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Chayan Khoï naît en 1963 à Téhéran, où il grandit entre un père écrivain et une mère enseignante. Il y restera jusqu’en 1979, date à laquelle il quitte son pays d’origine, l’Iran, pour venir faire ses études à Grenoble, en France. Il a alors seize ans. L’artiste est un autodidacte-né, un homme de terrain, qui, de la photographie au numérique en passant par le photo-journalisme et le grand reportage, a tout appris par lui-même. Il commence à photographier dans les années quatre-vingt pour payer ses études d’architecture et se découvre alors très vite une passion pour ce médium. Il décide alors de s’établir dans la capitale pour parfaire son cursus universitaire dans une école de design, et travaille en parallèle comme photographe de mode. Quelques années plus tard, il se lance dans le grand reportage et exécute de nombreuses commandes pour la presse spécialisée, commandes au travers desquelles il façonne ses techniques photographiques et se forge un style. Petit à petit, l’amateur se professionnalise et, fort de ses acquis journalistiques, abandonne définitivement l’architecture et le design pour se consacrer à des travaux de nature plus personnelle.
Commence alors sa carrière de photographe sans frontières. Chayan Khoï entreprend un véritable travail de mémoire pour les générations futures afin d’immortaliser par ses clichés tout ce que la planète bleue compte de merveilleux. Des chefs-d’œuvre qu’il estime plus que jamais menacés par les hommes, les guerres, les catastrophes naturelles, les cataclysmes écologiques et les armées de touristes. Il multiplie les expéditions en solitaire et s’engage photographiquement dans la lutte contre tous les spasmes qui gangrènent cette terre à préserver - et qu’il condamne sans misérabilisme. De pérégrinations en périples, ce globe-trotter accumule en quelques années des négatifs par milliers, avant de se projeter bientôt vers d’autres domaines d’expérimentations insufflées cette fois par la révolution numérique.
En précurseur, le reporter s’intéresse à ces technologies d’avant-garde, riches de potentialités, qui ont beaucoup à offrir au milieu artistique - notamment en matière de traitement de l’image. Il se saisit de cette nouvelle réalité virtuelle qui très vite métamorphose tout l’univers photographique et sans attendre, se met à l’épreuve du numérique. Après avoir trié puis numérisé l’intégralité de la banque d’images argentiques qu’il vient de se constituer sur une gigantesque base de données informatiques, il entame ses premières esquisses électroniques - qu’il qualifie de “cyberréalistes”. Chayan Khoï dépose alors le terme, et fait du Cyberréalisme son faire-valoir de média. Il compose ainsi, au clavier et à la souris, une première série de photomontages intitulés À la recherche des cités perdues (1992-1996), série qu’il développe ensuite à l’aide d’ordinateurs, de scanners et de logiciels beaucoup plus performants sous le dénominatif de Nomad’s Land (1997-1999). Il parachève enfin cet ensemble avec l’aide des meilleurs laboratoires parisiens et de leurs équipements de pointe, par une dernière série d’images, baptisées Lost Worlds (2000- 2001). Un terme générique qui lui permet de fédérer toutes les thématiques des images digitales qu’il a créées au cours des dix dernières années ; images qui, elles, ne portent aucun titre, l’artiste estimant que chacun est libre de les interpréter à sa manière et de les poétiser sur le phrasé qui est le sien.
Le paysage devient d’emblée le vecteur de ses représentations et se matérialise par des panoramas virtuels, des vues “surréelles”, qui jouent sur des variations d’architectures, de natures, de cultures. Des fresques digitales très picturales, éthérées comme autant de mirages, illusoires, dans lesquels prospectives futuristes, vestiges des civilisations anciennes et symboliques actuelles viennent s’enchevêtrer. Des trompe-l’œil sur circuits imprimés dont Chayan Khoï s’est fait le spécialiste, même si désormais, à l’orée du nouveau millénaire, il entend se consacrer à d’autres projets, en particulier aux peuplades de contrées qu’il n’a jusqu’alors qu’effleurées ; peuples qui pourraient bien être amenés à disparaître, comme le reste, si personne n’y prend garde. Peuples dont il rêve de faire l’inventaire, au travers de toute une gamme de “photomontages de genre”, de collages de facture digitale et tribale, avant qu’il ne soit trop tard. Un grand dessein d’artiste que celui d’éterniser par des assemblages à la représentativité hybride, tous les clans, toutes les fratries, des plus archaïques aux plus civilisées, que compte la mappemonde. Des métissages de personnages et de scènes hors d’âge qui, une fois sublimés par ce chaman de l’image, se changeront en fictions, contes et fables sur les errances et les mouvances universelles des sphères contemporaines.
Chayan Khoï travaille en parallèle à la création de pièces mixtes, satellisées autour de tout un ensemble de développements multimédias dont il n’a pas fini d’explorer les champs d’investigations artistiques. Il espère ainsi concevoir, par le biais notamment de toutes ces nouvelles technologies qui s’offrent à lui, d’importantes installations entièrement digitalisées en intégrant, entre autres, des systèmes d’interactivité affiliés aux dernières innovations audiovisuelles, dont la 3D et, immanquablement, l’internet. Et, dans un registre plus léger, il vient de se lancer dans la réalisation de petites animations, autour des univers propres à chacune de ces images dont la mise en scène high-tech et maints scénarii allégoriques d’une virtualité et d’une beauté sans pareilles. Enfin, l’artiste retourne à ses premières amours, la peinture, et prépare sur la base de ses derniers tirages photographiques grands formats des montages picturaux aux couleurs acryliques, aux pigments terres, aux acides corrosifs. La matière se substitue à l’image numérique, se dissout dans les sels d’argent des plaques d’aluminium, s’amalgame en plaque opaque dans la masse, souligne ça et là quelques détails. Une cyberabstraite de peinture, peut-être.