N° 48, novembre 2009

Les gouttes de mehr*, une exposition de photos qui ravive l’espoir


Djamileh Zia


Amir Hossein Heshmati dans son chalet à Kangelaan

Amir Hossein Heshmati a 48 ans. Il est ingénieur en électronique. Il travaille depuis 23 ans dans le domaine informatique, mais est surtout attiré par les beautés de la nature, où il passe la plupart de son temps libre. Il a construit lui-même un chalet sur un terrain vierge à Kangelaan [1], situé à environ trois milles mètres d’altitude dans les montagnes d’Alborz, à deux heures et demie de route de Téhéran, et y passe beaucoup de son temps libre. Il y a planté des arbres fruitiers dont il prend soin lui-même. Il a même construit la route pour y accéder. Pour partager avec les autres la beauté de ce lieu et des paysages environnants, il a décidé de créer un site internet - kangelaan.com - et d’organiser des expositions de photos. « J’ai toujours aimé photographier. Depuis un an environ, j’ai décidé de m’y mettre sérieusement et d’organiser des expositions. Ma première exposition de photos a eu lieu l’automne dernier, la deuxième a eu lieu il y a quelques mois, au printemps. Il s’agit là de ma troisième exposition », nous explique-t-il. Quant au thème de ses photos, il est plus à l’aise quand il photographie ce qu’il voit dans la nature, y ayant passé beaucoup de temps depuis son enfance.

La première exposition correspondait aux photos des arbres que l’on voit à l’entrée de son verger à Kangelaan. L’attention fut portée sur les cerisiers aux couleurs automnales, et un arbre âgé de trois ou quatre cents ans, dont les racines sorties du sol et les branches ont des formes bizarres, évoquant un dauphin, une tête de lion, une tête de cheval. Autant dire qu’Amir Hossein Heshmati a un regard scrutateur ; peu de détails lui échappent ; ses photos montrent rarement des paysages lointains. Sa troisième exposition est d’ailleurs centrée sur les petites choses qui passent souvent inaperçues : des gouttes d’eau qui reposent sur un pétale de fleur ou sur une petite feuille, qui pendent d’une petite branche d’arbre ou d’un petit insecte qui a gelé. Pour apprécier ces photos, il faut s’en approcher : certains détails ne sont pas visibles de loin. Amir Hossein Heshmati les indique aux visiteurs car il y a peu de chances qu’un œil non avisé les voit : une goutte pend d’une autre goutte qui a gelé, le soleil se reflète sur la feuille rouge d’un arbuste sauvage, on voit l’image du paysage environnant sur une goutte qui pend d’une branche, les traces de gel sont visibles sur une goutte, trois gouttes pendent côte à côte de trois baies sauvages... « A part le noyer et le tournesol, qui sont dans mon verger, toutes les plantes que j’ai photographiées sont sauvages. Elles poussent aux alentours de Kangelaan. C’est un endroit éloigné, difficile d’accès, que peu de gens connaissent », explique-t-il. Amir Hossein Heshmati ne connaît pas le nom de ces plantes mais il sait où les trouver, parce qu’il est un habitué de la montagne. « Je fais de l’escalade. Je vais donc à des endroits dont peu de personnes ont pris des photos car beaucoup de ceux qui font de l’escalade ne sont pas forcément photographes. Je connais presque toutes les montagnes de la moitié nord de l’Iran et je sais où se trouve telle ou telle plante, tel ou tel paysage ; je sais où aller pour photographier ce que je veux » dit-il.

Les gouttes de pluie sur les feuilles d’un arbuste sauvage
Un insecte gelé sur une branche ; une goutte pend à son extrémité

Sur l’une des photos, une goutte pend d’un insecte. Amir Hossein Heshmati dit : « C’est triste, parce que l’insecte a gelé sur la branche ; c’est pour cela qu’une goutte pend à son éxtrémité. J’ai pris cette photo l’automne dernier. Il avait plu la veille et la nuit était froide. Quand je suis allé à Kangelaan le matin, les plantes étaient encore mouillées. Je savais que cela allait être ainsi ; je m’étais donc équipé pour photographier les gouttes d’eau ».

Amir Hossein Heshmati ne photographie pas uniquement la nature. Il s’intéresse également aux bâtiments et à l’architecture des villes. « J’ai une autre collection de photos, que je compte exposer un jour. Je l’ai intitulée « Très froid ». Ce sont des photos que j’ai prises, en hiver, de l’intérieur des maisons du village situé près de Kangelaan. L’hiver est très froid dans cette région et l’électricité est régulièrement coupée à cause des neiges abondantes. Sur mes photos, on voit les moyens avec lesquels les villageois se chauffent et les lanternes qu’ils utilisent pour avoir de la lumière. Ce sont des photos que j’ai prises très tôt le matin, par temps nuageux, avec très peu de lumière ; les couleurs sont donc très froides », dit-il. Par contre, les couleurs des photos de cette troisième exposition sont vives et éclatantes ; c’est surprenant, car on ne s’attend pas à ce que le paysage soit aussi coloré à près de trois mille mètres d’altitude. « Je ne fais subir aucun traitement informatique à mes photos, bien que je photographie avec un appareil digital ; toutes les couleurs sont naturelles. », dit Amir Hossein Heshmati, ajoutant qu’il a voulu que cette exposition soit une multitude de couleurs vives : la fleur mauve qui pousse en automne, le pétale jaune d’un tournesol, les feuilles vertes ou rouges des arbustes sauvages. « Je prends la plupart de mes photos tôt le matin, quand le soleil se lève », souligne-t-il. Ces photos prises au lever du soleil, aux couleurs variées, avec toutes ces gouttes d’eau qui rassasient les plantes, revigorent le spectateur par l’espoir qu’elles transmettent. Finalement, même la photo de l’insecte gelé n’est pas si triste que cela avec le coin de ciel bleu matinal qui prolonge les branches rouges d’un arbuste : la vie est là.

L’une des maisons du village situé près de Kangelaan
Une fleur sauvage en automne

« Il y a toujours de l’espoir dans mes photos. Mon exposition précédente, qui a eu lieu au printemps, avait justement pour titre L’espoir. J’avais pris des photos de plantes qui font fondre la neige par leur propre chaleur et peuvent ainsi sortir du dessous de la neige », nous explique Amir Hossein Heshmati, avant d’ajouter : « En montagne, beaucoup de choses doivent être au point et bien préparées pour que l’on puisse réaliser le projet que l’on a en tête, car le temps peut se dégrader brusquement. Il faut surtout savoir comment se protéger. On ne peut rien entreprendre dans la montagne sans avoir de l’espoir. L’espoir est nécessaire ne serait-ce que pour supporter le vent, la pluie et les conditions climatiques des hauteurs ».

Gageons que les photos d’Amir Hossein Heshmati de l’intérieur des maisons des montagnards pendant l’hiver transmettront tout autant un message d’espoir et de vie, ne serait-ce que par la lueur des lanternes quand l’électricité est coupée. L’espoir est à chercher dans les petites choses, les détails : une goutte d’eau, une petite plante qui sort de la neige grâce à sa propre chaleur ou une lueur de lanterne.

La plante fait fondre la neige autour d’elle grâce à sa propre chaleur

* Les gouttes de mehr est le titre qu’a choisi Amir Hosein Heshmati pour sa troisième exposition de photos, qui a eu lieu du 16 au 23 mehr 1388 (8 au 15 octobre 2009) à la galerie Vâli à Téhéran. Mehr signifie « tendresse » et « bienveillance » en persan. Mehr (ou Mithra) est également le nom d’un dieu iranien de l’Antiquité, représenté par la lumière de l’aurore, symbole de l’amitié, de la loyauté et de la fidélité à la promesse. Sa naissance pendant la nuit la plus longue de l’année, au cœur de l’hiver, annonce le printemps à venir et invite à ne pas perdre espoir lors des temps froids et difficiles.

Notes

[1Prononcez « Kanguélân »


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