N° 84, novembre 2012

Ali Reza Madjnoune, un poète français


Abolghâssem Tâheri Arâghi


Chez un bouquiniste de l’avenue Mirdâmâd, parmi des livres d’occasion, j’ai trouvé un livre de poésie française intitulé Poètaria, dont l’auteur est Ali Reza Madjnoune.

J’ai d’abord pensé que le poète était iranien, mais sur le quatrième de couverture, l’éditeur présente le poète en ces termes : "Ali Rezâ Madjnoune est le pseudonyme de George de Guy, un Français vivant en Iran. Son ouvrage a été publié en 1978." Cet ouvrage fait partie de la collection "Poètes du temps présent" et a été par maison d’édition parisienne La Pensée Universelle.

Voici l’introduction du poète et de son ouvrage d’après l’éditeur :

"Sous le pseudonyme Ali Reza Madjnoune, George de Guy écrit des poèmes. Il est né en 1929 et a fait des études très classiques en France.

Il a adopté l’Iran depuis de nombreuses années.

En Iran, il a été pendant plusieurs années Président de l’Union des Français de l’Etranger où on lui doit la création du jardin d’enfants français, la bibliothèque de l’UFE, la formation d’une équipe d’ةclaireurs, etc. Ses capacités l’ont fait distinguer et nommer Conseiller du Commerce Extérieur de la France en Iran.

Sa carrière ne le prédisposait pas à la littérature. Il semble avoir été inspiré comme beaucoup d’autres par la poésie persane et le soufisme. Venu tard à la poésie où il fait montre d’une nature sensible, il a en outre écrit un Guide de conversation persane pour les Francophones et a en cours plusieurs romans et d’autres recueils de poésie.

Ses poèmes sont divisés en plusieurs parties :

1) Iranaria

L’Iran- où l’on retrouve l’inspiration des poètes Omar Khayyâm, Hafez, etc.

2) Poètaria, son titre

L’époque noire - vraisemblablement dû à une série d’épreuve et où il fut touché par la maladie.

L’époque faste - l’inspiration, l’esprit et le sentiment se donnent libre cours.

Le titre de son recueil, Poètaria, n’est pas une profession de foi mais un hommage modeste à l’Iran par l’Association des mots Poète et Aria. Aria, qui signifie mélodie, mais qui en Persan est synonyme d’Aryen, c’est-à-dire la race noble."

Le livre Poètaria est en 80 pages et contient 60 poèmes :

Désespoir, Période Noire : 19 poèmes

Espoir, Période Faste : 17 poèmes

Poèmes Inspirés de l’Iran ou du soufisme ; Inspiration des autres Iraniens ou la manière : 24 poèmes

Voilà une sélection de ses poèmes :

Du chapitre "Désespoir" :

TOUT SEUL

Je suis seul dans la vie

Qui m’a laissé tout meurtri

A tous mes sentiments

Je n’ai pas de confident

A qui livrer ma pensée

Où règne la perversité

Dans la nuit je vais mon chemin

Comme un aveugle tendant les mains

Non pour recevoir la pitié

Mais pour écarter l’adversité

Et pourtant que d’amour

J’ai pour tous dans mon cœur

Vers tous chaque jour

Je tends les bras du bonheur
***

PARTIR

Fleur, Bonheur

Rime avec Cœur

Mais aussi avec Pleurs

Car

Pourquoi te retenir

Alors que je le sais

Tu veux déjà partir

Fais ce qu’il te plaît

Oublie mon existence

Je te souhaite "Bonne chance"

Mais

Rien ne sert de partir

Un jour il faut revenir

Tu pars avec des pleurs

Tu reviens avec des fleurs

Alors ne brise pas mon cœur

Je ne veux que ton bonheur
***

INVENTION

Nos pères étaient des héros

Nous sommes des zéros

Nos grand-pères des géants

Nous allons au néant

Ils ont battit, construit

Nous avons tout détruit

Ils ont tout inventé

Ils ne nous ont rien laissé

De nos mains dépravées

Nous avons créé

Peu de choses utiles

Mais beaucoup de futiles.
***

ETERNITE

Nous n’irons plus au bois

Les arbres sont coupés

Nous n’irons plus au pré

Les foins sont fauchés

Nous n’irons plus danser

La jeunesse est envolée

Nous n’avons plus d’amour

Tout ceci est passé

Il nous reste l’amitié

Pour l’éternité.

Du chapitre "Période Faste" :
***

LIBERTE

Trois choses doivent être libres

Pour que l’être humain puisse vivre

L’amour, la mort et la poésie

Sont les extrêmes de la vie

Naître n’est pas une liberté

C’est une concession à l’humanité

On ne nous demande pas notre avis

Quand on nous donne la vie

Par contre la mort décidée

C’est un don à l’éternité

Quant à la poésie

Librement choisie

Les mots l’amour des sons

La prose et la chanson

Tout doit être beauté

Pour l’amour de la liberté

Et l’amour librement consenti

Peut être pour la durée de ma vie.
***

LA VIE

Au sortir de la nuit profonde

Lorsque tu ouvres les yeux sur le monde

Regarde le soleil se lever

Lui aussi est réveillé

L’onde du matin a déposé

Sur la rose une goutte de rosée

Vois par la fenêtre ouverte

L’herbe tendre semble plus verte

L’arbre dans sa force se redresse

Vers le ciel de ses bras tendus

Il adresse aux étoiles disparues

Une prière, une dernière caresse

L’oiseau dans l’air léger du matin

Sur le bord de la fenêtre vient chercher

Son pain

L’enfant dans son lit

S’éveille à la vie

Et tout confiant

Appelle sa Maman.
***

AMIE

Nous n’avions pas le même âge

Nous avons été très sages

Nous avons laissé passer le temps

Un brin d’herbe entre les dents

Tu étais jeune belle aux yeux verts

J’étais homme blasé encore vert

Avec toi j’ai retrouvé mon enfance

Mais j’ai encore laissé la chance

Tu as traversé trop vite ma vie

Et je n’ai su te retenir Amie.
***

J’AIME LA VIE

Quand j’étais petit

Je n’étais pas grand

Voilà ce que chantait ma Maman

De mon petit lit

Je regardais les grands

J’attendais que passent les ans

Je voulais comme eux être grand

J’ai hélas grandi

Et je voudrais être encore petit

Pouvoir me blottir dans tes bras

Me faire encore bercer

Et t’entendre chanter

Quand j’étais grand

Je me sentais petit

Tout petit.

Du chapitre "Poèmes Inspirés de l’Iran ou du soufisme ; Inspiration des autres Iraniens ou la manière" :
***

L’ELEVE

Saadi, Ferdowsi, Hafez

Arriverai-je à les connaître

Je ne suis pas l’élève

Et ne puis être le maître

Je n’ai retenu de Khayyam

Que le pire de ses quatrains

Et j’oublie le nombre des ans

Comme lui en buvant le vin.
***

TOI

Les roses d’Isfahan dans leur gaine de mousse

Les Jasmins de Mossoul, les fleurs de l’oranger

Ont un parfum moins frais, une odeur moins douce,

O pure, O blanche Leili que ton souffle léger
***

AMOUR

M’aimes-tu toujours autant

M’aimes-tu comme avant

Avant, après quelle nuance

Je ne vois pas de différence

Il y a l’amour d’enfant

Puis celui de l’adolescent

Et enfin celui des grands

Qui au fil des ans

A l’amour passion

Succède l’affection

Le premier amour c’est Maman

Qui passe avant l’amant

Il en sera toujours ainsi

Dans la vie

Mon amour est né en Iran

A vu le jour à Téhéran

S’est épanoui à Isfahan

Et loin de toi à Abadan

Mes sentiments pour toi

Echappent à toute loi

Comme au premier jour

Mon amour vivra toujours.
***

VILLE

Un au revoir c’est déjà un adieu

Un jour lointain lorsque je serai vieux

De ce pays qui m’a nourri

Je garderai un souvenir attendri

Bien sûr il y a les liens du sang

Mais aussi un autre attachement

Par le cœur et aussi la pensée

Car j’y ai été adopté

D’Isfahan ville des roses

De Chiraz la belle

De Maschad la grande

Des plaines moroses

Aux villes éternelles

Qui qualifiées d’importantes

Si la rime m’échappe c’est alors Maschad.
***

CHANCE

Que donner en échange

Lorsqu’un pays donne l’espérance

Ta vie tu n’as pas le droit

Ton sang pour d’autres tu dois

Ta pensée reste limitée

Tes bras pour travailler

Tes jambes pour le fouler

Ton cœur pour l’aimer

Et toute ta reconnaissance

C’est peu tu as de la chance.


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1 Message

  • Ali Reza Madjnoune, un poète français 8 février 2013 00:22, par Zahra Taghavi

    Bonjour monsieur Taheri.
    J’ai bien lu votre article qui m’a touche profondement. Est-il possible de me
    donner l’adresse exacte du bouquiniste iranien que vous avez trouve le livre d’ Ali Reza Madjnune ? Sinon je voudrais savoir comment je peut trouver ce livre en Iran ? Je vous remercierai si vous m’aidez.
    Dans l’attente de votre reponse, agreez l’expression de mes sentiments distingues.
    Bien amicalement
    Zahra Taghavi
    doctotante en matiere de la litterature francaise

    repondre message