N° 18, mai 2007

L’importance des échanges culturels et artistiques entre l’Iran et la France


Alice Bombardier


Les premiers contacts entre l’Iran et la France remontent à plusieurs siècles. Le Père Raphaël du Mans a, bien avant les Lettres Persanes (1721) de Montesquieu, écrit un livre sur L’Etat de la Perse en 1660.

Au travers des époques, des échanges diplomatiques suivis ont eu lieu entre la France et la Perse. Napoléon Ier a reçu à son quartier général de Finckenstein, en Prusse Orientale, une délégation persane, événement dont les répercussions furent notoires. L’alliance conclue à ce moment-là est à considérer comme le point de départ des missions scientifiques françaises envoyées en Perse [1].

En effet, d’un point de vue archéologique, l’Iran a toujours intéressé les savants français, curieux de découvrir tout ce qui avait trait à l’antique civilisation iranienne. Sous Rezâ Shâh, qui règna en Iran de 1925 à 1941, les résultats des fouilles archéologiques rejoignirent notamment les collections du nouveau Musée de Téhéran, dont le constructeur et le directeur était le savant et architecte français André Godard. Dans les années 1930, au début du règne de Rezâ Shâh, l’Iran était en effet entré dans une phase de modernisation non seulement matérielle mais aussi intellectuelle. La collaboration de la France était alors recherchée et appréciée. C’est pourquoi André Godard oeuvra, pendant l’entre-deux-guerres, non seulement à la sauvegarde du patrimoine iranien, mais s’intéressa également au développement de l’art contemporain dans le pays. En 1940, il fonda la première Faculté des Beaux-Arts de l’Université de Téhéran, qu’il dirigea jusqu’en 1960 après en avoir orchestré lui-même la construction.

A la même époque, de nombreux professeurs français furent appelés à enseigner dans les universités iraniennes. L’équivalence du bac iranien désormais reconnue en France, de nombreux jeunes iraniens sont alors venus poursuivre leurs études dans les facultés françaises. Sur les 6000 étudiants iraniens envoyés en Europe en 1936, 80% résidaient en France.

Employé depuis plus de deux siècles dans les relations avec l’extérieur, le français est, pendant l’entre-deux-guerres la deuxième langue de l’élite iranienne. La langue persane est, quant à elle, enseignée depuis 1768 au Collège de France.

L’influence culturelle de la France en Iran atteint un point culminant en 1935 avec la création, par la firme du journal Ettelâ’at, du premier quotidien en langue française, le Journal de Téhéran.

Sous Mohammad-Rezâ Shâh, cet organe de presse s’est vu décerné à deux reprises, en 1963 et 1970, la Coupe Emile de Girardin [2] du meilleur journal étranger en langue française. Cette coupe était attribuée chaque année par l’Office du Vocabulaire Français aux journaux francophones qui se seraient distingués lors d’une "Journée sans accident de vocabulaire". En 1963, les autres journaux récompensés furent notamment Le Soir de Bruxelles et le Journal de Genève [3]. Le Journal de Téhéran était donc le seul quotidien, parmi les lauréats, à ne pas être publié dans un pays d’expression française.

Aujourd’hui et depuis 2005, une revue mensuelle, la Revue de Téhéran, animée par un groupe de journalistes francophones, a repris le flambeau du journal. En effet, en 1977, la publication du Journal de Téhéran avait été interrompue. Et, jusqu’à septembre 2005, aucun organe de presse en langue française ne paraissait plus en Iran. Le quotidien iranien Ettelâ’ât a lancé en 2003 un nouveau projet de publication en français. Ce projet vise à rendre hommage au Journal de Téhéran et à le redécouvrir puisque chaque numéro de la revue publie dorénavant un ancien article du journal, dans lequel de nombreux intellectuels et orientalistes français de renommée, comme Henri Masse ont écrit durant l’entre-deux-guerres. Cette revue a redonné vie au Journal de Téhéran. Ahmad Shahidi, qui fut l’avant-dernier rédacteur en chef, entre 1960 et 1975, du Journal de Téhéran, apprenant la naissance de la revue, est venu lui faire don de ses archives personnelles en mars 2006.

De même que le français reste encore de nos jours une langue étrangère prisée en Iran, le parrainage que la France exerce sur les arts iraniens, dont a témoigné l’oeuvre d’André Godard, continue quelque peu à être vivace. Les artistes iraniens choisissent encore aujourd’hui la France comme destination pour achever leurs études.

Musée National d’Iran, conçu par l’architecte français André Godard au début du XXe siècle.

Au XIXème siècle, un prestigieux peintre iranien, Mohammad Ghaffari (1848-1940), a initié en Europe cet "atelier du voyage". Plus connu sous le titre de Kamâl ol-Molk, celui-ci séjourna à Paris entre 1895 et 1898, où il étudia la peinture notamment aux Musées du Louvre et de Versailles. Après la Seconde Guerre Mondiale, Djalil Ziâpour (1928-), parmi les premiers diplômés de la Faculté des Beaux-Arts de Téhéran, étudia également en France, auprès du peintre cubiste André Lhote.

M. Hosseini-Rad, nommé en 2005 directeur du Musée d’Art Contemporain de Téhéran, a obtenu un doctorat d’histoire de l’art en France. Il est actuellement un acteur important de la reviviscence culturelle actuelle de l’Iran.

Des échanges soutenus ont donc été opérés, à travers l’histoire, entre l’Iran et la France. Ces contacts culturels et artistiques, facteurs d’estime et de rapprochements entre les peuples, gagneraient de nos jours à être revivifiés.

Notes

[1"La Renaissance de l’Iran - Les relations intellectuelles franco-iraniennes", in Journal de Téhéran, n° 294, mardi 30 juin 1936 (9 tir 1315), p.1.

[2Emile de Girardin (1806-1881) fut le précurseur en France de la presse moderne à grand tirage.

[3IPO, Centre d’Information du Proche-Orient et de l’Afrique, Bulletin hebdomadaire, "La culture française en Iran- La coupe Emile de Girardin est décernée au Journal de Téhéran", p.4, n° 429, 23 mai 1963. Archives d’Ahmad Shahidi.


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