N° 146, janvier 2018

« Les Beautés de Farkhâr »
24 nov.-3 déc. 2017 Téhéran
Le visage inconnu de l’Afghanistan


Babak Ershadi


Farkhâr est le nom d’une ville du Tadjikistan, dans la province de Khatlon (sud-ouest), mais aussi le nom d’un district de la province afghane de Takhâr (nord-est). Farkhâr est un mot d’origine sogdienne (langue appartenant au groupe des langues iraniennes orientales) qui aurait été au départ « parvakhwâsar » qui signifiait « plein de joie ». Le nom de Fakhâr est souvent cité dans les ouvrages littéraires anciens et la poésie persane classique avec des expressions comme « l’idole de Fakhâr », « les courageux de Fakhâr », en allusion aux hommes, ou « les beautés de Fakhâr », faisant allusion aux femmes. Qu’il s’agisse, dans les œuvres de poètes anciens, d’un temple bouddhiste aux confins du Tibet, d’une ville située aujourd’hui dans le sud-ouest du Tadjikistan ou d’un district dans le nord-est de l’Afghanistan, ils entendaient par « Farkhâr » une référence à une magnificence parfaite et à une élégance majestueuse. C’est la raison pour laquelle les organisateurs d’une exposition de photographies à Téhéran consacrée à l’Afghanistan l’ont intitulée « Les Beautés de Farkhâr », pour faire allusion au beau profil de la vie en Afghanistan. 

Affiche de l’exposition « Les Beautés
de Farkhâr »

Une exposition de photographies intitulée « Les beautés de Farkhâr » a eu lieu pendant dix jours du 24 novembre au 3 décembre 2017 à la galerie d’art du département culturel de l’Organisation de coopération économique (Economic Cooperation Organization, ECO) à Téhéran. L’ECO est une organisation intergouvernementale de coopération régionale fondée en 1985, regroupant les trois pays cofondateurs (Iran, Pakistan, Turquie) et sept autres membres (Afghanistan, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, République d’Azerbaïdjan, Tadjikistan, Turkménistan) qui y ont adhéré en 1993.

Les 75 photographies qui ont été exposées montraient non pas l’image d’un pays sinistré par la guerre depuis près de 40 ans, mais le beau visage de la vie en Afghanistan : les paysages naturels, les villes, les villages et leurs habitants avec leurs costumes traditionnels. Les photographies sont l’œuvre de seize artistes (dix photographes afghans, trois photographes iraniens, un Français, un Australien et un Américain). Par conséquent, cette exposition ne reflète pas seulement le pays du point de vue des photographes afghans, mais montre aussi ceux d’autres pays.

L’exposition « Les beautés de Farkhâr » a été inaugurée par un discours de l’ambassadeur d’Afghanistan en Iran, le 24 novembre 2017.

L’organisatrice de cette exposition est Fatima Hosseini, photographe et peintre afghane résidant en Iran. Son objectif était de montrer « un autre visage » de l’Afghanistan, moins connu en raison de longues années de guerre civile et d’occupation étrangère. « Je voudrais que cette exposition de photographies reflète les beautés et la grandeur de l’Ariyana ancien ». Ariyana était le nom, selon certains historiens, de l’Afghanistan antique, mot avestique de la même origine que le mot « Iran ».

Fatima Hosseini, née en 1991 en Iran, a commencé à photographier en 2011. Sa première exposition individuelle, « Les Afghans, un nouveau regard » a eu lieu en 2012 à Téhéran. Un an plus tard, elle a organisé une autre exposition de ses photographies, « Aujourd’hui, Kaboul ». Elle a participé aussi à de nombreuses expositions collectives. Elle a étudié la photographie à l’Université de Téhéran. La photographie de presse et la photographie de guerre se sont beaucoup développées en Afghanistan ; pourtant l’exposition « Les beautés de Farkhâr » n’a pas voulu présenter l’Afghanistan, pays sinistré par la guerre et la violence, mais un bel Afghanistan de vie et de passion.

Photos : exposition « Les Beautés de Farkhâr »

« Les beautés de Farkhâr » n’on pas été un événement artistique isolé, car quelques semaines plus tôt, une autre exposition d’arts plastiques consacrée à l’Afghanistan a eu lieu à la Maison de la culture de Niâvarân à Téhéran et a été accueillie avec enthousiasme par le public téhéranais. En même temps, des artistes iraniens ont participé au « Dialogue culturel irano-afghan » organisé à Kaboul, le 29 novembre 2017, portant sur le thème de l’immigration. Ces échanges culturels entre l’Iran et l’Afghanistan témoignent de l’établissement de relations plus proches entre les artistes des deux pays voisins qui partagent la majeure partie de leur patrimoine historique, politique, culturel, linguistique et social.

L’ambassadeur d’Afghanistan en Iran, Nassir Ahmadnour, et Mme Fatima Hosseini, organisatrice de l’exposition « Les beautés de Farkhâr ».

Plusieurs photographies de Masoud Hossaini ont été exposées à cette occasion. Il est le premier photographe afghan à avoir remporté le prix Pulitzer en 2012. Photojournaliste de l’Agence France Presse, Masoud Hossaini est surtout connu pour avoir photographié une scène d’attentat suicide en 2011, qui avait fait quatre-vingts morts et au cours duquel il avait été lui-même blessé. Mais ses cinq photographies à l’exposition de Téhéran racontent une histoire prometteuse pour l’avenir de l’Afghanistan. Ces cinq clichés montrent les étapes successives de la construction de nouveaux immeubles à Kaboul. Masoud Hossaini les a prises à plusieurs mois d’intervalle de sa fenêtre. « Pour les Iraniens, il serait peut-être difficile de croire que des scènes pareilles puissent exister en Afghanistan, car ils entendent souvent de mauvaises nouvelles qui viennent du pays », a-t-il expliqué. Selon M. Hossaini, le photojournalisme s’est largement développé en Afghanistan, et le pays est souvent connu à travers les flashs d’infos des chaînes de télévision ou des sites Internet. Mais il estime que la photographie artistique et socioculturelle est également en progrès.

À côté des photographies qui montrent les montagnes du Pamir, les paysages de Bamiyan ou les ruines du palais de Dârolamân dans la banlieue de Kaboul, les organisateurs ont également placé des portraits qui présentent les visages de différents groupes ethniques qui coexistent en Afghanistan.

À ce propos, Fatima Hosseini dit : « Nous avons essayé de faire connaître la physionomie des différents groupes ethniques de l’Afghanistan. Étant donné que la grande majorité des Afghans qui ont immigré en Iran sont des Hazaras, la plupart des Iraniens connaissent leur visage et croient peut-être que tous les Afghans leur ressemblent. Pendant la tenue de cette exposition, nous avons compris qu’un grand nombre de visiteurs était surpris de découvrir cette diversité ethnique de l’Afghanistan. Beaucoup d’entre eux ne connaissaient guère le visage des Pachtounes, et ils étaient étonnés de découvrir les physionomies aryennes, turkmènes, etc. »

<em>L'une des cinq photographies de Masoud Hossaini, qui montrent les différentes étapes de la construction de nouveaux immeubles à Kaboul.</em>

Parmi les visiteurs, certains témoignent que cette exposition de photographies a changé leur point de vue personnel envers l’Afghanistan actuel, ses paysages et ses habitants. Chadi, jeune étudiante en photographie, affirme que « Les beautés de Farkhâr » lui ont permis de mieux connaître la vie des Afghans. « On y voit le vrai visage de l’Afghanistan, pays ravagé par la guerre et la violence, qui prend le chemin du développement et du progrès, et qui exprime sa joie de vivre et sa jeunesse au-delà de toutes les souffrances ».

Ainsi, dans beaucoup de photographies de cette exposition, on peut lire sur le visage des personnes photographiées à la fois la joie et la tristesse.

Fatima Hosseini estime que l’exposition a été très bien accueillie par les amateurs de photographies et de personnes curieuses de mieux connaître leurs voisins afghans. Selon elle, plus de 200 personnes ont participé à son vernissage. Les ambassadeurs de huit pays membres de l’ECO y étaient également présents, et l’exposition a été inaugurée officiellement par l’ambassadeur d’Afghanistan en poste à Téhéran. Fatima Hosseini a désormais l’intention de reprendre son projet d’exposition d’abord à Hérat, puis dans d’autres villes avec plus d’œuvres. 

« Les beautés de Farkhâr » ont réuni les œuvres de seize photographes : Barialai Khoshhal, Najiba Noori, Aref Karimi, Basir Seerat, Farshad Usyan, Latif Azimi, Masoud Hossaini, Mohammad Ali Shaida, Morteza Herati, Najibollah Mosafer (Afghanistan), Bahar Mohamadian, Tahmineh Monzavi, Hossein Hosseini (Iran), Eric Lafforgue (France), Matthew Karsten (États-Unis) et Grant Somers (Australie).


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