N° 154, septembre 2018

La période achéménide de
l’Antiquité égyptienne


Babak Ershadi


L’Empire achéménide vers 400 av. J.-C.

L’histoire de l’Égypte achéménide est divisée en deux périodes : une période initiale d’occupation perse dirigée par les empereurs achéménides, lorsque l’Égypte est devenue une satrapie, suivie d’un intervalle d’indépendance ; et une seconde période d’occupation, toujours sous les Achéménides.

Le dernier pharaon de la XXVIIe dynastie égyptienne (de 664 à 525 av. J.-C.) fut Psammétique III, qui régna seulement pendant un an (de 526 à 525 av. J.-C.). Il fut vaincu par Cambyse II de Perse (empereur de 529 à 522 av. J.-C.), fils de Cyrus le Grand, fondateur de la dynastie des Achéménides en Perse. Les armées achéménides l’emportèrent sur les troupes égyptiennes en 525 av. J.-C. lors de la bataille de Péluse (ou Pelusium), une cité de la Basse-Égypte antique située à l’extrémité nord-est du delta du Nil. L’Égypte devint alors avec Chypre et la Phénicie (pays de l’Antiquité qui correspondrait approximativement au Liban actuel) la sixième satrapie (province) de l’Empire achéménide. Ainsi commença la première période de domination perse sur l’Égypte, également connue sous le nom de XXVIIe dynastie, qui dura plus de 120 ans et se termina vers 402 av. J.-C.

Après un intervalle d’indépendance au cours duquel trois dynasties indigènes ont régné, Artaxerxès III, onzième empereur achéménide (de 358 à 338 av. J.-C.), reconquit la vallée du Nil pour une brève seconde période et fonda la XXXIe dynastie d’Égypte, qui dura pendant 11 ans, de 343 à 332 av. J.-C.

Cambyse II capture le pharaon Psammétique III. Image sur un sceau perse du VIe siècle av. J.-C.

Cambyse II, premier pharaon de la XXVIIe dynastie

 

Après avoir conquis la vallée du Nil, Cambyse II resta en Égypte pendant près de trois ans. Il mourut sur le chemin du retour en Perse en 522 av. J.-C. Les sources grecques, en particulier Hérodote et Diodore de Sicile, présentent un portrait sombre de la domination de Cambyse II en Égypte, mais il est malheureusement impossible pour les experts de comparer ces textes avec des sources égyptiennes, car tous les documents égyptiens non officiels semblent passer sous silence l’existence même du conquérant perse Cambyse II.

Il est pourtant possible qu’Hérodote ait pu s’inspirer d’une tradition indigène qui reflétait le ressentiment des Égyptiens, en particulier du clergé, et cela en raison du décret de Cambyse II, connu à partir d’un papyrus conservé aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de France à Paris. Ce décret de Cambyse II, premier pharaon perse de l’Égypte, portait atteinte aux revenus des temples égyptiens, car il modifiait le régime des donations de la couronne aux temples.

Après la conquête de l’Égypte, Cambyse II monta sur le trône d’Égypte et prit le nom de « Mesut-i-Re » qui signifiait « Descendant de Rê ». [1] L’empereur de la Perse devint ainsi le premier pharaon persan de l’Égypte.

Fragment de stèle du canal, appartenant à l’époque du règne de Darius Ier, conservé au Musée du Louvre.

Selon les égyptologues modernes, beaucoup de ces récits grecs sur Cambyse II sont faux étant donné la rivalité ancienne entre les Grecs et les Perses, et ce d’autant plus que les récits relatés par Hérodote furent écrits près de cent ans après la mort du conquérant achéménide de l’Égypte. En outre, il existe des documents égyptiens qui laisseraient croire que de nombreuses minorités égyptiennes, comme celle de la communauté juive d’Éléphantine [2] et même certains membres de l’aristocratie égyptienne, auraient favorablement accueilli le règne de Cambyse II.

Homme égyptien portant un costume perse, vers 343-332 av. J.-C.

Dans une inscription sur la statue d’Oudjahorresné, un prêtre et médecin de la XXVIe dynastie qui fut également un commandant de la marine égyptienne, nous apprenons que Cambyse II était prêt à travailler avec les Égyptiens et à leur confier des postes importants du gouvernement. Ce texte exprime aussi plusieurs signes du respect de Cambyse II vis-à-vis des croyances religieuses des Égyptiens, en soulignant que la cérémonie officielle de l’enterrement d’un Apis [3] eut lieu en présence du pharaon perse. En effet, il paraît que contrairement à la « propagande » grecque, Cambyse II avait poursuivi la politique égyptienne concernant les sanctuaires et les cultes nationaux, bien que son décret ait limité les donations de la cour aux temples. Cette idée est d’ailleurs confirmée par ses travaux de construction dans l’Ouadi Hammamat, un secteur désertique près de la mer Rouge et dans quelques autres temples égyptiens. L’inscription de la statue d’Oudjahorresné souligne aussi que le prêtre égyptien avait même introduit Cambyse II à la culture égyptienne afin qu’il puisse prendre l’apparence d’un pharaon traditionnel. Cependant, même si Cambyse II eut son nom inscrit sur un cartouche royal égyptien [4], il resta très persan, et fut enterré à Takht-e Rustam près de Pasargades, capitale de l’Empire achéménide.

Cartouche égyptien portant le nom de Darius Ier, temple d’Hibis de l’ousis de Kharga en Egypte.

Darius Ier, deuxième pharaon de la XXVIIe dynastie

 

Après la mort de Cambyse II en 522 av. J.-C., Darius Ier monta sur le trône et gouverna l’Empire achéménide jusqu’en 486 av. J.-C. En 518 av. J.-C., Darius se rendit en Égypte pour réprimer une rébellion. Il mit immédiatement fin à la révolte de courte durée qui se produisit dans la satrapie égyptienne après la mort de Cambyse II.

Darius Ier avait séjourné en Égypte pendant la campagne de Cambyse II, mais après son intronisation en Perse, il préféra gouverner de loin la satrapie égyptienne sans s’y installer longtemps. Afin de regagner le soutien du clergé et de l’aristocratie locale, Darius décida de révoquer le décret de Cambyse II et procéda à l’élaboration d’un code juridique pour l’Égypte, comme pour le reste du vaste Empire achéménide. Selon l’historien grec du Ier siècle av. J.-C. Diodore de Sicile, Darius Ier fut le sixième et dernier législateur de l’Antiquité égyptienne. Selon un papyrus hiéroglyphique datant de la troisième année du règne de Darius Ier, ce dernier chargea le premier satrape achéménide en Égypte, Aryavanda (Aryandes, en grec), de réunir des sages égyptiens parmi les prêtes, les scribes et les militaires afin de codifier un système juridique pour la satrapie égyptienne.

Statue de Darius Ier taillée en Egypte, découverte à Suse (Musée national d’Iran).

Les lois devaient être transcrites sur le papyrus à la fois en égyptien démotique et en araméen, afin que les satrapes et leurs fonctionnaires (principalement perses et babyloniens) aient un guide juridique dans la langue officielle de l’empire et dans la langue de l’administration locale.

Pour faciliter le commerce, Darius fit construire un canal navigable du Nil à la mer Rouge, de Boubastis (actuelle ville de Zagazig) à Ouadi Tumilat et aux lacs Amer, non loin de l’actuel canal de Suez.

Un fragment de la stèle du canal fut découvert en 1866 lors des travaux de creusement du canal de Suez. D’autres fragments de ce monument achéménide furent trouvés lors des fouilles de 1911-1912. La stèle portait, sur une face, une inscription trilingue en écritures cunéiformes et, sur l’autre, une inscription en hiéroglyphes égyptiens. La face principale représentait l’empereur achéménide Darius Ier avec un cartouche portant son nom écrit en vieux-perse. Derrière le roi, ses titres et sa filiation étaient écrits dans les trois langues officielles de la cour de Perse : le vieux-perse, l’élamite et le babylonien.

Le registre inférieur relatait, dans ces trois langues, le creusement du canal : « Le Roi Darius déclare : je suis un Perse ; j’ai pris l’Égypte ; j’ai donné l’ordre de creuser ce canal à partir d’un fleuve dont le nom est Nil, qui coule en Égypte, jusqu’à la mer qui vient de Perse. Ce canal fut creusé ainsi que je l’avais ordonné et des bateaux depuis l’Égypte, grâce à ce canal, naviguèrent jusqu’en Perse, ainsi que je l’avais désiré. » Ce fragment est conservé aujourd’hui au Musée du Louvre à Paris.

En 1972, des fouilles archéologiques à Suse, capitale des Achéménides dans la province iranienne du Khouzestân, ont mis à jour une statue en pierre de Darius Ier, debout et vêtu d’un somptueux vêtement perse. Elle fut sculptée en Égypte et porte une inscription en vieux persan, en élamite, en babylonien et en hiéroglyphe égyptien.

 

Porte du palais de Darius Ier à Hibis (Kharga).

Xerxès Ier, troisième pharaon de la XXVIIe dynastie

 

Peu avant 486 av. J.-C., l’année de la mort de Darius, il y eut une révolte dans la satrapie égyptienne, qui fut définitivement réprimée par Xerxès Ier (486-464 av. J.-C.) seulement en 484 av. À partir de là, la province égyptienne de l’Empire achéménide fut soumise à de sévères règlements, et les satrapes achéménides administrèrent l’Égypte sans recourir souvent à l’opinion de leurs sujets.

Xerxès Ier devint roi de Perse à la mort de son père Darius Ier en 486 av. J.-C., à une époque où son père préparait une nouvelle expédition contre la Grèce et devait faire face à un soulèvement en Égypte.

À la mort de son père, Xerxès Ier avait environ 35 ans et gouvernait déjà Babylone depuis une douzaine d’années. L’un de ses premiers soucis lors de son accession fut de pacifier l’Égypte, où un usurpateur gouvernait depuis deux ans. Mais il fut forcé d’utiliser des méthodes beaucoup plus fortes que Darius Ier. En 484 av. J.-C., il attaqua le Delta du Nil et réprima les insurgés. Il nomma son demi-frère Achéménès satrape de l’Égypte.

Inscription rupestre de la XXVIIe dynastie, règne de Darius Ier en Égypte.

La bataille du cap Mycale eut lieu entre les Grecs coalisés et les Achéménides en 479 av. J.-C. Les Perses perdirent cette bataille devant l’île égéenne de Samos. Or, Darius Ier avait toujours dit que pour pouvoir garder le contrôle de la vallée du Nil, les Achéménides devraient maintenir leur domination sur la mer Egée.

Après Xerxès Ier, cinq autres empereurs achéménides portèrent le titre de « pharaon ». Le dernier fut Artaxerxès II qui régna sur l’Empire achéménide de 404 à 358 av. J.-C., mais perdit la satrapie égyptienne très tôt, en 402 av. J.-C., suite à une révolte des Égyptiens.

 

Porte en bois, probablement d’un petit sanctuaire, représentant le roi Darius Ier et datant de 522-486 av. J.-C. Darius fait une offrande aux dieux égyptiens Anubis (au centre) et Isis (à gauche).

La XXXIe dynastie

 

L’Égypte resta indépendante jusqu’en 341 av. J.-C. avant de devenir de nouveau une satrapie perse. Artaxerxès III, empereur de Perse depuis 425 av. J.-C. fut contemporain de Philippe II de Macédoine et du pharaon Nectanebo II en Égypte. Nectanebo III fut le dernier souverain indigène de l’Antiquité égyptienne. Peu de temps après son intronisation, Artaxerxès III lança une campagne contre l’Égypte en 343 av. J.-C. et l’emporta sur Nectanebo II. L’Égypte redevint une satrapie achéménide après une rupture de 60 ans. Les Achéménides réinstaurèrent leur pouvoir dans la vallée du Nil. Après Artaxerxès III, deux autres empereurs de Perse portèrent le titre de « pharaon » : Arsès (ou Artaxerxès IV) de 338 à 336 av. J.-C. et Darius III de 336 à 332 av. J.-C. La XXXIe dynastie de l’Égypte ne dura donc que neuf ans, et Alexandre mit fin à la dynastie des Achéménides et s’empara de l’Égypte et du reste de l’Empire.

    Notes

    [1Rê (ou Râ) est le dieu du soleil dans la mythologie égyptienne, créateur de l’univers.

    [2Éléphantine est une île située sur le Nil, près de la ville actuelle d’Assouan. À l’époque des Achéménides, Éléphantine fut une colonie juive d’Égypte.

    [3Apis est le nom du taureau sacré de la mythologie égyptienne.

    [4Un cartouche royal est un symbole hiéroglyphique qui contient le nom d’un pharaon.


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