N° 158, janvier 2019

Faranguis, brave fille d’Iran


Narjes Abdollâhinejâd


Faranguis Heidarpour

« Rappelle-toi, je serai la dernière personne à quitter ce village. Pour moi, fuir c’est mourir. Ne me demande pas de m’enfuir aisément. Rappelle-toi, je suis Faranguis. C’est vrai que je suis une femme, mais je me bats comme un homme, je n’ai peur de rien. Tu comprends ? » [1]

Les huit années de la guerre Irak-Iran (1980-1988), malgré toutes ses conséquences funestes, sont également imprégnées de la bravoure, de la résistance et du dévouement du peuple iranien. Ces actes d’héroïsme ont donné naissance à plusieurs œuvres réunies sous le titre de « la littérature de la Défense sacrée ». Bien que la guerre soit considérée comme une affaire d’hommes, la présence des femmes occupe une place de choix dans les pages de l’histoire de la Défense sacrée. Ces dernières années, plusieurs œuvres ont été publiées, mettant l’accent sur le rôle des femmes. Les narratrices, évoquant leurs souvenirs durant la Défense sacrée, permettent aux jeunes générations de lecteurs de découvrir le phénomène de la guerre au prisme de leur regard féminin. Faranguis, mémoires de Faranguis Heidarpour écrit par Mahnaz Fattâhi, en est un bon exemple. Il constitue l’un des récits de vie les plus touchants de la littérature de résistance iranienne qui raconte à la première personne la résistance et la bravoure de la protagoniste éponyme, habitante des régions affectées par l’invasion irakienne.

À la fin de l’été 1359 (1980), l’Irak de Saddam Hussein attaqua l’Iran. Village par village, l’armée irakienne s’emparait des terres et des biens et avançait. Le peuple, surpris de cette attaque subite, se trouva sans défense devant l’armée suréquipée de l’Irak. Faranguis, jeune femme alors âgée de 19 ans, habitait à Goursephid, un village du Gilân-e-gharb situé dans la province frontalière de Kermânshâh, lorsque la guerre éclata. Elle et sa famille furent contraintes d’affronter de près l’affreuse réalité de la guerre.

Durant toutes les années de guerre, elle ne consentit jamais à quitter sa région natale. Elle n’aurait même pas quitté sa maison si les pluies de bombes et les chars qui arrivaient au village n’avaient finalement obligé les habitants, femmes et enfants sans défense, à s’enfuir vers les montagnes proches du village afin d’y trouver abri.

Faranguis Heidarpour

Au bout de quelques jours, ils se retrouvent sans provisions. Faranguis et son père décident alors ensemble de rentrer au village afin de ramener de la nourriture pour les familles. Ils réussissent à se rendre chez eux et à récupérer des vivres. Avant de sortir, Faranguis caresse les murs de son village et murmure : « Nous allons vous récupérer. Je ne laisserai pas ma maison aux mains des Irakiens » [2]. Alors qu’ils s’apprêtent à sortir de la cour, Faranguis revient sur ses pas pour prendre la hache. Elle se dit qu’elle en aura besoin pour couper les branches et les fagots et faire du feu pour cuire du pain. Sur le chemin du retour, ils rencontrent deux soldats ennemis. Faranguis en tue un avec sa hache et fait l’autre prisonnier.

Jusqu’à la fin de la guerre, malgré les avertissements des forces militaires, Faranguis resta dans les alentours proches de son village situé tout près des premières lignes de combat. Faranguis et sa famille étaient parmi les premiers habitants à rentrer dans leur village quand ce dernier fut libéré.

Le livre raconte la résistance de Faranguis, et le récit de son vécu dans le chaos de la guerre est exemplaire. Comme symbole de résistance féminine, une statue de Faranguis, munie de sa fameuse hache, est dressée dans le parc Shirin de Kermânshâh et un mémorial orne la place Moghâvemat (résistance) de Gilân-e-gharb, rappelant à jamais à l’esprit des passants la résistance et la bravoure de Faranguis, une femme iranienne parmi tant d’autres qui n’ont jamais cédé et ont fait glorieusement face aux agresseurs.

    Notes

    [1Fattâhi, Mahnâz, Farangis, Téhéran, éd. Soureh Mehr, 1394, p. 77.

    [2Ibid., p. 107.


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