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La musique puise ses racines dans les pensées les plus profondes de l’homme et nous révèle ses états d’âme. Le calife abbasside Mansour s’intéressait passionnément aux œuvres grecques et ce fut durant le règne d’Haroun, cinquième calife abbaside, que cet intérêt atteignit son point culminant. Ce fut donc à cette époque que le mot arabe "ghina" (chant) fut remplacé par un mot d’origine grecque : musique. Ce terme revient souvent dans un livre de Khârezmi intitulé Meftah-ol-oloum ainsi que dans d’autres documents datant du IVe siècle de l’hégire. Ce dernier définit la musique comme étant "l’union des chants". Il ajoute par ailleurs que tout air harmonieux que l’homme se réjouit d’entendre est de la musique.
Les savants ont récemment découvert l’aspect mathématique qui organise les sons plaisant à l’oreille ; les chiffres jouent, par conséquent, un rôle primordial dans le monde de la musique. Pythagore estimait que les nombres sont à la base de toute création et les disciples de ce dernier supposaient que les mélodies résultent du mouvement des corps célestes. Selon Avicenne, la musique serait, tout d’abord, une discipline mathématique traitant des airs et des distances temporelles, notions qu’il est indispensable de maîtriser afin de pouvoir composer des pièces de musique. Fârâbî définit la musique, quant à lui, comme étant une science qui se donne le devoir d’étudier les divers sons et se divise en deux branches principales : la musique théorique et la musique pratique ; division qui demeure employée jusqu’à nos jours. D’après Platon, la musique donne des ailes à l’âme, fait naître de nouvelles idées et anime tout être humain.
Né au milieu des chants de la nature, l’homme s’est toujours senti attiré par la musique dès les premières années de son existence. Au cours de son évolution, l’être humain s’est rendu compte, très tôt, de l’influence des sons sur ses diverses activités. C’est en imitant les sons de la nature qu’une branche des arts est née. Les hommes de la caverne fredonnaient des airs pour surmonter leur peur et rendre culte aux Dieux ; ces mélodies se transformèrent graduellement en diverses sortes d’hymnes et de cantines. L’homme exprime des sentiments tels que la peur, la tristesse, la haine et la joie par le biais de la musique, la danse et la parole, car elles sont nées avec lui.
La musique proprement dite est née à partir du moment où l’homme fut en mesure d’exprimer ses états d’âme à travers la mélodie et de reproduire les rythmes existant dans la nature.
La musique fit l’objet de plusieurs mythes transmis de génération en génération au cours de l’histoire, car les premiers hommes estimaient que la musique est un don des dieux. Les anciens Japonais croyaient que la déesse du soleil s’était un jour mise en colère pour ensuite se dissiper. Pour refaire la paix, ils se mirent à chanter une belle chanson, après quoi le soleil sortit de sa cachette pour briller de plus belle à l’horizon. Suivant cette tradition, les Japonais chantent même aujourd’hui lors des éclipses.
Les Grecs, quant à eux, rendaient hommage à Hermès, dieu du commerce, pour leur avoir fait cadeau de la musique. Un jour, alors qu’Hermès se promenait sur la côte de la Méditerranée, il eut une idée géniale : il attacha les cordes volées par son frère Apollon à la carcasse d’une tortue pour fabriquer une lyre !
Les Arabes estiment par contre que Caïn chanta la première élégie de l’histoire, à l’occasion du deuil du son frère Abel dont il fut le meurtrier.
Carl Stumpf, professeur éminent de philosophie à l’université de Berlin estime, pour sa part, que le père de la musique est l’homme premier qui communiquait à l’aide de sons et de cris.
A partir de ces mythes mentionnés, nous pouvons conclure que la musique a toujours été l’âme sœur de l’homme ; mais plusieurs questions se posent néanmoins sur ses origines, car l’histoire de la musique se mêle bien souvent à diverses légendes. La musique, la danse et le chant puisent depuis toujours leurs racines dans la culture de tous les peuples de la terre et ont occupé bien souvent une place de choix dans les cérémonies d’ordre religieux, mais il fallut attendre plusieurs siècles avant que la musique devienne une discipline indépendante.
Les débuts de la musique occidentale remontent à la Grèce antique, alors que celle du monde oriental trouve ses racines en Perse, mais il demeure impossible de donner une date situant précisément l’invention de la musique.
Les événements historiques, les révolutions et les civilisations ont un rôle central dans la formation de la musique de chaque nation. Concernant l’histoire de la musique persane, nous ne disposons pas d’informations valides étant donné qu’elle apparut à une époque où l’historiographie n’existait pas encore. En outre, l’histoire tumultueuse de l’Iran, et notamment les innombrables attaques étrangères et les crises intérieures ont fait disparaître le peu de documents qui existaient à ce sujet.
D’après certains orientalistes, la musique perse date de l’époque achéménide. Après l’attaque d’Alexandre, sous les ères séleucide et arsacide, la civilisation grecque influença l’Iran et une grande évolution se fit sentir dans le domaine de la musique persane. La formation classique de la musique dite "persane" date de l’époque des Sassanides, et notamment de celle du règne de Khosrôw Parviz qui soutenait les musiciens. Parmi les grands musiciens de cette époque, on peut notamment citer Ramtine, Bâmshâd, Bârbod, Nakissa, Azâd, et Sarkesh. Parmi ces musiciens, Bârbod demeure le plus célèbre de par son génie de compositeur. Il aurait composé près de 360 mélodies. La musique de l’époque sassanide a ainsi constitué le noyau de la musique de la civilisation islamique.
Après l’Islam, la musique persane a connu une longue période de décadence. Cependant, à l’époque des Abbassides, qui gouvernaient leur cour à la façon des Sassanides, la musique profane connut de nouveau un âge d’or. Parmi les grands musiciens de cette époque, on peut citer Avicenne, Abolfaradj Esfahâni, Issaq Mosseli, Ibrâhim Mosseli, Abounasr Fârâbî, Abdolqâder Marâqi et Qotbeddine Mahmoud Shirâzi. Aux époques safavide et qâdjâre, la musique était essentiellement une discipline pratiquée à la cour du roi. Au début du XXe siècle, avec l’augmentation des influences occidentales, une musique persane teintée de certaines influences étrangères connut une diffusion sur l’ensemble du territoire iranien. En 1930 fut également fondée l’Académie Supérieure de Musique à Téhéran, ainsi que l’orchestre symphonique. Aux côtés de ces nouvelles institutions, des concerts de musique traditionnelle persane étaient également organisés, notamment grâce aux efforts de ’Alî Naqi Vaziri. Après la Seconde Guerre mondiale, la musique persane subit un important processus d’occidentalisation, qui fut notamment renforcé à la suite de l’organisation de nombreux festivals internationaux qui accueillaient des artistes et musiciens du monde entier. En outre, l’Académie Supérieure de Musique, l’Académie de Musique Nationale et la Faculté de la Musique de l’Université de Téhéran ont formé de nombreux étudiants dans les disciplines telles que la musicologie, la composition occidentale et la musique traditionnelle persane. Qolamhossein Darvish (1251-1305), les professeurs Rouhollah Khâleqi (1285-1334), Abolhassan Sabâ (1281-1336), Alî Naqi Vaziri, et Mohammad Taqi Mas’oudi, comptent parmi les grands musiciens de cette époque.
Les premiers iraniens sont des indo-européens ayant immigré en Oxus (Asie centrale) où ils se sont progressivement établis. Veda ha constitue leur plus ancienne œuvre littéraire et est le livre sacré des Indiens. Cet ouvrage comprend quatre parties dont l’une s’intitule "Rigas" ; "Rig" signifiant "hymne" en sanscrit et "veda" signifiant "connaissance". Cette partie de Veda ha contenant chants et hymnes religieux constitue donc un patrimoine musical commun aux Indiens et aux Iraniens. Dans l’Avesta, le livre sacré des Zoroastriens, qui est également l’une des plus anciennes œuvres littéraires et religieuses des Iraniens, la partie la plus ancienne est celle des "Gâthâ" qui contient les hymnes et les cantiques des Zoroastriens. Ceux-ci les chantaient en les accompagnant par de la musique.
A l’époque antique, la musique était aussi un moyen de communication. Par exemple, les premiers instruments de musique étaient les tambours que l’on utilisait pour annoncer une nouvelle. Au fur et à mesure, la musique s’est peu à peu transformée en un rite et fut très présente dans les cérémonies religieuses, les fêtes et les funérailles.
A l’époque des Achéménides, il existait trois sortes de musique : religieuse, militaire et lyrique. La musique religieuse accompagnait souvent des hymnes et les "gâthâ". La musique militaire était jouée au moment de la guerre et était destinée à renforcer le courage et la bravoure des troupes. De même, on jouait du cor pour annoncer le départ des armées. La musique lyrique a depuis toujours existé dans la civilisation persane. Elle avait ses propres instruments dont on jouait de façon très particulière. Ferdowsi, dans son grande œuvre du Shâh-Nâmeh, fait également de nombreuses allusions aux instruments de musique lyrique, aux chants et aux mélodies. A cette époque, les instruments étaient essentiellement divisés en deux catégories : ceux destinés à la musique militaires et ceux à la musique lyrique. Parmi les instruments de l’époque, on peut notamment citer le sheypour (cor), ney, barbat, tonbak, kous, karnay, sornâ, tabl, dohol, djam, djoldjol, kharmohre, damamé, khom, gâvdom, nâqous et sandj.
L’entrée d’Alexandre en Iran s’est traduite par une augmentation des influences grecques au sein de la civilisation persane. Alexandre, qui était disciple d’Aristote, s’intéressait beaucoup à la philosophie. A cette époque-là, la philosophie entretenait des liens étroits avec la musique ; et la plupart de ceux qui avaient des connaissances en philosophie savaient également les bases de la musique. On peut également retrouver dans le Shâhnâmeh de Ferdowsi le nom de quelques instruments de musique qui sont en rapport avec Alexandre tels que le ney, kous, tabiré, karnay, darây, roud, etc.
Basés à l’Est de l’Iran, les Arsacides ou les Partes étaient de race aryenne et combattirent les Séleucides. Leur langue était le pahlavi et leur écriture était l’Araméen, dont on peut retrouver les racines à l’époque des Achéménides. Leur religion était le Zoroastrisme. De nombreuses œuvres musicales lyriques et imagées datent de cette époque ; le thème de la musique étant également omniprésent dans les représentations picturales. Les instruments de musique de cette époque sont identiques à ceux de l’époque des Séleucides et des Achéménides, dont la plupart était des instruments de musique militaire. De même, il ne faut pas oublier l’influence des civilisations grecque et romaine sur la civilisation persane de cette époque. Durant cette période, les chanteurs, musiciens, poètes et artistes étaient appelés "Goussân". Les Achiq d’Azerbaïdjan, les Motreb du Lorestan et les Bakhch du Khorassan sont les héritiers des Goussân. Selon l’orientaliste anglaise Mary Boyce, à l’époque des Partes, la musique était un élément important dans l’éducation des enfants. La musique de cette époque a beaucoup influencé la musique d’Arménie.
Les Sassanides ont régné quatre siècles en Iran et leur époque est considérée comme la plus brillante de la musique persane. Cette dynastie fut fondée par Ardeshir Bâbâkân et l’arrivée de l’Islam en Iran en 21 de l’hégire lunaire puis la mort de Yazdgerd III, dernier roi sassanide, mirent fin à leur règne. Avec la présence des personnages comme Mâni et Mazdak, de nombreuses œuvres littéraires et artistiques fleurirent en Iran.
L’attention particulière que les rois sassanides prêtaient à la musique favorisa également son épanouissement et la diversité de ses répertoires. A la suite d’Ardeshir Bâbakân, Anoushiravân, surnommé "Le Juste", respecta beaucoup les droits des artistes. Enfin, Bahrâm Gour, quinzième roi sassanide, eut de bonnes connaissances en musique et improvisa régulièrement des Odes. Il conféra également aux musiciens une place de choix à la cour. Mais c’est à l’époque de Khosrô Parviz que la musique atteint son apogée. Bârbod, Râmtine, Sarkesh, Bâmshâd, Azâdeh et Arézou sont les grands génies de la musique de cet âge d’or. La protection et l’admiration des rois sassanides pour les musiciens assit donc les bases de la musique en Iran qui suscita alors un intérêt populaire croissant.
Les instruments de musique de l’époque des Sassanides sont également très nombreux et plus variés comparé à ceux des époques précédentes : tching, barbat, nay, sheipour, sornâ, santour, dohol, naqâre, tonbak, tinbour, tâs, karnây, robâb, qâchoqak, arqanoun, shishak, shamshir, gâvdom, borqou, bouq, sepidmohreh, sour, nafir, djaras, tchalab, dabdabeh, tabireh, zing, sendj, etc.
La musique de l’époque sassanide est considérée comme étant la source de toutes les formes de musique persane ayant émergées au cours des époques suivantes, et ses influences demeurent perceptibles jusqu’à aujourd’hui.