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La ville de Rey, ancêtre de la Perse
La muraille de Rey, Tcheshmeh ’Alî, la forteresse Rashkân, et les trésors antiques de Rey
,L’histoire n’est pas une succession de phrases compilées dans une collection livresque. Sa demeure n’est pas dans le calme des bibliothèques. L’histoire, elle, est étrangère au silence…
L’histoire tumultueuse de l’Iran ne fait pas exception. De grandes dynasties s’y établirent et accédèrent au pouvoir, chacune choisissant une partie de cette terre, la Perse, comme capitale et demeure principale. Pour immortaliser la splendeur de leur royaume, elles y bâtirent des palais, des forteresses, des citadelles et d’immenses murailles et fossés. Les Achéménides [1] à Pasargades près de Shirâz, les Arsacides [2] à Dâmghân, les Safavides à Ispahan, les Zands à Shirâz et les Qâdjârs à Téhéran ; tous laissèrent d’inoubliables monuments. Mais qui parle aujourd’hui encore de Rey, cette ville datant de près de huit mille ans ? Rey fut la spectatrice de nombreuses périodes de l’histoire de la Perse et contribua à l’émergence d’une culture qui lui est propre. Elle est aussi ancienne que des villes telles que Ninive et Babylone, et son ampleur est comparable à celle de Hegmatâneh (avant l’Islam) aussi bien que de Baghdâd et de Neyshâbour (après l’Islam). Certains historiens attribuent la fondation de cette ville au roi mythique Houshang Pishdâdi [3] le fils de Kiomars [4], alors que d’autres l’attribuent à l’un des fils de Noé. Son nom est mentionné à plusieurs reprises dans les sources antiques dont l’Ancien Testament et l’Evangile. L’Avesta en parle sous le nom de Ragheh, puisqu’elle fut le centre religieux et la grande base de réunion des mages et des zoroastriens. "Rhagoe" en hellénique, "Rhageia" en syriaque, "Rai" en arménien et "Rak" en pehlevi comptent parmi les divers noms attribués à cette ville rayonnante de la Perse antique. Les Séleucides la tenaient en estime à titre d’"Europos". Les Arsacides la nommèrent "Arsakia" et les Sassanides "Rey". Rey était située sur le chemin de la Route de la Soie, ce qui contribua à assurer son développement et à garantir sa sécurité. Elle fut donc le centre d’importantes transactions commerciales entre l’Orient et l’Occident.
Quand Cyrus, le roi achéménide, accéda au pouvoir, il reprit le territoire des Mèdes à Astyage pour ensuite confier le gouvernement d’une partie de ses territoires incluant Rey à l’un de ses enfants. A la suite de ses conquêtes, Alexandre le Macédonien s’y reposa pendant quelques jours. Durant le règne de son successeur Séleucos, cette ville subit un violent tremblement de terre et fut entièrement dévastée. Alors, celui-ci contribua alors à la restaurer et, en souvenir de sa propre patrie, la nomma "Ourpès". A l’époque des Arsacides, les rois choisirent Rey comme capitale printanière tandis que Babylone leur servait de capitale hivernale. Quant aux Sassanides, ils embrassèrent la religion zoroastrienne de manière officielle et leurs adeptes développèrent à Rey une importante activité religieuse. Après la guerre de Nahâvande, en l’an 642, Rey fut conquise par des musulmans et progressivement, un grand nombre de zoroastriens se convertirent à l’Islam. C’est ainsi que la population musulmane de cette ville augmenta rapidement. Dès lors, de nombreuses dynasties musulmanes y régnèrent dont les Omeyyades, les Abbassides, les Tâhirides, les Ghaznévides et les Seldjoukides. Quant au fondateur de la dynastie seldjoukide, Toghrol-Beg, il fit de Rey sa capitale. Mais à l’instar des autres villes persanes, Rey ne resta pas à l’abri de l’incursion des Mongols, qui tuèrent une grande partie des habitants de Rey, tout en détruisant dans leur sillage de nombreux monuments et bâtiments. A partir de cette époque, Rey ne retrouva jamais la paix et fut la cible régulière d’assauts perpétrés par les différentes dynasties qui suivirent. Ce qui reste de la structure historique de cette ville comprend trois parties : la citadelle ou la ville royale de Rey, le mur principal ou la Muraille de Rey et les cimetières de la ville. Aujourd’hui, Rey est respectée et estimée en tant que ville historique et religieuse abritant le sanctuaire de Shâh Abdol-’Azîm et des monuments uniques tels que la muraille de Rey, Tcheshmeh ’Alî et la Forteresse de Rashkân.
L’histoire de cette muraille remonte à 6000 ans, à l’époque arsacide. Elle mesurait de 1800 à 2500 mètres et était entourée d’un grand fossé rempli de l’eau afin de parer à toute attaque. Aujourd’hui, il reste environ 453 mètres de cette muraille qui mesure près de huit mètres de haut. Le reste de ce grand mur fut détruit suite à l’invasion arabe. A présent, constamment exposée au vent et à la pluie, elle se détériore de jour en jour. Un projet de restauration a néanmoins été lancé.
La colline de Tcheshmeh ’Alî constitue l’un des endroits les plus anciens de la ville de Rey. D’après les excavations faites par le Dr. Erich Schmitt en 1935, cette colline date de près de 4000 ans av. J.-C. Les poteries qui y furent découvertes sont exposées dans plusieurs musées iraniens et étrangers. Il y coule également une source d’eau en haut de laquelle sont gravées des inscriptions et des silhouettes de Fath Ali Shâh ainsi que des personnalités de la cour qâdjâr. A côté de ces silhouettes figées qui furent gravées en 1911 figure également le nom de chacun. En effet, cette colline et ses alentours furent le lieu de repos du roi Fath ’Alî Shâh. A l’époque Sassanide, la source portait le nom de "Suréna" attribué à Surène, l’une des sept célèbres dynasties sassanides. Après les Safavides, cette source fut appelée Tcheshmeh ’Alî.
Située en haut d’une montagne, la forteresse Rashkân est la dernière forteresse arsacide de Perse. Elle fut l’une des quatre forteresses protectrices entourant la ville de Rey. Son nom d’origine était "ARashkân" mais étant donné qu’à l’époque arsacide, l’omission de lettre "a" était très à la mode, "ARashkân" devint peu à peu "Rashkân". A la suite d’excavations archéologiques, de précieux exemples d’anciennes décorations en plâtre y furent découverts. D’après les archéologues et les historiens, elle renfermait également des palais, des arsenaux et des chambres somptueuses qui furent malheureusement presque totalement détruits au cours des siècles. Les murs ouest comportaient également d’étroites meurtrières. Sous le règne de Fakhroddoleh Déilami, la "Forteresse Rashkân" devint "Fakhrâbâd". En outre, ce dernier entreprit de restaurer les ruines de Rashkân après la conquête arabe. A l’époque qâdjâr, quelques unes des parties principales étaient encore intactes mais aujourd’hui, la majorité de l’édifice est détruite. Bien qu’un grand nombre d’historiens connaisse l’existence de cette forteresse, elle souffre encore d’un manque d’attention et ses alentours sont de plus en plus enlaidis par des ordures. Mais elle ne semble cependant jamais avoir perdu de sa grandeur, en attendant sa réhabilitation et bien que son visage soit désormais aplani comme une colline.
A suivre…
[1] Dynastie perse fondée par Cyrus (550 av. J.-C) dont le dernier roi fut Darius III (330 av. J.-C)
[2] Dynastie parthe qui régna en Iran de 250 av. J.-C a 244 apr. J.-C.
[3] Nom d’un roi légendaire de l’épopée iranienne.
[4] Nom du premier roi de l’épopée iranienne.