N° 36, novembre 2008

La bibliothèque Nationale d’Iran*


Djamileh Zia


La Bibliothèque Nationale d’Iran fut créée officiellement en 1316 du calendrier iranien (c’est-à-dire en 1937). Elle était un symbole de la modernisation de la société iranienne à cette époque. Deux collections de livres - celle de la bibliothèque de l’Ecole Dârolfonoun et celle de l’Association Ma’âref - formèrent le noyau central de la première bibliothèque publique d’Iran, qui fut transformée quelques années plus tard en Bibliothèque Nationale.

La Bibliothèque Publique Ma’âref [1]

L’Ecole Dârolfonoun [2], fondée en 1231 du calendrier iranien (1852) à Téhéran, fut le premier centre académique créé sur un modèle européen en Iran. On y étudiait les sciences nouvelles. La bibliothèque de cette école supérieure fut créée 12 ans plus tard, c’est-à-dire en 1243 (1864).

L’Association Ma’âref fut fondée à Téhéran en 1276 du calendrier iranien (c’est-à-dire en 1897) ; son but était de créer des écoles modernes et de promouvoir la culture en Iran. La "Bibliothèque Nationale Ma’âref" - que l’on peut considérer comme la première bibliothèque publique moderne d’Iran - ouvrit ses portes un an après la création de l’association, c’est-à-dire en 1277 (1898). Cette bibliothèque était située dans les locaux de l’association, à côté de l’Ecole Dârolfonoun. Le terme "nationale" que l’on utilisait pour désigner cette bibliothèque signifiait que cette dernière ne dépendait pas de l’Etat ; elle était en effet gérée par une organisation non gouvernementale.

L’Ecole Dârolfonoun

En 1284 (1905), les livres de la bibliothèque de l’Association Ma’âref furent transférés à la bibliothèque de l’Ecole Dârolfonoun, et ces deux bibliothèques ne firent qu’une. Cette bibliothèque avait à l’époque une collection de 5000 livres, et sa fréquentation était d’une vingtaine de personnes en moyenne par jour. Son nom fut changé en 1298 (1919) en "Bibliothèque Ma’âref", puis en 1313 (1934) en "Bibliothèque Publique Ma’âref".

La célébration du millième anniversaire de Ferdowsi [3], en 1313 (1934) fut un autre évènement décisif pour la création de la Bibliothèque Nationale d’Iran, en ce qu’elle donna lieu à l’organisation d’un congrès qui rassembla de nombreux iranologues et orientalistes étrangers. Les livres que le ministère de la culture avait publiés à cette occasion et ceux que les invités étrangers avaient offerts furent regroupés et gardés dans l’une des salles de l’Ecole Dârolfonoun, que l’on nomma "Salle Ferdowsi". Ces livres furent ajoutés à ceux de la Bibliothèque Publique Ma’âref après le congrès de Ferdowsi.

Le premier bâtiment consacré à la Bibliothèque Nationale de l’Iran

C’est vers la fin de 1313 (1934) que Mehdi Bayâni, directeur de la Bibliothèque Publique Ma’âref, proposa à Ali-Asghar Hekmat, Ministre de l’Instruction Publique, la création de la Bibliothèque Nationale de l’Iran. Cette proposition fut acceptée.

Ancien bâtiment de la Bibliothèque Nationale d’Iran

A la même époque, le "Musée Irân-e Bâstân [4]" était en construction. Il y avait un terrain inutilisé de 3500 mètres carrés à côté de ce musée. En 1315 (1936), Ali-Asghar Hekmat demanda à Rezâ Shâh Pahlavi [5] qu’une bibliothèque rattachée au musée y soit construite.

André Godard, architecte et archéologue français, fondateur et directeur du "Musée Irân-e Bâstân", a dessiné lui-même les plans du bâtiment du musée. Il fut chargé de dessiner également les plans de la bibliothèque afin que les deux bâtiments se ressemblent sur le plan architectural. Mais on décida que le bâtiment de la bibliothèque du musée, dont la construction fut presque achevée en 1316 (1937), soit confié à Mehdi Bayâni, directeur de la Bibliothèque Publique Ma’âref, à qui l’on avait confié la charge de créer la Bibliothèque Nationale d’Iran. Celle-ci devait s’appelait "Bibliothèque Ferdowsi", mais le nom "Bibliothèque Nationale d’Iran" fut adopté après quelques mois d’hésitation.

Les fondations du bâtiment de la bibliothèque occupaient une surface de 550 mètres carrés, et ce dernier était construit sur deux étages. Les deux salles de conférence, la salle des périodiques et les services techniques étaient situés au rez-de-chaussée. La salle de lecture (qui avait une soixantaine de places) et les magasins de livres étaient au premier étage.

L’année 1316, une année décisive :

En cette même année 1316, Rezâ Shâh ordonna que les exemplaires supplémentaires des livres de la Bibliothèque Royale soient remis à Mehdi Bayâni. Plus de 13 700 livres (imprimés ou manuscrits) de la Bibliothèque Royale furent ainsi transférés à la Bibliothèque Publique Ma’âref. La bibliothèque privée de Monsieur Aziz Nadmâï, qui était sous la responsabilité du roi après le décès de M. Nadmâï, fut également remise à la Bibliothèque Publique Ma’âref.

Nouveau bâtiment de la Bibliothèque Nationale d’Iran

A tout ceci furent ajoutés les 5000 livres (écrits en russe, français, allemand) de la bibliothèque d’une banque russe, fondée en Iran en 1268 (1889) avec l’autorisation du roi Nâssereddin Shâh Qâdjâr. Après la Révolution d’Octobre 1917 (c’est-à-dire en 1299 du calendrier iranien), les avoirs de cette banque furent remis au gouvernement iranien.

La Bibliothèque Nationale d’Iran vit officiellement le jour le 3 Shahrivar 1316 (août 1937), dans le bâtiment conçu pour abriter la bibliothèque du "Musée Irân-e Bâstân", avec environ 30 000 livres (imprimés et manuscrits) qui provenaient des différentes bibliothèques citées plus haut.

Le bâtiment conçu par André Godard pouvait contenir 40 000 livres au maximum. Le manque de place se fit donc sentir très peu de temps après la création de la Bibliothèque Nationale. On construisit un autre bâtiment à côté du premier, qui avait 570 mètres carrés de fondation, mais ceci n’était qu’une solution provisoire et le manque de place se fit à nouveau sentir après dix ans.

Le nouveau bâtiment de la Bibliothèque Nationale de l’Iran

La création d’une autre bibliothèque nationale, dont le fonctionnement serait plus conforme aux principes adoptés par toutes les grandes bibliothèques nationales du monde, était en cours d’étude pendant les années 50 du calendrier iranien (1970 à 1977 environ), étant donné qu’il y avait à cette époque en Iran des bibliothécaires et des documentalistes qui avaient reçu une formation universitaire dans ces domaines. On pensait alors construire un très grand bâtiment pour cette Nouvelle Bibliothèque Nationale.

La salle de lecture de l’ancienne Bibliothèque Nationale d’Iran

La Révolution Iranienne, puis les huit années de guerre entre l’Iran et l’Irak retardèrent ce projet, mais dès la fin de la guerre, en 1369 (1990), le gouvernement iranien remit à l’ordre du jour la question d’un nouveau bâtiment pour la Bibliothèque Nationale.

La construction du nouveau bâtiment commença en 1374 (1995) sur un terrain situé à proximité de l’actuelle station de métro Mirdâmâd. Une partie du projet fut terminée en 1383 (2004), ce qui permit de transférer la Bibliothèque Nationale dans le nouveau bâtiment peu après.

Les plans du nouveau bâtiment de la Bibliothèque Nationale d’Iran ont été dessinés par un architecte iranien, Youssef Shari’at-Zâdeh. Ce bâtiment de 97 000 mètres carrés a été conçu de manière à ce que les activités de la Bibliothèque Nationale puissent être réparties dans huit unités différentes toutes situées dans le même bâtiment, chaque unité étant spécialisée dans un domaine particulier : centre de conservation des livres, bibliothèque spécialisée pour les chercheurs en islamologie et en iranologie, les magasins (qui peuvent contenir sept millions de livres au maximum), etc.

La salle de lecture de la Bibliothèque Nationale d’Iran

Il y a cinq salles de lecture dans ce bâtiment : consacrées respectivement aux livres scientifiques, aux livres de référence, aux livres de sciences sociales, aux livres de sciences humaines et d’art, et enfin aux manuscrits. Les architectes ont également pensé à adapter le bâtiment aux nouvelles technologies ainsi qu’à la numérisation des documents, qui est en cours de réalisation.

Les bibliothèques existent depuis au moins vingt-cinq siècles. La Bibliothèque du Roi Assurbanipal à Ninive (626-668 av. J.C.) et celle d’Alexandrie furent parmi les premières bibliothèques dont les principes de fonctionnement étaient ceux d’une "bibliothèque nationale" : elles étaient une compilation des connaissances de leur époque ; des bibliothécaires instruits avaient la charge d’y assembler les publications de leur propre civilisation mais aussi celles des civilisations avoisinantes. Au cours de ces vingt-cinq siècles, la bibliothèque a eu la responsabilité de sauvegarder les sciences et les connaissances de l’humanité, et il en sera toujours ainsi, malgré les techniques numériques qui ont bouleversé le champ de la publication et de la diffusion des connaissances.


* L’historique de la Bibliothèque Nationale d’Iran figure en persan sur le site officiel de cette bibliothèque, à l’adresse www.nlai.ir

Notes

[1Le terme "ma’âref" signifie "connaissances, savoirs, sciences"

[2L’Ecole Dârolfonoun était considéré comme étant l’équivalent de l’Ecole Polytechnique.

[3Poète iranien (932-1020) dont le livre intitulé Shâhnâmeh (poème épique de 60 000 distiques, traduit en français sous le titre "Livre des Rois") retrace l’Histoire et les légendes de la Perse Antique.

[4Ce musée est consacré aux objets découverts lors des fouilles archéologiques en Iran. Le terme "bâstân" signifie "ancien, antique".

[5Fondateur de la dynastie Pahlavi. Il régna en Iran de 1925 à 1941.


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4 Messages

  • La bibliothèque Nationale d’Iran* 2 novembre 2011 01:42, par sofiane

    Bonsoir , je recherche un magnifique poème iranien que j’ai entendu sur une station radio française culturelle. Si mes souvenirs sont bons le titre est "il est lui" , à moins d’une erreur en tout cas chaque vers finissait par "il est lui", ils ont parlés de soufisme pendant la soirée.... Je vous serai plus que reconnaissant de m’envoyer sur ma boite mail le poème dans sa totalité ou un lien.

    Amicalement,

    Sofane.

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  • La bibliothèque Nationale d’Iran* 1er avril 2012 22:28, par rami

    monsieur le directeur de la bibliothèque national d’Iran.
    je suis un enseignant d’université algérien ; en sciences économiques. j’ai besoin d’une lettre d’accueil pour consulté vos font bibliothèques . si vous pouvez m’aider . envoyés moi svp une lettre d’accueil. parce que l’intellect iranien m’intéresse beaucoup. cordialement ...

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  • La bibliothèque Nationale d’Iran* 11 avril 2012 20:32, par KOUADIO Kouassi Affoué Brigitte

    Bonsoir Monsieur le Directeur de la bibliothèque nationale d’Iran,

    Je suis Documentaliste au Ministère d’Etat, Ministère des Affaires Etrangères de Côte d’Ivoire. Dans le cadre de l’approfondissement de mes connaissances, je souhaiterais visiter votre bibliothèque. A cet effet, J’ai besoin d’une lettre d’invitation de votre part et la période précise à laquelle vous pourriez me recevoir. En effet, tous mes frais sont en charge du Gouvernement de mon pays.

    Je vous, prie d’agréer, Monsieur le Directeur, l’assurance ma considération distinguée

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  • La bibliothèque Nationale d’Iran* 14 mars 2013 15:38, par ouali dada Abdel Hakim

    بسم الله و الحمد لله
    السلام عليكم و رحمة الله
    أنا الأستاد والي دادة عبد الحكيم . من جامعة تلمسان مختص في الدراسات اللغوية و اللسانية الحديثة لدي اهتمامات و بحوث في المجال ، لدي رغبة في زيارة مكتبتكم الموقرة، و اتمنى منكم موافاتي برسالة استقبال تبدون فيها قبول زيارتي لمكتبتكم ، و ستتحمل الجامعة الجزائرية تكاليف السفر و الاقامة.
    تقبلوا سيدي أسمى عبارات التقدير و الاحترام
    د/والي دادة عبد الحكيم

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