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Houchang Ebtehâdj, né en 1928 à Racht, est un poète iranien d’origine guilaki ayant écrit sous le pseudonyme de Sâyeh, littéralement « Ombre ». Ebtehadj a publié son premier recueil de poèmes intitulé Les premiers chants, alors qu’il était encore lycéen. Dans le climat politique des années 40, Sâyeh était un ardent défenseur de la poésie de l’engagement social. Les premiers recueils d’Ebtehâdj comprennent des poèmes amoureux de forme classique. Mais dans les recueils suivants, Sâyeh se tourne vers la poésie engagée et sociale avec son livre Nuit à l’arrêt. Il était à la fois un disciple de la poésie moderne suivie par Nimâ et un fidèle à la poésie lyrique et classique iranienne.
Arbre de Judée, mon arbre, ma branche consanguine et isolée !
De quelle couleur est ton ciel aujourd’hui ?
Y-a-t-il du soleil ?
Ou fait-il sombre ?
Moi, dans ce coin, loin du monde
Je n’ai pas de soleil au-dessus de ma tête
Je n’ai aucune nouvelle du printemps
Ce que je vois
C’est ce mur
Ah, ce mur rude et noir
Est si proche de moi
Que lorsque je respire à pleins poumons
Il fait se retourner mon haleine
Et la rue est si close
Que le vol du regard
N’avance même pas d’un pas
Le rayon las d’une lampe
Est le conteur de la nuit ténébreuse
Mon haleine s’arrête
Car l’air est, ici aussi, emprisonné
Tout ce qui est ici avec moi
A le visage décoloré
Jamais un soleil,
N’a jeté un coup d’œil
À l’oubli de ce cimetière.
Dans ce coin si éteint et si oublié
Que de son souffle froid
Toutes les bougies se sont éteintes
Une mémoire irisée en moi
Me fait pleurer
Mon arbre est là
Mon arbre est seul
Mon arbre pleure
Comme mon cœur qui chaque instant
Verse de ses yeux des larmes de sang
Arbre de Judée !
Quel est ce mystère ?
Que chaque fois le printemps arrive
Avec le deuil de notre cœur ?
Que chaque année la terre est colorée
Du sang des hirondelles ?
Ainsi, cela ajoute deuil sur deuil
Sur le cœur des amoureux.
Arbre de Judée ! Patte ensanglantée de la terre !
Prends la robe de l’aurore !
Et demande aux spectaculaires cavaliers du soleil
Quand ils dépassent cette vallée de douleur
Gainier ! grappe de sang !
À l’aube où les pigeons
Partagent des rumeurs près de la fenêtre ouverte de l’aurore
Emporte mon âme colorée
Dans le spectacle du vol !
Dépêche-toi car les convoyeurs
Sont inquiets du chagrin de leurs compagnons de vol
Gainier, drapeau rougeâtre du printemps !
Redresse-toi !
Tu es mon poème ensanglanté !
Garde la mémoire de mes amis sur la langue !
Chante ma chanson non-chantée !
Arbre de Judée, mon arbre, ma branche consanguine et isolée !
La maison souffrait du mal du siècle
En un crépuscule suffoqué,
Comme aujourd’hui
Où quelque chose me manque.
Mon père a dit : Lampe,
Et la nuit a été remplie de nuit.
Je me suis dit :
Un jour est passé.
Ma mère a soupiré
Il reviendra bientôt.
Un nuage se glissait dans mes yeux doucement,
Et puis je me suis endormi.
Qui pourrait croire qu’une telle douleur
Guette le cœur de ce petit enfant ?
Oui, si à ce jour, quelqu’un partait
J’avais cru qu’il reviendrait.
Je ne savais pas ce que veut dire « jamais »
Pourquoi n’es-tu jamais revenu ?
Ô mot répugnant !
Mon cœur ne s’est pas encore habitué à toi !
Toujours, j’attends, après tant de temps,
Que reviennent ceux que j’aime…
La nuit tombait.
Je suis rentré dans la maison
Et j’ai fermé les fenêtres.
Le vent était pendu à la branche
Le chagrin du monde se déversait dans mon cœur.
Soudain, je sens,
Que quelqu’un,
Là-bas, dans le jardin
Pleure derrière ma fenêtre.
À l’aube
La rosée,
Comme une larme de la pomme en fleur...
L’imaginaire ravissant du vol
Dans la fraîcheur du nuage
Est pareil à un rêve.
L’oiseau dans sa cage
Rêve...
L’oiseau dans sa cage
Regarde la couleur
Et le tableau du jardin.
L’oiseau sait
Que le vent est sans souffle
Et le jardin est une image...
L’oiseau dans sa cage
Rêve...
Ils ont ouvert la porte du jardin des roses,
Et ils m’ont amené vers le spectacle coloré de la contemplation.
Moi, dans le jardin des roses,
Rouge,
Je chante avec la langue du rossignol,
J’ai dansé au bal nocturne des cyprès,
À l’abri flamboyant de mille miroirs de fées,
Je me suis vu moi-même avec mille visages.
J’ai souri avec la lèvre du miroir.
J’ai voyagé avec la caravane des couleurs
Au jardin des roses.
De la terre à la rose, j’ai déclaré
L’Annonciation de la danse colorée des boutons de fleurs,
Dans la fontaine de lumière,
Au printemps.
J’ai murmuré cette odeur
Sous cette tige humide
Jusqu’à l’aube.
Dans le jardin des roses
J’ai chanté la lumière
Dans toute la nuit froide,
Avec l’eau.
Et j’ai déclaré
L’Annonciation de l’aurore aux fleurs et aux prairies.
Taciturne et raide
Comme la bougie,
Transi dans son chagrin.
En cette longue nuit pleine d’incertitudes,
Son âme est pleine de regrets et de remords.
Des gémissements sont en son cœur enserrés
Dans un coin obscur du récif.
Il n’est pas en quête de sanglots,
Ni de larmes d’une nuit,
Mais le cri sauvage de la mer
Égare dans la fièvre de la tempête,
Ses hurlements épuisés.
J’ai tellement fixé mon regard sur cette lucarne
À la clôture morose de cette nuit,
Comme une plante poussée
Dans le profond d’un puits.
Les étoiles, toutes, au-dessus de ma tête,
Sont emplies de larmes qui s’écoulent.
Aucun roseau n’a poussé du fond de ce puits
Pour qu’il soit l’instrument de mes cris.
Un jour, elle murmure
À l’oreille d’un passant.
Que de mon sang amer,
Aucune rose,
N’a poussé dans ce désert brûlé.
Tellement de rêves sont morts dans mon cœur,
Comme les amours lointains de la jeunesse !
Mais l’espérance est restée en moi.
J’ai seulement pleuré,
En secret.
L’oiseau en cage, bien qu’il soit captif,
Toujours, il lui reste l’espérance du vol.
Quelle injustice !
Hélas comme elle a oublié l’oiseau de l’air !
Le rêve du nid dans le nuage,
Les nuits en attente de l’aurore,
Avec le feu qui était dans mon cœur.
J’ai fondu goutte à goutte
Comme la bougie.
Hélas ! La lanterne en agonie de mon espérance
Est battue par le vent.
Ô haleine de l’aube !
Comme tu es en retard !
Quant à cet assoiffé près de la source du soleil,
Il est mort
Dans le rêve de devenir spinelle.
Et aujourd’hui dans le déclin des jours,
Il est un fossile d’espérance.
Épuisée, affligée,
Avec un murmure attristé,
Et la nuit qui rampe du toit foncé.
À peine la pluie arrêtée
Une brise humide
Suinte du cœur froid de la nuit taciturne.
La chandelle boudeuse de la lune
Derrière le noir nuage,
Parfois sourit et brille d’une froide mélancolie.
Un sourire lugubre,
Comme le sourire de la douleur,
Un lustre fatigué, terne et rouillé,
Comme un regard où tremble l’ombre de la mort.
Ardemment, du cœur ruiné des arbres éteints,
Parfois on entend un chant confus,
Un chant égaré de la poitrine d’une flûte imaginaire.
L’oiseau nocturne pousse
Un cri hagard et sinistre.
Le nuage part et une ombre drue et noire,
Douce et silencieuse rampe du coin du toit.
Ah... Quelle douleur dans cet astre flageolant,
Où éclate parfois une lueur,
Puis se dissimule aux regards.
Saisi de l’angoisse de l’haleine sombre de la nuit
L’oiseau nocturne pousse un sanglot.
Ô oiseau nocturne et secret !
Cesse de te plaindre et de soupirer !
Arrête ce gémissement !
Cette petite chérie
Est à peine endormie.
Oui, mon petit oiseau chagriné !
Cesse ces torrents plaintifs !
Cesse ce murmure... Elle est malade !