N° 78, mai 2012

Les Talysh,
un peuple des bords de la Caspienne


Shahâb Vahdati


Les vestiges découverts sur les bords méridionaux de la Caspienne montrent que l’homme y vit depuis près de 75 000 ans. Les premières remarques la concernant reviennent à Hérodote, qui évoque les ethnies de la région. Du Ve au IIe siècle av. J.-C. y vivait le peuple Sakas (Scythes) et après la conquête des Turcs, aux IVe et Ve siècles, les Talysh (ou Tâleshi) s’y sont établis. Les chroniques persanes et arméniennes parlent d’explorateurs russes naviguant sur la Caspienne durant les IXe et Xe siècles. La question de l’apparition des Talysh remonte à des temps très reculés de l’histoire humaine ; les Cadusii étant connus comme faisant partie de leurs ancêtres.

Couple tâleshi

Origine génétique

Des recherches effectuées par des spécialistes russes tels que Nazaroboî, Aslanivshili ou Alkhoutova, ainsi que des investigations anthropologiques ont été menées afin de découvrir la distance génétique entre les peuples, en établissant une recherche sur 55 ethnies et races des cinq continents, sur 28 allèles, 12 globules blanches, les enzymes et les groupes sanguins. Selon les résultats des recherches, les Talysh sont génétiquement plus proches des Suédois, des Finlandais, des Estoniens et des Biélorusses. La distance génétique entre les Talysh et les Biélorusses comprend de 0,01 l’unité standard de la race des Talysh, c’est-à-dire que l’on peut admettre une parenté génétique directe entre eux. La proximité géographique avec lesdits peuples rendrait possible l’hypothèse d’une immigration au cœur des montagnes littorales du nord de l’Iran par des Européens à travers le Caucase. D’après cette recherche, il existe une distance génétique entre les Talysh et les Géorgiens.

La langue des Talysh appartient au sous-groupe des langues iraniennes et purement ariennes. Elle fut étudiée par un iranologue russe nommé Khodzko en 1842 dans le cade d’un travail intitulé Spécimens de la poésie persane, où il a publié des commentaires et morceaux de poème de la littérature talysh. Il a évoqué les spécificités de cette langue en ces termes : "La langue Talysh vient des soixante dialectes persans parlés à l’intérieur du royaume de Perse où elle est probablement née. Sa forme grammaticale et lexicale s’est sensiblement écartée des autres langues et dialectes du pays, avec des déplacements de l’ordre entre le substantif et l’adjectif ; le négatif et la conjugaison des verbes semblent appartenir à un groupe distinct de langues. Elle est beaucoup plus proche des langues européennes en ce qui concerne les pronoms se trouvant devant le nom, ainsi que les pronoms dans leur forme originale."

En 1928, le Talysh écrit fut enregistré sur la base d’une graphie latine. La fin des années 1920-30, à Lankarân, ville d’Azerbaïdjan soviétique, 19 maisons d’édition en langue talysh existaient. A la fin des années 30, la parution des revues et journaux périodiques s’arrêta brusquement et la publication de ces périodiques continua en langue azerbaïdjanaise qui est de nos jours la langue officielle des écoles, celle parlée en dehors de la famille. Le talysh est donc cantonné à une langue orale parlée en famille et par conséquent, tous les Talysh sont pratiquement bilingues. La majorité des Talysh de l’Iran maîtrisent le persan et l’azerbaidjanais, et c’est la raison pour laquelle ce dernier est si largement répandu dans la province d’Ardebil.

Mode de vie et culture

Autrefois, les Talysh vivaient dans les montagnes, dans des maisons en bloc de pierre aux toits plats. Toutefois, ceux des bords de la Caspienne habitaient dans des maisons en argile avec des toits faits de canne et de carex. Les habitats les plus traditionnellement adoptés, sont ceux sans fondations (appelés andjinak en russe), et dont les murs sont recouverts d’argile. Ils sont chauffés grâce à des "cheminées ouvertes sans cheminée" (gara boukhari), ou bien par une cheminée (boukhari). Au XXe siècle, les fourneaux en fer se sont répandus. On installait aussi des habitats temporaires pendant l’été, comme lieu de repos et pour dormir, dès le mois de mars jusqu’en octobre.

Dans ces maisons traditionnelles, les portes sont aussi hautes que le plafond, afin que les fumées et vapeurs puissent sortir. Au temps de l’URSS, la construction des maisons à deux étages fut très répandue, avec des plafonds bas au premier étage.

La mode vestimentaire traditionnelle ressemble beaucoup à celle des Azerbaïdjanais. Les hommes portent des chemises, pantalons, casquettes ou chapeaux de feutre, et les femmes des chemises, pantalons larges, des foulards, de longues jupes couvrant les pieds, des chaussettes en laine et des chaussures en cuir.

Le mode de vie traditionnel est caractérisé par l’importance d’institutions sociales telles que l’entraide, l’hospitalité, mais aussi l’application de la loi du talion. Le folklore, basé notamment sur la culture azerbaïdjanaise, fournit les chansons des fêtes de mariage ou encore des activités manuelles.

Au début des années 1930, des tentatives ont été faites pour que la langue talysh puisse être étudiée dans les écoles primaires. Des livres ont été publiés en talysh à Bakou ainsi qu’un journal bilingue en talysh et azerbaïdjanais, Le Talysh rouge. Peu après et comme l’indique B. V. Miller, l’inutilité pratique d’une telle entreprise est devenue claire pour les Talysh eux-mêmes. En novembre 1990, la fondation culturelle d’Azerbaïdjan a créé un "Centre de la culture Talysh" destiné à mener des recherches historiques et culturelles sur les particularités des Talysh. Actuellement, le journal Talysh sedâ ("Voix de Talysh") est publié et une chaîne radiophonique diffuse en continu des émissions dans cette langue. En Iran, l’unique organisation active consacrée au talysh est une revue mensuelle publiée intégralement dans cette langue, Mâhnâmeh-ye Tâlesh ("Mensuel Talysh").

Montagnards Talysh

Cuisine et gastronomie

La cuisine talysh est riche et variée. A la suite d’excavations archéologiques, des ustensiles culinaires utilisés par les peuples anciens de la région ont été découverts. Ils étaient en pierre et en argile et comprenaient notamment des coupes et des cruches remontant aux IIIe et Ier siècles av. J.-C. Dans la région de Talysh, on prépare 21 plats à base de riz, 23 plats à base de viande dont 7 préparés à partir de gibier, et 9 plats à base de poisson. Nous pouvons également citer un hors-d’œuvre national appelé lavangin, 8 sortes de plats de semoule, 5 types d’omelettes et de pâtes, ainsi que 28 plats à base de fruits et différentes sortes de cigarettes.

Bibliographie :
- I. Aliev, G. Goshgarli, Yogo-zapad perekaspia v derevnosti I epokhi cerednevekovaya (Le sud-ouest de la Caspienne dans l’Antiquité et le Moyen-âge) (en russe), éd. Tolshi seda.
- E. A. Grantovski, Rannaya istoria iranskikh plemion cereney azii (Histoire antique des peuples iraniens dans l’Asie centrale) (en russe), Editions de Moscou, 2007.
- I. Aliev, O pervikh plemionnikh soyouzakh na territorii azerbaidjana (Des premières unions tribales dans le territoire de l’Azerbaïdjan) (en russe), Bakou, 1959.
- Bartold, Vasili Vladimirovitch, Sotchinenia (Œuvres) (en russe), éd Nauka, 1971.


Visites: 1079

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.