N° 58, septembre 2010

La richesse touristique de la terre verdoyante du Guilân


Afsaneh Pourmazaheri, Farzâneh Pourmazâheri


La région du Guilân est l’une des rares régions d’Iran qui jouit en même temps d’importantes richesses naturelles de par sa situation géographique, et de richesses culturelles et historiques grâce à ses habitants et à son histoire tumultueuse. Cette alchimie naturelle et culturelle historique fait du Guilân une destination privilégiée pour le tourisme. Le visiteur peut profiter de la fraîcheur de son climat agréablement humide, des vertes montagnes de l’Alborz et du Tâlesh, du calme de la mer, du paysage offert par les champs de thé et les orangers, aussi bien que de la cuisine guilânaise et de ses saveurs variées, et des sites historiques magnifiques au sein de la nature. A coté de ses attractions naturelles et culturelles, le Guilân attire également de nombreux pèlerins grâce à ses innombrables mausolées (Imâmzâdeh) où sont enterrés les descendants des Imams chiites, décédés ou martyrisés sous les califes abbassides.

Le village de Mâssouleh

Malheureusement, le Guilân n’est pas assez connu à l’échelle internationale faute d’infrastructures touristiques suffisantes, et notamment de la mauvaise qualité de son hôtellerie. La région bénéficie néanmoins d’une grande notoriété au niveau national, et chaque année des dizaines de millier de visiteurs iraniens s’y rendent afin de profiter de la mer, des paysages verts ou y déguster la délicieuse cuisine du nord, ne serait-ce que pour une seule journée.

La province du Guilân s’étend sur une superficie de 14 711 m² et est située dans le nord de l’Iran entre les chaînes montagneuses de l’Alborz et du Tâlesh. Ces montagnes, qui forment une gigantesque muraille au sud et à l’est du Guilân, constituent la principale cause de l’humidité ambiante de la région, qui est la plus humide d’Iran avec des précipitations annuelles dépassant les 2000 mm. Le Guilân est également situé au sud de la mer Caspienne et avoisine la province d’Ardebil à l’ouest, le Mâzandarân à l’est (dont la frontière est définie par la rivière Tameshk qui passe entre Tchâboksar et Râmsar), Zandjân au sud, et la mer Caspienne et la République d’Azerbaïdjan au nord. Sa plus grande ville est Rasht mais elle compte également d’autres villes notables comme Astârâh, Astâneh Ashrafieh, Bandar Anzali, Rasht, Roudbâr, Roudsar, Fouman, Lâhijân et Langaroud. Plus de quarante rivières traversent cette région dont la plus importante est la rivière Sefidroud (signifiant "rivière blanche").

La colline Mârlik dans la vallée Gohar Roud

D’après les fouilles archéologiques, son histoire remonterait à plus de 150 000 ans, c’est-à-dire avant le dernier âge de glace. Avec l’arrivée des Aryens et leur cohabitation avec les autochtones de la région, de nouvelles populations se formèrent, dont la majorité constituaient deux tribus importantes, les Guils et les Deylams. Autonomes, ces tribus ont préservé jalousement leur liberté et n’ont jamais cédé au dictat des divers pouvoirs centraux de la Perse, notamment les Mèdes. Au VIe siècle av. J.-C., ces peuples ont collaboré avec Cyrus, roi achéménide, pour renverser les Mèdes. Sous les Sassanides, ils perdirent leur indépendance suite à la campagne d’Ardéchir Bâbakân. Après l’avènement de l’islam, le Guilân fut pour un certain temps gouverné par les Alavides, ensuite par les Deylamides, puis par les Mongols, notamment sous Oldjaïtou. Au XVIe siècle, la région joua un rôle primordial dans l’avènement des Safavides en offrant asile, plus de quatre années durant, à Shâh Abbâs Ier. En 1650, le Guilân fut envahi par la Russie et demeura sous l’emprise russe jusqu’en 1724. Sous la Révolution constitutionnelle, les Guils se firent particulièrement remarquer, à tel point qu’ils parvinrent à conquérir la capitale, Téhéran, en 1865. Le mouvement Jangali dirigé par Mirzâ Kouchak Khân Jangali est un exemple brillant de leur engagement.

La forteresse de Roudkhân (Ghal’eh Roudkhân) à Fouman

Situé entre la mer Caspienne et les chaînes montagneuses de l’Alborz, le Guilân ne manque pas de potentiel pour devenir l’axe central de l’écotourisme et de l’agrotourisme de l’Iran, sans compter, nous l’avons signalé, ses richesses culturelles, historiques, et folkloriques. De nombreux villages du Guilân, à l’exemple de Mâssouleh, attirent chaque année des milliers de touristes par la beauté et le style unique de leur architecture. La fondation de Mâssouleh remonte à plus de mille ans. Depuis ce temps, ses habitants continuent de préserver leur mode de vie et leurs valeurs communes. Aucun apport culturel extérieur n’est jusqu’alors parvenu à modifier radicalement leur mode de vie. L’architecture unique de ce village en est le plus clair témoignage : les maisons du village sont bâties les unes sur les autres, à même la pente raide de la montagne. La cour de l’une sert de toit à l’autre. Les toits et les cours sont également utilisés en guise de passage piéton. Les bâtiments ne dépassent pas deux étages et la majorité d’entre eux sont en bois et en briques crues. La langue principale des habitants de Mâssouleh est le tâleshi qui compte parmi les langues les plus anciennes de l’ouest de l’Iran, et était déjà parlée sous les Arsacides. Le village est également connu pour avoir logé Mirzâ Kouchak Khân Jangali tandis que, poursuivi par les cosaques russes, il se rendait au village de Maklavân. Le village possède également d’autres attractions touristiques, à savoir, la fameuse chute d’eau de Mâssouleh-Roudkhân, la chute d’eau de Lâr Cheshmeh, le bazar et le parc de Mâssouleh, le mausolée d’Own ibn Ali et la partie ancienne du village. On peut également y acheter des produits typiques, notamment des sucreries locales telles que le halvâ kondjedi et le halvâ berendji (friandises préparées avec de la farine, du beurre et du sucre ou du miel), des couteaux artisanaux, des guivehs (chaussons tissés en coton), des kelims (tapis artisanaux), des chaussettes, des gants en laine et des marionnettes.

Le mausolée de Seyyed Jalâleddin Ashraf à Astâneh Ashrafieh

Une autre attraction du Guilân mérite d’être mentionnée : la colline Mârlik qui elle est située sur la côte orientale de la rivière Sefidroud, dans la vallée Gohar Roud. Cette colline est vieille de 3000 ans. Des objets précieux découverts en 1961 par Ezzattollâh Negahbân, archéologue iranien qui s’y rendit à la tête d’une expédition, attestent cette vérité. Avant cette date, la colline avait été victime de pillages de la part de contrebandiers qui revendaient les précieuses pièces de la colline aux collectionneurs. Parmi les objets trouvés dans la colline, quelques uns continuent d’attirer l’attention, notamment des récipients en céramique, des boutons décoratifs, des massues, des flèches, des poignards, des épées, des statues en bronze, des casques et surtout des coupes en or, en argent, en bronze et en porcelaine. Les archéologues croient que ces objets appartenaient aux gouverneurs qui régnaient sur la région vers la fin du deuxième millénaire av. J.-C. 25 tombes ont également été découvertes sur les flans de cette colline, qui fournissent notamment de précieuses informations sur les rituels d’enterrement des morts à cette époque.

Un peu plus loin, deux forteresses ont récemment réussi à attirer un nombre considérable de touristes vers le Guilân. Elles sont situées dans une forêt dense et rehaussée par un épais brouillard de montagne. L’une de ces forteresses est le Ghal’eh Roudkhân (ou le Ghal’eh Hessâm) à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de la ville de Fouman. Elle possède une superficie de 2,6 hectares et est située sur les hauteurs du village Roudkhân. La muraille de la forteresse mesure 1500 mètres de long et elle comprend 65 tourelles et murailles intérieures. La date de construction de la forteresse remonte à l’époque sassanide mais elle a été restaurée sous les Seldjoukides et servit un temps de base militaire aux Ismaélites. Sur le portail de la forteresse, une inscription atteste qu’elle fut restaurée à la demande du sultan Hessâm-od-Din entre 1497 et 1500. Elle fut redécouverte en 1830 par un chercheur polonais au cours de ses fouilles dans le Guilân, mais ce n’est que depuis peu qu’elle a éveillé la curiosité des touristes. La forteresse est composée de deux parties principales, la citadelle et le harem où vivaient le roi et ses femmes, et l’arsenal et la caserne où étaient logés les soldats. Les bains, la prison, la citerne, une fontaine, des maisons et des tours octogonales munis de meurtrières font partie des éléments constitutifs de la forteresse. Il faut ajouter que durant son histoire, aucune armée n’a pu pénétrer dans la forteresse, et ce, grâce à son système de défense complexe. L’accès à la forteresse n’est possible que par voie piétonne. Les voitures ne peuvent se rapprocher à moins de 500 mètres de la forteresse. En grimpant la montagne vers celle-ci, de vieux arbres, une belle rivière le long du chemin, et par beau temps, des rayons de soleil finement tracés offrent une vue magnifique des alentours de la forteresse. La beauté du cadre se prête difficilement à une quelconque description : il faut s’y rendre soi-même pour prendre la mesure de la beauté de cette forteresse endormie au cœur de la forêt d’Hyrcanie.

Il existe également une autre forteresse dans la région de Ghâssem Abâd du Guilân qui, bien que n’étant pas aussi célèbre que la forteresse Roudkhân, renferme cependant plus de secrets. La forteresse Band Bon (ou Band Ban) toute en pierre, appartient à l’époque médiévale. Elle fut construite pour la défense de la ville contre les ennemis venant de la mer. Elle cache également dans son sol d’immenses voies souterraines dont la complexité n’a pas encore permis aux chercheurs d’en dresser les plans exacts. Aucune trace d’enduit utilisé pour fixer les pierres n’a été jusqu’alors découverte. Quoi qu’il en soit, le mortier a interdit à l’humidité d’investir le bâtiment et justement, c’est là, paraît-il, que réside le secret de la solidité de la citadelle. Cette belle forteresse qui a même éveillé l’intérêt de l’Unesco, a été à plusieurs reprises détruite (en partie) par les chercheurs d’or et les contrebandiers, mais elle reste debout et continue d’accueillir les touristes.

La lutte guileh mardi

A côté des monuments phares de la province du Guilân, on trouve également de nombreux sites historiques et religieux, notamment le mausolée de Seyyed Jalâleddin Ashraf, frère de l’Imam Rezâ, qui se trouve à Astâneh Ashrafieh, le tombeau de la sœur de l’Imam Rezâ à Rasht, le sanctuaire de l’Imâmzâdeh Hâshem sur la route Téhéran-Rasht, le tombeau de Mirzâ Kouchak Khân Jangali à Rasht, le tombeau du professeur Moein à Astâneh Ashrafieh, le mausolée de Sheikh Zâhed à Lahijân, le mausolée de Bibi-Hourieh à Bandar Anzali, le tombeau de Kâshefosaltaneh qui a découvert le thé pour la première fois en Iran, etc. Le musée du thé et le hammam de Golshan à Lahijân figurent également parmi les sites historiques du Guilân.

Quant à son écotourisme, le Guilân en est particulièrement fier. Ses vastes rizières, ses champs de thé et ses jardins d’orange en font une région unique dans ce domaine en Iran. Ses étangs tels que l’étang internationalement connu d’Anzali, l’étang de Khatib Gourân, l’étang de Kohneh Gourâb et le marais de Bouchâgh accueillent de nombreux oiseaux migrateurs et offrent un environnement de rêve aux amateurs.

Ce n’est pas uniquement la nature sauvage qui est unique au Guilân : l’artisanat, la cuisine et la culture de la terre le sont également. La pêche, notamment celle du caviar, ainsi que la culture du ver à soie, du riz, de la cacahuète, de la noisette, de la courgette, de la pomme de terre et du thé y sont très développées.

La diversité des cultures maraîchères, du poisson et des céréales explique que la cuisine guilânaise soit à ce point diversifiée et colorée. De nombreuses recettes de la région, grâce à leur goût et à leur odeur, se sont répandus à travers l’Iran et sont présents sur quasiment toutes les tables iraniennes. Certaines autres sont restées typiques du Guilân. Parmi toutes ces recettes, on peut citer le mirzâ ghâsemi, le bâghâlâghâtogh, le torsh-tareh, (kouï khoresht) le ragout de courgette, le sir ghalieh, le âlou mossamâ, nâz khâtoun, longi, torsh shâmi, etc.

On compte également une grande variété d’artisanat encore pratiqué de nos jours dans le Guilân. Entre autres, on peut évoquer le tournage en bois, les nattes en paille (hassir bâfi), la poterie et la porcelaine, la peinture sur courge, le feutre, le tissage de couvre-lits (tchâdor shab), etc.

La culture folklorique du Guilân est également unique en son genre, car demeurée très peu influencée par les influences extérieures. Le spectacle de guignols Ahou Chareh (qui existait il y a encore vingt ans, et que l’on jouait à l’occasion du nouvel an iranien (norouz) partout dans le Guilân), le pir bâbou et le lâl bâzi (jeu qui consiste à faire semblant d’être muet), les sports purement traditionnels comme la lutte guileh mardi, varzâ jang et band bâzi (spectacle de funambulisme) constituent d’autres héritages culturels guilâniens. L’ensemble ne manquera certainement pas d’exotisme et d’intérêt pour le touriste décidé à visiter et à connaître ce territoire vert, vivant et plein de surprises.

L’étang d’Anzali

Bibliographie :
- Ringgenberg, Patrick, Guide culturel de l’Iran, éd. Rozâneh, Téhéran, 2006.
- Eslâh Arbani, Ebrâhim, Ketâb-e Guilân (Le livre du Guilân), éd. Gorouh-e Pajouheshgarân-e Iran, Téhéran, 2005.


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