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Au début du XIIIe siècle, fédérant sous son autorité une multitude de tribus mongoles dispersées sur les territoires de la Haute Asie, Gengis Khân crée, en vingt années, l’empire nomade le plus vaste de tous les temps. S’étendant de la Chine du nord, jusqu’à la mer Caspienne et de la forêt sibérienne jusqu’à l’Inde, l’empire mongol succède aux redoutables empires nomades de l’Asie des steppes (Scythes, Sarmates, Parthes, Alains, Huns…) tous absorbés en leur temps par les civilisations des peuples sédentaires. L’expansion de l’empire mongol durera plus d’un siècle, englobant l’Indochine, le Tibet, Java, l’Europe centrale, la Syrie et l’Asie mineure. Koubilaï Khân, petit-fils de Gengis Khân, engendrera même la dynastie Yuan qui régnera quatre-vingt-dix ans sur toute la Chine. Au moment où l’Europe s’apprête à passer sous les fourches caudines des hordes mongoles qui avaient déjà dévasté la Pologne, la Hongrie et atteint l’Adriatique, la mort du Grand Khân est annoncée, épargnant pour toujours à l’Europe occidentale d’être envahie par les barbares.
Le nom des Mongols apparait à l’époque de la dynastie Tang (618-907), sans que l’on puisse déterminer avec certitude leur origine géographique. Considérés par les sources chinoises comme une branche de tribus nomades installées sur le bassin supérieur du fleuve Amour, ils forment, à l’origine, un ensemble composite regroupant des tribus forestières vivant de la chasse et des tribus d’éleveurs parlant diverses langues. D’autres peuples d’origine turque se joindront à ce groupe initial pour former l’Empire de Gengis Khân.
Les langues pratiquées par les différentes tribus mongoles (khalkha, oïrate, kalmouk, bouriate, etc.) font partie de la famille des langues altaïques parlées en Eurasie, de l’Europe de l’Est à l’Asie orientale, en passant par l’Asie centrale. Ce groupe comprend aussi les langues turques dont les plus importantes sont le turc, l’ouzbek, le kazakh, le kirghiz et le turkmène. Peu d’écrits nous sont parvenus de l’empire mongol mais l’on sait que Gengis Khân, bien qu’illettré, impose l’écriture des Ouïgours, turcophones chargés de l’administration de l’empire mongol. Pour ce faire, l’alphabet ouïgour, né d’un modèle sogdien, peuple de langue iranienne qui vivait dans une région recouvrant une partie de l’Ouzbékistan, sera adapté à la langue mongole classique.
Sur le plan religieux, les Mongols de Gengis Khân pratiquent une forme de chamanisme, teintée d’un fond magico-religieux, propre aux sociétés traditionnelles sibériennes, basée sur la croyance en un dieu majeur, le ciel, qu’ils nomment Tengri, et en une foule de dieux mineurs liés aux éléments naturels, montagnes, lacs, cavernes et forêts, considérés comme lieux sacrés, liés au culte des morts. Avant d’entreprendre une action importante, Gengis Khân se rend dans un endroit élevé et, dans la posture du suppliant, invoque le Ciel. Il se considère comme investi par celui-ci d’une mission et, dans leur protocole diplomatique, lui et ses successeurs emploient la formule initiale : « Dans la force du Ciel éternel ». Cette notion d’un être suprême figuré par le ciel est la résurgence d’une croyance plus ancienne où le ciel père et la terre mère formaient un couple. Le culte de la terre est maintenu chez les Mongols. Le feu et l’eau sont également vénérés. Il est interdit aux Mongols de souiller l’eau d’un ruisseau en s’y lavant ou en nettoyant des objets domestiques. Le feu du foyer fait l’objet d’un culte, jouant un rôle purificateur. Même après leur conversion au bouddhisme, le feu continua, chez les Mongols, à faire l’objet d’un culte particulier. Ils restèrent longtemps fidèles à leurs croyances d’origine tout en étant très tolérants à l’égard des autres pratiques religieuses, protégeant, en particulier, le nestorianisme, dont plusieurs membres de la famille de Gengis Khân furent adeptes. Cependant, le facteur religieux jouant un rôle essentiel dans la transformation du nomade au sédentaire, ils finirent par être influencés par les grandes religions des régions qu’ils occupèrent. Ainsi, à partir du XVIe siècle, la plupart des peuples mongols se convertissent au bouddhisme tibétain au moment où d’autres peuples de la steppe épousent l’islam, le christianisme ou le manichéisme.
Cette ouverture des Mongols aux diverses religions se manifeste dans l’aide qu’ils apportent, à l’occasion, aux chrétiens ou aux musulmans dans leur lutte contre leurs adversaires. C’est ainsi que le califat abbasside de Bagdad apprécie que les Mongols, devenus souverains ilKhânides après la conquête de l’Iran, le débarrassent sans ménagement de la secte ismaélienne des Assassins à Alamut tandis que les chrétiens d’Orient voient dans les Mongols des alliés capables de frapper leurs adversaires musulmans. Le roi arménien de Cilicie, Hetoum Ier, ira, en accord avec la papauté, jusqu’à mettre ses troupes au service des Mongols contre la Syrie musulmane en 1259.
Après la mort de Gengis Khân, survenue en 1227, l’expansion de l’empire mongol se poursuivra jusqu’en 1249, par les conquêtes de ses fils et petits-fils, couvrant l’empire chinois des Song, la Corée, l’Iran occidental, la Géorgie, l’Arménie, le royaume seldjoukide d’Asie mineure, le royaume des Bulgares de la Volga, la Russie, la Pologne, la Hongrie. L’Empire mongol est sur le point d’englober l’Eurasie entière. En 1241, la mort d’Ogodaï, troisième fils de Gengis Khân, met un frein à la conquête de l’Europe, celle de Mongka (fils de son cadet Toluy) en 1259 arrête la conquête de l’Asie méditerranéenne. L’empire unitaire arrive alors à son terme et se divise, les royaumes mongols se neutralisant par leurs luttes intestines. La Haute Asie est alors parcourue de guerres civiles qui la déchirent. Dès 1264, l’empire mongol est morcelé en Etats plus ou moins fédérés, dont les intérêts contraires sont avivés par des conflits d’origine religieuse.
Sources :
Chaliand, Gérard, Les empires nomades de la Mongolie au Danube (Ve s. av. J.-C. – XVIe s.), éd. Perrin
Sellier, Jean, Atlas des peuples d’Asie méridionale et orientale, éd. La découverte
Roux, Jean-Paul, Histoire de l’empire mongol, éd. Fayard