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À la mémoire de mes parents : Hossein et Asefeh qui ont vécu pieusement.
Introduction
eut-on affirmer avec certitude que Saadi est le plus grand poète persan ? Les critiques nous objecteront que Ferdowsi, Hâfez et peut-être Mowlavi le sont aussi. Si les critères en poésie manquent bien sûr d’objectivité et de rationalité pour définir ce qu’est le génie, on peut néanmoins affirmer que Saadi occupe une place spécifique dans le cœur et l’esprit de bon nombre d’Iraniens. D’autres auteurs, comme Manouchehri, Khâghâni, pour ne citer qu’eux, écrivent des vers en persan d’une grande beauté, mais c’est comme s’ils n’utilisaient pas tout à fait le même persan, tant il est nécessaire parfois de déployer de longs efforts pour décrypter le texte en vue d’en percer le sens. On pense aux métaphores et aux images de Manouchehri, aux périphrases et aux ambiguïtés d’Onsori et Nasser Khosrô, ainsi qu’aux tournures poétiques d’Anvari. Nous devons écouter la musique de leurs vers avec attention et concentration, alors que nous savourons celle de Saadi sans réfléchir. Beauté, transparence, c’est sans doute cela qui fait de Saadi un grand poète humaniste qui a influencé tous les musiciens de la langue persane dans le monde entier.
Cependant, jusqu’à aujourd’hui, on ne trouve pas d’étude véritablement approfondie sur sa poésie lyrique que l’on appelle en Iran le « ghazal ». [1] Ce style de poésie, que l’on trouve dans les « divans » (recueils de poèmes) des poètes comme Farrokhi et Anvari à partir du milieu du XIème siècle, connut un important développement par la suite. Néanmoins, aucun d’eux ne parvint à égaler la sublime harmonie que Saadi atteignît dans l’expression poétique.
Dans cet article, après avoir défini le ghazal dans la littérature persane, nous étudierons l’évolution de ce style jusqu’à l’époque de Saadi. Nous analyserons ensuite plus précisément les ghazals de Saadi afin de tenter de montrer le charme et la finesse de ceux-ci aux lecteurs. Certes, le ghazal de Saadi est un souffle, un parfum ; il n’a d’autre règle que le caprice d’une imagination heureuse ; et pourtant, il s’accompagne d’un travail littéraire rigoureux que les rhétoriciens peuvent démêler et définir.
La poésie lyrique persane, de son commencement jusqu’à l’époque de Saadi
Le ghazal persan, sa structure et sa similitude avec le sonnet
Le ghazal persan, qui est dérivé de la poésie panégyrique, se présente sous forme d’un poème d’amour (le terme ghazal peut se traduire par parole amoureuse) et se compose d’une série de distiques épigrammatiques (beyts qui sont unis par rythme ([a a] b a, c a, etc.) et par mètres « canoniaux ». Dans celui-ci, le poète ou la poétesse célèbre son amour ou déplore ses tourments.
Ces éléments du ghazal persan sont comparables au sonnet européen et en particulier à celui de Shakespeare. C’est pourquoi, pour mieux saisir le caractère d’un ghazal, il nous faut définir brièvement ce qu’est un sonnet. Le sonnet vit le jour dans l’Italie du XIIIème siècle, et le premier grand écrivain à utiliser cette forme poétique fut Dante, dont la Vita Nuova contient vingt-cinq sonnets réguliers sur un total de trente-deux poèmes. Dante fut suivi dans cette voie par Pétrarque qui, au siècle suivant, ne composa pas moins de trois cent dix-sept sonnets mêlés à d’autres pièces de vers de formes diverses. C’est avec Shakespeare que le sonnet atteint véritablement son apogée. Celui-ci est formé de deux quatrains suivis de deux tercets. « Il est vrai que chacune des deux parties constitue pour ainsi dire un poème à part entière, mais elles sont liées et forment un tout cohérent et s’éclairent l’une par l’autre. La structure d’un sonnet est donc en elle-même un système d’ordre dans lequel les pensées s’ordonnent comme un dialogue. » . [2]
Analyse d’un ghazal de Râbe-e Ghozdari
Râbe-e Ghozdari fait partie des icônes de la littérature persane. On ne sait presque rien de sa vie, et l’époque même où elle vécut n’est pas précisément déterminée. Mais les anthologies nous ont conservé des pièces lyriques où le thème de l’amour malheureux s’exprime en termes touchants qui ont été fort appréciés par la suite, notamment par les poètes mystiques. Voici l’un des ghazals :
عشق او باز اندر آوردم به بند کوشش بسيار نامد سودمند
عشق دريايي کرانه ناپديد کي توان کردن شنا اي هوشمند
عشق را خواهي که تا پايان بري بس که بپسنديد بايد ناپسند
زشت بايد ديد و انگاريد خوب زهر بايد خورد و انگاريد قند
توسني کردم ندانستم همي کز کشيدن سخت تر گردد کمند
« 1.L’amour de lui m’a ressaisie dans son étreinte,
Tous mes efforts sont restés vains.
Sages, vous le savez, à quoi bon tenter de nager ?
te fait accepter bien des déplaisirs,
et déguster comme nectar plus d’un breuvage empoisonné.
qui ne sait pas, que plus il tire, et plus il resserre ses entraves. ». [3]
Le premier vers s’ouvre sur le chagrin d’amour qui fait d’un être libre un prisonnier, de telle sorte que ses efforts pour la libération n’aboutissent à rien.
Dans le deuxième vers, la poétesse élargit le champ de son imagination et compare l’amour à une immense mer dans laquelle il est impossible de rejoindre le rivage.
Dans les troisième et quatrième vers, elle décrit une expérience paradoxale qui consiste à supporter toutes les peines avec plaisir afin de garder son amour.
Ce vers nous rappelle le vers suivant de Hâfez :
دربيابان گر بشوق کعبه خواهي زد قدم سرزنشها گر کند خار مغيلان غم مخور
« Si par passion de la Kaaba tu veux marcher dans le désert où
L’épine de la ronce t’aiguillonne, ne te désole pas ! » [4]
Afin d’accentuer son chagrin, dans ce vers, elle utilise une technique poétique que l’on appelle « Tarsi » qui consiste à mettre en parallèle certains mots du premier hémistiche avec ceux du deuxième hémistiche : [5]
Dans le cinquième et dernier vers enfin, elle compare l’amour avec le fait de monter un cheval sauvage qui se dérobe à toute règle. L’amour dans ce ghazal, comme on vient de le voir chez Shakespeare, est un amour interdit, c’est pourquoi la poétesse cache délibérément le nom de son bien-aimé qui était un esclave de son frère. Elle aurait même été par la suite tuée à cause de cet amour.
Par conséquent, comme on vient de l’observer dans le ghazal de Râbe-e Ghozdari, le thème de l’amour est abordé dès le premier vers. Il évolue dans les vers suivants, pour atteindre un apogée au milieu. On peut ainsi conclure que le ghazal est un court poème ayant l’émotion et le sentiment d’amour comme sujets. Les vers d’un ghazal sont liés ensemble et forment un système ordonné au sein duquel la pensée se déploie.
Il existe donc une cohérence entre ces vers. Le dernier constitue une chute qui résume l’impression d’ensemble, met en valeur un détail formant contraste, crée un effet de surprise.
En comparant le sonnet de Shakespeare avec ce ghazal de Râbe-e Ghozdari, on voit clairement qu’il existe une similitude entre ces deux poèmes profanes appartenant à deux civilisations différentes. Tous deux ont une structure similaire et chantent l’amour. L’objet de cet amour est aussi l’être humain.
Naissance et évolution du ghazal en Iran
Le ghazal profane
L’origine du ghazal en Iran date de l’antiquité préislamique, particulièrement de la dynastie sassanide. À cette époque, la poésie lyrique que l’on appelait « Khosrovâni » se chantait accompagnée d’instruments de musique. On a non seulement ignoré ce genre de poésie, mais parfois même nié son existence. « Mais nous savons aujourd’hui, notamment grâce aux travaux du professeur Mary Boyce, que l’Iran préislamique a possédé une poésie brillante. C’était l’œuvre de ménestrels professionnels, poètes-musiciens, qui la chantaient dans les cours royales et seigneuriales, mais aussi dans des réunions de toute sorte à tous les niveaux de la société. Le pays parthe, dans le nord de l’Iran, fut un centre particulièrement actif de cette production poétique. Les beaux poèmes religieux manichéens en parthe, dont de nombreux fragments ont été retrouvés par les archéologues, s’appuyaient nécessairement sur une tradition élaborée ». [6]
Cette poésie, d’après les historiens, était structurée par le nombre de syllabes, comme la poésie française et non par leur durée comme dans la poésie arabe. « L’originalité des Persans en matière de technique poétique a consisté à assujettir le mètre syllabique iranien à la prosodie quantitative arabe. Ayant franchi cette étape, la poésie persane se développe rapidement. » [7]
Au moyen âge, la poésie lyrique fleurit surtout dans les cours princières. D’après un historien, Sultan Mahmoud, le roi ghaznévide, « aimait la poésie et récompensait largement les poètes ; chaque jour, il s’entretenait de poésie ; il avait six cents poètes de premier ordre ; il leur donnait à tous des apanages et des pensions. En outre, à chaque poésie qu’on lui récitait, il donnait des millions de pièces d’or. Onsori était le plus fameux de ces poètes, et en même temps le favori et le confident du prince … » [8] Ces poètes ont joué un rôle considérable dans la formation du ghazal. Jusqu’alors, celui-ci n’était probablement que la pièce lyrique qui, selon l’usage commençait par une qasida, c’est-à-dire un poème panégyrique. « L’amour naturellement est aussi un thème majeur : la beauté de l’objet aimé et la douleur de l’amoureux qui se meurt de désir sont décrites selon un canon tôt fixé. Ce début de qasida, œuvre de Daghighi, donne bien le ton de ces madrigaux :
پـري چهــره بتـــي عيـــار و دلبــر نگــاري ســـرو قــــد و مــــاه منـظـر
سيـه چشمي که تـا رويش بديدم سرشکم خون شدست و بر مشجر
اگــر نه دل همي خواهي سپـردن بــدان مــژگــان زهـــر آلـــوش منگـر
وگــرنه بر بــلا خواهــي گــذشتـن بـــر آتش بگـــذر و بـــر درش مـگـذر
بسان آتش تيز است عشقش چنان چون دو رخش همرنگ آذز
بســان سرو سيميــن است قدّش و ليــکــن بــــر سـرش مـــاه منـــوّر
فريش آن روي ديبا رنگ چيني که رشک آرد بر او گلبرگ تر بر
از آن شکّر لبان است اين که دايم گــدازانــــم چـــو انــــدر آب شــکّــر
بـه چهــره يــوســف ديـــگر وليــکن بـــه هجـرانــش منم يـعقــوب ديـگر
از آن لاغر ميـانست اين که عشقم چنيـن فـربي شدست و صـبـر لاغـر
Une idole, une fée, une traîtresse ayant
La taille du cyprès et l’éclat de l’astre des nuits,
Depuis que j’ai vu ses yeux noirs,
Me fait teindre mon sein de mes larmes de sang.
Ô vous qui ne voulez pas perdre votre cœur,
Gardez-vous bien de ces cils empoisonnés.
Vous qui ne voulez pas rencontrer le malheur,
Entrez dans un brasier, mais évitez sa porte.
Sa joue a le teint de la flamme
Et l’amour qu’elle inspire est un feu dévorant.
Sa taille est celle d’un cyprès d’argent,
Mais au sommet duquel un astre brillant.
Heureux ce teint pareil aux brocarts de la Chine,
Qu’envient les frais pétales de la rose
Que le baiser du paradis descendit ici-bas ». [9]
Mais les poètes de cour en vinrent peu à peu à le cultiver comme une forme poétique autonome, où ils trouvaient plus de liberté pour exprimer leur sentiment personnel. Dès le XIème siècle et le début du XIIème, on trouve dans les « divans » (recueils de poèmes) de Moézzi, de Sanâi et autres, un grand nombre de ghazals séparés. À partir du milieu du XIIème siècle, le ghazal se développa. Certains commencèrent à le préférer nettement à la qasida, et il n’est guère de poètes importants qui n’aient contribué à son perfectionnement. « Farrokhi, élève et émule d’Onsori, plus sensible peut-être que celui-ci, charmait le lecteur par son art de la composition, par son style à la fois coloré et relativement simple… ». [10] Cependant, il revendiquait dans ses ghazals un amour purement profane pour une dame ou un éphèbe, sentiment condamnable dans la loi musulmane. C’est d’ailleurs la raison principale pour laquelle les ghazals d’un poète comme Farrokhi n’ont pas rencontré d’acceptation publique. Il ne fallait pas oublier la morale religieuse – cette forte morale musulmane qui était le fondement des mœurs. Voici l’un des ghazals de ce poète :
دل من همي داد بر من گوايي که باشد مرا روزي از تو جدايي
بلي هرچهخواهدرسيدنبهمردمبرآندلدهدهرزمانيگوايي
من اين روز را داشتم چشم وزين غم نبودهست با روز من روشنايي
جدايي گمان برده بودم وليکن نه چندانکه يکسو نهي آشنايي
به جرم چه راندي مرا از در خود گناهم نبوده ست جز بيگنايي
Tu diras que mon cœur ne cessait d’attester
Que nous serions, un jour, séparés toi moi.
Oui ! pour tout ce qui doit arriver aux humains,
Le cœur à tout moment donne son témoignage.
Il ne demeurait plus clarté dans mes jours,
Je l’appréhendais bien, cette séparation,
Sans croire qu’à ce point tu me méconnaitrais.
Pour quel crime m’as-tu chassé loin de ta porte,
Lorsque ma seule faute est dans mon innocence ?
Je t’ai livré mon cœur mais sans savoir qu’ainsi
Tu inclinais à l’injustice, aux duretés,
Hélas ! hélas ! tout en te sachant infidèle,
J’ignorais jusqu’où tu allais en cruauté,
De toi j’ai subi toute inimitié ; pourtant
Je ne dis pas que tu n’es plus digne d’amour,
Idole ! éprouve-moi ! tu me verras meilleur,
Sois encore mienne pour m’essayer davantageop. cit. [11]..
Plus tard, dans la première moitié du XIème siècle, on trouve chez Manouchehri la même élégance de style et la même intensité de sentiment vis-à-vis de l’être aimé. « Par ses inspirations bachiques, par son vif sentiment de la nature, par ses accents mélancoliques, il fait penser à Ronsard… » [12]. En voici un ghazal :
اي با عدوي ما گذرنده ز کوي ما
اي ماهروي شرم نداري ز روي ما؟
نامم نهاده بودي بدخوي جنگجوي
با هر کسي همي گله کردي ز خوي ما
جستي و يافتي دگري بر مراد دل
رستي ز خوي ناخوش و از گفتگوي ما
اکنون به جوي اوست روان آب عاشقي
آن روز شد که آب گذشتي به جوي ما
گويند سردتر بود آب از سبوي نو
گر مست آب ما که کهن شد سبوي ما
اکنون يکي به کام دل خويش يافتي
چندين به خير خير چه گردي به کوي ما؟
Toi qui avec mon ennemi fréquemment passes dans ma rue,
Ô ma beauté ! N’as-tu pas honte, lorsque tu vois mon visage ?
Tu m’avais qualifié acariâtre et cherchant la bagarre
Devant chacun de ceux auxquels tu te plaignais de mon humeur,
Tu cherchas et trouvas un autre, selon le désir de ton cœur,
Échappant à mes entretiens et à mon fâcheux caractère.
Maintenant, l’onde de l’amour court dans son ruisseau ;
Le jour est loin, qu’en mon ruisseau cette onde de l’amour passait.
On prétend que l’onde est plus fraîche en sortant d’une jarre neuve,
Mais ma jarre est devenue vieille ; c’est pourquoi mon onde est chaude.
À présent que tu as trouvé celui que ton cœur désirait,
Pourquoi circules-tu donc tant dans ma rue inutilement ?
[13]]]
Avec l’évolution de la civilisation iranienne notamment sous les Seldjouqides, deux tendances se manifestent dans le ghazal : une tendance inspirée par les préceptes de la religion, et une autre plus profane. Roudaki, le père de la poésie persane, a donné à ses successeurs l’exemple d’un amour purement physique. Si nous faisons exception de Nezâmi-e Ganjavi qui, dans ses ouvrages, a illustré l’aspect charnel de l’amour conjugal, on peut dire que parmi les poètes anciens, on narre davantage les sentiments que l’érotisme.
Les amants de ces poètes étaient en général ambitieux et esclaves tout à la fois. En donnant tout leur être à leurs maîtres, ils se prêtaient également à toutes les débauches. Toutes leurs attentions, tous leurs projets ne tenaient qu’à un objectif : leur plaisir. Leurs chagrins et leurs jalousies étaient rythmés par la quête et l’attente.
Le ghazal mystique
Dès le XIIème siècle, l’inspiration religieuse ou mystique avait animé les œuvres de plusieurs poètes telles que le roman versifié Leili et Majnoun de Nizâmi. [14] Ce roman, inspiré d’une vielle légende arabe, est l’histoire d’une passion mutuelle qui ne s’accomplit que dans la mort. « Leili, qui symbolise la divinité et Majnoun, l’âme humaine qui erre, rendue folle par la souffrance, dans le désert de la vie, à la recherche de cette Divinité à laquelle elle ne pourra s’unir qu’après la mort. La folie, ou l’ivresse de l’amant, c’est le symbole du rejet de l’intelligence qui est un obstacle à la foi et à l’union ». [15]
La forme que Nizâmi donnait au conflit de l’intelligence et de l’amour, c’est la mystique musulmane qui la lui dictait. Plus tard, les mystiques musulmans substitueront l’amour mystique à l’amour profane, mais en s’exprimant dans les mêmes termes. « Le thème bachique, intégré à ce nouveau système de pensée, sert à exprimer l’extase mystique. Autrement dit, les motifs traditionnels se sont trouvés désormais employés dans un sens symbolique ». [16] Ainsi, le poète mystique associe l’éloge du vin à celui de l’amour mystique. L’ivresse qu’il exalte est sans doute image ou miroir de l’ivresse surnaturelle du « fidèle » pour « l’Aimé ». En voici un exemple de Fakhr eddin al-Iraghi :
نخستين باده کاندر جام کردند ز چشم مست ساقي وام کردند
چو با خود يافتند اهل طرب را شراب بيخودي در جام کردند
لب ميگون جانان جام در داد شراب عاشقانش نام کردند
« Le premier vin qu’ils versèrent dans la coupe,
Ils l’empruntèrent à l’œil enivré des belles.
Ayant trouvé les compagnons en possession de leur raison,
ils leur versèrent le vin de l’extase dans la bouche. [17]
« Pour les mystiques, l’ivresse et la folie sont sagesse suprême. Transmué par eux en une liqueur spirituelle, le vin est devenu symbole des plus hautes aspirations de l’âme en quête
de l’absolu. »
[18]
La synthèse de Saadi
Tout d’abord, l’époque de Saadi fut une période de bouleversements à cause de l’invasion des Mongols et de ses conséquences. L’ensemble du territoire iranien se trouva morcelé entre des royaumes et villes, gouvernés par des tyrannies personnelles ou populaires. Le XIIe siècle fut un siècle d’anarchie. Les esprits dévoyés et les âmes égarées ne savaient de quel côté se tourner, ni sur quoi se reposer. La morale et la philosophie avaient perdu leur prestige et leur influence. Il y eut de grands mystiques, mais ce qui manqua le plus souvent à cette longue lignée, fut le sens moral. Le besoin d’un conducteur d’âmes pour améliorer la situation se faisait ressentir.
Le mysticisme de Saadi
Saadi n’était pas un mystique au sens traditionnel du terme. [19] Il cherchait à dépasser le monde corrompu de son époque tout en en imaginant un autre sur lequel fonder les principes d’une existence morale. Cette imagination lui permettait d’envisager un monde plus juste que celui de son époque. Chant de libération, appel à l’homme pour qu’il se surpasse, voilà la pensée profonde de ces deux livres de Saadi : Boustân et Golestân. Par ces œuvres morales, Saadi voulait ainsi construire un monument pour offrir un refuge aux âmes blessées, jeter l’effroi dans les cœurs superbes, et apporter un encouragement aux désespérés ainsi qu’une consolation aux souffrants.
Le lyrisme de Saadi
Qu’est-ce que le lyrisme sinon « l’expression de ce qu’il y a en nous de surnaturel et de ce qui dépasse nos appétits matériels et terrestres, en un mot de nos sentiments et de celles de nos pensées qui ne peuvent être réellement exprimées que par le chant, de telle sorte qu’un morceau de prose dans lequel ces sentiments ou ces pensées sont bien exprimés fait penser à un chant ou semble être la traduction d’un chant » ? Aussi peut-on poser comme un axiome que l’athéisme, ou la négation de notre essence divine, amène nécessairement la suppression de tout lyrisme dans ce qu’à l’époque contemporaine on nomme parfois à tort poésie. C’est pourquoi cette prétendue poésie est une chose morte, un cadavre.
« La poésie ne se compose pas exclusivement du lyrisme. Elle contient une partie consacrée aux choses matérielles et finies, qui est le Récitatif, et une partie consacrée à exprimer les aspirations de notre âme immatérielle, qui est le chant. Mais sans le chant, sans le lyrisme, elle n’est plus divine et par conséquent n’est plus humaine, puisque l’homme est un être divin ».
[20]
À partir de cette définition, nous pouvons affirmer que le lyrisme de Saadi est un lyrisme par excellence. Certes, dans ses ghazals, il décrit l’amour sublime entre l’homme et la femme et avec tous les créateurs du monde. Mais au fondement de chacun de ses poèmes, il se trouve une aspiration divine, une ascension vers un au-delà. « Cette teinte de mysticisme qui imprègne souvent l’atmosphère de ses odes (ghazals) montre que Saadi demeure, en dépit de son rôle d’éducateur, un poète à l’écoute des messages éternels de l’Iran ». [21] Saadi différait nettement de l’amour quasi charnel peint par les poètes des cours des Ghaznévides et des Seldjouqides.
Par ailleurs, après l’effort des poètes mystiques tels Sanâi et Attâr pour désincarner les ghazals et pour les dissocier du réel, Saadi, en suivant une voie opposée, s’est consacré à réconcilier l’esprit et la matière à recréer l’humain par la soudure de l’âme et du corps. La synthèse opérée par Saadi a singulièrement facilité l’expansion du lyrisme dans la poésie persane. Dans cette perspective, l’amour était considéré comme une grâce divine et la manifestation raffinée d’un humanisme accessible à tous pour consolider la cellule familiale, et par là, faire évoluer la société. À titre d’exemple, la femme ne devait plus être simplement considérée comme un objet de plaisir pour l’homme, mais comme une grâce divine et une personne digne de considération en elle-même.
D’ailleurs Saadi, quand il parlait des belles femmes, n’hésitait pas dans ses vers à employer le terme de « houri », c’est-à-dire « la femme du paradis », pour décrire la beauté immatérielle et aérienne de celle-ci :
رضوان مگر سراچه فردوس بر گشاد کاین حوریان به ساحت دنیا خزیده اند
« Si seulement la porte du paradis est ouverte
Puisque ces houris gracieusement sont glissées sur la terre »
Dans ses poésies lyriques, il chantait bien entendu la beauté de la nature, des arbres et des diverses sortes de fleurs qui la peuplaient, mais contrairement à ses prédécesseurs, pour lui, c’était la femme qui incarnait la beauté par excellence. Elle était le secret des enchantements de tout ce qui nous enchante, si bien que lorsqu’elle aurait quitté ce beau paysage qui se recueillait autour d’elle, la source ne chanterait plus, les roseaux resteraient muets sous l’inutile caresse des souffles, et les feuillages perdraient de leur fraîcheur.
Par exemple, la « rose », est aussi une fleur prestigieuse, évocatrice de toutes les inspirations poétiques. Cependant, d’après Saadi la beauté de la femme dépasse celle de la rose :
قیمت گل برود گر تو به گلزار آیی و آب شیرین چو تو در خنده و گفتار آیی
« Le prix de la rose diminuera si tu viens au jardin.
Aussi bien que la beauté de « Shirin », [22]lorsque tu parles et tu ris. »
Il va encore plus loin en comparant parfois la femme au soleil et à la lune, c’est-à-dire deux symboles de la beauté de la nature. C’est pour cette raison qu’on peut considérer les ghazals de Saadi comme ayant opéré une mutation significative. Il a été le premier poète qui a chanté son amour pour les femmes et qui les a glorifiées. Car la femme possède d’après lui toutes les vertus, toutes les qualités : la bonté, le courage et la patience. Tout en condamnant l’amour pour les éphèbes, il chante ainsi « l’amour conjugal » :
خرابت کند شاهد خانه کن برو خانه آباد گردان
« Un éphèbe détruira ta maison et te ruinera enfin
Va donc construire ta maison avec une femme »
En résumé, l’amour que Saadi exprime à travers sa poésie lyrique est un amour humain, c’est une combinaison d’éléments psychologiques et sensuels, dans des proportions respectives, si infiniment diverses. Comme la plupart des poètes, il veut « faire passer un certain tremblement « de » son émotion, de son sentiment - si l’on veut à travers un certain langage (des mots, des sonorités, des rythmes) ». [23]
Le monde poétique de Saadi : analyse stylistique d’un poème lyrique
Pour mettre en lumière la beauté et l’harmonie de la poésie lyrique de Saadi, pour apprécier sa musicalité, rien de plus instructif que d’analyser la structure formelle et musicale de ses vers dans le cadre d’un ghazal consacré au thème de la séparation. Ce ghazal forme un tout complet, et mobilise des techniques poétiques diverses comme l’allitération, l’assonance… qui avaient été laissées de côté chez ses prédécesseurs. Avec ses termes poétiques, Saadi crée son propre univers, il brise la réalité ordinaire pour éveiller en chacun de nous, par une nouvelle association d’idées, un autre univers, inconnu ou empreint de nostalgie.
اي ساربان آهسته ران کارام جانم مي رود وان دل که با خود داشــتم با دلستانم مي رود
من مانده ام مهجورازاو، بيچاره ورنجور از او گويي که نيشــي دورازاو، دراستخوانم مـي رود
گفتم به نيرنگ و فسون، پنهان کنم ريش درون پنــــهان نمــــي ماند که خون بر آستانم مـي رود
محمل بدار اي ساربان تندي مکن با کاروان کز عشــــق آن سرو روان گويي روانم مـي رود
او مي رود دامن کشان من زهر تنهايي چشان ديگر مــپرس از من نشان کز دل نشانم مـي رود
برگشت يار سرکشم بگذاشت عيش نا خوشم چون مجمري برآتشم کز سر دخانم مي رود
با آن همه بيــــــداد او وان عهد بيبنيــــــاد او در سينــه دارم يــــــاد او يــــــا بر زبانم مـي رود
بازآي و بر چشمم نشين اي دلستان نازنيــــــن کاشوب و فــــــــرياد از زميـــــن بر آسمانم مـي رود
شب تا سحر مي نغنوم واندرز کس مي نشنوم وين ره نه قاصد مي روم کز کز کف عنانم مي رود
گفتم بگريم تا ابل چون خر فرو ماند به گل وين نيز نتوانم که دل با د کاروانم مي رود
صبر از وصال يار من برگشتن از دلدار من گرچه نباشد کار من هم کار از آنم مي رود
در رفتن جان از بدن گويند هر نوعي سخــــــن من خودبه چـشم خويشـتن ديدم که جانم مـي رود
Ô chamelier ! va lentement ! la paix de mon âme s’en va ;
Et ce cœur qui était le mien avec qui l’a ravi s’en va.
Je reste séparé d’elle, infortuné, soufrant par elle ;
Et l’on dirait que loin d’elle, une pointe à mes os pénètre.
Je dis : « Par ruse, incantation, je tiendrai cachée ma blessure » ;
Mais elle ne reste pas : mon sang jusqu’à mon seuil s’en va.
Chamelier ! retient la litière ! ne pousse point ta caravane !
D’amour de cet être élancé, l’on dirait que ma vie s’en va ;
Je bois le fiel de l’abandon ; mais elle nonchalamment s’en va ;
Ne vous enquérez plus de moi, mon cœur ne laisse plus de trace.
L’être indompté s’en est allé, me laissant une vie pénible ;
Je ressemble au brule-parfum, car la fumée sort de ma tête.
De par toute sa tyrannie et ses promesses non tenues,
Je garde en moi son souvenir ; ou bien sur ma langue il s’échappe.
Reviens toi plus cher que mes yeux être charmeur plein de grâce !
Parce que mon trouble et mes cris vont de la terre jusqu’au ciel.
Sans sommeil du soir au matin, n’écoutant conseils de personne !
Ainsi je m’en vais sans dessein, de ma main s’échappent les rênes.
Patienter loin de l’être aimé, loin de qui possède mon cœur,
Bien que ce ne soit pas mon affaire, j’y suis tout de même contraint.
Il est maintes façons de dire que l’âme s’échappe du corps ;
Mais moi c’est de mes propres yeux que je vois s’en aller mon âme. [24]
Nous venons de rappeler que la poésie est une construction artistique. Par conséquent, le poète est un architecte, qui reconstruit tous les édifices nécessaires de cette construction, qui sont le rythme, la rime, l’image et métaphore, et en les reliant les uns aux autres non pas prudemment et pas à pas, de proche en proche comme le fait le savant, mais par les sauts plus audacieux de son imagination. Nous allons analyser ce ghazal de Saadi aussi bien dans le fond que dans la forme afin de pénétrer dans son monde poétique.
Analyse psychologique du fond
Dans ce ghazal, le poète Amant dépeint la situation du départ de sa bien-aimée. D’après lui, il fut heureux auprès d’elle et souhaitait continuer ainsi sa vie, mais ce bonheur ne dura pas longtemps. Et voilà qu’avec le chant du chamelier, suivant le pas rythmé du chameau, le malheur arrive. Il ne reste désormais pour le poète qu’à verser des larmes et s’envisager avec le plus terrible évènement de sa vie, c’est-à-dire le « chagrin d’amour ». Saadi associe ce chagrin à la mort. En effet, « dès le moment qu’un être aimé nous quitte, c’est comme s’il était mort pour nous. Dans l’imaginaire, l’échec amoureux est ressenti et figuré comme un deuil. (…) Après la perte d’un être cher, il est courant de le voir réapparaitre dans les rêves, vivant mais affaibli et comme menacé. C’est bien lui, on a la conviction, l’étrange surprise, un trait du visage, un détail dans l’attitude, détonnent. Il en va souvent de même au lendemain d’un deuil amoureux. L’aimé se métamorphose en spectre. Dans les deux cas, nos créations oniriques livrent le même message : nous voudrions rétablir la relation avec celui qui est mort ou nous a quitté, mais quelque chose en nous s’y oppose, quelque chose qui ne procède pas seulement d’un souvenir tenu de la réalité vigile ». [25]
L’analyse stylistique de la forme
La musique de la poésie
Avant d’étudier les rythmes chez n’importe quel poète, par exemple chez Saadi, encore faut-il s’assurer qu’il existe une relation étroite entre la poésie et les rythmes. Ici encore, une question se pose : d’où vient que dans la poésie lyrique, la marche de la strophe est plus ou moins harmonieuse, suivant le choix, le rapport, le nombre, la disposition des mètres qui la composent ? Pourquoi parmi les vers de différentes mesures, en est-il qui s’accordent, et d’autres qui se repoussent ? C’est cela que l’on veut rechercher. Y a-t-il une loi qui détermine les proportions, les agencements, les affinités rythmiques de nos vers persans ? Chacun sait qu’une corde d’instrument, mise en vibration rend, outre le son principal, des sons accessoires qui s’accordent avec lui et que l’on nomme ses consonances. Tel est le fondement de l’harmonie naturelle.
On sait aussi que ces sons accessoires sont produits par des divisions de la corde, lesquelles, dans leur longueur comme dans les nombres de leur vibration, sont en rapport mathématique avec elle. On sait enfin que plus le rapport est simple, plus la consonance est parfaite. Ainsi la moitié de la corde donne l’octave, la tierce donne la quinte, les plus consonantes des intervalles (fig. 1).
Ces divisions régulières du corps sonore, dont la vibration produit les consonances, sont connues sous le nom d’aliquotes. Par exemple, dans le schéma suivant, on peut observer le rapport du rythme « mafâûlun, faûlun, mafâûlun faûlun » d’un vers de Hâfez avec la division régulière du corps sonore :
چو بشنوي سخن اهل دل مگو که خطاست سخن شناس نيي جان من خطا اينجاست
(fig. 2)
Il faut signaler encore qu’un « vers est une suite de mots reliés entre eux par un rythme. Le rythme à son tour se définit par une mesure en vertu de laquelle certains sons, revenant à des intervalles réguliers ou irréguliers, font plaisir à l’oreille. » [26] Nasir al-Din al-Tusi, un grand rhétoricien iranien, a insisté aussi sur ce plaisir revenant du rythme dans la poésie et a écrit : « Quant au rythme, c’est une forme qui dépend de la versification organisée des vocalisations et des quiescences, et leur proportion en nombre et en quantité ; car l’âme reçoit de la perception de cette forme un plaisir particulier, que l’on appelle alors « goût ». Si ces vocations et quiescences sont réparties entre des lettres, on a affaire à ce que l’on appelle « poésie »… ». [27]
De cette longue introduction sur le rythme, nous devons conclure qu’il est un élément fondamental de la poésie, bien qu’il en existe de diverses natures et d’inégales puissances. Par exemple, dans la ballade suivante, le poète a choisi un rythme joyeux et court :
Je l’aimais, et follement,
À sa voix si tendre,
À son amoureux serment,
Je me laisse prendre,
Comme un rêve envolé,
Aux feux de l’aurore,
Mon espoir s’en est allé
Et je pleure encore !
La mélodie musicale de cette ballade qui a été faite pour la dance est la fig. 3. [28]
Pour un exemple similaire dans la poésie persane, on peut citer le vers suivant de Hafez :
اين خرقه که من دارم در رهن شراب اولي وين دفتر بي معني غرق مي ناب اولي
Ce froc en ma possession, le mettre en gage pour du vin vaut mieux,
et ce cahier bon à rien, le noyer dans le vin limpide vaut mieux.
Ce vers a pour le rythme le hazaj- makfouf (rythme chanté) qui est formé de la répétition du groupe :
←
- - - U
On voit que ce vers contient six syllabes et en le récitant, en perçoit une mélodie à la fois martelée et réjouissante ; une harmonie toute musicale. (fig. 4)
La musique extérieure dans la poésie de Saadi : le rythme
En tant qu’un grand poète, Saadi connaissait parfaitement la relation qui existe entre le thème poétique et le rythme musical. C’est pourquoi, il utilisait toujours les rythmes en fonction du thème poétique. À titre d’exemple, il a parfois utilisé le rythme « rajaz » (vers de la lutte) qui est « le plus apte à former des strophes, puisque les deux vers du « beyt » peuvent se partager le groupe initial. Il se présente selon la forme suivante :
←. ...
-U - -
Soit : moustaf iloun
Répété selon les besoins de la prosodie dans le morceau, le rajaz parait être le plus ancien vers arabe, d’après la tradition du pas du chameau. [29]
On utilise ce rythme également dans la musique iranienne sous le nom de « Zang-e Shotor » (cloche du chameau), qui évoque la marche éternelle de la caravane comme rythme. [30] Ainsi peut-on écrire :
Aye sâr-e bân â hest-e rân kâ râm-e jâ nam mi ravad
. - u - -/-u - -/- u - -/ -u - -
Grâce à ce rythme et l’association des idées, on ne perçoit que le silence des dunes sablonneuses où retentit le refrain de cette chanson mélancolique qui s’affaiblit en s’éloignant, et finit par se perdre dans le lointain désert. Cela montre à quel point la forme de ce ghazal est adoptée au fond.
La musique extérieure : la rime
Autre élément de diversification dont il faut tenir compte : les rimes qui, avec les allitérations et les assonances, contribuent à la musique du ghazal. « Un des plaisirs des lecteurs de poèmes est le retour, à intervalles réguliers, de sons - identiques ou semblables ». [31] Ainsi, pour le lecteur, la rime comble une attente et son absence le déconcerte.
Au moyen d’une touche juste, le peintre peut susciter dans la pensée du spectateur l’idée du feuillage du hêtre ou du feuillage du chêne. Cependant, lorsque l’on s’approche du tableau et qu’on le scrute attentivement, on se rend compte que le peintre n’a représenté ni le contour, ni la structure des feuilles de hêtre ou de chêne. C’est dans notre esprit que se peint cette image, parce que le peintre l’a voulu. C’est donc le mot placé à la rime, le dernier mot du vers qui doit, comme un magicien subtil, faire apparaitre à nos yeux tout ce qu’a voulu le poète. Mais ce mot sorcier, ce mot fée, ce mot magique, ne se représente à la pensée qu’en vertu d’un don spécifique. Le poète ingénieux est celui précisément qui nous révèle une rime à la fois pour les yeux et pour les oreilles, donnant ainsi à son idée plus de force et de profondeur. C’est le cas des rimes que l’on peut voir et entendre dans les vers suivants de La Fontaine :
« Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur, alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
Et bonjour, Monsieur du Corbeau,
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !… »
On retrouve une rime à la fois à voir et à écouter dans la poésie de Saadi :
چه جرم رفت که با ما سخد نمی گویی جنایت از طرف ماست یا تو بد خویی
Chejorm raft ke bâ mâ sokhan nemigoui jenâyat az taraf-e mâst yâ to bad khoui
Dans le ghazal du « Saravan » également, la rime est faite de la terminaison en « ânam=آنم » :
ای ساربان آهسته ران کارام جانم می رود وان دل که با خود داشتم با دلستانم می رود
Aye sâr bân â hesteh rân kârâm-e jânam miravad vân del ke bâ khod dâshtam bâ del setânam miravad
La musique extérieure : le radif
Dans ce ghazal de Saadi, il existe de plus une seconde rime que l’on appelle « Radif ». Le radif, est un ensemble de lettres ou de mots se répétant après la rime en fin de vers. Il est propre à la poésie persane et n’existe ni chez les Arabes, ni chez les Turcs. Dans la littérature persane, rare sont les poètes qui l’utilisaient. Kamâl al-Din Isfahâni, un poète connu dans ce domaine, est notamment célèbre grâce au vers « moraddaf=مردف » suivant :
سپیده دم که نسیم بهار می آمد نگاه کردم و دیدم که یار می آمد
« À l’aube blanche où la brise printanière se levait
Je regardai et vis mon ami qui arrivait »
[32]
Saadi est également l’auteur de ghazals moraddaf comme celui-ci, où il a utilisé le verbe passé « میرود=miravad » comme radif, en vue d’accentuer la musicalité du ghazal ainsi que la marche de la caravane :
اي ساربان آهسته ران کارام جانم مي رود وان دل که با خود داشــتم با دلستا نم مـي رود
Aye sâr bân â hesteh rân kârâm-e jânam miravad vân del ke bâ khod dâshtam bâ del setânam miravad
La musique intérieure : la mélodie
L’ensemble du rythme, des rimes, de l’allitération et de l’assonance fonde la mélodie d’un ghazal.
La répétition d’une ou plusieurs consonnes à l’intérieur d’un vers (ou de plusieurs vers) s’appelle une allitération. L’allitération la plus célèbre est sans doute cette réplique issue de l’Andromaque de Racine : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? », où l’allitération est tellement parfaite qu’elle imite le sifflement des serpents dont il est question grâce à la répétition de la consonne « s ».
Selon les sons qui sont répétés, l’allitération peut avoir divers effets. Ainsi, la répétition du « s » et « sh » = « س, ش » dans le vers est synonyme de brûlure.
برگشت یار سرکشم بگذاشت عیش نا خوشم چون مجمری برآتشم کز سر دخانم می رود
Bar gasht yâr-e sar kesham begozasht eysh nâ khosham
Chon mejmari bar âtasham kaz sar dokhânam miravad
L’être indompté s’en est allé, me laissant une vie pénible ;
Je ressemble au brûle-parfum, car la fumée sort de ma tête
L’allitération est l’une des techniques répandues dans la composition musicale et poétique. Il n’y a que la façon de la mettre en œuvre qui diffère entre les maîtres, et c’est justement l’un des moyens de distinguer leurs œuvres. Par exemple, la base de la composition de la fameuse Symphonie n° 5 de Beethoven est la répétition de seulement quatre notes de musique tout au long de la symphonie, mais Beethoven réalise cela avec tant de maîtrise qu’à aucun moment cette répétition ne transparait. Tchaïkovski a eu recours au même principe dans sa 5ème symphonie, mais chez lui, la répétition des notes est tellement évidente et claire que vers la fin de la symphonie, on dirait entendre parfois un véritable cri. Il existe une similitude entre la 5ème symphonie de Beethoven et le ghazal du Saravan de Saadi, c’est une traduction de la vie dans le langage lumineux de la musique. Pour exécuter certaines mélodies de cette symphonie, il faut relier les passages très doucement, comme on peut le voir dans la figure suivante, afin de sentir la tristesse de Beethoven. (fig. 5)
Dans le premier vers du poème de Saadi que l’on divise en six syllabes, les liaisons entre deux syllabes doivent être légères afin que l’on puisse sentir le message du poète :
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16
↓Ai ↓sâ r bân â hes ↓ té rân kâ ↓ râ m ↓ ja nam ↓mi ra vad
Autrement dit, il faut faire une légère pause au bout de chaque syllabe. [33]
« Certes, le poème condense sens et musique, images et prosodie, évocations et rythme : la poésie établit un rapport, un écho immédiatement sensible entre les formes – syntaxiques, rhétoriques, mélodiques – de son expression et les figures, thématiques ou idéologiques, de la profondeur vécue qu’elle exprime, qu’elle réalise en elle. D’ailleurs le poème gagne, pour être savouré, à être parlé, serait-ce en un murmure intérieur : son énonciation fait partie du plaisir qu’il dispense, comme d’une nécessaire mise en bouche. La mise en musique du poème attire pourtant les musiciens ; elle porte l’énonciation intérieure jusqu’à la transformer en chant, soutenue par une musique d’accompagnement. Elle révèle une présence demeurée latente dans l’écriture poétique, elle développe l’intonation linguistique, par l’effet d’une stylisation… La beauté du poème n’est pas transformée : elle est mise en valeur ; la mise en musique magnifie le poème, comme d’une lumière qui ferait irradier le bijou, donnant leur éclat à ses miroitements latents. … »
[34]
C’est pour cette raison qu’au Moyen Âge en Iran, le ghazal ne se contentait pas de l’attention d’un simple lecteur, mais il lui fallait une exécution musicale avec un accompagnement d’instruments à cordes. En tout cas, si les ghazals de Saadi n’ont pas été chantés à l’époque classique, ils ont été souvent repris par des chanteuses ou des chanteurs contemporains. Ce ghazal en question, par exemple, a été mis en musique par le musicien contemporain Javad Maroufi, et a été chanté par Abolvahhab-e Shahidi pour intensifier l’émotion suscitée par celui-ci.
Voici donc les motifs pour ce ghazal : (fig. 6)
D’après le poète contemporain français André Breton, « le résultat du rapprochement de deux éléments incompatibles de la réalité devient une image mystérieuse comme une étincelle, tout comme dans le monde physique, le court-circuit se produit quand les deux « pôles » de la machine se trouvent réunis par un conducteur de résistance nulle ou trop faible. [35] »Ainsi, l’essence de l’image poétique consiste, selon Breton, en la différence du potentiel entre les deux conducteurs échappant au contrôle de l’esprit. En poésie, la valeur de l’image dépend de la beauté de l’étincelle obtenue ; elle est, par conséquent, fonction de la différence de potentiel entre les deux conducteurs. Lorsque cette différence existe à peine comme dans la comparaison, l’étincelle ne se produit pas. Par exemple, la taille et les lèvres d’une belle femme sont le plus souvent deux éléments essentiels de sa beauté extérieure. Elles sont aussi les sources d’inspiration des poètes. Comme on peut observer dans le vers suivant de Victor Hugo :
« Vous avez des joues qui appellent le baiser d’une sœur, Et des lèvres qui réclament le baiser d’un amant ».
Les poètes persans classiques ont souvent relevé une ressemblance entre les lèvres de leur aimée et le rubis. L’expression poétique « labe-e la’l » est une image qui possède une propriété paradoxale : la sensualité et la couleur rouge des lèvres, qui symbolisant le feu, brûlent les cœurs des poètes amants, mais paradoxalement, ayant les mêmes qualités médicinales que possède le rubis (la’l =لعل), elles anéantissent le feu. [36] D’après la tradition médicinale, le rubis apaise le cœur des assoiffés :
آب و آتش به هم آمیختهای از لب لعل چشم بد دور که بس شعبده بازآمدهای
« De tes lèvres de rubis tu as mêlé l’eau et feu :
Au loin le mauvais œil ! Tu es devenu beau prestidigitateur ».
[37]
Ainsi, cette image permet à l’esprit d’exercer son don créateur en enfantant une tierce réalité, c’est-à-dire une étincelle par l’union de deux réalités dissemblables.
Mais une image, à force de servir, perd de son pouvoir évocateur. Elle s’use comme les mots qui la composent, comme les sens qui la saisissent. Elle se fige. Elle meurt. Elle devient « cliché »… Le vrai poète doit donc aller chercher quelque chose pour rajeunir les clichs hérités, canonisés, par les conventions. Alors, il doit remplacer l’image usée par une autre inédite.
C’est pourquoi Hâfez, en ajoutant un autre élément poétique, « sharbat » invente l’image composée du « sharbati az lab-e l’al » pour amplifier l’imagination poétique :
شربتی از لب لعلش نچشیدیم و برفت روی مه پیکر او سیر ندیدیم و برفت
« À ses lèvres pourpres nous n’avons goûté des rafraichissements, et elle est partie !
Nous n’avons à satiété son visage pareil à la lune, et elle est partie ! »
[38]
Afin de mieux comprendre ce vers, on imagine qu’un ami dont l’on souhaitait profiter de la présence longtemps, s’en va soudainement. On dit alors tristement : « Il est parti en nous laissant encore assoiffés de sa présence ». Dans le vers en question, Hâfez exprime le même sentiment, mais par un jeu de mots. Nous avons déjà expliqué le sens de l’image (lab-e la’l =لعل). Le rubis est réputé pour étancher la soif. C’est pour cette raison que les gens le garde dans leur bouche lorsqu’ils sont assoiffés. En effet, d‘après la médecine traditionnelle, cette pierre joue le rôle d’un « sharbat » pour remédier au mal. Le mot « sharbat » de son côté signifie à la fois « sirop », c’est-à-dire « une boisson sucrée et agréable » et un « médicament liquide ». Dans le langage poétique de Hafez « sharbat » désigne le baiser. C’est grâce à un baiser qu’un poète amant pourrait étancher sa soif et remédier à son mal. Il est donc rendu malheureux par le départ inattendu et cruel de sa bien-aimée avant même toute union. Il est donc condamné à rester assoiffé et malade. Tout ce que nous venons de dire concernant les lèvres et son importance dans la poésie peut également être dit concernant le motif de la taille. Des poètes persans ont trouvé en l’image du cyprès, le symbole de la taille de leur bien-aimée. Du fait de sa haute et mince stature, cet arbre symbolise celle de leur bien-aimée. Voici ce que dit Farrokhi à ce propos :
« De sa taille, tu dirais qu’elle est comme un cyprès vêtu d’un habit ;
De sa face, tu dirais qu’elle est comme une lune avec une coiffure par-dessus
Elle était semblable à la lune et au cyprès tout en n’étant ni lune ni cyprès, le cyprès ne mettant pas d’habit et la lune ne portant pas de coiffure. »
[39]
Il fallut attendre des siècles pour que cette image connaisse un élargissement de sa signification et soit transformée en « sar-ve-e ravân سرو روان= », c’est-à-dire « cyprès qui marche » par Saadi. Le mot « ravân » qui signifie à la fois « âme » et « marchant ». L’image de « sarve-e ravân » communique bien la souffrance du poète qui visualise le départ de sa bien-aimée - celle qui ressemblait par sa taille à un harmonieux cyprès. Le traducteur français a traduit cette image par « être élancé – ce qui ne retranscrit pas le jeu de mots de Saadi.
محمل بدار اي ساربان تندي مکن با کاروان کز عشــــق آن سرو روان گويي روانم می رود
من ماندهام مهجور از او بیچاره و رنجور از او گویی که نیشی دور از او در استخوانم می رود
Je reste séparé d’elle, infortuné, soufrant par elle ;
Et l’on dirait que loin d’elle, une pointe à mes os pénètre.
Chamelier ! retient la litière ! ne pousse point ta caravane !
D’amour de cet être élancé, l’on dirait que ma vie s’en va ;
Grâce à cette image, ce vers souligne que sans son bien-aimé, tout est éphémère et mortel dans ce monde.
Enfin, les motifs de la caravane, de la bien-aimée, de la mort et de la blessure composent un tableau unique à l’inspiration uniformément désolée. Le fil conducteur qui relie entre eux tous ces détails est l’état d’esprit du poète qui contemple avec les yeux douloureux un désert vaste dans lequel une caravane des chameaux s’éloigne tristement, et il ne retient que l’image en accord avec sa souffrance profonde.
La langue
Des poètes persans comme Manouchehri et Khâghâni recoururent souvent au vocabulaire arabe ou empruntèrent des idiomes rares pour exprimer leurs sentiments. C’est ce qui rend la compréhension de leurs poèmes difficile d’accès pour les lecteurs d’aujourd’hui. De plus, les thèmes « sont traités dans une langue assez fortement arabisée, qui reflète l’influence prépondérante des modèles arabes sur le développement de la poésie lyrique en persan ». [40] Le génie de Saadi consiste à « effacer la distance entre lui et le lecteur » [41]. Certes, Saadi utilise des mots arabes dans sa poésie, mais d’une part avec modération, et d’autre part, les mots qu’il utilise sont ceux qui ont été assimilés et intégrés à la langue persane. Il tâchait ainsi de réconcilier la langue parlée avec la langue littéraire tout en respectant la grammaire persane. Ainsi, cet homme qui fut nourri des conventions littéraires complexes de son temps ne les utilise qu’après les avoir marquées du sceau de son génie, et pliées à ses fins. C’est pourquoi les expressions qu’il emploie paraissent faciles, mais l’imitation en est impossible.
Conclusion
Magicien du vers, du rythme et de l’image : tel fut Saadi. Dans son ghazal lyrique, il a révélé la variété inépuisable des états d’âme amoureux. Rythmes languides ou majestueux, toujours harmonieusement dosés, attention à l’harmonie, accouplements nouveaux des mots, développement par opposition ou image, grâce et clarté, ombre et densité, le signe enfin de l’irrésistible origine : tel est le monde de la poésie lyrique de Saadi. C’est pour cette raison qu’il fut et reste apprécié non seulement par les Iraniens, mais aussi que sa poésie put trouver un écho bien au-delà des frontières de son pays natal. Ainsi, Almaro Bence, poétesse portoricaine, exprime ses sentiments pour Saadi dans un poème qui lui est dédié :
« En un pays lointain
De soleil ardent et de fleurs parfumées,
D’ombreuses mezquitas
Et d’arabesques aux couleurs multiples,
Nous nous connûmes,
Quand peut-être
Je fus pour toi la muse de tes songes
Et mes yeux se fermaient sous le poids de l’opium
En sentant qu’arrivait
Comme une tiède aube
L’arôme des roses de ta lyre.
Nous nous connûmes avant et ayant vécu
Ensemble chantant la tristesse amère,
Nous rappelons les jours qui furent
Nous avons erré ensemble par des jardins fleuris
Ou à travers des sables brulants,
En souhaitant une oasis
Que nous donneraient la paix et le calme.
C’est pour cela qu’en te voyant
Je ne vis pas en toi la vision étrange,
Car, toujours je te pressens quand arrive
Un parfum de roses à ma demeure … » [42]
Remerciements :
Je tiens à remercier Madame Florence Rafatian pour sa lecture attentive et ses remarques précieuses.
[1] Par exemple, dans son livre intitulé Essai sur le poète Saadi, Henri Massé ne nous donne aucune information sur la poésie lyrique de Saadi. Celui-ci avait par ailleurs considéré l’œuvre de Saadi avec certains préjugés erronés des orientalistes (voir sur ce sujet : Jafar Aghaynni Chavoshi « Étude critique de l’Essai sur le poète Saadi de Henri Massé » Luqmân, quatrième année N°21988, pp. 65-78). Pour étudier la poésie de Saadi et Hafez, la connaissance de la langue et de la culture iraniennes ne suffit pas, un savoir approfondi sur sa littérature est nécessaire.
Dans l’ouvrage de Sertag Manoukian intitulé L’argento di un poverro cuore centouno ghazal di Sa’di Shirâzi, on trouve une étude intéressante sur la poésie lyrique de Saadi en langue italienne. Voir également : John D.Yohnnan, The Poet Sa’di a persian Humanist, Boston, 1987 pp. 93-106 consacré au ghazal de Saadi.
[2] M. Walter Mönch, « Valéry et la tradition du sonnet français et européen » in : Entretiens sur Paul Valéry,
Textes recueillis par Daniel Moutote, Paris, 1972, p.161
[3] Z. Safâ, Anthologie de la poésie persane, traduit par G. Lazard, R. Lescot et H. Massé, Paris 1977, p. 60.
[4] Hâfez de Shirâz, Le Divân, Introduction, traduction du persan et commentaires par Charles-Henri de Fouchécour,
Paris, 2015, p. 666.
[5] Kourosh Safavi, Az zabân shenâsi be adabiât, (De linguistique à la littérature,) tome 1, Téhéran, 1373 H.S. p. 296.
[6] Gilbert Lazard, « Les origines de la poésie persane » In : Cahiers de civilisation médiévale, 14e année (n°56), Octobre-décembre 1971. p. 305.
[7] Henri Massé, « Débuts de la littérature persane » in La civilisation iranienne, préface d’Henri Massé et Introduction de René Grousset, Paris 1952, p. 180.
[8] Henri Massé, Firdousi et l’épopée nationale, Paris 1935, p. 297.
[9] Ibid. p.315
[10] Henri Massé, « Poésie persane du XIème au XIIIème siècle » in La civilisation iranienne, op.cit. p. 186.
[11] Z. Safa, Anthologie de la poésie Persane, p. 87.
[12] Henri Massé, « Poésie persane du XIème au XIIIème siècle » in La civilisation iranienne, op.cit. p. 187.
[13] [[Ibid., p. 97.
[14] Pour la traduction française de ce livre voir : Nezâmi, Layla et Majnûn, Traduit du persan par Isabelle de Gastines, Paris, 2017
[15] I. Melikoff, « La fleur de la souffrance, recherche sur le sens symbolique de Lâle dans la poésie mystique Turco-Iranienne » Journal Asiatique, 1967 p. 345
[16] Ibid.
[17] Ève Feuillebois-Pierunek. À la croisée des voies célestes : Faxr al-din ’Eraqi : Poésie mystique et expression poétique en Perse médiévale (XIIIe siècle). Institut Français de Recherche en Iran, pp.347, 2002, Bibliothèque iranienne 56. ffhal-00611195, p.14
[18] Gilbert Lazard, « Pour une étude thématique de la poésie persane » Luqman, v. 2, printemps- été 1989, p.72
[19] Pour le mysticisme de Saadi voir : Jafar Aghayani-Chavoshi, « Mysticisme de Sadi »Luqman, VI. 1 automne-hiver 89-90 pp.71-86.
[20] Théodore de Banville, Petit traité de Poésie française, Paris, 1894, pp. 115-116.
[21] Daryush Shayegan, L’âme poétique persane, Paris, 2017, p. 131.
[22] « Shirin » désigne ici la reine de beauté en Iran pré-islamique. Nezâmi-e Ganjavi, dans son roman en vers sur l’histoire de Shirin et le roi sassanide Khosrô, décrit ainsi la beauté de Shirin : « …fille fée- laissez fée !- une fille aussi belle que la lune… l’œil noir comme le lieu de la source de vie, ayant la taille élancée comme un palmier d’argent… » (c.f. Nizâmi, Le roman de Chosroês et Chirin, Traduit du persan par Henri Massé Paris, 1970, p. 22.)
[23] François de Cornière « Comme toutes les étiquettes… » Oracle, N°8\9,1984
[24] Z. Safa, Anthologie de la poésie persane, op.cit. pp.234-235
[25] Jeanne Cressanges, Les chagrins d’amour, Paris 1974, p. 204
[26] Pierre de Banville, Le Rythme, dans la Poésie Française, paris 1898, pp. 1-2.
[27] Nasir al-Din al-Tusi, Meyar al-Ashâr, L’étalon de la poésie de la science de la métrique et des rimes, Traduction annotée par Justine Landau, Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme d’Études Approfondies d’Études Iraniennes. Université de Paris III Sorbonne nouvelle 2001-2002, p. 5.
[28] Mehdi Forough, Sh’eir va Mousighi (La poésie et la musique), Téhéran 1363 H.S. p. 68.
[29] René R. Khawam, La poésie arabe, des origines à nos jours, Paris 1967 pp. 30-31.
[30] Nelly Caron & Dariouch Safvat, Iran, les musicales traditions, Paris, 1966, p. 137.
[31] Georges Jean, Lecture de la poésie, Paris, 1980, p. 81.
[32] Nasir al-Din al-Tusi, Meyâr al-Ashâr …op.cit.
[33] Mehdi Fourogh, She’r va mousighi, op.cit., pp. 55-57.
[34] Christian Flavigny, « La mise en musique du poème »
https://www.cairn.info/revue-champ-psychosomatique-2007-4-page-73.htm
[35] André Breton, Le manifeste du surréalisme,
[36] D’après la tradition médicinale iranienne, le rubis apaise le cœur des assoiffés
[37] Hâfez de Shiraz, Le Divan, Introduction, traduction du persan, par Charles-Henri de Fouchécour, op.cit. p.
[38] Ibid. p. 332.
[39] Jan Rypka et Milos Borecky, « Farruhi » Archiv Orientalni, Vol. 16 (1947), n° 1-2 p. 39.
[40] Gilbert Lazard, op.cit., p. 316.
[41] Zia Movahhed, Saadi, (une étude sur Saadi en persan), Téhéran, 1374 H.S., p. 123.
[42] Mehdi Bayani, « Zibâ dokhtari ke be Saadi eshgh mivarzad » (Une jolie jeune fille qui témoigne de l’amour vis-à-vis de Saadi) Yaghmâ, Vol. 3 (1329 H.S.) p. 181.