N° 36, novembre 2008

Les hommes de sel de la mine de Tchehrâbâd


Mahnâz Rezaï


L’Iran est connu dans le monde entier pour ses monuments historiques uniques au monde : l’architecture et le style de ses mosquées, de ses mausolées, le labyrinthe de ses longs bazars, ses hammâm traditionnels, son artisanat… Une récente découverte a néanmoins attiré l’attention des archéologues du monde entier, et est considérée comme la plus importante des dix grandes découvertes archéologiques du monde durant ces dernières années : celle des "hommes de sel" (Mardân-e namaki) découverts dans la mine de sel de Tchehrâbâd.

Situation géographique de la mine

Ces hommes ont été découverts dans la mine de sel de Tchehrâbâd située à une altitude de 1350 m, à 75 km à l’est de la ville de Zandjân et à 1 km au sud du village de Hamzehlou, près de la rivière Gezel Özen. Le site est très beau et son climat doux du fait de sa proximité avec la rivière. Le côté de la mine donnant sur les rivières Tchehrâbâd et le ruisseau d’Adji Tchây est riche en sel. Dans le passé, l’exploitation du sel se limitait donc à cet endroit et s’effectuait de manière traditionnelle et avec des instruments manuels.

Le premier homme de sel de 37 ans (1700 ans, vers la fin de l’époque arsacide et le début de l’époque sassanide), Musée national de Téhéran

Du fait de l’exploitation constante du sel dans le passé et de l’exploitation mécanisée au cours des dernières décennies, de hauts murs verticaux comportant de nombreux trous et fissures se sont formés dans la mine.

Le sel de la mine est notamment utilisé pour faire fondre la neige des routes glissantes en hiver. Depuis 1993 et l’exploitation de la mine par des machines, plusieurs "hommes de sel" ont été découverts.

Le premier homme de sel

En 1993, des ouvriers de la mine ont découvert la tête d’un homme barbu et aux cheveux longs au centre d’un tunnel de 45 m. Il portait une boucle d’oreille en or à son oreille gauche. Dès lors, des fouilles furent mises en place et des objets très divers et intéressants furent découverts à ce même endroit : trois couteaux dont l’un avait un fourreau en cuir, un pantalon court joliment brodé, un objet en argent, un lance-pierre, quelques cordes en cuir et en laine, une noix, des morceaux de poteries, quelques pièces de tissus brodés, des ossements brisés, un cure-oreille.

A l’origine, les cheveux et la barbe de cet homme étaient de couleur brune, mais furent peu à peu blanchi sous l’effet de l’oxydation et de l’existence d’ion chloré dans la mine. Les fouilles ont continué et ont mené par la suite à la découverte de la jambe gauche du premier homme de sel dans sa botte en cuir.

Selon les analyses réalisées sur ses ossements et les tissus trouvés, cet homme aurait vécu il y a 1700 ans (c’est-à-dire vers la fin de l’époque arsacide et le début de l’époque sassanide).

Les archéologues ont supposé que de par l’ornement de ses cheveux, sa boucle d’oreille en or, ses vêtements et sa botte en cuir, cet homme ne pouvait pas être un simple ouvrier de la mine mais appartenait à une couche aisée de la société de l’époque. Certains estiment qu’il était un prince et qu’il appartenait à l’élite d’un peuple dont le langage fut le tât. Ces vêtements et ses bijoux semblent confirmer cette idée.

Les ossements du troisième homme de sel et les objets retrouvés avec lui, époque achéménide, Musée du monument historique de Zolfaghâri à Zandjân

Les radios effectuées ont montré qu’il est décédé suite à un coup fort donné à la droite de son crâne. Les archéologues supposent également qu’il s’était réfugié dans la mine où était mort en tombant dans un fossé et des suites du coup qui lui avait été asséné à la tête. Les analyses génétiques ont également révélé que cet homme était mort à 37 ans, qu’il mesurait environ 175 cm. Enfin, l’analyse des cellules de ses cheveux ont permis de déterminer que son groupe sanguin était B+.

Le deuxième homme de sel

En automne 2004, les ouvriers de la mine ont trouvé les ossements d’un homme dont une partie fut brisée par leur bulldozer. On réussit également à trouver plusieurs objets dont un panier tissé de cordes végétales, 14 clous en bois, 284 morceaux de cordes végétales, 6 pièces de tissus en laine et de couleur brun clair, des morceaux de poterie, un sachet en cuir et la tête d’une pioche. Cet homme fut surnommé "le deuxième homme de sel".

Les analyses faites sur cet homme ont permis de déterminer que c’était un homme d’une quarantaine d’année mesurant 180 cm qui était probablement mort à cause de l’effondrement d’un tunnel.

Cette deuxième découverte, 11 ans après la découverte du premier homme de sel, on conduit à la mise en place de nouvelles fouilles dans la mine, qui furent poursuivies durant tout l’hiver 2004, malgré la sévérité du climat. Ces recherches ont continué jusqu’à l’automne 2005. Le but en était de déterminer les manières utilisées pour l’exploitation traditionnelle du sel dans le passé et la relation de la mine de Tchehrâbâd avec les sites historiques qui se trouvaient aux alentours. Ces fouilles ont permis la découverte d’objets très intéressants dont la plupart étaient restés intacts, parmi lesquels du bois, des noyaux des fruits, des cordes végétales, la poignée tournée d’un couteau, une aiguille en bois, un balai, un peigne en bois, une pierre à feu, divers ossements d’animaux, des os, des plumes d’oiseaux, des tissus unis et brodés, de la peau, des cordes, du cuir, et enfin, des instruments servant à l’exploitation du sel tels qu’un marteau, une pioche et une doloire.

Le cinquième homme de sel, appartenant à l’époque achéménide, Musée du monument historique de Zolfaghâri à Zandjân

Selon les chercheurs, le deuxième homme de sel date de 1800 ans, c’est-à-dire presque à la même époque que le premier homme de sel, vers la fin de l’époque arsacide et le début de l’époque sassanide. Depuis la découverte de ce deuxième homme de sel, les recherches ont pris un aspect plus sérieux.

Le troisième homme de sel

Le troisième homme de sel fut découvert lui aussi en 2004, sous une grande roche. Il serait sans doute mort à la suite de l’effondrement de celle-ci. On a retrouvé une partie de ses ossements et ses vêtements en laine de couleur brun clair. Il portait une ceinture et des chaussures en cuir. Il portait également avec lui un marteau ayant une poignée en bois et une tête métallique, quelques morceaux de poteries, des vêtements, une belle ceinture tissée avec des cordes bleue, verte, rouge et brune, des chaussures en cuir, une corde en laine et des cordes végétales.

Le quatrième homme de sel

Le quatrième homme de sel est le plus complet et le plus intact qui fut retrouvé jusqu’ici. Il fut découvert sur le côté ouest de cette mine, à une profondeur de 4 mètres près d’une grande roche de sel. Il est considéré comme l’un des corps momifiés les plus rares et intacts, étant donné qu’aucune des parties de son corps ne manquent, malgré son aspect desséché. Au moment de la découverte, son cadavre était à plat ventre et ses mains étaient repliées vers l’intérieur. Son pied droit était tendu tandis que son pied gauche était courbé vers son ventre.

Le quatrième homme de sel, le plus intact, est un jeune homme de 16 ans, ayant vécu à l’époque achéménide, Musée du monument historique de Zolfaghâri à Zandjân

Les médecins ont découvert des factures crâniennes et thoraciques. On suppose qu’il est mort des suites de l’effondrement du tunnel qui a brisé sa cage thoracique. Les recherches attestent que c’était un jeune homme de 16 ans, mesurant 175 cm, ayant vécu à l’époque achéménide (il y a 2300-2400 ans). Ses cheveux étaient courts et bruns et il portait des boucles d’oreille métalliques. Les objets découverts avec lui sont un couteau à la poignée en os dans un fourreau en cuir attaché à une ceinture tissée, deux petites cruches en tuile intactes, quatorze cordes végétales de 485 cm, onze morceaux de poteries, quelques morceaux de bois, quatre petites pièces de tissu brun, neuf morceaux de cuir et treize petits morceaux de peaux d’animaux.

Contrairement aux autres hommes, celui-ci n’avait aucun poil sur son visage. L’une des particularités de ce quatrième homme de sel réside dans le fait que ses vêtements sont restés entièrement intacts : un long manteau, un pantalon et des chaussures en cuir. Selon les recherches, cet homme se nourrissait essentiellement d’eau naturelle et de poisson. Dans l’ensemble, les chercheurs iraniens et étrangers ont également découvert que le régime alimentaire de ces hommes de sel incluait également de la pastèque, des noix, des courges, des grenades et des lentilles.

Un paquet a également été retrouvé à côté du quatrième homme de sel dans lequel il y avait une sorte d’huile utilisée par les ouvriers pour se graisser les mains. Contrairement aux autres momies et squelettes sur lesquels on retrouve presque toujours des parasites, ces hommes de sel n’en ont aucun ; seules quelques moisissures ont été retrouvées sur leur crâne.

Le cinquième homme de sel

Les objets trouvés aux côtés des hommes de sel tels que les marteaux et pioches constituent une source de renseignements précieuse sur la manière d’exploiter le sel dans l’ancienne Perse

Le cinquième homme de sel fut découvert quelques mois après le quatrième du côté est de la mine. Ses ossement ont été retrouvés sous des roches ; il semblerait donc également décédé suite à l’effondrement d’un tunnel. Contrairement au quatrième homme de sel, toutes les parties de son corps étaient écrasées et presque entièrement pourries à cause du manque de sel dans cet endroit ; il n’en reste aujourd’hui que des ossements. La forme de son bassin indique que c’était un homme. Des traces de rouille autour du cartilage de son oreille montrent qu’il portait une boucle d’oreille métallique. Deux morceaux de bois, une grande corne et des cordes végétales ont été retrouvés près de ce cinquième homme de sel.

Le sixième homme de sel

Le sixième homme de sel a été découvert récemment. Nous n’avons pas de renseignements sur son sexe, son âge et son ancienneté. Il était enfoui sous une grande pierre. On ne l’a pas encore sorti de la mine pour effectuer des analyses.

De façon générale, nous pouvons dégager les éléments suivants :

- Tous les hommes sont morts à cause de l’effondrement de tunnels. Selon les villageois des environs, il y a 100 ans, sept ouvriers de la mine moururent également à cause de l’effondrement de tunnels et y demeurent enfouis. Aujourd’hui, l’exploitation du sel s’est arrêtée et les recherches se poursuivent plus sérieusement.

- Depuis l’exploitation mécanique de cette mine, six hommes ont été découverts dont le premier (sa tête et sa jambe de gauche) est conservé au musée national de Téhéran et les cinq derniers dans le musée des monuments historiques de Zolfaghâri à Zandjân.

- Le premier et le deuxième homme de sel appartiennent à l’époque arsacide et sassanide (il y a 1700-1800) et le troisième, le quatrième et le cinquième appartiennent à l’époque achéménide (il y a 2300-2400 ans).

- Ces découvertes ont contribué à nous révéler certains mystères de la vie des anciens hommes. Les objets trouvés aux côtés de ces hommes tels que les couteaux, les cordes végétales, les marteaux et pioches constituent une source de renseignements valables sur la manière d’exploiter le sel dans l’ancienne Perse.

- Enfin, la découverte de ces hommes dans une mine de sel est unique au monde.


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