N° 33, août 2008

Louise Firouz, une Dame qui aimait les chevaux


Mireille Ferreira


Louise Laylin Firouz, qui s’est éteinte le 25 mai dernier à Gonbâd-e Kâvus, dans sa 75e année, après un demi-siècle passé en Iran, naquit et grandit parmi les chevaux de l’Etat de Virginie aux USA. Au cours d’un voyage en Iran dans les années 1950, alors qu’elle poursuivait ses études à Beyrouth, elle fit la connaissance de Narcy Firouz, un prince de la dynastie qâdjâre qui lui avait fait découvrir et aimer son pays. Elle l’épousa et le couple s’installa à Shiraz en 1957. Diplômée de paléontologie et passionnée d’équitation, elle décida d’ouvrir, à Téhéran, un centre équestre destiné aux enfants. Elle se mit à la recherche de montures dont la taille pourrait convenir à son jeune public.

Louise Firouz
Photo : M. Ferreira

Ayant entendu parler des petits chevaux qui peuplaient quelques villages du sud de la Caspienne, elle y organisa une expédition et découvrit un petit cheval d’une espèce inconnue, en piteux état, utilisé à tirer un lourd chariot. C’était en 1965 et, au cours des quelques années qui suivirent, elle en découvrit quelques dizaines d’autres. Elle comprit que ces petits chevaux étaient les cousins des chevaux arabes, reproduits il y a plus de 2000 ans déjà sur l’escalier de l’Apadana du palais de Darius à Persépolis : mêmes yeux protubérants, mêmes fortes mâchoires, même queue haut perchée sur la croupe. Des études génétiques mirent en évidence la proximité des deux espèces mais ne conclurent pas pour autant à l’ancienneté de la race caspienne. En 1970, un programme élaboré lui permit de créer un élevage à partir de ces premiers spécimens.

En 1974, l’Etat iranien réquisitionna le centre d’élevage de Louise. Celle-ci avait pris la sage décision dès 1971 d’exporter une partie de son élevage, sous forme de cadeau au Prince Philip d’Angleterre, afin d’en assurer la survie. C’est ainsi que fut constitué le premier élevage européen de petits chevaux caspiens. Les chevaux restés en Iran furent vendus aux enchères à des chefs de tribus qui les utilisèrent comme bêtes de somme.

La fortune familiale s’étant évanouie dans la tempête révolutionnaire puis durant la guerre Iran-Irak, Louise dût vendre ses biens pour surmonter ces années difficiles.

En 1992, elle fut en mesure de créer un nouvel élevage et de reprendre ses exportations en petit nombre. Narcy Firouz, son époux, décéda en mai 1994. S’ensuivirent alors des difficultés financières pour Louise qui dût se résoudre à vendre à l’Etat ce qui restait de son élevage. La survie de la race caspienne en Iran était à nouveau en danger.

Cheval caspien appartenant à l’élevage du Golestân de Louise Firouz
Photo : Caren Firouz

Cinq ans plus tard, Louise, encouragée par des Canadiens et des Américains venus visiter l’Iran, décidait, à l’âge de 65 ans, d’installer un nouvel élevage dans une zone reculée des steppes turkmènes, à Gareh Tapeh Sheikh, dans la province du Golestan. Parallèlement, elle accompagnait des groupes de cavaliers à travers les steppes de la région.

Ces cavaliers, venus de tous les coins du monde pour monter les pur-sang turkmènes élevés par ses soins et parcourir les superbes steppes qui entourent sa ferme, et qui abritent à présent sa sépulture, se souviendront longtemps qu’une dame venue des Amériques a pu, par son courage et sa sagacité, faire reconnaître au monde entier, à une période difficile de l’histoire de son pays d’adoption, la qualité des petits chevaux de la Caspienne, condamnés à une fin irrémédiable sans son intervention. Grâce à elle, des élevages de chevaux caspiens existent aujourd’hui dans le monde entier, en particulier aux USA, au Canada, en Nouvelle-Zélande et en Angleterre, davantage même que dans leur pays d’origine, l’Iran.


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5 Messages

  • Louise Firouz, une Dame qui aimait les chevaux 27 décembre 2011 12:47, par Margaret Webb

    t.Webb@wanadoo.frLe Larousse du Cheval parle d’un cheval de la même région, aussi d’une race ancienne, qui s’appelle Akhal-Téké (voir page 248 du Larousse du Cheval), qui mesure entre 1,42 et 1,52. Serait-il un parent du cheval de la Caspienne. Félicitations à Louise Firouz.

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    • Louise Firouz, une Dame qui aimait les chevaux 14 décembre 2014 20:47, par Mireille Ferreira

      Les chevaux de la race Akhal-Téké sont en effet présents au Turkménistan, mais d’après Louise Firouz elle-même, les rares chevaux caspiens qui subsistaient lorsqu’elle les découvrit en Iran en 1965 faisaient partie d’une race en voie d’extinction.

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  • Louise Firouz, une Dame qui aimait les chevaux 14 décembre 2014 18:39, par Fran

    Nous avons les Capsien depuis 1984 :)

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  • Louise Firouz, une Dame qui aimait les chevaux 11 avril 2017 08:48, par andré auclair

    Ce sont des personnes comme madame Louise Firouz qui ont une grande sensibilité, de l’amour et de la culture, qui empêchent que notre monde ne perde toutes l’héritage du patrimoine mondial comme le sont les espèces et les races menacées de disparition, tel le valeureux et superbe petit cheval Caspien.
    La race Caspienne est à mon idée la race la plus proche descendante des anciens et premiers chevaux eurasiens, qui furent domestiqués dans les steppes Pontiques-Caspiennes. Tels, les sites archéologiques des cultures Samara et Botai ; il y a 5500 ans.

    André Auclair

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  • Louise Firouz, une Dame qui aimait les chevaux 29 septembre 2021 14:24, par christian.lauwerier@skynet.be

    Je suis heureux de découvrir ce texte révélant la passion de Louise Firouz à qui nous devons la survie de ces très jolis petits chevaux que je viens de découvrir il y a peu et qui m’enchantent. J’aimerais connaître les coordonnées de tous les éleveurs actuels qui continuent à faire prospérer cette race. Merci d’avance de me tenir informé. Christian Lauwerier.

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