N° 41, avril 2009

L’histoire de la littérature persane
des trois premiers siècles de l’hégire lunaire (I)


Mahnâz Rezaï

Voir en ligne : L’histoire de la littérature persane du début du XIe siècle à la moitié du XIIe siècle (II)


La littérature persane, vieille de mille cents ans, pratique tous les genres : poétique, didactique, narrative, tazkira (recueil de biographies), dramatique, épique... et compte parmi l’une des plus riches littératures du patrimoine mondial. L’étude de l’histoire de cette littérature, au sens strict du mot, telle que nous l’étudions aujourd’hui en tant que science ou discipline universitaire, n’existait pas en Iran avant le XIXe siècle. Seuls certains poètes inséraient dans leurs tazkira les récits de la vie des hommes de lettres ou celle des saints et mystiques. La rédaction de l’histoire de la littérature en son sens moderne commença tout d’abord par les chercheurs et écrivains européens, dont le plus important fut Edward Granville Brown (1862-1926), orientaliste anglais et professeur de l’université de Cambridge. Ce dernier a rédigé durant près de trente ans une histoire de la littérature persane en 4 volumes, depuis l’Iran préislamique jusqu’à la littérature des premières années de la dynastie Pahlavi. Son œuvre, bien que complète et riche, contient cependant certaines imprécisions et erreurs qui ont été corrigées par ses traducteurs.

L’histoire de la littérature persane a constitué l’objet d’études de nombreux écrivains et chercheurs iraniens ou étrangers. Cependant, dans ce domaine, celle en 8 volumes réalisée par Zabihollah Safâ (1911-1999), écrivain, chercheur et professeur à l’université, reste l’une des plus achevées et précises dans ce domaine. M. Safâ a dédié près de quarante ans de sa vie à la rédaction de cette œuvre. Mort en 1999 à l’âge de 88 ans, il ne parvint pas à réaliser son projet de rédaction d’une histoire de la littérature contemporaine persane qu’il avait envisagé de rédiger.

La mort de Khosrow Parviz (en 628 de l’ère chrétienne), un an après le début de la conquête des Arabes en Iran, amorce le déclin de la dynastie sassanide en Iran. Cette grande civilisation allait désormais être remplacée par la civilisation et la culture islamiques. Après les batailles de Ghâdessieh, de Djaloula et de Nahâvand, l’Iran fut conquis. Ainsi, pendant un siècle, les Iraniens demeurèrent sous le règne des Arabes.

Cependant, peu à peu, des écrivains iraniens arabophones ou persanophones exprimèrent chacun à leur façon leur opposition à l’occupant. Le Shâhnâmeh de Ferdowsi, par exemple, fut écrit dans le but de lutter contre l’influence et la propagation de la langue arabe et afin de revivifier la langue persane. La première grande révolution des Iraniens fut dirigée par Abou Moslem Marvroudi, dont l’influence politique et sociale sur le monde islamique et surtout sur l’Iran fut incontestable. Le but principal de cette révolte était de ranimer la culture iranienne et d’inciter les Iraniens à reconquérir leur indépendance. Ainsi, à la dynastie des Omeyyades succédèrent en Iran de nouvelles dynasties proprement iraniennes et Bâbak Khorramdin fonda un Etat en Azerbaïdjan. En 248, Ya’qoub, fils de Leith Saffâr, réussit à établir dans la région du Sistân la dynastie des Saffârides, tandis que Tâher Ibn Hossein fonda la dynastie tâheride. Avec ces révoltes successives, qui atteignent leur apogée durant la deuxième moitié du IIe siècle et les premières années du IIIe siècle de l’Hégire (fin du IXe et début du Xe siècle), des guerres commencèrent entre les Iraniens et les dirigeants arabes, dont le but ultime était de les chasser définitivement du pays, et alors même qu’entre temps, la majorité des Iraniens s’était convertie à l’islam. Les Saffârides et Ya’qoub lui-même faisaient preuve d’un grand intérêt pour la nationalité iranienne et la langue persane. Les Saffârides fondèrent non seulement un Etat indépendant, mais obligèrent les poètes à composer leurs poèmes en persan et non en arabe. La création du panégyrique à la cour et le choix de la langue persane comme langue officielle de la cour soulignent leurs efforts dans ce domaine.

Durant ces trois siècles, malgré la pénétration de l’islam en Iran, le zoroastrisme, le manichéisme, le mazdakisme, le christianisme et le judaïsme continuèrent à être pratiqués dans les différentes régions de l’Iran. En outre, les désaccords sur certaines questions théologiques en islam aboutirent à l’apparition de différentes écoles telles que le chafiisme, malékisme, hanafisme, jafarisme, etc.

Le développement du savoir durant les premiers siècles de l’islam

A cette époque, les sciences religieuses, scientifiques et littéraires se développèrent ainsi que les sciences religieuses, comme le gherâ’at et tafsir (la récitation et le commentaire du Coran), les hadiths (les propos du prophète ou de ses compagnons, rapportés par la tradition), le fiqh (jurisprudence religieuse) et le kalâm (théologie dogmatique).

Le tafsir s’efforçait donc de commenter le Coran et ses histoires en le traduisant ou en en illustrant la signification, tout en étudiant également sa structure grammaticale, son vocabulaire, aussi bien que l’ordre chronologique de la révélation des sourates. Le commentaire le plus ancien du Coran fut écrit par Ibn Abbâs en 86 de l’Hégire lunaire. Cependant, jusqu’à la fin du IIIe siècle et au début du IVe siècle de l’Hégire (Xe et XIe siècles), le plus important commentaire du Coran fut le Djâm’eh al-Bayân ou Tafsir-e Kabir rédigé par Mohammed Ibn Djarir Tabari. Ce commentaire était très connu et lu à l’époque, et fut aussitôt traduit en persan à la demande du roi samanide Mansour Ibn Nouh.

Les disciplines liées à l’étude des hadiths avaient pour but de rassembler et de transmettre les propos du prophète, tout en faisant connaître les lois et les devoirs religieux aux musulmans. Les plus importants ouvrages rédigés dans ce domaine aux IXe et Xe siècles sont Djâmeh’ al-Sahih d’Emâm Mohammad Ibn Esmâ’il Bokhâri, Sahih d’Abolhassan Moslem Ibn Hadjâdj Neyshâbouri, Sonan d’Ibn Mâdjh Ghazvini, Sonan d’Abi Dâvoud, Sonan d’Al-Tirmidhi, et Sonan d’Al-Nasâ’i.

Le fiqh discutait des lois secondaires de l’islam. Cette science est basée sur l’inférence des lois d’après la sunna (tradition) et le livre sacré. Parmi les grands faqih (jurisconsultes), on peut citer Abouhanifeh Na’mân Ibn Thâbet, fondateur de l’école sunnite hanafite, Abou Soleimân Dâvoud Esfahâni, fondateur de l’école dâvoudite et enfin Mohammad Ibn Djarir Tabari, fondateur de la branche tabarite.

D’emblée, les trois premiers siècles de l’Hégire lunaire furent, plus que les autres époques islamiques en Iran, témoins de l’apparition des modjtahed (docteurs de la loi religieuse chiite), et de différentes idées et lois religieuses. De nombreux ouvrages ont été rédigés à ce propos.

Concernant la théologie dogmatique (kalâm), il s’agissait de résoudre les désaccords des musulmans sur les questions essentielles de l’islam comme la signification du towhid (le monothéisme), la volonté et le déterminisme, la définition de la foi et du blasphème, etc.

Une couverture du Shâhnâmeh de Ferdowsi

A cette même époque, de nombreux centres scientifiques furent créés à Alexandrie, Byzance, et Izmir. La dynastie abbasside invita également de nombreux savants à venir s’établir à Bagdad et les encouragea à traduire en arabe les ouvrages scientifiques importants scientifiques rédigés en grec, syriaque, pahlavi ou indien. Ceci aboutit également à l’émergence de tout un langage scientifique en arabe. Parmi les traducteurs les plus célèbres, nous pouvons citer Djerdjis, fils de Bakhtishou, dans le domaine de la médecine, Nobakht Ahvâzi, traducteur d’ouvrages mathématiques du pahlavi en arabe ; Ibrâhim, fils de Habib, et son fils Mohammad Fazari Belvalâ, astronomes et mathématiciens, qui furent les premiers à traduire les ouvrages mathématiques indiens en arabe. Leur principal ouvrage traduit de l’indien est le Siddhanta, traitant notamment de mathématiques et d’astronomie, et qu’ils publièrent sous le titre d’Al-Sanad Hendolkabir. Ali Ibn Ziâd Tamimi traduit Zidj de Shahryâr tandis que Rouzbeh, fils d’Abdollah Ibn Moghaffa’, fut le grand traducteur d’ouvrages historiques et littéraires pahlavis en arabe. Les derniers traducteurs à la fin du Xe siècle et au début du XIe siècle furent Abouzakariyâ Yahyâ, Abolkheir Khomâr, et Aboureihân Birouni, qui nous a légué de nombreux ouvrages très précieux dans les domaines de la philosophie, la médecine, et de l’astronomie en arabe.

Grâce à ces traducteurs iraniens et non iraniens, de nombreux ouvrages en médecine, mathématiques, métaphysique, géométrie, alchimie, agriculture, astronomie furent donc traduits en arabe, entraînant la propagation et un renouvellement des recherches dans de nombreuses sciences. Durant ces trois siècles, outres ces grands traducteurs, de grandes figures scientifiques ont contribué au développement des sciences en islam : Ahmad Ibn Abdollah Hâseb Marvzi, auteur de Zidj et Al-Ab’âd va al-Adjrâm, Abou Abdollah Mohammad Ibn Moussâ Kharazmi, contemporain de Ma’moun, auteur de Hesâb al-Djabr va al-Moghâbeleh, Abolabbâs Fazl Ibn Hatam Neirizi, auteur de Samt al-Qibleh et du commentaire d’Al-Osoul d’Euclide, les trois frères Ahmad, Hassan et Mohammad Shâker Khorâssâni, mathématiciens, parmi lesquels Mohammad était plus connu en raison de son livre Ketâb al-Makhroutât, Abou Mash’ar Dja’far Ibn Mohammad Balkhi, célèbre mathématicien en raison de l’ampleur de ses ouvrages (au nombre de douze) dont le plus important est Gara’ânât al-Kavâkeb.

La littérature en Iran au début de la période islamique

Au début de l’époque islamique, « la littérature » proprement dite n’existait pas. Cependant, le développement de diverses sciences dans les pays non arabes avait contribué à l’apprentissage et au développement de la langue arabe. Etant donné que les ouvrages scientifiques, et même les romans iraniens, étaient relatés et écrits en arabe, la littérature en langue arabe devint la grande littérature de l’époque islamique. Ainsi, durant les trois premiers siècles de l’Hégire, les musulmans iraniens furent les premiers compilateurs de la grammaire arabe. Les centres d’études étaient principalement situés à Bassora et à Koufa. La première grammaire syntaxique de la langue arabe, intitulée Al-Ketâb, fut compilée par Sibouyeh le Fârsi. Les Iraniens ont également apporté leur contribution dans le domaine du vocabulaire et de l’éloquence arabe : Khalil Ibn Ahmad, auteur de Ketâb al-’Ain, Abou Obaydeh Mo’amar Ibn Mosannâ, auteur de Madjâz al-Qo’rân, Abou Hatam Sistâni, auteur de Ketâb al-Fasâhat.

Durant les trois premiers siècles de l’islam, l’arabe coexista en Iran avec d’autres langues comme le pahlavi ou le syriaque. Ainsi, outre les ouvrages en arabe, certains auteurs écrivirent également en syriaque ou en pahlavi. Il existait aussi une littérature folklorique dans les différentes régions de l’Iran qui avait néanmoins, sous l’influence de l’arabe, subit certains changements. Parmi ces langues, la langue dari, parlée dans les régions orientales de l’Iran, devint vers la fin de cette période la langue officielle et littéraire de l’Iran.

On peut étudier la littérature en Iran durant ces siècles à plusieurs égards : il faut tout d’abord étudier la littérature pahlavi étant donné que le pahlavi était la langue officielle, religieuse et littéraire de l’époque sassanide, jusqu’au début des conquêtes musulmanes et au développement de la littérature dari. Il faut étudier ensuite la littérature dari qui devint la langue et la littérature officielles et politiques de l’Iran à l’époque islamique et enfin, la littérature arabe, c’est-à-dire la langue, la prose et la poésie arabe, car la plupart des écrivains arabophones de cette époque étaient d’origine iranienne.

La littérature pahlavi

Pendant les années du règne des Arabes en Iran, le moyen persan (« parsi miâneh ») ou pahlavi (« pahlavi parsi ») également appelé le pahlavi sassanide (« pahlavi sâssâni ») était la langue officielle, littéraire et politique des Iraniens. Il faut noter ici que pendant le règne des Arabes, l’accent pahlavi pârsi continua à exister dans certaines régions de l’Iran. En outre, de nombreux ouvrages en pahlavi pârsi furent traduits en arabe et en farsi dari. Si l’on exclut les nasks (livres concernant l’éducation religieuse) avestiques, tous les ouvrages religieux liés à l’Avesta étaient écrits en pahlavi. La plupart de ces ouvrages furent rédigés durant les trois premiers siècles de l’hégire lunaire dans le but de lutter contre la propagation de l’islam et accessoirement du christianisme.

Aux XIe et XIIe siècles, la plupart des Iraniens connaissaient la langue et l’écriture pahlavis. Vers les milieux du XIIe siècle, Veisse va Râmin, l’une des plus célèbres œuvres écrite probablement à l’époque arsacide, fut traduite du pahlavi au persan. Par la suite, Fakhreddin As’ad Gorgâni la versifia en persan, en conservant cependant de nombreux termes et expressions pahlavis. Les textes pahlavis furent étudiés par les poètes et écrivains iraniens jusqu’au XIIIe siècle. A cette époque, le grand poète Zarâtosht Bahrâm Pajdou traduit et versifie Ardavirâf Nâmeh du pahlavi en persan. Nous pouvons donc constater qu’après la chute de la dynastie sassanide, la langue et l’écriture pahlavis sassanide ne disparurent pas totalement et continuèrent d’exister pendant plusieurs siècles.

Une page de Kelileh va Demneh, datant de 1429, provenant de Hérat, l’illustration représente un chacal essayant de faire fuir un lion

Parmi les ouvrages littéraires, historiques et scientifiques les plus importants qui furent traduits du pahlavi en arabe pendant ces trois siècles, nous pouvons citer : Kalileh et Demneh, Khodây Nâmeh, Sandbâd Nâmeh, Bakhtiâr Nâmeh, L’histoire de Rostam et Esfandiyâr, L’histoire de Bahrâm Tchoubin, Kârnâmeh Anoushirvân, Lohrâsb Nâmeh, ainsi que de nombreux autres ouvrages dans les domaines de la religion, des mathématiques, de l’agriculture, de l’histoire... En effet, pour empêcher la disparition totale des œuvres en pahlavi, de nombreux savants les traduisirent en arabe. Aux XIVe, XVe et XVIe siècles, les savants zoroastriens ont continué à écrire des ouvrages dans les domaines de la religion, la morale, l’histoire, la géographie et la littérature, en pahlavi, dont le plus important est le Din Kart, important ouvrage en pahlavi de neuf volumes écrit par Azar Faranbagh et qui contient de nombreux renseignements sur la religion, les habitudes, les croyances, l’histoire et la littérature zoroastriennes. Il contient également un résumé parfait de vingt et un nask avestiques de l’époque sassanide. Il constitue donc une source de premier ordre concernant l’histoire, la religion et la nationalité iraniennes à l’époque sassanide. Bondaheshn, publié en 1908 et traduit dans de nombreuses langues européennes, est également l’un des importants ouvrages pahlavis et contient de précieux renseignements sur l’époque sassanide et les premières années de la période islamique. Ardavirâfnâmak, écrit probablement vers la moitié du Xe siècle, raconte l’ascension d’Arday Virâf, un saint zoroastrien, et sa visite du Paradis et de l’Enfer. Ce livre a été traduit en anglais et en français. D’autres livres en pahlavi furent également publiés pendant ces trois siècles, comme Shekand Gamânik Vijâr dans le domaine philosophique, Shâyest Nashâyest, concernant la religion, Shahrestânhâ-ye Irân concernant la géographie, et Mâtikân Tchatrang (Shatrandj nâmeh), traitant de l’invention du jeu d’échecs et l’invention du trictrac (nard) par Bozorgmehr.

Les langues et les accents régionaux

Comme nous l’avons déjà signalé, les dialectes locaux ne disparurent pas avec l’invasion musulmane. Selon les historiens de cette époque, tout au long de l’époque islamique, seules certaines couches sociales éduquées parlaient couramment en arabe, tandis que les langues régionales demeuraient encore en usage dans la majorité de la population. Selon Abdollah Ibn Moghaffa’, le pahlavi, le syriaque, le dari, le farsi, le khouzi constituaient les langues iraniennes. Mais il faut y ajouter d’autres langues comme le sogdien, le kharazmi, le tokharien, le tabari, le kurde et l’azéri.

Le sogdien était parlé dans la région de Soghd, en Transoxiane. Grâce au pouvoir des rois de cette région, cette langue se développa jusqu’en Asie centrale et même en Chine. De nombreux ouvrages furent rédigés dans cette langue pour laquelle ont même été rédigés une grammaire et un dictionnaire. Les écritures soghdi et pahlavi ont une même origine sémitique. Aboureyhân Birouni, dans son Al-Athâr al-Bâghieh, nous donne d’utiles renseignements sur cette langue et le calendrier sogdiens.

La langue kharazmi était également en usage à cette époque. Les attaques des Mongols et des Tatars entraînèrent cependant sa progressive disparition. Aboureyhân Birouni a cité les noms des mois et des fêtes kharazmiennes dans Al-Athâr al-Bâghieh.

La langue tokharienne, parlée dans le Tokhârestân, une région entre Balkh et le Badakhshân, était l’une des branches des langues iraniennes et ressemblait au dialecte de Balkh.

Il ne faut pas négliger l’influence de la langue arabe sur ces langues régionales. Comme il n’y avait pas d’équivalents dans ces langues pour les termes religieux, politiques et scientifiques arabes, ces termes s’y introduisent. Nous ne pouvons bien évidemment pas étudier cette influence du point de vue statistique. Cependant, en nous référant aux poèmes des premières années du XIVe siècle, nous nous rendons compte que l’usage des termes arabes était plus fréquent dans la poésie que dans la prose ou le peuple. Il faut noter que les Iraniens avaient également introduit eux-mêmes certains changements dans la structure de la langue arabe.

Avec l’extension de l’islam, la langue arabe remplaça peu à peu l’usage du pahlavi. Ceux qui détenaient des hauts postes étaient obligés d’apprendre l’arabe, où l’écriture arabe était utilisée. En outre, toutes les sciences étaient enseignées et rédigées en arabe. L’établissement des peuples arabes dans différentes régions de l’Iran et leur mariage avec les Iraniens contribua également à la propagation de cette langue.

Le persan dari

Parmi tous les dialectes iraniens et les langues d’avant l’époque islamique, seul le persan dari devint la langue officielle dans le domaine politique, scientifique et littéraire et pénétra même en Asie en tant que langue politique. On l’appelait le persan « dari ». Il était parlé à la cour (« darbâr »). En outre, le terme « pârsi » ajouté à « dari » visait à s’opposer aux langues arabe ou turque mais ne signifie pas que le dari est d’origine perse, c’est-à-dire provenant de la province de Fârs. Certains orientalistes ont tenté de distinguer le pârsi et le dari, mais ils ne constituent qu’une seule et même langue.

Vers la fin de la dynastie sassanide et au début de la période islamique, le dari, parlé dans la capitale, se développe peu à peu et remplace avec la langue pahlavi sassanide ou moyen persan (pârsi miâneh), pour devenir la langue officielle du pays. Dans le Sistân, le Khorâssân, à Gorgân, à Samarkand et à Boukhara, des poètes composent de nombreuses œuvres en dari. Il devient également la langue officielle des cours saffâride, sâmânide et tâheride. A partir du XIIIe siècle, des écrivains du centre et de l’ouest du pays commencent également à écrire en dari, qui a également subi l’influence de la langue arabe.

Les débuts de la littérature persane

Après la chute des Sassanides, bien que les Iraniens n’aient pas cessé de rédiger des œuvres en pahlavi, soghdi, kharazmi, la langue des correspondances officielles et religieuses fut l’arabe, tout comme les poèmes chantés dans les cours. Par contre, les poèmes des poètes régionaux n’étaient pas considérés comme des œuvres littéraires.

L’émergence du persan comme langue officielle littéraire, politique et scientifique voit le jour avec des dynasties indépendantes comme les Saffârides (qui, comme nous l’avons évoqué, ont contribué au développement du dari), les Sâmânides, et les Tâherides. C’est notamment grâce à l’intérêt de Ya’qoub Leith Saffâr qu’elle devint la langue officielle de la cour et que composer des poèmes en dari fut peu à peu valorisé.

D’après Târikh-e Sistân, c’est Mohammad Ibn Vasif Sadjzi, poète de la cour de Ya’qoub Ibn Leith Saffâr, qui a composé le premier poème en farsi dari en imitant les ghasideh arabes. Les œuvres des autres poètes de la cour de Ya’qoub comme Kord Sistâni et Mohammad Ibn Mokhallad Shirâzi datent également du Xe siècle. Il faut noter que les autres sources historiques et littéraires comme le Lobâb al-Albâb d’Oufi, et le Tazkirat al-Sho’ara de Samarghandi ont considéré Bahrâm Ghour, Abouhâfez Samarghandi, ou encore Abou Abbâs Hanouz al-Marvzi comme les premiers poètes persans.

La prose et la poésie arabes en Iran

A l’époque étudiée, les Iraniens, outre les recherches dans le domaine des sciences littéraires, nous ont légué beaucoup d’ouvrages en prose et en vers. En effet, la prose arabe ne fut pas prise en considération jusqu’à ce que les écrivains iraniens commencent à écrire des essais. Les correspondances en arabe ne suivaient pas alors une règle particulière. Abdol Hamid fut le premier grand maître de la prose arabe qui a défini des règles particulières dans ce domaine (par exemple l’introduction du panégyrique au début des lettres). Sa méthode fut imitée à l’époque des Abbassides par les secrétaires des lettres (kottâb), qui étaient choisis généralement parmi les Iraniens et appartenaient à une couche sociale particulière. Tous respectaient les règles iraniennes de la rédaction. Par exemple, un kâteb devait savoir par cœur les maximes de Bozorgmehr et d’Ardeshir Babacan, et les propos d’Anoushiravân ou de Shâhpour, et les utiliser dans sa lettre. On traduisait des ouvrages historiques et littéraires du pahlavi en arabe (par exemple Kelileh va Demneh, Khodây Nâmeh, Ayin Nâmeh), selon les règles de la rédaction et de l’éloquence, et ces ouvrages traduits ont contribué de façon considérable à l’enrichissement de la prose arabe. Abdollah Ibn Moghaffa’, de son vrai nom Rouzbeh, grand écrivain iranien vivant à Bassora, grand centre littéraire et scientifique de l’époque, a introduit d’importants changements dans la prose arabe. C’est avec lui que la rédaction des œuvres littéraires en tâzi (arabe) se répandit. Il a traduit de nombreux ouvrages du pahlavi en arabe, dont les plus importants sont le Ghâh Nâmeh,l’Ayin Nâmeh et Kelileh va Demneh. Il croyait également que le secrétaire des lettres devait éviter la préciosité et privilégier la simplicité.

Abou Hanifeh Ahmad Ibn Dinvari compte également parmi les grands écrivains et savants de cette époque. Il était maître grammairien et connaissait parfaitement la littérature, les mathématiques et l’astronomie... Il rédigea Ketâb al-Fasâhat et Ketâb al-Vassâyâ dans le domaine de la littérature. Abou Abdollah Mohammad Ibn Khatib Dinvari est un autre grand écrivain de cette période dont les ouvrages littéraires les plus importants sont Adab al-Kâteb, Al-She’r va-Sho’ara, Ma’âni a-She’r et Oyoun al-Akhbar. D’autres grands écrivains d’origine iranienne comme Sahl Ibn Hâroun Dasht Mishâni, auteur du Divân a-Rasâ’el et Tadbir al-Molk va Siyâsat, Mohammad Ibn Djarir Tabari, auteur de Târikh a-Rosoul val-Molouk, et Vâghedi, auteur de Ketâb al-Fotouh ont aussi contribué à l’enrichissement de la littérature arabe.

Dans le domaine de la poésie arabe, le rôle des Iraniens fut également incontestable. Parmi les grands poètes iraniens qui composèrent leurs poèmes en arabe nous pouvons notamment citer les noms d’Esmâïl Ibn Yâr Nasâ’ï et ses frères Ebrâhim et Mohammad, Bashar Ibn Tokhârestâni, fondateur d’un nouvelle sorte de ghasideh, Abounavâs Hassan Ibn Khouzestâni, célèbre pour la composition de ghasideh et ghazal Abolattyeh Esmâ’ïl Ibn Ghâsem, maître des maximes et du ghazal, et enfin, Al-Motavakeli Ebrâhim Ibn Esfahâni, le secrétaire des lettres du calife Motavakkil.


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