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Perdu de vue
Quelque part au Caire
T’y chercher c’est comme
Un de ces travaux d’Hercule
Le défi vertigineux d’une vie
Eurysthée ne s’est pas foutu de vous
J’étais plein d’espoir
Parce que j’avais du temps pour cela
Maintenant
J’ai une armée à disposition
Un miracle non
Mais le fruit d’un sacrifice
Et d’un peu de hasard brut
Nous n’attendons
Ni sanctification
Ni distinction militaire
Nous voulons juste nous trouver
Quelque part au Caire
Et crever l’un sur l’autre
Crever d’un amour nerveux
Quelque part au Caire
Le petit vendeur de figues de Barbarie
Au visage cramé par l’effort et la patience
Observe et retient
Mais que se passe-t-il
Sous la visière crasseuse de sa casquette ?
Une lueur indéfinissable
Comme un éclair de tendresse
Succédant à la révolte
Tous les jours il est là
Même endroit même heure
Attendant stoïquement
Derrière son maigre étal de figues
Il ne dit pas un mot
Il regarde
Il pense
Sa casquette pour le protéger du monde
Petit homme qu’as-tu fait
De tes envies de jeux ?
Je voudrais t’offrir quelque chose
Qui ressemble à l’enfance
Quelque chose de désespérément drôle
Car tout n’est pas perdu
Tout n’est pas joué
Pour un soldat comme toi
Justice et fierté
Garde cela pour grandir
Dans la cité chaotique
De tes pères
Et quand tu seras libre
Tu pourras jouer
Avec elle
Avec tes frères d’armes
Avec le monde nouveau
Mon dentiste dit de moi
Que je suis un « faux calme »
Je ne l’apprécie pas particulièrement
Mais il faut reconnaître
Qu’il a le sens de l’analyse
L’ambiance du stade d’athlétisme
Un soir de semaine
Pour m’apaiser et me stimuler
D’ailleurs je suis aussi un « faux intellectuel »
Car j’ai une considération supérieure
Pour le corps
Le corps noble
Le corps émouvant
Les vrais révolutionnaires sont ici
Sur la piste
Suivre le coureur inconnu
Comme ça
Pour rien
Pour le plaisir de provoquer
Ou vous couper le vent
Faut une raison pratique à tout
Des ombres nerveuses
Sur ta nuque ambrée
Ton dégradé impeccable
Forçant les reliefs
De tes mollets nus
Et balafrés
Tu m’emmènes
Et tu me files
Les pires courbatures que j’ai jamais eues
On la voit arriver de loin
Parfois elle se devine
La classe
Les gens ont la classe ou ne l’ont pas
Et quand elle se manifeste c’est comme
Une démonstration
Elle est là
Chez un coureur
Un serveur
Un amiral
Un gamin des bidonvilles
La classe ignore les classes
Et c’est bien là la vraie justice
Tout est séduction tout est possession
Mais moi
Je suis un animal
La rue comme spectacle quotidien
Parasites et nouveaux riches
À traiter militairement
Simple mesure de bon sens
Pour retrouver ici et là
L’ambiance du stade d’athlétisme
Un soir de semaine
Le son de l’effort
Le goût de la sueur
Et l’amitié