N° 15, février 2007

Au Journal de Téhéran

L’inauguration de la ligne Téhéran - Bandar Shâh





19 Février 1937
30 Bahman 1315

Comme cela avait été annoncé hier on procédera, aujourd’hui 14 heures, à la cérémonie d’inauguration de la section du Transiranien Téhéran Bandar-Shâh. La jonction du plateau central asiatique à la Mer Caspienne est un acte pratiquement réalisé.

Aujourd’hui, tout Téhéran pavoisera, le peuple entier témoignera sa joie, son contentement, sa fierté, pour célébrer l’achèvement de cet ouvrage dont l’exécution s’est parfois trouvée handicapée par un manque complet de moyens financiers, d’ordre, de volonté et parfois par la faiblesse des gouvernements passés. Tout cela n’existe plus aujourd’hui et le Transiranien consacre et confirme pratiquement la parfaite indépendance politique et les capacités financières et économiques de notre pays.

Des éloges ?... Non ...Des vérités - ...Oui. Une mise au point basée sur des actes.

Lorsqu’il y a 11 ans, on parla de la construction d’une voie ferrée, les anciens, tous les anciens, eurent un sourire. La voie ferrée … le Transiranien… un rêve, une utopie dont la réalisation exigeait des capitaux étrangers, car les ressources du pays étaient insuffisantes pour assurer ces vastes constructions. Des capitaux étrangers, donc une prépondérance économique et financière d’éléments étrangers dans le pays. Les jeunes, plus optimistes, ne renonçaient pas cependant à l’idée de ce plan colossal, mais se demandaient avec anxiété où et comment on pourrait trouver les fonds nécessaires pour cette réalisation d’un idéal national. Cependant, les gouvernements qui se succédèrent réalisèrent cette idée et à l’heure présente tout le monde doit s’incliner devant le fait accompli.

Ainsi, la Perse d’il y a vingt ans, cette Perse qui sous la dernière dynastie engageait des pourparlers suivis pendant 8 à 10 jours pour contracter parfois des emprunts qui ne dépassaient pas 100 à 200 000 rials aux banques étrangères installées dans le pays, cette même Perse, l’Iran d’aujourd’hui, a pu réaliser par ses propres moyens la construction du Transiranien en dépensant de ses propres ressources plus d’un milliard de rials.

L’arrivée du Transiranien a changé complètement non seulement l’aspect mais aussi la vie de Téhéran et ce changement se poursuivra normalement et régulièrement par la facilité des communications. Les grandes banlieues de la Capitale, particulièrement Khar et Varamine, sont actuellement des centres agricoles importants. Jadis, étant donné le splendide rendement des terres de ces régions, on nommait ces deux banlieues "le grenier de Téhéran". Aujourd’hui, cette appellation ancienne est devenue une réalité. La superficie des terres arables a augmenté en de très notables proportions et ce mouvement de relèvement agricole se poursuit toujours régulièrement, car le paysan bénéficie du passage de la voie ferrée pour assurer la vente de ses produits.

Dans quelques mois, Ghom et Soltânâbâd [NDLR : Arak d’aujourd’hui] seront reliés à la Capitale et on prévoit la jonction complète du Nord-Sud, de la Caspienne au Golfe Persique, pour 1938.

La construction d’une voie ferrée a toujours été un idéal pour tous les éléments du pays, mais sa réalisation dépendait de la conception des dirigeants du jour. Après son voyage eu Europe, feu Nasreddin voulut doter le pays d’une voie ferrée et c’est alors qu’il donna à une Société belge la concession de la construction du chemin de fer Téhéran-Shâh Abdolazim. Notre Souverain décida aussi la construction d’une voie ferrée, mais au lieu du projet peu ambitieux de Téhéran-Shâh Abdolazim, c’est aujourd’hui le Transiranien dont on fête joyeusement et fièrement l’inauguration.

Parallèle curieux et typique qui montre la différence de conception, la grandeur dans la réalisation, car aujourd’hui ce qui compte, la seule chose qui domine et qui s’impose c’est l’amour de la Patrie, le service à la collectivité, le relèvement de la masse.

[…]

20 février 1937.

La journée de vendredi a été une grande journée fériée. Il n’est pas un Iranien qui ne se soit associé à cette joie provoquée par l’arrivée du Transiranien à Téhéran.

Dès midi, des autobus partant de tous les centres de la ville transportaient des groupes compacts près de l’ancienne Porte du Khar. Téhéran était bondé : les avenues, les magasins, les ruelles, les maisons, partout on voyait flotter fièrement les couleurs nationales. Dans l’espoir de voir passer le premier convoi, des milliers et des milliers de gens s’acheminaient vers la gare.

Vers 15 heures, les clameurs de la foule qui attendait sur les trottoirs de l’avenue qui conduit à la gare, annoncèrent l’arrivée des membres du gouvernement. Ces derniers se rendirent sur un terrain près de la ligne où on devait procéder à la cérémonie de l’inauguration. Ce terrain avait été préparé avec beaucoup d’attention. D’un coté les membres du gouvernement, les hauts fonctionnaires, les députés et les nombreuses personnalités présentes, en face, les officiers supérieurs, les hauts fonctionnaires du ministère des travaux publics et les ingénieurs des travaux, au milieu une place spéciale pour le Souverain. Monsieur Ahi, ministre des voies et communications prononça le discours suivant :

Discours de Monsieur le Ministre des Voies et Communications

" Je suis très heureux de relever aujourd’hui que la section la plus importante de la construction de la voie ferrée de l’Iran, qui traverse le pays d’une frontière à l’autre, est terminée. Aujourd’hui les convois partis de Bandar Shâh et du Mazandaran sont arrivés à Téhéran et la confirmation de cette réalité augmente la fierté de toute la Nation.

Outre cette section du Nord dont la longueur est de 461 kilomètres, on a terminé la construction et posé des rails sur un espace de plus de 336 kilomètres dans le Sud, ce qui nous donne plus de 797 kilomètres sur le tracé total du Transiranien qui est de 1387 km entre Bandar Shâh à Bandar Shâhpour. Il ne reste en réalité pour réaliser l’union complète du Transiranien que 540 kilomètres seulement, travail qui se poursuit avec une grande activité et beaucoup d’ordre.

Les dépenses effectuées jusqu’à aujourd’hui pour la construction de cette ligne, hors dépenses d’exploitation ou d’achat de matériel de transport pour l’exploitation de la voie ferrée, se montent à un total de 810 588 000 rials dont le détail est établi sur le prix de revient du kilométrage avec un minimum de 602 420 rials pour les lots 17 et 19 et un maximum de 5 000 000 rials pour les lots 6 aux lots 11.

Le nombre des grands ponts de cette ligne dont la longueur dépasse 15 mètres, se monte à 108 et la longueur totale de ces travaux d’art est de 4 600 mètres. On a en outre construit 94 grands tunnels sur cette voie et la longueur totale de ces derniers travaux est de 23 410 mètres. La gare de Téhéran qui n’est pas encore terminée, a vingt immeubles différents pour des ateliers et différents services annexes de l’exploitation. Les lignes secondaires (vicinales) de cette station s’étendent sur 31 kilomètres. La majeure partie de ce travail est déjà terminée et le reste sera rapidement fini. Le total des dépenses pour les constructions se rapportant à la gare de Téhéran ainsi que l’achat des machines, outils, appareils, se monte à 80 000 000 de rials.

La présence de cette grande ligne que la Nation iranienne a toujours désirée depuis de très longues années pour consolider et faire progresser sa situation économique, assurera à tout le pays d’immenses avantages à tous points de vue".

A la suite de ce discours, un convoi conduit par une puissante locomotive, une des plus fortes machines pour les pays montagneux, se mit en route et passa devant tous les invités qui applaudirent frénétiquement l’arrivée du premier train. Le premier convoi comprenait le wagon impérial, puis le wagon des ministres. Peu après, un second convoi passa ayant des wagons de voyageurs, puis le troisième arriva transportant du matériel et des traverses.

Quelques détails sur le Transiranien

La longueur totale du Transiranien qui reliera la Caspienne au Golfe Persique est de 1435 kilomètres.

La pente de cette ligne varie selon les régions de 7 à 28 par kilomètre.

La photo que l’on voit ci-après montre une section très difficile au point de vue technique. C’est la passe de Gadouk.

Cette section qui commence au kilomètre 210 se continue jusqu’au kilomètre 237 (section Nord). Ce sont les 27 kilomètres du point culminant à traverser.

On voit très nettement vers le milieu de la photo le tracé du torrent que le Transiranien traverse sur trois ponts à différentes altitudes.

Sur cette distance de 27 kilomètres il y a 36 tunnels dont le plus court a 18 mètres et le plus long 1.174 mètres ; les 36 tunnels ont une longueur de 9.147 mètres.

Sur le trajet de Firouz Kouh à Shâhi, soit sur une longueur de 130 kilomètres, il y a 68 tunnels construits sur des terrains très difficiles.

Au kilomètre 237 il y a le tunnel de Gadouk, d’une longueur de 2.888 mètres. C’est le tunnel le plus long du Nord.

On voit sur cette photo la traversée finale. Le point culminant de la ligne est à 2112 mètres d’altitude le tunnel à une longueur de 871 mètres et le sommet de la montagne a une altitude de 2215 mètres. Il y a donc une différence de 103 mètres entre la ligne du Transiranien et le sommet de la montagne.

Le principe qui a dominé dans l’ensemble de cette construction est un pourcentage régulier des côtes avec en certains cas une prolongation de la ligne et des détours pour assurer une exploitation intense avec l’usage de locomotives puissantes mais normales.

Pratiquement, comme on a pu s’en rendre compte vendredi, ces principes ont été presque toujours appliqués.

M.H.


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3 Messages

  • L’inauguration de la ligne Téhéran - Bandar Shâh 21 mars 2011 18:47, par chaussat

    bonjour
    disposez vous d’informations sur les entreprises de travaux publics françaises ayant participé à la construction du trans iranien en particulier la sté anonyme hersent
    mon père alors jeune ingénieur de L’Ecole Centrale des arts et manufactures de Paris participa à ces travaux entre 1936 et 1939
    merci pour toute info à ce sujet

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  • L’inauguration de la ligne Téhéran - Bandar Shâh 18 avril 2011 12:25, par chaussat

    je lis avec intéret votre article sur le chemin de fer trans iranien. Je rédige actuellement un petit opuscule sur mon père Yvan Chaussat, Ingénieur de l"Ecole Centrale, décédé en 1951, et qui participa avec la Société anonyme HERSENT, en 1936 et 1937 à la construction du lot 6 sud du trans iranien. Je posséde de nombreuses photos de cette époque sur les travaux.
    Je recherche plus précisement une carte de l’iran montrant clairement le parcours du trans iranien et dans la mesure du possible la situation du lot 6 sud.
    selon certaines informations, ce lot de travaux aurait été attribué conjointement à SA Hersent( français et à 2 autre sociétés anglaises ( Nuttal & co et Kier)
    ce chantier se trouvait dans la région des"bakthiaris", mais je n’ai pas plus de précision
    toutes infos sur ces sujets me seraient utiles
    merci par avance pour votre aide
    jean françois chaussat
    ps j’avais onze ans à la mort de mon père ce qui explique aussi mes questions, car s’il eut vécu plus longtemps nous en aurions surement parlé

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