Tente bakhtiâri

La tribu Bakhtiâri, forte de quelque 8000 personnes, habite dans la partie centrale de l’Iran. Bien que seul un tiers des Bakhtiâri soit toujours nomade et que les deux tiers se soient définitivement sédentarisés, s’occupant en particulier d’agriculture, c’est bien la culture et les traditions nomades qui représentent cette ethnie iranienne. Précisons cependant que le nomadisme est de plus en plus délaissé par les Bakhtiari qui lui préfèrent désormais la vie urbaine.

Les Bakhtiâri s’occupent généralement d’élevage et de production laitière. La transhumance a lieu annuellement à la fin de l’été, depuis la région du Tchahâr Mahâl va Bakhtiâri, vers les plaines plus chaudes durant l’hiver de la province du Khouzestân. Cette migration annuelle est semée d’embûches naturelles, d’où son intérêt anthropologique. Durant cette migration, les Bakhtiari doivent passer par les hauteurs de plus de 3000 mètres de l’immense massif du Zagros, en prenant soigneusement en compte le temps qui leur est donné pour migrer avant les premières neiges et les crues des rivières de montagne. La migration annuelle dure entre 4 et 6 semaines.

Les Bakhtiâri parlent un dialecte lori et sont chiites. Au temps du Shâh, le chef de la tribu était désigné par le roi lui-même et les Bakhtiâri, fiers guerriers, étaient sous ses ordres. Aujourd’hui, ce système a disparu. La forte cohésion interne de cette tribu joua un rôle primordial durant plusieurs épisodes importants de l’histoire contemporaine iranienne, notamment la Révolution constitutionnelle, l’occupation du sud du pays par les Anglais et la guerre Iran-Irak. C’est en particulier au moment de la prise du pouvoir par les Qâdjârs que les Bakhtiâri ont commencé à avoir un certain poids politique, puisqu’ils décidèrent de soutenir le jeune prince qâdjâr prétendant au trône. Plus tard, ils combattirent de nouveau aux côtés des Qâdjârs durant les guerres irano-russes du XIXe siècle. Après la prise du pouvoir par Rezâ Pahlavi, ce dernier s’efforça immédiatement de réduire l’influence des Bakhtiâri, en ordonnant notamment des exécutions de chefs bakhtiâri ainsi qu’en imposant la sédentarisation forcée des nomades. Plus tard, durant le règne de son fils, Mohammad Rezâ Pahlavi, la faiblesse du gouvernement leur permit de retrouver une partie de l’influence perdue durant le règne du premier Pahlavi.

Nomades bakhtiâri

L’origine des Bakhtiâri

Deux hypothèses générales existent quant à l’origine de la tribu Bakhtiâri : certains démographes les considèrent comme des Perses, notamment au vu des origines linguistiques de leurs dialectes et nombre de leurs coutumes. Parmi ces spécialistes, citons William Lorimer, ancien sénateur et orientaliste américain, qui a longuement travaillé sur la langue et les dialectes Bakhtiâri. D’après lui, non seulement les spécificités linguistiques, mais également physiques et culturelles font des Bâkhtiâri un peuple perse s’étant réfugié dans les montagnes du Zagros au VIIe siècle, durant l’invasion arabe. Iraj Afshâr, chercheur et iranologue iranien, partage cet avis : « Il y a une indéniable ressemblance entre les modes vestimentaires des femmes bakhtiâri et ceux des femmes zoroastriennes de l’époque sassanide. De plus, la langue des Bakhtiâri est proche de la langue pahlavi de l’époque sassanide et les mots turcs et arabes y sont très rares. »

Pour d’autres chercheurs, les Bakhtiâri ne sont pas à l’origine Iraniens. C’est notamment l’avis d’Albert Houtum-Schindler, chercheur anglo-germain du XIXe siècle, qui les considérait comme d’origine turque mongole, entrés en Iran entre 1600 à 600 av. J.-C. Précisons que son hypothèse se basait sur les mensurations anthropométriques établies, selon des critères définis par Houtum-Schindler lui-même, des crânes des Bakhtiâri.

La région des Bakhtiâri

Géographiquement, les Bakhtiâri vivent dans les régions montagneuses du Zagros dans le sud-ouest de l’Iran. La province d’Ispahan couvre l’est ainsi qu’une partie du nord de cette région. Au nord, on les trouve également dans la province du Lorestân, au sud dans celle de Kohkilouyeh va Boyer Ahmad, et dans celle du Khouzestân à l’ouest.

La région habitée par les Bakhtiâri comporte les chefs-lieux de Dârân et Fereydoun Shahr (d’Ispahan), Aligoudarz (du Lorestan), Dezfoul, Andimeshk, Masjed Soleymân, Izeh et Shoushtar (du Khouzestân), Boroujen, Lordegân et Farsân (de Tchahar Mahâl va Bakhtiâri).

Cette région est climatiquement divisée en deux zones froide et chaude, ou quartier d’hiver et quartier d’été. Dezfoul, Andimeshk, Masjed Soleymân, Izeh et Shoushtar sont parmi les quartiers d’hiver et Dârân et Fereydoun Shahr, Aligoudarz, Lordegân, Farsân et Boroujen font partie des quartiers d’été. La superficie de la région Bakhtiâri est de 39 900 km2.

Tapis bakhtiâri
(motifs de Shahr-e Kord)

Les us et coutumes des Bakhtiâri

La tribu Bakhtiâri est organisée sur le modèle patriarcal où les responsabilités et les décisions sont à la charge des hommes, qui doivent également subvenir financièrement à tous les besoins de la famille. La vie sociale est fortement influencée par les relations inter-familiales et inter-claniques et la solidarité y est forte, quelle que soit l’activité menée. Les terres sont conservées grâce à un système de mariage inter-tribal. Un Bakhtiâri tient à la chasse autant qu’à son arme et les nomades bakhtiâri ne se déplacent jamais sans leur arme, aujourd’hui bien souvent une forme de massue, du fait de l’interdiction du port d’armes à feu. Les fusils ne manquent cependant pas et l’équitation et le tir, faisant partie des mœurs bakhtiâri, sont deux pratiques importantes enseignées tôt aux enfants.

L’agriculture

L’agriculture est avec l’élevage l’activité la plus importante des Bakhtiâri, qui cultivent notamment du blé et de l’orge dans une région montagneuse et couverte aux trois quarts de forêts luxuriantes. Précisons que les méthodes d’irrigation étant encore assez rudimentaires, la moisson dépend foncièrement de la pluviosité annuelle.

Les Bakhtiâri sont reconnus pour leurs valeurs guerrières

Tissage de tapis

Chez les Bakhtiâri, les femmes et les filles tissent traditionnellement de beaux tapis régionaux, marqués par la variété des couleurs et ornés généralement de motifs floraux et de lierres. Cependant, cette production artisanale ne couvre que la région Bakhtiâri elle-même et il n’y a pas d’exportation de ces tapis.

Vannerie

Les femmes Bakhtiâri sont également adroites en vannerie, bien que leur production soit réservée à leur propre usage. Les deux objets les plus courants sont le korok, sorte de panier cylindrique en osier utilisé pour garder des poules ; l’autre, surnommé « le salé » est un grand plateau rond et creux en osier, qui sert à nourrir le bétail. On utilise pour cet artisanat des rameaux de saules et d’amandiers, souvent sans être dépouillés de leur écorce.

Bibliographie :
- Khosravi, Abdolali, Farhang-e Bakhtiâri (Dictionnaire bakhtiâri), Enteshârât-e Farhangsarâ, Téhéran, 1368 (1989).
- Sarlak, Rezâ, Adâb o rosoum o farhang-e âmiyâneh-ye il-e Bakhtiâri-e Tchahâr lang (Traditions et culture populaire de la tribu Bakhtiâri des Tchahâr lang), Enteshârât-e Tahouri, 1385 (2006).
- Digard, Jean-Pierre, Techniques des nomades baxtyâri d’Iran, traduit en persan par Asghar Karimi, Mo’âvenat-e farhangui-e Astân-e Qods-e Razavi ; Gorouh-e djografiyâi-ye pajouhesgâh-e eslâmi, Mashhad, 1369 (1990).
- Amirahmadiân, Bahrâm, Pajouheshi darbâreh-ye il-e Bakhtiâri (Recherche sur la tribu Bakhtiâri), Nashr-e Agâh, Téhéran, 1387 (2008).


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