N° 109, décembre 2014

La miniature persane dans l’œuvre de Morteza Rafii


Mireille Ferreira


Formé à l’enseignement académique de l’école des Beaux-Arts de Téhéran, puis aux Beaux-Arts de Paris où il s’installe à partir de 1975, Morteza Rafii (né à Téhéran en 1946) débute sa carrière de peintre en exécutant, comme une évidence, des peintures académiques, sans lien aucun avec la culture traditionnelle iranienne. Au bout de quelques années, se souvenant de la miniature persane dont il avait acquis le savoir-faire dès le lycée, grâce à l’enseignement de son maître Aboutâleb-e Moghimi, il se consacre de nouveau à ses thèmes qui deviendront dès lors son mode d’expression artistique privilégié.

Morteza Rafii

Voici comment Morteza explique lui-même son passage de la peinture académique à la miniature persane : « Un jour, sans doute en raison du manque d’espace et de l’odeur de la peinture, je me suis mis à peindre des miniatures. Je les vendais chez des marchands de tableaux qui avaient des galeries à Paris. Je n’osais pas exposer. Je faisais des copies, parfois les antiquaires pensaient qu’il s’agissait d’œuvres originales du XVIIe siècle. Après avoir participé à des expositions collectives, j’ai organisé ma première exposition individuelle, en 1977 au château de Ville d’Avray, en région parisienne. A cette occasion, les visiteurs ont découvert la culture iranienne, mon pays était alors un sujet d’intérêt et de curiosité, ce qui me plaisait. Après la révolution islamique, le regard a changé. Quand je disais que je venais d’Iran, on ne voyait en moi qu’un musulman. L’Iran n’était plus, pour le public occidental, la grande civilisation qu’il avait connue. Ces réactions m’ont encouragé à faire de la miniature, pour mettre en valeur la culture iranienne. Au début, je réalisais des copies, d’une taille maximum de 30 x 40 cm, puis je me suis mis à peindre mes propres œuvres.

Je voulais créer des œuvres iraniennes, en les modernisant. J’ai réalisé des tableaux représentant des scènes de la vie quotidienne, contrairement aux miniatures persanes classiques qui illustraient des ouvrages littéraires. J’ai agrandi la taille de mes tableaux, mais on y trouve des éléments des peintures persanes. En observant ma peinture, le public pense qu’elle pourrait être orientale, sans penser d’emblée à l’Iran. »

L’éclat des couleurs, la précision, la délicatesse et la thématique (des musiciens, une procession de mariage, des amoureux, des femmes prenant le thé...) la finesse, les couleurs contrastées des miniatures persanes se retrouvent indéniablement dans les œuvres de Morteza Rafii mais sous sa palette, elles ne sont plus seulement illustrations d’ouvrages littéraires, de recueils de poésie ou de livres sacrés mais sont destinées à orner galeries, musées et lieux privés.

Photos : œuvres de Morteza Rafii

Sur le modèle de la miniature persane traditionnelle, Morteza illustre les poètes iraniens, Nezâmi, Ferdowsi mais, ne se limitant pas à ces thèmes classiques, il illustre également des sujets personnels. Sur un fond non figuratif, il représente des motifs et des formes que l’on trouve dans les peintures persanes traditionnelles : un arbre, un oiseau, de la vaisselle de porcelaine, un couple de style qâdjâr, une femme lisant. Il illustre des thèmes classiques de la mythologie persane, la rose, l’amour, etc.

Sur le plan technique, les œuvres picturales de Morteza Rafii sont réalisées sur des panneaux de bois, à la gouache et à l’acrylique. Cette dernière présentant un aspect mat, la gouache apporte la vivacité de ses coloris, accentuée par le vernis appliqué à l’œuvre terminée.

Morteza ne cache pas son peu de goût pour les courants de la peinture dite d’avant-garde. Ses inspirateurs sont les peintres européens du XIXe siècle - il cite volontiers les œuvres d’Alexandre Cabanel, l’un des grands peintres académiques du Second Empire. Chaque fois qu’il a envie d’entreprendre une nouvelle œuvre, c’est par une visite au Musée du Louvre qu’il trouve l’inspiration.

C’est en 1977 qu’il a commencé à rencontrer le succès auprès du public. Il expose aujourd’hui dans le cadre de salons organisés par quelques municipalités, comme celle de Boulogne-Billancourt qui expose chaque année, depuis 2011, ses artistes locaux, dans le cadre du Salon des Talents boulonnais ou encore celle de Ville-d’Avray, qui organise un salon du même type tous les trois ans.

Il continue d’exposer régulièrement ses œuvres à travers diverses villes de France et d’Europe et organise des cours de dessins et miniatures persanes dans son atelier.

Morteza n’oublie pas que c’est à Téhéran que sa carrière d’artiste a débuté. Tout en poursuivant ses études aux Beaux-Arts, il avait travaillé, dès l’année 1968 et jusqu’à son départ pour la France, dans divers secteurs artistiques. C’est ainsi qu’il avait réalisé des campagnes pour des agences de publicité, des fresques pour des résidences privées, des peintures à la main sur des vêtements de très grand prix en qualité de chef d’atelier styliste chez un créateur de mode. Sous sa main, une robe faite dans un satin ou une autre étoffe plus ordinaire pouvait se retrouver rehaussée d’un joli motif persan, comme ceux que l’on peut voir en Iran sur les mosaïques traditionnelles.


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