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Chaque région de l’Iran, et même chacun de ses villages, se distinguent les uns des autres par l’existence d’us et coutumes particuliers eux-mêmes enracinés dans des traditions et une culture spécifiques. A l’ouest de l’Iran, au pied des monts Zâgros, au bout d’une route, apparaît la silhouette en pierre d’une dame endormie. Cette dame n’est que Shirin, personnage légendaire de la poésie persane, dont l’histoire tragique fut versifiée par le poète persan Nezâmi. Cette forme féminine gigantesque est en réalité le mont Bistoun, symbole de la grande province de Kermânshâh. Cette région fut, dans un passé assez lointain, spectatrice des douleurs de l’amant malheureux Farhâd. Au nom de son amour platonique pour Shirin, il creusa et creusa sans fin la pierre de la montagne jusqu’à ce qu’il entende la fausse nouvelle de la mort de sa bien-aimée. Désespéré, il cessa de travailler et se donna la mort en se jetant du sommet de la montagne. Ainsi selon des habitants de la ville, la dame endormie représenterait la statue de Shirin sculptée par les mains de l’amant Farhâd. Cette histoire fait partie des légendes les plus populaires de Kermânshâh, mais la ville doit cependant sa renommée à des faits historiques plus authentiques, ainsi qu’à sa géographie et à son emplacement stratégique.
Kermânshâh est une grande province qui occupe une superficie de 2 443 425 km2 et inclut 14 subdivisions. Elle est située à 521 km de Téhéran, à environ 80 km de la frontière irakienne. Elle partage 330 kilomètres de frontière avec l’Irak du côté de l’ouest. Les provinces avoisinantes sont le Kurdistan au nord, le Lorestan et Ilâm au sud, ainsi qu’Hamedân à l’est. Elle est également située à 34°23 de latitude nord, 47°04 de longitude et à 1200 d’altitude au dessus du niveau de la mer. La ville de Kermanshâh en elle-même est une ville montagneuse bénéficiant cependant de courants d’air issus des côtes méditerranéennes et de précipitations moyennes à l’origine d’environ 550 sources souterraines dont Niloufar (Nénuphar), Bisotoun, Khezr-e Zendeh, ou encore Tâgh-e Bostan. De même, onze fleuves coulent régulièrement à travers la province entière : Khorramroud, Gâmâssiâb, Râvand et Alvand en sont des exemples. L’ensemble de la province est bordé de montagnes de hauteurs différentes : à titre d’exemple, la chaîne de montagne Shâhou culmine à 3245 m au dessus du niveau de la mer, tandis que la chaîne Parou culmine à 3385 m.
La route principale de la province est en réalité celle qui joignait à l’époque, Hegmatâneh, la capitale des Mèdes et plus tard celle des Achéménides, à la Mésopotamie. C’était notamment la voie de passage des caravanes commerciales aussi bien que des armées partant en expédition. Elle faisait également partie de la Route de la soie. De par son ancienneté, elle est jalonnée de nombreux sites et monuments historiques.
D’après des recherches archéologiques, les premiers hommes à peupler la zone furent des néandertaliens qui résidaient dans la grotte de Shekârtchiân (des chasseurs) du mont Bisotoun, il y a environ 40 000 ans. De même, ce fut la zone dans laquelle se forma l’un des premiers villages de tout le Moyen-Orient il y a près de 11 000 ans, et où se développa l’élevage de moutons et de chèvres. C’est dans ce village appelé Gandj darreh (la vallée du trésor) que des archéologues ont découvert les plus anciennes poteries d’Iran. Cette province montagneuse porte donc les traces de civilisations très anciennes et regorge de nombreux sites archéologiques et historiques, parmi lesquels les quatorze tours du silence appartenant à l’époque mède, l’inscription de Darius, la forteresse du roi sassanide Yazdgerd, le temple d’Anâhitâ (déesse de la beauté), ou encore l’arche Bostân ou tâgh-e bostân en persan. De surcroît, la ville abonde en bazars anciens, mausolées, mosquées, hammâm traditionnels ainsi qu’en anciens caravansérails datant notamment de l’époque ilkhanide. Parmi les monuments les plus dignes d’attention, nous pouvons citer le sanctuaire de Hazrat-e Ibrâhim, la mosquée d’Emâdoddoleh, ou encore le hammâm de Hadj Shahbâzkhân.
On peut également y visiter plusieurs musées dont le Musée des Pierres, le Musée des Timbres et celui d’Ethnologie.
Plus on s’éloigne du centre urbain, plus la nature multicolore de la province révèle ses charmes. Grâce au climat et aux conditions atmosphériques favorables, de vastes plaines ainsi que de très beaux étangs naturels se sont formés. L’étang Hashilân, l’un des habitats d’oiseaux aquatiques et migrateurs le plus remarquables, ou encore celui de Varmandjeh qui compte parmi les réserves naturelles les plus belles du pays en sont des exemples. La région se caractérise également par la grande variété de sa faune, et notamment par ses nombreux mammifères comme la gazelle, le bouc sauvage, le léopard, le renard, le sanglier, ainsi que ses oiseaux dont le faisan, le francolin, la perdrix grise et le faucon. La province compte également de nombreuses grottes au sein des montagnes dont la plus connue est la grotte Ghouri Ghal’eh, qui est la plus longue grotte à eau de toute l’Asie.
Kermânshâh comporte donc de nombreuses attractions à la fois historiques et naturelles. La province se caractérise aussi par ses plats traditionnels tels que le ragoût aux amandes pilées ou encore le dandeh kabâb, sorte de viande grillée cuite de façon traditionnelle. Elle a également un riche artisanat notamment dans le domaine du tissage, avec des tapis et kélims ou encore le djâdjim, de tapis tissé de laine grossière ainsi que les guiveh, sorte de chaussons tissés en coton.
Bibliographie :
Zendehdel, Hassan, Coup d’œil sur l’Iran, traduit par Mehrdâd Monadjem, 1ère édition, Irângardân, Téhéran, 2000.
Bayât, Azizollah, Kolliât-e joghrâfiâ-ye tabi’i va târikh-e Irân (Géographie Naturelle et histoire de l’Iran), éditions Amir Kabir, Téhéran, 1381 (2002).
- Farhang-e joghrâfiâ’i ostân-hâye Irân (Culture Géographique des Provinces de l’Iran), édition l’Organisation de la Géographie du Ministère de Défense des Forces Armées, 2000.