N° 21, août 2007

Ghâneï


قانعی طوسی

Arefeh Hedjazi


Le Roi des poètes Amir Bahâ’eddin Ahmad ebn Mahmoud Ghâneï Toussi (احمد بن محمود قانعی طوسی) est l’un des grands poètes persans de l’Asie Mineure et l’un des premiers poètes persanophones de cette région. Il naquit vers la fin du VIème siècle à Tous et vécut dans cette ville jusqu’au début de l’invasion moghole, se perfectionnant de plus en plus dans la maîtrise de l’art poétique. Ce poète est l’un des rares artistes de cette époque à avoir survécu à la férocité et à la virulence des massacres qui ont accompagné l’invasion moghole. Son nom et ses titres sont cités dans le Manâgheb-el-Arefin d’Aflaki et dans l’ouverture et l’épilogue du Kelileh va Demneh versifié de Ghâneï. L’unique manuscrit découvert du Kelileh va Demneh, datant de l’an 1458, est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque de Londres.

C’est en entrant au service des rois seldjoukides de l’Asie Mineure qu’il obtint le titre de Roi des Poètes et celui d’Amir, les deux titres étant simultanément accordés par les rois de cette dynastie aux grands poètes.

Dans l’un de ses poèmes, Ghâneï use de son patronyme Toussi pour se désigner, mais son nom de plume est Ghâneï.

Nous savons peu de choses de sa vie et les éléments biographiques de l’existence de ce poète se restreignent aux informations qu’il donne au début de son Kelileh va Demneh, ainsi qu’à quelques renseignements biographiques cités dans le Manâgheb-el-Arefin d’Aflaki.

Le Kelileh va Demneh s’ouvre sur quelques vers autobiographiques que Ghâneï cite pour préciser l’historique de son travail. Dans ce prologue, il rappelle qu’au temps de l’invasion moghole et des dévastations consécutives à cette invasion, où le Khorâssân entier était dévasté et sa population massacrée, lui, Ghâneï, continuait d’y vivre, s’occupant de poésie et s’y illustrant assez bien pour que les Grands et les émirs de la région fussent ses fervents mécènes. Mais quelques temps plus tard, le roi Khârazmshâh, tentant désespérément de réunir une nouvelle fois son armée en déroute, quitta sa capitale pour se réfugier dans l’ouest iranien, puis sur les bords de la mer Caspienne. C’est alors que Ghâneï, qui s’occupait alors de poésie et de rhétorique, voyant la désertion du roi et la déroute de l’armée face à l’ennemi, décida lui aussi de quitter le Khorâssân, et il prit en fugitif le chemin de l’Inde. Mais il ne put y vivre et rejoignit Aden et Sanaa par voie maritime. D’Aden, où il ne put demeurer, il prit le chemin de Médine qu’il ne fit que visiter et continua sa route vers la Mecque, qu’il quitta au bout de très peu de temps pour Bagdad. Il choisit finalement l’Asie Mineure pour s’arrêter et devint poète à la cour des Seldjoukides de cette région en se mettant au service du roi Alla’eddin Keyghobâd le Seldjoukide. Il devint très vite le panégyriste le plus célèbre de toute l’Asie Mineure et obtint du roi bon nombre de précieux cadeaux. Après avoir assuré sa place à la cour seldjoukide, il se lança dans la versification de son Saldjoughnâmeh (Livre de Saldjough), tout en restant le poète officiel des trois souverains seldjoukides suivants, Ghiasseddin Keykhosrow le Second et Ezzoddin Keykâvouss le Second, sous le règne duquel il versifia son Kelileh va Demneh.

L’on sait également qu’après avoir dédicacé le Kelileh va Demneh à Ezzoddin Keykâvouss, il survécut à la mort de ce roi et demeura le poète officiel de Roknoddin Ghaladj Arsalân et de Ghiasseddin Keykhosrow le Troisième, respecté de tous, dans le royaume seldjoukide de l’Asie Mineure qui vivait alors sa décadence et approchait de sa fin.

Il fut l’un des fervents élèves de Molawi, auprès duquel il cherchait le secret de l’Etre, et à la mort du grand maître soufi, Ghâneï composa un poème à sa mémoire, poème qui fait partie d’un recueil élégiaque à la mémoire de Molawi, rassemblé par Mo’inoddin Parvaneh.

Nous ignorons la date exacte de sa mort, mais il est fortement probable qu’elle ait eu lieu peu de temps après la mort de Molawi en 1273.

Les œuvres de Ghâneï

Des œuvres de Ghâneï, il reste aujourd’hui peu de pages. Mais l’on peut citer deux de ses ouvrages connus, le Kelileh va Demneh versifié, dans le prologue duquel il parle des quarante ans de sa vie passée à chanter la gloire des Seldjoukides de l’Asie mineure, et le Saldjoughnâmeh, une œuvre versifiée dans laquelle Ghâneï décrit l’histoire des Seldjoukides depuis la fondation de cette dynastie. Et comme il le précise lui-même dans son Kelileh va Demneh, cet ouvrage est dédicacé à Ghiasseddin Keykhosrow et à Alla’eddin Keyghobâd.

D’après les premiers vers du Saldjoughnâmeh, l’on peut comprendre que Ghâneï avait entrepris la versification de ce livre avant de se lancer dans la rédaction du Kelileh va Demneh. Le Saldjoughnâmeh ne comporte qu’un seul volume et plut tellement à son auteur que Ghâneï s’imaginait que cet ouvrage suffisait à lui seul à assurer sa postérité de poète. Mais de ce Saldjoughnâmeh qui faisait tant la fierté de son auteur il ne reste aujourd’hui que quelques pages éparses, et presque rien également des louanges qu’il chanta pour de multiples rois.

Quand la ronde de cet univers rapide,

Fit monter de la terre la poussière intrépide,

Le monde fut guerre, bruit et Moghols,

Et le ciel, bruyant,

Le Khorâssân et ses frontières saccagés,

Le sang, eau roulant dans les ruisseaux.

Par la force de cette célèbre armée,

Le Khârazmshâh vaincu,

S’assit sur son cheval tel l’éclair,

Et rapidement s’en alla vers l’Irak,

Puis la mer Caspienne,

Les yeux du peuple fixés sur lui,

En ces jours, je vivais dans le Khorâssân,

Coulant des jours heureux, le corps sain,

Nul poète comme moi,

Ma parole avait beaucoup d’acheteur,

Royale,

Et les grands et les princes,

Etaient mes bienfaiteurs.

Quand s’enfuit le Khârazmshâh,

Son armée en déroute,

Je ne restais plus dans le Khorâssân

Et m’enfuyant, je pris le chemin de l’Hindoustan.


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