N° 154, septembre 2018

La Grande mosquée d’Ardestân :
un chef-d’œuvre de l’architecture iranienne


Babak Ershadi


Vue générale de la Grande mosquée d’Ardestân

La ville d’Ardestân se situe dans la province d’Ispahan, au centre de l’Iran. Elle se trouve plus précisément à 110 kilomètres de route au nord-est d’Ispahan et à 350 kilomètres au sud de Téhéran. Comme d’autres régions du nord et de l’est de la province d’Ispahan, Ardestân est marquée par un climat désertique aride.

La ville est vieille de deux mille ans. Des vestiges des périodes arsacide et sassanide sont nombreux dans la région, mais Ardestân est surtout connue aujourd’hui pour sa grande mosquée. L’histoire de cette mosquée trouve ses racines à l’époque préislamique, car elle fut construite à l’emplacement de l’ancien temple de feu de la ville.

La façade de l’iwan du nord

L’édifice de la mosquée date de l’époque des Bouyides, une dynastie chiite qui régna en Iran de 945 à 1055. Elle fut développée ensuite sous les Seldjoukides et restaurée sous les Safavides. La Grande mosquée d’Ardestân est un élément clé de l’histoire de l’architecture iranienne de la période islamique. Elle est la première mosquée à deux étages de l’histoire de l’islam et la deuxième mosquée à quatre iwans de l’Iran. Contrairement aux autres grandes mosquées des villes iraniennes qui se situent le plus souvent dans leur centre historique, la Grande mosquée d’Ardestân se trouvait autrefois à l’écart du centre-ville, et elle est encore aujourd’hui entourée de jardins de grenadiers. La mosquée se situe au centre d’un petit complexe historique qui comprend un caravansérail, une citerne, un hammam, une école théologique et un petit marché.

L’angle des deux iwans nord et oust

La mosquée actuelle qui date du XIe fut construite sur une mosquée plus ancienne qui avait été construite au même endroit à l’époque des califes abbassides, selon un plan de mosquée arabe. Cependant, pendant les premiers siècles de la période islamique, l’ancien plan arabe des mosquées d’Iran céda vite sa place à un plan local, hérité de l’époque sassanide, plus adapté à l’esthétisme iranien. Aujourd’hui, il ne reste que de très rares exemples du plan arabe dans les mosquées historiques de l’Iran, comme on peut en voir dans l’ancienne mosquée de Fahraj. [1] Dans l’histoire de l’architecture islamique de l’Iran, la Grande mosquée de Fahraj appartient à l’époque du début de la transformation du plan à deux iwans en plan à quatre iwans. L’iwan est un élément de l’architecture iranienne dont les origines remontent à l’époque préislamique. Il consiste en un vaste porche voûté ouvert sur une façade rectangulaire par un grand arc en tiers-point, appelé « arc persan ».

Décors en stuc de l’iwan sud

Tout comme de nombreux autres monuments de la région, cette mosquée a été construite avant la période seldjoukide (1037-1194). Cependant, des réparations importantes et des ajouts furent réalisés sous le règne des souverains seldjoukides. Deux plaques d’inscription se trouvant dans la mosquée font figurer deux dates différentes de l’époque du règne des Seldjoukides. L’une de ces plaques en pierre se trouve sur le mur du dôme en face du mihrab. Elle mentionne la date de 1158 et le nom du bienfaiteur. Elle déclare que le bâtiment fut construit par Abou Tahir al-Hossein ibn Qali. D’après les chercheurs, la large ouverture en forme de dôme en face du mihrab, les iwans et d’autres parties de la mosquée furent construits plus tard. Cette inscription cite également Mahmoud Esfahani en tant qu’architecte du bâtiment. Une autre inscription sur la voûte de l’iwan méridional mentionne la date de 1160. Cette inscription indique que des portiques dans les ailes est et ouest de la cour centrale furent ajoutés par la même personne.

Inscription coranique en stuc de l’iwan sud

En réalité, c’est à cette date que le bâtiment initial de la mosquée fut modifié pour devenir une mosquée à quatre iwans. Au même moment, l’espace qui se situait sous le dôme devint la salle de prière. Ainsi, le plan du bâtiment se compose de quatre iwans ouvrant sur une cour rectangulaire et d’un dôme en face du mihrab. L’un des ajouts les plus importants de l’édifice à l’époque seldjoukide était l’ouverture en forme de dôme devant le bâtiment et le grand iwan qui se situe derrière. Cela conduit les architectes et historiens à soutenir que la mosquée initiale était démunie d’iwans et qu’elle ressemblait plutôt aux mosquées de style koufique (plan de mosquée arabe) des premières périodes islamiques, comme dans le cas de la Mosquée du vendredi d’Ispahan. À Ispahan aussi, une ouverture en forme de dôme fut ajoutée devant le mihrab et la cour centrale avec quatre iwans, à une date ultérieure. Par conséquent, les dates de construction des ajouts sont respectivement 1158 et 1160.

Étant donné ces modifications, le plan initial et les éléments de construction des arcades entourant la cour centrale restent inconnus, car le bâtiment fut considérablement transformé avec des éléments ajoutés pendant des périodes ultérieures. Les arcades autour de la cour furent certainement construites après la période seldjoukide. Il y a, par exemple, une inscription sur l’un des iwans entourant la cour centrale, indiquant une restauration réalisée en 1539 pendant la période safavide (1501-1736).

Vue intérieure du dôme placé sur les trompes de la salle de prière

L’entrée du bâtiment se fait par six portes sur différentes façades. L’une des portes est sur la façade du mihrab, et l’autre communique avec le bazar à côté de la mosquée. Son entrée principale est faite d’un portail avec un arc en accolade. Cette porte de pierre a été ajoutée au bâtiment à une période ultérieure. Le portail s’ouvre directement sur l’un des iwans de la mosquée. Dans cette mosquée, le plan rectangulaire de quatre iwans est perceptiblement irrégulier, car les iwans de la mosquée sont de différentes tailles. Dans cet ancien exemple de plan à quatre iwans, la symétrie n’a pas été respectée.

À l’exception de l’iwan qui se trouve en face du mihrab, les trois autres furent restaurés pendant la période safavide. En revanche, l’iwan qui s’ouvre sur le dôme devant le mihrab date de l’époque seldjoukide.

Décors en stuc du mihrab

L’ouverture en forme de dôme, située juste en face de l’iwan sud, est surplombée par un dôme pointu à l’extérieur. Le dôme repose sur un tambour octogonal. Ce tambour est un mur cylindrique (ou polygonal) supportant, à sa base, un dôme. Une fenêtre à la base du tambour et du dôme apporte de la lumière à l’intérieur.

Il existe trois trompes au niveau du tambour : ce sont des sections de voûte qui supportent le poids du dôme. Ces trompes sont lobées et jouent également le rôle d’éléments de transition.

Décor intérieur (détail)

Le dôme se compose de seize lignes de connexion structurales descendant jusqu’en bas où il y a un modèle géométrique composé d’éléments en forme dite « rhomboïde », car ils ont des côtés parallèles, mais de longueur différente.

Les décorations dans la partie ouest de la cour centrale sont datées de la fin du Xe siècle. Pour décorer la voûte qui se trouve au-dessous du tambour et l’iwan, on l’a recouverte de travaux de plâtre. Ainsi, le dôme et les faces internes des éléments de transition sont recouverts de plâtre imitant la brique. A l’intérieur de la voûte se trouve aussi une composition de motifs végétaux et de branches courbées.

Plan de la mosquée d’Ardestân

Le mihrab de la mosquée est également recouvert de plâtre. Selon les experts, le mihrab a très probablement été rénové à l’époque des Ilkhanides (1256-1335). Il est entouré d’un cadre rectangulaire, avec deux arcs en ogive à différents niveaux.

L’arc de l’extérieur se trouve sur des pilastres. L’arc intérieur est plus petit. Cependant, c’est cet arc surplombant la niche du mihrab, qui indique la direction de la Kaaba. Il y a des inscriptions sur les bordures du cadre du mihrab. Toute la surface du mihrab est encore décorée de stuc. Les décorations végétales du mihrab présentent des caractéristiques ornementales de l’époque ilkhanide.

En novembre 2017, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a accepté la demande de l’Iran de recevoir le dossier de la Grande mosquée d’Ardestân pour l’inscrire sur la liste du patrimoine mondial. Le site « 360cities » offre des images panoramiques qui permettent de mieux connaître la Grande mosquée d’Ardestân. [2]

Ardestân se situe en bordure du désert central de l’Iran.

Notes

[1Ershadi, Babak, La mosquée « la plus ancienne » de l’Iran à Fahraj, in : La Revue de Téhéran, n° 137, avril 2017, pp. 24-30. Accessible à : http://www.teheran.ir/spip.php?article2375#gsc.tab=0


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