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En poésie, lorsque nous nous confions à un "lui" intérieur, il prend de l’ascendant sur tous les aspects de notre monde mystérieux, même s’ils sont tout à fait différents les uns des autres... Nous lui fournissons une clé fantastique qui lui ouvre les portes et les armoires poussiéreuses (de l’intérieur). Et grâce aux rayons de sentiments et de bienveillance que nous émettons envers les objets, notre "lui" devient un "pur observateur". A partir de ce moment, nous faisons la cour non seulement à la blancheur du papier, à la coquetterie de la plume et à la tranquillité de la chambre, mais aussi à toute molécule de l’univers. On dirait que nous possédons la clé du monde, lequel devient poésie pure. Un poème, somme de toute joie et de toute peine. C’est au travers de l’harmonie paradoxale de ces joies et peines que l’on peut découvrir une musique merveilleuse, rendant, outre l’amour, sens à la vie et à la mort, et même à notre moi poétique.
Exprimant le tempérament contestataire du poète, la poésie de Bâbâtchâhi explore l’amour et la société, reflétant parfois une couleur locale provenant de son enfance à Bouchehr [1]. Son langage est simple, mais ne dédaigne pas les ornements stylistiques. La vie littéraire de Bâbâtchâhi ne se résume pas à sa carrière poétique, il est en outre prosateur et critique. Ses recueils les plus importants sont :
Le monde et ses éclats mélancoliques (1348/1969) ; De la génération du soleil (1353/1974) ; Le son du sable (1356/1978) ; Le chant des marins (1368/1989) ; Recueil poétique (1369/1990)
A moins que tu ne viennes
De ton retour je suis autant enchanté
Qu’un enfant
De l’arrivée de la fête
Qu’une hirondelle
Du matin de printemps.
Et moi
Je suis de ta visite
Tellement occupé dans ton miroir
Que j’ai perdu conscience
D’un monde passant de toute part
Aux saisons sanglantes, aussi,
Est-il possible l’amour
...
A moins que tu ne viennes
A moins que tu n’apparaisses de la fleur
A moins que tu ne descendes du soleil
Sinon le jour
Ne sera qu’un cercueil, sur les épaules des nuages
Qui nous amène
Jusqu’aux horizons inconnus
Et l’amour
Est une gazelle mourante
Qui met la tête sur les épaules de la pluie
Hélas !
Moi
Où dois-je te revoir ? Brillante étoile !?
Sans toi
Je vieillirai
Avant l’arrivée de l’aube.
Pourquoi le brun ?
Pourquoi la mort,
La trace de la mort
Sont-elles brunes ?
Pourquoi les feuilles tombées sur la piste de la mort,
Sont-elles brunes ?
Pourquoi la mort,
Pourquoi la feuille, sont-elles brunes ?
Par ce secret, le verre brise
Et le pot, par cette couleur
Et le miroir, par ce mot.
La maison s’enflamme par ce terme, par cette musique
Tant de mots, tant de secrets, tant de couleurs, tant de...
Pourquoi le mot, la parole, la couleur, le pot
Sont-ils bruns ?
Pourquoi la feuille,
La mort, sont-elles brunes ?
La mort
Me regarda
Au-delà du mot
Au-delà de la couleur
Au-delà du parfum
Au-delà d’une nouvelle mélodie
De ses yeux bruns
....
Source :Ya’aghoubchâhi, Niâz, Acheghânehâ, Téhéran, Hirmand, 1377.
[1] Province du sud de l’Iran, au bord du Golf Persique.