|
La phrase était courte, comme toujours : Parviz Shahriâri est décédé, à l’aube du vendredi 11 mai 2012, à l’hôpital Jam de Téhéran, suite à un arrêt cardiaque. La nouvelle était cependant dure, pour ses centaines d’élèves, et beaucoup d’autres qui l’ont connu, en tant que traducteur, pédagogue, journaliste, écrivain et chercheur, surtout dans le domaine des mathématiques (théoriques et pour distraction) et de l’histoire de la science.
Ayant publié environ deux cents livres en persan à titre de traducteur et d’auteur, ainsi que quelques milliers d’articles dans des revues et recueils, il fut une grande figure scientifique et littéraire dans la société académique et culturelle de l’Iran contemporain (avant et après la Révolution islamique). Son enterrement eut lieu dans l’après-midi du même jour, au cimetière Ghasr-e Firouzeh (qui est le cimetière des zoroastriens de Téhéran depuis presque un siècle, situé à l’Est de Téhéran), en présence de centaines d’amis et d’admirateurs.
Né en 1926 à Kermân dans une famille pauvre de paysans sans terre et d’artisans, Parviz Shahriâri eut très tôt l’expérience de la difficulté de la vie et de la douleur. Son père étant mort jeune, lui et son frère cadet, Hormoz (devenu plus tard ingénieur) se voient très tôt forcés de travailler pour vivre.
Cependant, le travail ne l’empêcha pas sur l’insistance de sa mère qui travaillait elle aussi et par soif d’apprendre, de terminer ses études primaires, puis d’entrer au lycée technique de Kermân. Il poursuivit ensuite ses études en licence à Téhéran, d’abord à l’Ecole supérieure technique, puis à l’Université de Téhéran en mathématiques.
Engagé jeune dans les partis d’oppositions de gauche, il fut plusieurs fois arrêté, en conséquence de quoi il mit neuf ans à obtenir sa licence. Pendant cette période, il traduit son premier livre, Histoire du calcul de René Taton (publiée en français en 1946 dans la collection Que sais-je ?). Cet ouvrage fut publié après sa libération par les éditions Amir Kabir en 1951. Durant son séjour en prison, il écrivit également son premier ouvrage, Jonbesh-e Mazdak va mazdakiân (Le mouvement de Mazdak et de ses disciples), publié en 1948.
Outre la langue française qu’il avait apprise avant et qui était alors la langue étrangère enseignée à l’Université de Téhéran, il apprit le russe en prison, en autodidacte. Après sa libération, il se lança dans le journalisme et se mit à traduire et à écrire des articles en divers domaines. Il a beaucoup traduit du russe au persan durant cette période, en particulier des ouvrages scientifiques.
A côté de cette activité de traduction, d’écriture et d’enseignement, il fonda ou cofonda plusieurs lycées et écoles supérieures, dont le célèbre groupe didactique Khârazmi pour les garçons et Marjân pour les filles. Il a surtout fondé, conjointement avec Hossein Golgolâb (botaniste et chansonnier), et ’Abdolkarim Gharib (géographe), l’Ecole Supérieure Scientifique d’Arâk, en 1974, où il a lui-même enseigné quelques années.
Il fut emprisonné puis libéré plusieurs fois, mais son activité scientifique et culturelle n’en a pas été interrompue de manière sensible.
Finalement, Parviz Shahriâri fut un homme toujours en quête perpétuelle de la vérité scientifique, et cherchant à promouvoir la culture scientifique et une meilleure formation pour la jeunesse. A ce titre, il rédigea et collabora surtout à la rédaction de nombreux manuels scolaires et universitaires. Il fut également parmi les fondateurs des éditions Khârazmi, l’une des maisons d’édition les plus influentes dans l’histoire culturelle iranienne.
Outre des revues spécialisées comme Sokhan-e Elmi va Fanni (La Parole Scientifique et technique), Fazâ (L’Espace), Ashti bâ Riâzziât (Réconciliation avec les mathématiques), Ashnâ’i bâ Riâzziât (Connaître les mathématiques), Ashnâ’i bâ Dânesh (Connaître le savoir), dont il fut le rédacteur en chef, il a publié des revues générales et culturelles Tchista [déesse iranienne de la science et de la sagesse], qui paraît depuis 1980, et Dânesh o Mardom (Le Savoir et les Gens), depuis 2000. En 2005, il créa la Fondation culturelle de Parviz Shahriâri, à laquelle il dédia sa bibliothèque personnelle.
Ses honneurs et distinctions sont, comme ses œuvres et contributions, innombrables. Mais parmi ses décorations les plus éminentes, nous pouvons citer le titre de Docteur honoris causa qui lui fut remis en 2002 par l’Université Shahid Bâhonar de Kermân. En 1966, il reçut la haute médaille scientifique de la main de Parviz Nâtel Khânlari (Ministre de la Culture et de l’Enseignement supérieur à l’époque).
Source :
Hadjisâdeghi, Amir, Yek Zendegi… ; Khâterât va Didgâh-hâye Ostâd Parviz Shahriâri (Une vie… ; Souvenirs de Monsieur Parviz Shahriâri), Téhéran, éditions Kouchak, automne 2003.