|
L’actuel l’hymne national iranien, appelé officiellement Hymne de la République islamique d’Iran, est l’œuvre du compositeur contemporain Hassan Riyâhi, né en 1944. Il a été composé dans les années 1980 et adopté officiellement par le gouvernement en 1990. Quant à ses paroles, elles sont l’œuvre du poète Sâed Bâqeri, né en 1960.
Composé de moins de 40 mots, ce chant évoque quelques éléments fondamentaux de la civilisation iranienne et de la République islamique d’Iran, ainsi que des souvenirs de la victoire de la Révolution de 1979. Sont ainsi abordés la croyance comme "lumière", la devise de la Révolution (Indépendance, Liberté, République islamique), le message de l’Imam Khomeiny (fondateur de la République islamique d’Iran), le courage des martyrs de la patrie, et Bahman (mot avestique qui signifie "bonne intention" en ancien persan et qui, étant le nom du onzième mois du calendrier iranien, évoque la date de la victoire de la Révolution islamique de 1979).
En voici la traduction en français :
Apparaît à l’horizon le soleil de l’Orient,
La lueur des yeux des croyants.
Bahman est la lumière de notre croyance.
Ton message, ô Imam, l’indépendance, la liberté
est gravé dans notre existence.
Ô les martyrs, votre cri fait écho dans l’air du temps :
Sois immortelle et éternelle,
République islamique d’Iran.
Cet hymne de 59 secondes, également appelé Mehr-e Khâvarân (Le soleil de l’Orient) est utilisé depuis 1990 dans les cérémonies officielles en tant qu’hymne national iranien. Naturellement, il n’est pas le premier hymne national de l’Iran ni de la République islamique. Avant l’hymne national actuel, un autre hymne appelé Pâyandeh bâdâ Irân (L’Iran éternel), fut, pendant une dizaine d’années (1980-1990), le premier hymne national iranien après la victoire de la Révolution islamique. Cet hymne avait été composé par Mohammad Biglaripour (1945-2012), compositeur et chef de l’orchestre symphonique de la radiotélévision iranienne. Ses paroles sont l’œuvre d’Abol-Qâssem Hâlat (1919-1992), célèbre écrivain et poète contemporain. Cet hymne national a été remplacé par l’actuel pour deux raisons techniques : il était jugé trop long pour les cérémonies officielles (2’57’’), et ses paroles étaient également considérées comme trop longues pour être mémorisées facilement.
Sous la dynastie des Pahlavi (1925-1979), l’hymne officiel se déclinait en trois versions différentes. En 1933, Rezâ Shâh (roi d’Iran de 1925 à 1941), qui voulait se rendre en Turquie pour une visite officielle à l’invitation de Mustafa Kemal (Atatürk, à partir de 1934) chargea l’Association littéraire iranienne de composer un hymne pour les cérémonies officielles. L’hymne officiel des Pahlavi a été composé par un musicien de l’armée, le capitaine Dâvoud Nadjmi-Moqaddam. Ensuite, trois différentes paroles ont été écrites pour cet hymne. La première version, Hymne royal, était l’œuvre de Mohammad Hâshem Sheikh ol-Reïs (alias Afsar), la deuxième version, Hymne du drapeau, a été écrite par Abdolrahmân Pârsâ et enfin la troisième version, Hymne national, a été également composée par Afsar.
Ces trois versions furent, jusqu’en 1979, les hymnes officiels de l’Iran, alors que la première version, c’est-à-dire l’Hymne royal (Soroud-e Shâhanshâhi) l’emportait sur les deux autres versions et était utilisée pendant la plupart des cérémonies officielles. Au fur et à mesure, l’Organisation des scouts d’Iran (Sâzmân-e Pishâhangi Irân) s’est appropriée la seconde version de cet hymne officiel (Hymne du drapeau), dont les paroles étaient pourtant plus patriotiques que la version solennelle, c’est-à-dire l’Hymne royal. Cet hymne était souvent chanté lors de rassemblements des scouts.
Sous la dynastie des Qâdjârs (1786-1925), il n’existait pas d’hymne national à proprement parler. Le développement des contacts avec l’Europe et les voyages de plus en plus nombreux des Iraniens dans le Vieux continent ont permis pourtant aux gens de la cour qâdjâre de mieux connaître les coutumes des cérémonies officielles des Etats étrangers.
Une école de musique militaire avait été fondée sous Nâssereddin Shâh (roi de Perse de 1848 à 1896) au Dâr-ol-Fonoun (Polytechnique), premier centre d’études supérieures modernes de l’Iran, fondé en 1851. À l’époque, la musique militaire iranienne n’utilisait que des tambours traditionnels (nâqâreh) et des trompettes (karnây). Le roi demanda à son ambassadeur en France, Amir-Nezâm Garoussi (1820-1900), d’engager un musicien militaire français pour réorganiser et réformer les groupes de musique de l’armée iranienne et de la cour. L’ambassadeur d’Iran transmit le message du shâh au gouvernement français. Le maréchal Adolphe Niel (1802-1869), alors ministre de la Défense, présenta Alfred Jean-Baptiste Lemaire à ce poste.
Alfred Lemaire (Aire-sur-la-Lys, 1842–Téhéran, 1907), un musicien militaire et compositeur, était, à l’époque, chef de musique adjoint de la Garde impériale de Napoléon III. Il se rendit en Iran en 1868 pour une mission au Dâr-ol-Fonoun : former le personnel du département de musique et l’initier à la musique militaire et classique occidentale.
Il se mit au travail et réussit à former trois groupes de musique militaire pendant une période de deux ans : un groupe au Dâr-ol-Fonoun (50 musiciens), un autre à la cour (entre 40 et 60 musiciens), et un troisième à la Brigade des cosaques (35 musiciens). En même temps, il poursuivit son travail de compositeur. Il écrivait surtout des marches militaires et adaptait les morceaux, les airs et les vieilles chansons iraniennes aux principes de la musique classique occidentale.
En 1873, avant d’effectuer son premier voyage en Europe, le roi Nâssereddin Shah lui commanda une marche pour les cérémonies officielles de sa cour, mais aussi pour être jouée lors des cérémonies d’accueil officielles dans les capitales européennes. Lemaire exécuta l’ordre royal et composa une marche intitulée Salut royal (Salâm-e Shâh). Cette marche sans paroles fut exécutée régulièrement dans toutes les cérémonies officielles de la cour sous Nâssereddin Shâh et ses successeurs Mozaffareddin Shâh et Mohammad Ali Shâh. Elle a été ainsi considérée de facto comme le premier hymne national d’Iran, sans qu’elle ne le soit jamais de manière officielle. Le Salut royal est devenu vocal pour la première fois 132 ans plus tard, quand le célèbre poète et parolier Bijan Taraqi (1929-2009) écrivit en 2005 des paroles patriotiques pour cette marche : Le nom éternel de la Patrie (Nâm-e djâvid-e vatan). La marche de Lemaire est ainsi sortie de l’oubli après plus d’un siècle pour reprendre vie sous un nouveau nom, Le jeune Iran (Irân-e djavân).
Le véritable « premier hymne national » date de la victoire de la Révolution constitutionnelle. Quelques jours après la prise de la capitale par les révolutionnaires, le 9 juillet 1909, la partition de la Marche nationale persane fut publiée à l’imprimerie Fârous à Téhéran. Ce premier hymne national iranien, dont le titre persan est Salâmati-ye dowlat elliye-ye Irân (En l’honneur du gouvernement iranien) est l’œuvre de Gholâm-Rezâ Minbâshiân (1861-1935), alias Sâlâr Moazzez, un élève d’Alfred Lemaire et chef de l’orchestre militaire. Les paroles de cet hymne auraient été écrites par le compositeur lui-même. L’œuvre de Minbâchiân fut l’hymne national d’Iran jusqu’en 1933. L’Hymne royal des Pahlavi qui l’a remplacé s’inspire largement de cet hymne de l’époque constitutionnaliste.