers libres sont divisés en deux groupes : les poèmes religieux et rituels, et ceux qui expriment les sentiments intérieurs d’un poète amoureux de la vie. Certains de ses poèmes ont fait partie des œuvres les plus lues des années 1980, et lui ont apporté une grande renommée ; La ligne du sang et A l’ombre du dattier du Prince des croyants figurant parmi ses poèmes religieux les plus connus. Avec La ligne du sang, Garmâroudi se fait connaître comme poète moderniste et précurseur de la poésie religieuse. En fait, cette œuvre est considérée comme le poème en vers libres le plus connu consacré à l’Ashourâ. Le poète y décrit le désastre de Karbalâ, au travers un regard à la fois révolutionnaire et historique. Ce poème jouit aussi d’une originalité esthétique qui le rend unique – du début à sa fin :
J’aime les arbres
Qui restent debout pour te respecter
Et l’eau
Héritage de ta mère
Ton sang a confondu l’honneur
Le crépuscule réfléchit ta pauvreté
L’épée qui déchira ta gorge
Divisa toute chose en deux :
Celles qui te sont attribuées
Et d’autres à Yazid…
***
…la fin de la parole
C’est la fin du Moi :
Tu n’as pas de fin.
Malgré sa grande habileté dans le domaine de la poésie nouvelle (et surtout le vers libre), Garmâroudi porte une grande attention aux formes poétiques classiques dont le masnavi, le ghazal et plus particulièrement le ghassideh. Toutefois, le poète est moins novateur dans ce domaine. La raison est peut être que le ghassideh jouit d’une forme et d’un style déjà définis, et que cette forme poétique n’offre pas de grand choix de thèmes. Dans le poème ci-dessous, le poète exprime ce qu’il ressent lorsqu’il découvre les chutes du Niagara :
O toi ! Si magnifique, si noble
Toi une mer qui s’écoule au sens renversé
Toi tu cries et intimides le dragon
Tu souffles terriblement comme le dragon, rebelle
Garmâroudi a su forger son propre style dans la façon dont il aborde les différents thèmes : là où il aborde un thème religieux, national ou rituel, il choisit un style sérieux et raffiné, ce qui se perçoit dans le choix des mots et des figures de style. En revanche, quand il s’agit d’une émotion ou d’une impression personnelle, le poète utilise un ton amical, simple et franc.
Heureux moi, quand je suis auprès de toi et d’un livre ouvert
A côté de l’arbre, de l’herbe, de l’eau, du soleil
***
J’admire l’eau
Qui cherche à monter dans les veines de la plante
Plus que la rivière
Qui gémissant, avance
Dans son inévitable lit
Une grande partie de la poésie de Garmâroudi est consacrée à la poésie religieuse et nationale qu’il présente sous de nouvelles formes poétiques dont le vers libre. En voici un exemple au sujet de Mostafâ Tchamrân, ministre de la Défense et commandant de la guerre au début de la guerre Iran-Irak :
Un homme grand comme l’honneur
Subtil comme la tige du figuier
Rocher sous l’eau
Rigueur calme et secrète
Simple comme la pluie
Glissant comme l’eau
Dans les cœurs…
Du point de vue de sa structure, la poésie de Garmâroudi est chargée de figures poétiques dont la métaphore, l’allégorie et surtout la personnification - le poète a abondamment recours à ce dernier processus lorsqu’il évoque des notions abstraites :
Que dis-je ? « La tendresse » est ta mère
La « grandeur » est comme ton esclave
« L’honneur » jouit de ton secours pour s’affirmer sur sa base
« L’amitié » est à ta soumission…
Pour finir, citons quelques vers de l’un des poèmes le plus connus de Garmâroudi, A l’ombre du dattier du Prince des croyants :
Que le nom de Dieu, le meilleur des créateurs, soit béni !
Qui te donna l’existence
Je suis même incapable de m’étonner de toi
Car mon œil est trop petit pour contempler ta majesté :
…
Avant toi, je ne connaissais point d’océan
Qui tienne debout sur la terre...
Avant toi, je n’avais point vu de maître
Qui mette des chaussures rapiécées
…
La porte que tu as ouverte sur le jardin de notre pensée,
Est mille fois plus grande que Khaibar
Que soit bénie ta pensée !
Ma poésie reste confondue
Auprès de toi, elle perd sa métrique
La parole t’est redevable de son rythme
Comment puis-je y implanter ta majesté…