La gloire est le propre de Dieu, l’Eternel et le Très-Haut ; plus on L’honore et plus on s’approche de Lui ; plus on Le remercie et plus Il nous offre des dons. En descendant, la respiration prolonge la vie et en remontant, elle réjouit. Deux faveurs résident alors dans toute respiration, dont à chacune est dû un remerciement.

Mais aucune main ni aucune langue ne peut
Le remercier à sa juste valeur

Incipit du Jardin des roses, ce texte est à n’en pas douter l’un des plus célèbres de la littérature persane, et son auteur, l’une des plus remarquables figures de cette dernière. La finesse de son art, la beauté éblouissante de ses roses improvisées, vinrent embellir cette littérature à jamais ; des roses dont les pétales resteront à l’abri du vent, à l’abri définitif du passage du temps, dans un jardin où l’automne ne prendra jamais la place du printemps.

Le 1er ordibehêcht, journée commémorative de l’anniversaire de Saadi, nous a fourni l’occasion de rendre hommage à ce poète éminent, en lui consacrant notre cahier du mois.

De renommée mondiale, eu égard à sa sagesse, excellent conteur et ravisseur de cœurs par le sublime de sa poésie, celle-là même qui donne à son lecteur l’impression de déguster les fruits les plus doux de son verger, Saadi, est aujourd’hui encore considéré chez les initiés comme le plus grand poète de l’histoire de la littérature iranienne. L’extrême délicatesse formelle et substantielle de ses poèmes, son ironie et sa bienveillance, qu’il sait lier avec bonheur dans son œuvre, fût-ce sous forme de récit ou de poésie, de Ghazal ou de Masnavi, nous autorise à le placer en tête de la liste des figures tutélaires de la littérature telles que Hâfez, Molânâ ou Ferdowsi. Si la poésie mystique et lyrique de Hâfez nous emporte dans son tourbillon d’images, vers l’univers des beautés célestes, celle de Saadi peut également nous installer à la table bien garnie des nourritures terrestres. Si Roumi fait vertigineusement danser le mot au son d’une musique spirituelle, le poète de Shirâz fait danser et le mot et le sens qu’il pare avec élégance. Et si Ferdowsi se donne pour tâche, dans son épopée glorieuse, d’immuniser la langue persane contre la "mort", Saadi l’éternise dans un heureux mariage avec la langue arabe, qu’il maîtrise aussi parfaitement que la langue de son pays.

Saadi naquit à Shirâz, haut lieu de culture et d’histoire, véritable ville-témoin de la gloire de notre antique Perse, et cœur battant de la poésie persane, laquelle rend mutuellement honneur à la ville, à ses nombreux jardins et sa flore aromatique :

Protège, ô Dieu, la terre de Fars, du vent de la discorde

Aussi longtemps que demeureront la terre et le vent

Tombeau de Saadi à Shirâz

Le poète fut aussi d’humeur voyageuse et parcourut beaucoup de villes et de pays musulmans qui apparaissent occasionnellement dans son œuvre : l’ةgypte, le Maghreb, Damas, Jérusalem, Baalbek, Bassora, Bagdad, le Turkestan, l’Abyssinie, etc. Son œuvre est en ce sens marquée par ses expériences. Il s’impose à titre de moraliste, le plus modéré parmi ses pairs, qui sait orner les leçons qu’il dispense avec des exemples simples et clairs, fruit semble-t-il de ses propres aventures, de ses rencontres à la cour des rois, avec le peuple de la rue.

Son œuvre présente à ce titre un précieux objet d’études de mœurs et de coutumes de l’époque, des conduites sociales et des relations entre maître et disciple, entre l’homme et la femme. Compte tenu de leur portée mystique, ses contes constituent également une source utile à l’étude des milieux soufis, dont l’enseignement imprégnait la vie et la pensée des gens.

Quant à l’influence qu’a exercée Saadi sur les poètes et les écrivains de son temps et des époques ultérieures, voire même sur les poètes étrangers, il serait fastidieux d’en relever toutes les occurrences. De nos jours, le poète jouit d’une grande renommée dans les milieux littéraires. Tout jeune poète reconnaît sans broncher sa stature inégalable, et son tombeau reste un lieu de pèlerinage pour grand nombre de ses disciples, qui s’y rendent de partout et posent respectueusement le genou à terre devant la pierre tombale de leur maître soufi. Des amants se donnent rendez-vous au lieudit de son tombeau pour y réciter ses poèmes d’amour ; des musiciens composent des œuvres sublimes pour accompagner ses textes, qui sont à leur tour glorifiés dans les tours de chant d’éminents artistes tels que Shajariân. Il suffit d’écouter une seule fois l’œuvre Navâ pour adopter une fois pour toute et dans un même élan, la musique traditionnelle iranienne, la poésie persane et le verbe, unique entre tous, du poète Saadi.


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