N° 71, octobre 2011

L’idole désirait un Ibrahim


Erfân Nazar Ahâri
Traduit par

Nedâ Atash Vahidi


L’idole pleurait parce qu’elle n’avait jamais pu exaucer une prière, ni faire un miracle. Parce qu’elle ne se sentait pas heureuse de cadeaux qu’on lui offrait, et des sacrifices qu’on faisait pour elle.

Parce qu’elle était nostalgique de la montagne de laquelle on l’avait arrachée, parce qu’elle avait horreur de la pioche qui l’avait sculptée, parce qu’elle était lasse de ceux qui lui avait choisi un nom et qui l’adoraient. La grande idole pleurait. Parce qu’elle savait qu’elle n’était ni grande, ni splendide, ni sacrée.

Tout le monde se jetait à ses pieds, et elle, au pied de Dieu. Tout le monde lui demandait un miracle et elle, en demandait à Dieu. Tout le monde pleurait pour elle, et elle, pour Dieu.

Elle était une idole qui ne désirait pas de grandeur, ni de splendeur, ni de magnificence, ni de sainteté. Elle ne voulait pas de nom, ni d’identité.

Elle pleurait et réclamait de Dieu une pioche. Un Ibrahim. Elle désirait se briser, s’écrouler.

Mais Dieu ne réalisait pas sa prière.

Mille ans ont passé. Puis d’autres millénaires.

Et enfin un jour, Dieu lui envoya une pioche sans Ibrahim.

Ce jour-là, la grande idole pleura plus que jamais, plus fort que jamais.

Parce qu’elle sut qu’il n’y aurait pas d’Ibrahim. Parce qu’elle sut que désormais, elle était et l’idole et Ibrahim.

Oh Dieu, Dieu, Dieu, comment une idole pourrait s’infliger des coups de pioches ?

Comment une idole pourrait se détruire et se faire écrouler ?

Comment, comment, comment ?

Dieu, envoie un Ibrahim, Dieu, envoie un Ibrahim, Dieu, un Ibrahim…

Mais Dieu n’envoie pas d’Ibrahim.

***

Il envoie du courage, de la bravoure et de l’audace. A la manière d’Ibrahim.

Et combien grand fut le jour où l’idole se détruisit, se cassa et s’écroula. Les gens dirent qu’elle n’était pas une idole, qu’elle n’était qu’une pierre molle, de la poussière répandue dans l’air. Alors, son nom fut oublié et les hommes jetèrent à l’eau ses morceaux et en l’air sa poussière. Et plus jamais personne n’appela son nom, le nom de l’idole qui se cassa elle-même.

Mais on entend encore la voix de sa joie, la voix de la joie d’une poignée de terre qui se libéra de la louange des hommes.

La voix de celle qui atteint l’amour, la splendeur, et la liberté.

Cette nouvelle doit être lue à la lumière du récit coranique de la destruction des idoles par Abraham (Ibrâhim) :

En effet, Nous avons mis auparavant Abraham sur le droit chemin. Et Nous en avions bonne connaissance.
Quand il dit à son père et à son peuple : “Que sont ces statues auxquelles vous vous attachez ?”.

Ils dirent : “Nous avons trouvé nos ancêtres les adorant”.
Il dit : “Certainement, vous avez été, vous et vos ancêtres, dans un égarement évident”.
Ils dirent : “Viens-tu à nous avec la vérité ou plaisantes-tu ?”.
Il dit : “Mais votre Seigneur est plutôt le Seigneur des cieux et de la terre, et c’est Lui qui les a créés. Et je suis un de ceux qui en témoignent.
Et par Allah ! Je ruserai certes contre vos idoles une fois que vous serez partis”.
Il les mit en pièces, hormis [la statue] la plus grande. Peut-être qu’ils reviendraient vers elle.
Ils dirent : “Qui a fait cela à nos divinités ? Il est certes parmi les injustes”.
(Certains) dirent : “Nous avons entendu un jeune homme médire d’elles ; il s’appelle Abraham”.

Ils dirent : “Amenez-le sous les yeux des gens afin qu’ils puissent témoigner”
(Alors) ils dirent : “Est-ce toi qui as fait cela à nos divinités, Abraham ?”
Il dit : “C’est la plus grande d’entre elles que voici, qui l’a fait. Demandez-leur donc, si elles peuvent parler”.

Se ravisant alors, ils se dirent entre eux : “C’est vous qui êtes les vrais injustes”.

Dessinatrice : Sahar Bardaie

Puis ils firent volte-face et dirent : Tu sais bien que celles-ci ne parlent pas”.
Il dit : “Adorez-vous donc, en dehors d’Allah, ce qui ne saurait en rien vous être utile ni vous nuire non plus ?
Fi de vous et de ce que vous adorez en dehors d’Allah ! Ne raisonnez-vous pas ? ”
Ils dirent : “Brûlez-le, secourez vos divinités si vous voulez faire quelque chose (pour elles)”.
Nous dîmes : "O feu, sois pour Abraham une fraîcheur salutaire”.
Ils voulaient ruser contre lui, mais ce sont eux que Nous rendîmes les plus grands perdants.

Et Nous le sauvâmes, ainsi que Lot, vers une terre que Nous avions bénie pour tout l’univers.
Et Nous lui donnâmes Isaac et, de surcroît Jacob, desquels Nous fîmes des gens de bien.
Nous les fîmes des dirigeants qui guidaient par Notre ordre. Et Nous leur révélâmes de faire le bien, d’accomplir la prière et d’acquitter la zakât. Et ils étaient Nos adorateurs.
(Sourate Ibrâhim, versets 51-73).


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