N° 140, juillet 2017

Entretien avec Mohammad Ahmadi, producteur de films iraniens


Réalisé par

Shahnâz Salâmi


Né à Yazd en 1962, Mohammad Ahmadi a fait des études de photographie à la faculté des Beaux-Arts de l’Université de Téhéran. Directeur de la photographie, producteur et scénariste de nombreux films, il a participé à de multiples festivals nationaux et internationaux. Parmi ses films figurent Delbarân (2001), L’Enclave (2009), Le Tableau noir (2000), Le Jour où je suis devenue femme (2000), Les Contes de Kish (1999), La Pomme (1997). Il a obtenu le prix du meilleur réalisateur pour le film Poète des déchets (2005). Il a été candidat à l’élection du meilleur photographe au 15ème Festival de Films Fajr. Actuellement, il produit des films socioculturels.

Shahnâz SALAMI : Comment considérez-vous la situation des droits d’auteur dans le domaine cinématographique au cours de ces dernières années ?

 

Mohammad AHMADI : Nous pouvons dire que le non-respect des règles et des lois était plus important au cours de la dernière période présidentielle. Aucune avancée ne s’est produite dans le domaine des droits d’auteur. Au cours de la présidence de M. Khâtami, les droits des films étaient vendus à certaines institutions, et nous espérions que cet usage se poursuivrait et se développerait. Par exemple, pour nous, producteurs et réalisateurs de films, il existe différents droits en fonction du type d’écran (cinéma, télévision, vidéo, VCD, VHS avant et DVD aujourd’hui). Aujourd’hui, l’achat des droits de DVD est en plein essor. Auparavant, nous vendions nos films aux compagnies aériennes, ce que nous ne faisons plus aujourd’hui. Nous souhaitions aussi vendre nos films aux sociétés ferroviaires et routières pour qu’elles les diffusent dans les bus et les trains.

 

ShS : Ce système est-il toujours en vigueur ?

MA : Oui. Mais ces sociétés achètent un DVD au prix de 3000 Tomans et le diffusent mille fois dans les bus et les avions… En principe, cela ne devrait pas se passer de cette façon et il faudrait acheter les droits des films aux producteurs.

 

ShS : Au début, cette pratique réglementaire s’appliquait-elle ?

 

MA : Non, nous ne l’avons jamais mise en pratique malgré notre volonté. Nous avons même cessé d’en parler. Certaines politiques ont été impulsées sous la présidence de M. Khâtami, et nous espérions leur continuation afin d’obtenir de bons résultats. Mais malheureusement, elles se sont brutalement arrêtées. Depuis quelques mois et avec le changement de président, nous attendons la reprise de ces politiques.

 

ShS : Ces politiques étaient-elles proposées par la Maison du Cinéma ?

 

MA : Oui, normalement, ces politiques relèvent de la responsabilité des corporations cinématographiques. Le Haut-Conseil des Producteurs (la corporation des producteurs) est seul légitime pour prendre les décisions. Nous ne disposons de contrats de droits d’auteur que pour les films diffusés au cinéma, à la Télévision, ou bien les films distribués sous format DVD. La Télévision n’achète pas tous les films, et ce en raison de ses critères de choix. Elle est constituée d’un conseil dont les membres regardent, acceptent ou rejettent les films selon certains principes tels que le « hejâb ». Comme la Télévision s’adresse souvent au grand public, les films ayant des structures et des contenus particuliers sont toujours écartés.

 

ShS : Avec l’avènement de M. Rohâni au pouvoir et étant donné que certains directeurs ont changé, pensez-vous qu’une évolution positive puisse se produire dans le monde de la culture ?

 

MA : Bien évidemment, j’ai cet espoir, qui est partagé par tous. Je peux même dire que nous sommes restés vivants grâce à l’espoir aujourd’hui. Mais jusqu’à maintenant, depuis six mois, rien de spécial ne s’est passé. Parce qu’il est très facile de détruire, mais la reconstruction est difficile et prend du temps. Il y a des choses qui ont été détruites. Bien évidemment pour qu’elles puissent se reconstruire et même arriver au niveau où elles étaient avant, cela demande beaucoup de temps, d’énergie et de dépenses.

 

ShS : Par exemple, dans le domaine du cinéma, quelles politiques ont été interrompues avant de produire les résultats espérés ?

 

MA : Il s’est passé beaucoup de choses. Par exemple, le conflit qui a éclaté entre la Maison du Cinéma et l’Organisation Cinématographique dont le directeur était M. Shamaghdâri à l’époque. La Maison du Cinéma est restée fermée pendant deux ans. En tout cas, maintenant cela prend beaucoup de temps pour que la Maison du Cinéma reprenne ses activités telles qu’elles étaient auparavant. Quand une chose fonctionne bien et que certains événements la font sortir de ses rails, cela demande beaucoup de temps et de dépenses pour qu’elle revienne au niveau initial. On a tellement pris de décisions selon les goûts et les circonstances que tout doit repartir du début.

 

ShS : À votre avis, comment les corporations du cinéma iranien pourraient-elles contribuer au développement des droits d’auteur ? Pourrait-on s’appuyer sur les artistes eux-mêmes sans se référer tout le temps à l’État ?

 

MA : Malheureusement, comme notre cinéma est étatique et que la Maison du Cinéma, qui représente l’ensemble des corporations, dépend elle-même de l’État de par son budget, les artistes et les corporations ne peuvent pas agir indépendamment. Les corporations pourraient soutenir et protéger les cinéastes à condition qu’elles ne reçoivent pas leur budget de l’État et qu’elles restent indépendantes.

ShS : Dans ce cas, leur budget pourrait-il provenir de leurs membres ?

 

MA : Soit elles vivent des cotisations de leurs membres, soit elles se débrouillent autrement grâce à d’autres projets.

 

ShS : D’un point de vue économique, il faut qu’elles ne dépendent d’aucun organisme.

 

MA : Exactement. Par exemple, à qui devons-nous aujourd’hui demander nos droits ? Nous devons les demander à l’État. Quand l’État lui-même nous donne nos salaires, nous ne pouvons pas nous dresser contre lui ! Cela est une première question. Un autre point est que la Maison du Cinéma doit disposer d’un pouvoir exécutif pour être capable de soutenir les membres des corporations et de défendre sérieusement leur cause.

ShS : Doit-elle être en relation avec le système judiciaire du pays ?

 

MA : Non. Même des liens avec le système judiciaire du pays ne peuvent pas régler les problèmes. Mais elle doit disposer d’un instrument exécutif. Par exemple si moi, en tant que producteur, je ne respecte pas les droits d’un membre d’une équipe d’un de mes films, et si celui-ci rencontre des difficultés, il doit arriver à obtenir ses droits. Quand la Maison du Cinéma et les corporations n’ont pas ce pouvoir exécutif indépendant, on ne peut pas espérer grand-chose.

ShS : Mais elle a un Conseil d’Arbitrage, n’est-ce pas ?

 

MA : Oui. J’ai été moi-même pendant cinq ans membre de ce Haut Conseil d’Arbitrage. Il se comporte encore comme le faisaient jadis les "Barbes Blanches". En fait, nous ne pouvons pas sanctionner les gens parce qu’il n’y a pas de pouvoir exécutif solide et légal pour mettre fin aux activités des pirates ou des personnes qui n’ont pas respecté les lois. Alors le Conseil essaie de satisfaire les deux parties par une amende plus ou moins égalitaire, car il n’a pas de pouvoir pour mettre en prison les personnes qui ne respectent pas les lois. La collaboration du MCOI est importante pour que la décision du Conseil d’Arbitrage à propos d’un conflit soit prise en compte. Comment cette collaboration peut-elle s’organiser ? Le MCOI doit empêcher que ces personnes poursuivent leurs activités délictueuses en arrêtant provisoirement leur travail, par exemple pour une durée de trois ou six mois. Si ces personnes continuent toujours à ne pas respecter la loi, il ne leur accorde plus, entre autres, de licence de production de films.

 

ShS : Le MCOI ne collabore-t-il pas avec la Maison du Cinéma ?

 

MA : Si, mais il ne le fait pas très efficacement. Aujourd’hui, on espère que la Maison du Cinéma et toutes les corporations seront prises au sérieux. Cela permet de respecter les membres des corporations et d’empêcher que les non-professionnels y entrent si facilement. Si une nouvelle personne souhaite adhérer à une corporation, cela exige qu’elle suive les règlements. Ces dernières années, n’importe qui a pu faire du cinéma. Un nombre considérable de producteurs de films s’est ajouté à ceux qui exerçaient déjà ce métier. Ils n’étaient pas tous compétents et n’avaient pas toutes les conditions nécessaires pour réaliser un film. C’était une véritable anarchie. Des non-professionnels n’ayant aucune expérience ni compétence dans le domaine du cinéma ont porté un coup dur au cinéma. Quand un producteur n’a pas suffisamment de compétence, le budget de la réalisation de son film augmente bien évidemment, ainsi que la durée de sa réalisation. Nous avons aujourd’hui beaucoup de producteurs dans les différentes corporations qui ne connaissent pas bien les différents métiers du cinéma.

 

ShS : S’agit-il de jeunes producteurs ?

 

MA : Pas forcément. C’est une bonne chose que de jeunes producteurs se lancent dans le cinéma. Il est même recommandé que le nombre des membres de chaque corporation augmente chaque année de 10 %. C’est une règle. Nous ne voulons pas empêcher l’entrée de nouveaux producteurs, mais un minimum d’expérience dans le domaine est important. Avant de devenir producteur, ils doivent avoir une expérience cinématographique soit en tant que directeur de production, soit dans d’autres métiers ; il faut des personnes qui soient initiées au monde du cinéma et qui connaissent déjà les difficultés des projets cinématographiques. Quand vous avez de l’argent et que vous l’investissez pour réaliser deux films, vous devenez producteur sans rien savoir du métier. Cela peut porter plus de préjudices que d’avantages au cinéma. Car vous n’êtes pas entré dans ce domaine grâce à vos compétences, mais grâce à vos finances.

 

ShS : Les artistes préfèrent que leurs problèmes de non-respect des droits d’auteur soient résolus entre eux, dans leurs corporations. Ils ne sont pas favorables au traitement de ces conflits par le système judiciaire qui demande beaucoup de temps, d’énergie et d’argent. D’ailleurs, il y manque des experts du cinéma et du droit d’auteur. Qu’en pensez-vous ?

 

MA : Bien évidemment, je partage cette opinion. Il vaudrait mieux que les problèmes soient résolus au Conseil d’Arbitrage de la Maison du Cinéma. Mais pour cela, ce dernier doit disposer d’un pouvoir afin que ses décisions soient appliquées. Quand il prend une décision sur un dossier, celle-ci doit présenter une garantie d’application comme tous les avis pris par le système judiciaire du pays. Mais comme nous n’avons pas la garantie que nos décisions seront appliquées, nous ne sommes jamais sûrs du résultat.

 

ShS : Vous faut-il alors établir des ponts avec le système judiciaire iranien ?

MA : Oui, exactement. Si des liens s’établissent entre la Maison du Cinéma et le système judiciaire, et si un tribunal spécial ou un centre particulier est réservé aux questions de droits d’auteur et des corporations des artistes, les décisions des experts du Conseil d’Arbitrage de la Maison du Cinéma pourront être appliquées grâce à cette collaboration. La question la plus importante, c’est l’application des lois. Aujourd’hui, la Maison du cinéma n’a pas ce pouvoir alors que les dossiers y sont bien évidemment réglés d’une manière plus spécialisée, car les membres du Conseil connaissent très bien toutes les corporations.

 

ShS : La Maison du Cinéma a-t-elle également pensé à former ses propres experts dans le domaine des droits d’auteur ? Le système judiciaire du pays dispose d’un certain nombre d’experts qui servent de conseillers pour les juges, mais malheureusement ils n’ont pas souvent assez d’expérience dans le domaine du cinéma ou du théâtre. Ils sont titulaires d’une licence de théâtre ou de cinéma, mais cela ne suffit pas toujours.

 

MA : Je ne suis pas vraiment au courant, mais au total, étant donné que le pays n’a pas adhéré aux conventions internationales concernant les droits d’auteur, cette question n’a pas été prise au sérieux en Iran. Pour la même raison, la plupart des gens ne sont pas conscients de leurs droits.

 

ShS : Mais au moins nous avons chez nous une loi, bien qu’elle soit vieille de plus de 40 ans.

 

MA : Mais elle n’est pas efficace, car personne ne réussit à faire valoir ses droits ! De plus, cela demande beaucoup de temps. D’ailleurs, on peut facilement contourner la loi !

 

ShS : Dans votre carrière cinématographique, avez-vous rencontré des artistes, ou avez-vous vous-même rencontré des problèmes de non-respect des droits d’auteur ? Quels sont les préjudices les plus graves en la matière selon vous, et quels ont été les problèmes les plus courants rencontrés par vos équipes cinématographiques ?

 

MA : Rien de précis ne me vient à l’esprit pour plusieurs raisons. Tout d’abord, quand des artistes comme moi ignorent eux-mêmes leurs droits, ils n’exigent rien et ne sont pas à la recherche de ces droits ! Personnellement, dans la mesure où je connais mes propres droits ou les droits de mon équipe, j’essaie de les respecter dans mes contrats. En ce qui concerne les droits moraux, je négocie avec les acteurs. S’il s’agit d’un acteur peu connu et s’il demande que son nom apparaisse au début du générique du film, nous en décidons ensemble. Mais tout dépend de ses propres exigences. Quand une demande est formulée, nous pouvons la prendre en considération dans nos contrats. Beaucoup de producteurs ne respectent pas ces exigences, ou tout cela reste verbal. Quand c’est uniquement verbal et que le producteur ne tient pas ses promesses, l’intéressé ne peut rien faire. Il ne peut pas prouver qu’il existait un accord entre eux. Mais ce sont des détails dont la plupart des artistes ne sont pas conscients et auxquels ils n’attachent pas suffisamment d’importance. Par exemple, un photographe de plateau ou un assistant pourraient demander que leur nom apparaisse au début du générique du film. S’ils formulent cette demande et que le producteur du film l’accepte, elle doit figurer par écrit et être accompagnée d’une signature. Il s’agit parfois de personnes dotées d’une longue expérience, mais qui n’ont pas été prises en considération depuis de nombreuses années et qui n’ont jamais pensé à faire respecter leurs droits. Les droits économiques sont bien précisés dans le contrat, mais les droits moraux restent toujours mal connus et même méconnus. Parfois, les droits économiques, eux aussi, sont attribués avec du retard.

Mohammad Ahmadi

 

ShS : Cela se voit davantage dans le domaine du théâtre.

 

MA : Oui, mais au cinéma aussi, et à la Télévision en particulier ! Cela existe partout. Quand les artistes n’ont pas reçu le salaire auquel ils avaient droit, ils peuvent protester et savent comment le faire. En cas de conflit, les dossiers sont envoyés au Conseil d’Arbitrage de la Maison du Cinéma. Ce Conseil convoque le producteur et le problème est résolu par négociation. Sinon, le MCOI est informé que ce producteur n’a pas payé la totalité du salaire aux membres de son équipe. Il aura, au minimum, des difficultés pour l’obtention de la licence de production de son prochain film, ou le déroulement du tournage de son film pourra être interrompu. Avant M. Shamaghdâri, cela se passait ainsi et j’espère que cela continuera. Pour les questions d’ordre moral, une prise de conscience du respect de nos propres droits est indispensable afin de les exiger le cas échéant.

 

ShS : Vous avez produit beaucoup de films. Existe-t-il des cas où des films n’ont pas réussi à obtenir la licence de projection au cinéma ? Dans ces conditions, le producteur est-il toujours tenu de payer le salaire des membres de son équipe, pour un film qui n’a pu finalement être diffusé dans les salles de cinéma ?

 

MA : Oui. Je prends l’exemple de mon film Poète des déchets. Il n’a pu sortir sur les écrans que cinq ans après la fin du tournage. Mais, j’avais déjà payé tous les salaires de toute mon équipe. Souvent, les producteurs ne comprennent que tardivement que la licence de projection sera accordée ou non à leur film. Et c’est le cas de tous les films.

ShS : Vous avez déjà parlé du versement du salaire des acteurs en plusieurs échéances durant le tournage du film.

 

MA : Le paiement des salaires s’effectue au cours du tournage du film. Il commence dès le début du tournage et est parfois réparti en deux ou trois échéances : début, milieu et fin. Mais par exemple quand un acteur finit son travail, il recevra le dernier versement de son salaire au maximum avec un décalage de dix jours après la fin du tournage du film. Souvent, c’est le producteur ou l’investisseur qui seront pénalisés si leur film n’obtient pas de licence de projection. Ce problème n’a rien à voir avec le respect des droits de l’équipe cinématographique elle-même.

 

ShS : Aujourd’hui, on parle beaucoup de ceux qui investissent dans le cinéma. Qu’en pensez-vous ?

 

MA : Auparavant, des investisseurs autres que les producteurs intervenaient dans le domaine du cinéma. Mais aujourd’hui, cette question se pose de manière beaucoup plus sérieuse.

 

ShS : Ces investisseurs ne connaissent rien au métier de producteur, et leur intervention ne s’explique que par leur passion pour le cinéma.

 

MA : Jadis il existait aussi ce type de financement à destination des producteurs de films. Mais actuellement, cela a pris une grande ampleur et nous voyons de grands changements. Auparavant, ces investisseurs n’avaient pas vraiment de visibilité ou ne voulaient pas être connus du public. Cela n’avait pas d’importance pour eux. Mais aujourd’hui, les investisseurs espèrent être vus et souhaitent devenir tout de suite eux-mêmes producteurs, après avoir investi dans deux ou trois films ! Cela a conduit à augmenter le nombre des producteurs non-professionnels. Ils entrent dans le domaine très vite et en sortent aussi vite ! Ils ne peuvent pas y rester très longtemps. Beaucoup de riches investisseurs sont entrés dans le monde du cinéma et ont investi un argent considérable pour la production de films. Par exemple, alors qu’un film aurait pu être financé avec un budget de 500 millions de Tomans, certains investisseurs ont dépensé un milliard de Tomans pour sa réalisation. Ceci car ils avaient de l’argent et ce n’était pas important pour eux. Cela entraîne la montée des exigences des acteurs du film. Ils demandent des salaires beaucoup plus élevés, ce qui détruit toute l’ambiance cinématographique artistique et aboutit à une véritable anarchie. Les professionnels du cinéma acceptaient des salaires rationnels qui correspondaient aux compétences des acteurs. Mais ces riches investisseurs ont augmenté les exigences des acteurs avec des salaires qui n’ont rien à voir avec les revenus du film. Leur intervention conduit à l’augmentation du budget de la production cinématographique et finalement, ils sont les premiers à recevoir les coups durs : car non seulement les acteurs, mais aussi d’autres membres de l’équipe cinématographique qui s’adressent à eux, demandent des sommes considérables pour leur collaboration et petit à petit, si d’autres producteurs produisent le même film avec un montant de 500 millions de Tomans, ils le font pour deux fois plus cher. Les recettes de ces films ne couvrent pas toutes les dépenses et après avoir produit trois films, ces investisseurs quittent le cinéma après lui avoir porté atteinte. Mais si ces investisseurs placent leur argent en collaborant avec des producteurs professionnels, le budget des films diminuera considérablement et ils pourront de ce fait continuer plus facilement. Il y a donc des intérêts pour ces investisseurs, mais en pratique, ils quittent le cinéma le plus souvent après deux ou trois films.

 

ShS : Leur contribution a-t-elle aussi un objectif publicitaire ? Que leur apporte le fait d’être vu ?

 

MA : Oui, cela pourrait avoir un objectif publicitaire. Par exemple, quand M. Zanjâni est arrivé, il était dans l’ombre. Mais petit à petit, il a commencé à se faire photographier avec les acteurs et à partager les photos dans les réseaux de diffusion, sur internet, etc.

 

ShS : Aujourd’hui, nous avons les réseaux de Diffusion de films au foyer. De jour en jour, le nombre des films diffusés par ces réseaux augmente considérablement. Pensez-vous que cette manière de diffuser des films a contribué à la démocratisation de la culture ? D’autre part, la qualité des films a-t-elle diminué en raison de ce phénomène ? Quelle critique portez-vous sur ce système ?

 

MA : Je porte un regard particulièrement critique sur les films en vidéo. Si certains d’entre eux n’existaient pas, ce serait beaucoup mieux !

 

souvent que les artistes ont dix ans d’avance sur leur public. Quand vous regardez certains de ces films en vidéo et même parfois nos films de cinéma, vous remarquez que l’investisseur ou le producteur ne pensent qu’aux recettes de leur film et ne prennent en considération que ce qu’ils estiment être le goût du public. Ils réalisent donc des films selon ce goût. Il est vrai qu’il faut réaliser des films selon le goût du public. Mais je ne suis pas d’accord avec la dégradation continuelle des films : leur structure, leur contenu, etc. Cela aboutit à une banalisation avec des comédies souvent très superficielles. Je suis absolument contre ce type de comédies destinées uniquement à distraire le public. Je suis producteur de films culturels qui font réfléchir le public au moins un instant et qui transmettent un message. Mais je n’en conclus pas qu’il faille réaliser uniquement ce type de film. Non, à mon avis, tous les genres cinématographiques, comédies, films de famille, films de guerre, films d’art et d’essai, doivent être réalisés, car chaque genre a son propre public. On ne peut pas limiter le choix des spectateurs. Vous aimez aller dans une salle de cinéma, rire pendant 90 minutes et sortir. Cela ne pose pas de problème. Mais ce serait mieux que producteur et investisseur pensent à mieux faire leur travail afin que leurs films ne conduisent pas à trop de banalité. Nous avons bon nombre de « bonnes comédies » qui ont de la valeur. Alors regardons de quelle manière et avec quel type de scénario nous pouvons réaliser des films destinés à distraire le public et à le faire rire pendant 90 minutes, sans offenser la religion, sans aller contre le bon sens du public, contre la sensibilité des différentes ethnies et sans se moquer de qui que ce soit. Il y a plusieurs registres pour faire rire : le comique de situation, le comique de mots ou de gestes. Essayons d’élever le goût du public marche par marche et de l’habituer à rire plus intelligemment.

 

ShS : Vous avez raison. Mais ne trouvez-vous pas que certaines limites comme l’insuffisance du nombre des salles de cinéma ou la difficulté des films à accéder aux écrans, ont donné naissance à ces réseaux de "Diffusion de films au foyer" ?

 

MA : Cela est une autre question. L’insuffisance du nombre de salles de cinéma n’a rien à voir avec la qualité de nos films. Pendant les huit années de la présidence de M. Ahmadinejâd, le nombre de nos spectateurs a diminué en raison de l’anarchie dans le domaine du cinéma. Auparavant, nous avions moins de salles de cinéma et malgré cela, beaucoup plus de spectateurs qu’aujourd’hui ! De nos jours, le gouvernement construit chaque année 10 à 15 salles de cinéma ou les rénove. La situation est meilleure aujourd’hui qu’hier. Il est vrai que quelques anciennes salles de cinéma ont été fermées, mais n’oublions pas que le nombre de nouveaux multiplexes dotés de salles de cinéma a considérablement augmenté.

 

 

ShS : L’un de vos collègues a dit qu’il serait préférable de consacrer le budget des festivals à la construction de salles de cinéma…

 

MA : Non, chacun a sa place ! Nous avons aussi besoin des festivals. Mais c’est vrai qu’il y a trois ans, nous avons eu beaucoup de festivals au cours d’une même année. Le film documentaire a besoin d’un festival, mais un seul est suffisant ! Les court-métrages ont un seul festival et c’est parfait. Mais nous avons beaucoup de festivals thématiques qui ne sont pas indispensables.

 

ShS : Sont-ils tous étatiques ?

 

MA : Oui. À mon avis, le nombre de ces festivals doit être contrôlé. Mais je ne suis pas d’accord avec le fait de reporter le budget des principaux festivals vers d’autres projets. Cependant, le nombre de festivals doit rester raisonnable. Le festival de Fajr, de court-métrages, de films documentaires, de films en vidéo, de musiques de films doivent continuer à exister et être améliorés chaque année. Ces festivals sont suffisants. Mais d’autres festivals, même s’ils sont organisés, doivent se contenter d’un budget raisonnable. Actuellement, nous avons toujours besoin de salles de cinéma. Nous avons aujourd’hui peu de spectateurs, mais cela n’est pas le problème principal, pourquoi ? Parce que si vous regardez dix ans en arrière, le nombre des salles était moindre qu’aujourd’hui, mais le nombre des spectateurs était deux fois plus important.

ShS : Bien que la production des films ait augmenté ?

 

MA : Oui, mais tous les films ne sont pas de bonne qualité. Une autre culture s’est imposée : le public va de moins en moins au cinéma et souhaite regarder les films au format DVD au foyer. On doit s’interroger sur le pourquoi de cette situation.

 

ShS : Les réseaux de "Diffusion de films au foyer" ont-ils beaucoup influencé les habitudes culturelles du public iranien ?

 

MA : Différents facteurs contribuent à la baisse considérable des spectateurs de cinéma : le facteur économique en est un. Un ticket de cinéma coûte de 5000 à 6000 Tomans. Si vous êtes une famille de 4 personnes, cela vous coûtera 20 000 Tomans (environ 5 euros). Quand vous allez au cinéma, vous allez aussi souvent manger au restaurant ou vous achetez des chips à grignoter. Rajoutons-y les embouteillages de la ville de Téhéran. Alors que vous pouvez rester à la maison et acheter un DVD de 3000 (0,80 euros) Tomans et regarder le même film, tous ensembles chez vous. Quand ? Trois mois après la projection du même film au cinéma ! D’ailleurs, nous avons aujourd’hui d’autres divertissements : les chaînes satellites par exemple. Malgré tout cela, à mon avis, rien ne peut remplacer le cinéma. Vous sortez de la maison et vous regardez un film dans une salle obscure et pleine de cinéphiles. À mon avis, cela est irremplaçable. Regarder un film en vidéo dans la maison est un plaisir, aller au cinéma en est un autre. Il faut renforcer ce dernier plaisir. Nous pouvons de nouveau faire sortir le public de sa maison. Nous pouvons le faire. Dans le monde entier, il existe la même situation. Rien n’a remplacé les livres, le cinéma et les concerts. Même aux États-Unis, le film en vidéo sort parfois en même temps que le film sur l’écran- soit dès le milieu de la période de projection, soit juste vers la fin. Mais, cela n’aura aucune influence sur les recettes du film au cinéma. Selon certains, cela contribuerait même à les augmenter.

 

ShS : Tout dépend alors de notre politique du cinéma ?

 

MA : Oui, il faut former les habitudes culturelles du public et cela demande de la publicité, une politique d’abonnement, la rénovation des salles de cinéma, des innovations architecturales, la construction de parkings et de moyens de transports appropriés pour que les spectateurs prennent plaisir à aller s’asseoir dans les fauteuils des salles de cinéma. Tous ces facteurs contribuent à augmenter le nombre de spectateurs. Dans notre pays, le film en vidéo sort trois mois après la sortie en salle. Le public se dit qu’il achètera le DVD du film car cela coûte beaucoup moins cher que le ticket de cinéma.

 

ShS : Les réseaux de "Diffusion de films au foyer" donnent une nouvelle vie à certains films. Par exemple, les producteurs qui ne connaissent pas de succès lors de la projection de leurs films en salle tentent leur chance avec ces réseaux. Quels sont les types de contrats dans ce domaine ? Comment les recettes des ventes sont-elles réparties ?

 

MA : Tout dépend du contrat initial. Imaginez un film réalisé avec un budget de 600 millions de Tomans. Si un investisseur fournit 400 millions de Tomans pour ce film, sa part des recettes du film sera environ de 60 %. Il se peut que le réalisateur ne demande pas de salaire, mais 10 % des recettes de la vente du film. Que ce soit la projection en salle ou la distribution par les réseaux de "Diffusion de films au foyer". Dans le cas de la présence d’un investisseur, le producteur pourrait financer, par exemple, à hauteur de 100 millions de Tomans et demander 30 % des recettes du film.

ShS : Dans ce cas, tout le monde participe à aux pertes ou aux recettes du film…

 

MA : Oui. Mais alors tout dépend des accords initiaux. Ensuite, le MCOI donne un document précisant la part de chacun, appelé la licence de propriété. Toutes les recettes du film seront réparties selon ce document, que le film soit diffusé au cinéma, en vidéo, à la télévision, etc. Sauf que dans certaines conditions, les associés se mettent d’accord et fixent d’avance le montant de la part de l’un des associés pour un certain type de diffusion. Par exemple prévoir 100 million de Tomans de recette de diffusion du film et donner 10 % (20 million de Tomans) à un associé pour le faire sortir du jeu. À l’étranger, à part des pourcentages prévus sur le document de propriété du film, le scénariste, le réalisateur du film reçoivent automatiquement sur leur compte un pourcentage des droits sur la vente du film. En Iran cela n’existe pas. Nous n’avons que les pourcentages des droits définis au départ.

 

ShS : Avez-vous des modèles de contrats-types ? Ou n’existe-t-il que des contrats selon les goûts de chacun ?

 

MA : Non, nous n’avons pas encore de modèles de contrats-types. Depuis longtemps, la Maison du Cinéma voulait préparer un modèle type, mais ce projet n’a pas encore été réalisé.

 

ShS : Actuellement, il me semble que les contrats sont devenus de plus en plus compliqués car l’offre et la demande ont trouvé des moyens de plus en plus diversifiés. Les contrats sont-ils devenus différents par rapport au passé ?

 

MA : Mes propres contrats n’ont pas changé. J’ai un contrat déjà prêt et j’agis selon ce type de contrat chaque année. Si jamais un nouveau cas de droit qui n’a pas été pris en considération sur mon contrat se présente et si cela me pose problème, bien évidemment, l’année suivante, je rajouterai une clause pour le respecter. Mais globalement, mes contrats n’ont pas beaucoup changé durant ces dernières années ; les contrats entre moi et les membres de mon équipe ne changent pas beaucoup. Il nous reste uniquement les contrats entre moi et les sociétés de diffusion de films, la Télévision ou les chaînes satellites. Tout cela demande des contrats différents, mais qui n’ont encore une fois pas subi un grand changement par rapport au passé.

ShS : Je suis allée dans un magasin de vente de DVD de films pour constater la qualité des jaquettes de film et les indications qui y apparaissent. J’ai vu que dans la plupart des cas, nous avons affaire à de simples jaquettes en carton, mais quand il s’agit d’un film d’Ali Hâtami ou de Rakhshân Bani-Etemâd, la forme de présentation du DVD change complètement et devient plus élégante. Cette différence est-elle décidée par les producteurs eux-mêmes ou pas ?

 

MA : C’est souvent la société de production qui décide cela.

 

ShS : Selon le niveau de vente de chaque film et la célébrité de son producteur ?

 

MA : Exactement.

 

ShS : J’ai vu également quelques publicités sur les jaquettes en carton. Par exemple, si vous achetez ce DVD du film, une partie des recettes sera versée à une association de bénévoles pour les enfants orphelins. Qu’en pensez-vous ?

 

MA : Oui, cela est aussi une sorte de publicité pour le film. Je pense que dans ce cas, la société de diffusion du film donnera un pourcentage de ses recettes à cette association. Mais nous ne savons pas le montant de ce pourcentage !

 

ShS : Le MCOI surveille-t-il ce type de publicité ?

 

MA : Normalement, il doit le surveiller. Parfois, les sociétés de diffusion de films envisagent d’offrir par tirage au sort des cadeaux tels que voiture, appartement… aux acheteurs de DVD. Cela se faisait parfois au cours d’une cérémonie avec la présence d’un représentant du pouvoir législatif et le directeur de la société. À cette occasion, le producteur distribuait des cadeaux. Parfois, ces sociétés n’ont pas tenu leurs engagements. Je me souviens de certains cas de tricherie.

 

ShS : Dans le respect du droit d’auteur, quel groupe ou entité aura, selon vous, le rôle le plus important : l’État, le législateur, les artistes, le public ?

 

MA : Les artistes font toujours des efforts dans ce sens dans leurs corporations. Ils cherchent à agir de façon à améliorer la situation, car ils sont les ayants-droit. Le rôle de l’État s’avère très important. Il doit apporter son aide. À mon avis, l’État joue un rôle plus fondamental que d’autres acteurs. Il doit déterminer et préciser ces droits, former la société au travers d’émissions et de spot publicitaires pour faire respecter ces droits et les respecter lui-même. C’est aussi la responsabilité des corporations qui informent les artistes sur leurs propres droits. L’État doit garantir l’application de ces droits dans la société. Il me semble que l’État et les corporations jouent un rôle très important.

 

ShS : À votre avis, les artistes eux-mêmes peuvent-ils contribuer à une prise de conscience de la population iranienne pour le respect des droits d’auteur, de sorte que les familles consacrent un budget pour l’achat de produits culturels ? À votre avis comment les artistes pourront-ils transmettre cette culture à la société ? Par exemple, il y a quelques années, ils avaient réalisé une vidéo en adressent des messages directement au public, comme Mehrân Modiri qui ajoute souvent quelques mots au début de ses œuvres. À votre avis, jusqu’à quel point les artistes peuvent-ils influencer le public ?

 

MA : Bien évidemment, ce sont des initiatives qui portent leurs fruits et peuvent avoir un impact sur le public iranien, car il aime ses artistes. Ces derniers ont beaucoup d’influence sur n’importe quel sujet de débat dans la société. À mon avis, de même qu’avec les innovations dans les structures de leurs films, les artistes peuvent faire évoluer le goût du public, ils peuvent et doivent aussi mener ce travail à bien. Ils peuvent insister sur l’importance du droit d’auteur et inviter le public à consommer les produits culturels. Ils sont bien évidemment très influents.

 

ShS : Si on vous demande de réaliser un petit clip sur le respect du droit d’auteur, acceptez-vous de le faire ? Les cinéastes de la Maison du Cinéma ont-ils de tels projets innovants aussi bien que de la créativité dans le domaine de la publicité ?

 

MA : Jusqu’à aujourd’hui, cette question ne s’est pas posée. Pour le trafic des DVD de films, nous avons organisé un colloque et nous avons fait des efforts. D’ailleurs, il y a quelques années, les artistes ont réalisé un petit clip et ont adressé chacun des messages au public les enjoignant au respect des droits d’auteur. Ce clip a été mis au début des films en DVD. Mais nous n’avons pas mis encore en place un secteur qui s’intéresse à concevoir des publicités pour inviter le public iranien à lire, à regarder des films et à faire des sorties culturelles. Personnellement, comme je préfère réaliser des films sociaux à visée culturelle qui font réfléchir le public, bien évidemment, si on me propose un projet, je l’accepterai avec plaisir.

 

ShS : En ce qui concerne la lutte contre le trafic des produits culturels, êtes-vous au courant des activités réalisées durant ces dernières années ? Que pensez-vous du marché informel de la culture en Iran ?

 

MA : Il y a quelques années, nous avons mis en place un Centre de lutte contre le trafic des produits culturels illégaux composé du représentant de la Police, du représentant des producteurs de films, et de l’Institut Médias d’Image. Sous M. Shamaghdâri, les producteurs se sont répartis en deux catégories : Le Syndicat des producteurs et Le Haut-Conseil des Producteurs. Ce dernier était constitué de trois groupes de producteurs : l’Association des producteurs-réalisateurs (comme M. Dâvoud-Nejâd, M. Fakhim Zâdeh, M. Hamid-Nejâd, et moi-même qui sommes à la fois producteurs et réalisateurs) avec environ 75 membres, ensuite l’Association des producteurs indépendants dont le directeur était M. Gholâmrezâ Moussavi, et enfin le Kânoun des producteurs dont le directeur était M. Manouchehr Mohammadi (et comptait aussi parmi ses membres Mme Tâerpour, M. Shahsavâri, etc.). Ces trois associations se sont regroupées au sein du Haut-Conseil des Producteurs. Leurs membres sont tous membres de la Maison du Cinéma. Le Syndicat des producteurs regroupait les producteurs étatiques (M. Shâyesteh, M. Farahbakhsh, etc.) soutenus par M. Shamaghdâri. Nous les qualifions de producteurs étatiques puisque l’État les soutenait. Nous avions la conviction qu’une corporation ne pouvait pas être soutenue par l’État, car elle perdrait son autonomie. Or, si elle reçoit des subventions étatiques, elle ne pourra plus protéger et défendre les droits de tous les producteurs de cinéma. Le Syndicat des producteurs avait aussi prévu le projet d’octroyer des licences de production des films. C’est-à-dire que tous les producteurs devraient finalement leur demander la licence de production de leurs films. Ils voulaient lire les scénarios et après les envoyer au MCOI, ce que nous n’acceptions pas. Nous ne voulons pas qu’une corporation s’occupe des affaires étatiques, mais nous voulons que le MCOI prenne en charge seul la licence de production des films. Nous refusons ce filtrage des scénarios qui visait à entraver le travail de nos collègues. Une corporation doit aider ses membres et non les gêner.

 

ShS : Ne souhaitez-vous pas rejoindre ce Syndicat ?

 

MA : Non, car nous ne le reconnaissions pas. Pour nous, c’était à eux de revenir à la Maison du Cinéma et non pas de nous en chasser.

 

ShS : Le conflit principal de la Maison du Cinéma est présenté comme un conflit entre les producteurs eux-mêmes. Le budget et les enjeux politiques n’avaient-ils pas aussi une influence ?

 

MA : Oui, d’autres facteurs étaient aussi importants. Mais en premier lieu et avant tout figure cette divergence des producteurs. C’est après ces conflits que l’État a décidé de supprimer le budget de la Maison du Cinéma. L’État n’a fait qu’accentuer ces conflits et ces divergences.

 

ShS : Ces divergences persistent-elles toujours ?

 

MA : Oui, mais sous M. Rohâni, comme l’État a reconnu de nouveau la Maison du Cinéma, le Syndicat des producteurs s’est marginalisé. Aujourd’hui, la situation s’est inversée. L’État reconnaît de nouveau la Maison du Cinéma comme le seul syndicat de référence.

 

ShS : Que pensez-vous de la politique du gouvernement de M. Rohâni ? La réouverture de la Maison du Cinéma en présence de M. Ayoubi représente-t-elle une avancée ?

 

MA : Nous sommes revenus au stade initial. La Maison du Cinéma était reconnue depuis longtemps. Jusqu’ici, je ne vois aucun progrès ! Rien de nouveau ne s’est passé. Nous espérons que cela s’améliorera dans le temps.

 

ShS : Que pensez-vous de la politique de gratuité des cinémas menée par M. Ayoubi ? Était-ce politique ou de la poudre aux yeux ?

 

MA : Non, ce n’était pas politique. Il voulait que le Festival de Fajr soit plus animé. Mais, à mon avis, ça n’a pas été bien pensé. On pourrait appliquer d’autres stratégies. Par exemple, en France, il y a la Fête du cinéma : avec un seul ticket, vous pouvez aller voir plusieurs films. Aujourd’hui, en Iran, les cinémas proposent plusieurs séances de films dans au moins 4 ou 5 salles. Cette politique de réduction du prix des tickets me paraît plus efficace et contribuerait à soutenir le cinéma iranien.

ShS : Ou une politique de cartes d’abonnement ? J’ai entendu que certains cinémas proposent une offre concernant l’achat d’un ticket de cinéma avec la possibilité de voir plusieurs films. Mais le problème, c’est que ces films ont déjà été sélectionnés. Ainsi, nous ne donnons pas de liberté de choix aux spectateurs pour le réalisateur, le film et le cinéma.

 

MA : Oui, je suis d’accord. Il faut réfléchir à nos politiques et nous inspirer des politiques d’autres pays du monde.

 

ShS : La cérémonie de la Fête du cinéma est un autre exemple. Nous avons dépensé un budget pour son organisation. La mairie de Téhéran a également apporté son soutien financier. Que pensez-vous de l’organisation d’une telle cérémonie ?

 

MA : J’approuve cette politique. Cette fête s’est organisée au bon moment et voulait réunir les cinéastes au-delà de leurs divergences. La participation d’un sponsor représente un grand avantage : ainsi, le cinéma n’a pas à dépenser son budget pour l’organisation de cette fête.

 

ShS : Pensez-vous que les divergences entre les producteurs disparaîtront ?

 

MA : Oui, puisque c’est la volonté de l’État. Sous le gouvernement précédent, au contraire, l’État favorisait ces désaccords. Aujourd’hui, les intérêts de tous (État et producteurs) exigent cette cohésion. Cela demandera du temps.

 

ShS : Dans les années futures, l’intervention de l’État dans le monde de la Culture s’accentuera-t-elle au détriment du secteur privé ?

 

MA : Oui, je ne suis pas très optimiste sur le sort du secteur privé.

 

ShS : La Revue de Téhéran vous remercie de nous avoir accordé cet entretien.

 

MA : Merci à vous.


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